Anonyme [1652], IOVRNAL CONTENANT CE QVI SE PASSE DE PLVS REMARQVABLE EN TOVT LE ROYAVME. Depuis le Vendredy 18 iusques au Vendredy 25. Octobre, 1652. , françaisRéférence RIM : M0_1740. Cote locale : B_18_20.
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IOVRNAL
CONTENANT
CE QVI SE PASSE
DE PLVS REMARQVABLE
EN TOVT LE ROYAVME.

Depuis le Vendredy 18 iusques au Vendredy
25. Octobre, 1652.

A PARIS,
Chez SIMON LE PORTEVR

M. DC. LII.

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IOVRNAL
Contenant ce qui se passe de plus remarquable
en tout le Royaume.

Depuis le Vendredy 18. iusques au Vendredy
25. Octobre, 1652.

C’EST en ce temps que nous commençons
à descouurir les desseins de la Cour
& des Princes, nous ayant esté cachez despuis
si long temps à nos despens. Ieudy 17. du
courant le Roy arriua à S. Germain, & fit sçauoir
aux Deputez que le lendemain il leur donneroit
Audience & à disner, & qu’ils eussent à se rendre
audit Chasteau de S. Germain. Il auoit esté
tenu auparauant grand Conseil sur le voyage de
Paris, dans lequel le Chancellier, le Garde des
Sceaux & le Tellier, opinerent que sa Majesté
ne deuoit point aller à Paris, tant à raison que la
Ville ayant receu l’Armée des Princes & combatu
contre celle du Roy s’en estoit renduë indigne,
comme aussi parce qu’ils n’y voyoient
pas de seureté pour ceux de son Conseil, & pour
ses plus fidelles seruiteurs qui se trouueroient
exposez à la fureur d’vne infinité de peuple,
Mais le Mareschal de Turenne, & de ville Roy

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ayant opiné qu’il estoit necessaire d’aller à Paris,
y estant appellez par tous les Ordres de la Ville,
qui estant, on la pourroit où conseruer ou s’en
venger, & que s’allant loger dedans le Louure, &
mettant des gardes par tous les enuirons, la
Cour seroit en seureté : cet aduis fut suiuy & fut
resolu d’aller au plustost à Paris, & les ordres
données de preparer le Louure Monsieur de
Chasteauneuf fut enuoyé en Cour par son A. R.
lequel fut de mesme aduis & print beaucoup de
peine pour pacifier toutes choses.

 

Le Prince Thomas precede dans le Conseil, le
Duc de Vendosme, les Milords, Germain & Montaigu,
& Ondedej, n’y entrent pas, mais la Reine
va & vient vers eux leur disant ce qui s’y fait &
leur demandant leurs aduis.

Les nouuelles de la Cour du mesme iour portent
que le Parlement sera oblige de iustifier le Cardinal
Mazarin & verifier vne Declaration contre
Monsieur le Prince & que son A. R. est en
perplexité pour l’vn & pour l’autre.

Le mesme iour Monsieur le Duc de Guise, alla
prendre congé de son A. R. pour aller en Cour
ce qui estonna son A. R. & luy ayant demandé si
le prince de Condé seroit content de son voyage,
& fait plusieurs autres questions, le Duc de
Guise ne respondit qu’en raillant & dit ie m’en

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vay en Cour. on attribuë la cause de son partement
au tour qui luy fust ioüé chez Madmoiselle
le iour precedent, la Comtesse le Bossu, s’estant
mise à genoux deuant luy en presence de Madmoiselle,
& l’ayant supplié de la reconnoistre, de
quoy Monsieur de Guise fut surpris & dit apres
en raillant que c’estoit vn acte de Comedie, que
Madmoiselle luy joüoit, & qu’il n’iroit la voir
de trois mois, à quoy Madmoiselle respondit ie
vous en quitte pour cela, & fit leuer la Comtesse
disant qu’il ne pouuoit parler à vne si belle personne
en cet estat & fut quelque temps auec elle
tousiours dans l’indiferance & accusant Madame
sa mere de lui auoir fait ce tour, & paroissant le
mesme enuers Madmoiselle de Ponts, nonobstãt
les bruits du Mareschal Daumont.

 

Le mesme iour Monsieur le Duc de Beaufort,
alla visiter le President de Nesmond, & lui dit
que la Cour auoit procuré du secours à Cazal,
par Madame Royale, & à Barcellone par du Plessis
Belliere, lequel a receu 1000. escus pour le
pain de munition, de ses Troupes qui se montent
à 4000 hommes lesquels auec les forces
qui sont dans ladite Ville esperent d’en faire leuer
le siege.

Le Vendredy matin les Deputez qui estoient
venus de Ruël, se rendirent dans la Maison de

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Ville, d’où ils partirent à sept heures auec les
Archers, & ioignirent ceux qui estoient à Ruël,
faisant huict escadrons. Il y eust quelque contestation
contre ceux qui estoient en carrosse,
au nombre de sept : les autres disans qu’ils n’estoient
pas leurs la quais, & que leur qualité les
obligeoit d’aller à cheual. Sa Majesté en ayant
eu aduis, le sieur Saintot Maistre de Ceremonies
enuoya au deuant deux vn Officier, pour
leur dire que sa Maiesté desiroit les voir en marche,
& furent receus par le sieur Saintot, accompagné
de quatre Trompetes, le Roy, la
Reine, Monsieur le Duc d’Anjou & la Cour,
s’estant mis sur le balcon du Chasteau pour les
voit arriuer. Estant arriuez, ils furent introduits
par ledit Saintot & presentez par le Mareschal
de l’Hospital & du Plessis, Secretaire d’Estat. Le
sieur de Seue, Doyen des Colonels, apres auoir
salüé sa Maiesté & mis le genoüil iusques à terre,
auec tous les Deputez, prononça debout sa harangue :
par laquelle il faisoit entendre que leur
office estant plustost destiné à l’action qu’à la
parole, que leur obeïssance & l’execution de ses
commandements estoit le seul langage qui deuoit
entretenir sa Maiesté de leur fidelité : qu’ils
portent la parole pour toute la Ville, que par le
deuoir de leur naissance, par la foy de leur serment,

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& par vne obligation particulier, ils
estoient obligez de respandre leur sang pour
son seruice. Son discours finy, le Roy fit responce
qu’il se resouuiendra toute sa vie du seruice
qu’ils lui auoient rendu en cette occasion. Qu’il
les asseuroit de son affection, & quoy que les affaires
qui lui ont esté suscitez de ceux qui se
sont reuoltez contre luy, luy eut obligé à d’autres
voyages, il a resolu d’aller à Paris. Cette
action finie, les Deputez baiserent auec respect
la main du Roy : Raguenet ayant esté aduerti
par le sieur Saintot de se retirer, pendant quoy
la Reine en tailla plusieurs, demandant à vn ou
estoit son escharpe rouge, il respondit qu’il
estoit François, & elle dit, & moy ie suis Espagnole
& partant i’aime cette couleur : à vn autre
elle demanda ou estoit l’escharpe ieaune, qui est
la couleur des Lorrains : & au President Charton
elle dit, Ha Monsieur que le feu de la Gréve
estoit beau, qu’il en esclaira plusieurs ! Voulant
dire qu’apres cette action il auoit changé de
party. Au Lieutenant de Champlastreux elle dit
qu’elle le connoissoit bien. Quelques temps
apres les Deputez furent seruis dans la sale des
Comediens de 280. couuerts, & n’y en eust que
pour la moitie. Le Mareschal de l’Hospital estãt
serui à costé auec les Escheuins, les Trompettes

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du Roy ioüoient, & apres disné prirent congé
de leurs Maiestez par Deputez, & visiterent le
Lieutenant Ciuil, griefuement malade dans S.
Germain.

 

Le mesme iour du Vendredy, furent affichez
sur la porte du Palais Royal des placards seditieux,
ou se lisoit qu’on eust à porter du blanc
& du bleu, & que la paille seruiroit à brusler
ceux qui la porteroient, & mesme vn quidam
contraignit vn honneste homme à crier viue le
Roy & Mazarin, ce que cettui cy refusa.

Le mesme iour on apprit que Monsieur le
Prince s’estoit saisi de Creil, & faisoit fortifier le
Chasteau.

Le Samedy 19. du mois, fut donné vn Arrest
du Conseil, par lequel sa Maiesté faisoit commandement
à son Parlement de Paris qu’il
auoit transferé à Pontoise, que voulant tenir
son lict de Iustice dans son Chasteau du Louure
à Paris, de s’y trouuer le vingt-deuxiesme du
courant, pour y entendre ses volonsez, le Procureur
General du Roy estant allé à sainct Germain,
eust ordre de signifier cét Arrest à la
Cour.

Le mesme iour les Anglois qui estoient dans
le Louure eurent ordre de desloger, lesquels ont
fait du degast dans ledit Palais du Louure pour

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plus de deux cents mille liures, & a esté logé le
Roy d’Angleterre & sa Cour dans le Palais
Royal. Mademoiselle aussi vit marquer par vn
Mareschal de logis son Pauillon, pour logis à
Monsieur le Duc d’Anjou, dequoy elle tesmoigna
beaucoup de ressentiment, & en escriuit
des plaintes à la Cour, qui ne furent point escoutees,
la Reine ayant tesmoigné du ressentiment
contre cette genereuse Princesse depuis le
dernier voyage qu’elle fit à Orleans.

 

Entre trois & quatre heures apres midy du
mesme iour, le Mareschal de l’Hospital arriua
auec le Preuost des Marchands, Escheuins restablis
& colonels & Deputez, au nombre de mille
Cheuaux, diuisez en six escadrons : ledit Mareschal
estant à la teste & Messieurs de Seues, President
Charton, Grammont & autres Colonels,
conduisant les autres escadrons, & allerent en
ordre descendre à la Maison de Ville, asseurant
les Bourgeois que le Roy viendroit à Paris Lundy
prochain.

Le mesme iour les Gonnessiers furent pillez
par les Soldats de l’Armee du Mareschal de Turenne,
trois cens cheuaux pris, & quelques femmes
& filles mal traittees : les villages de Brie,
dont ils ont decampé, receurent vn pareil traittement.

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La maison de Chantilly, qui est à Monsieur
le Prince, a esté pillee, les arbres deracinez, &
les oiseaux des volieres esgorgez, entre lesquels
a esté regretté vn Pelican auec vn autre oiseau
aussi rare, dont l’on infere que son accommodement
pretendu auec la Cour est vne fausseté inuentee
par le Cardinal de Retz.

Les nouuelles d’Allemagne, portent que les
leuees qui se faisoient pour le Cardinal Mazarin
ont cessé, & que celles qui se sont pour Monsieur
le Prince se continuent.

Le Dimanche vingtiesme du present mois,
fut publiee vne Lettre du Cachet du Roy, escrite
du dix neufiesme à sainct Germain, addressante
au Gouuerneur, Preuost des Marchands & Escheuins
de la Ville de Paris, par laquelle sa Maiesté
les aduertit de son retour dans ladite Ville
& donner les ordres qu’ils ayent à faire commandement
aux Bourgeois de ne faire plus la
garde aux portes de la Ville. Ainsi qu’il a esté
executé, ladite garde ayant esté leuee à huict
heures le mesme iour celle qui estoit à la porte
du iardin de Luxembourg, au de là des Carmes
Dechaussez, n’ayant esté leuee que sur le tard.

Mademoiselle quitta le mesme iour son appartement
& alla loger dans l’Hostel des Ambassadeurs
Extraordinaires, qui est à Monsieur
le Duc d’Amuille.

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Le mesme iour on eust certain aduis que Compiegne
estoit inuesti par les Troupes de Monsieur
le Prince, du costé de la riuiere, & que le
Prince de Ligne & Fuensaldaigne auoient ioint
ses Troupes, qui se montent à plus de vingt six
mille hommes : nonobstant quoy plusieurs disent
qu’il a eu ordre de la Cour de se retirer à
Stenay, iusques à ce qu’on ait satisfait à ce qui a
esté accordé, & d’autres soustiennent que le
Roy d’Espagne lui a cedé la Nauarre, & la fait
Generalissime de ses Armees qui sont en France.

Lundy matin toutes les Chambres estant
assemblées dans la grand Chambre son A. R. se
rendit au Palais, accompagné du Duc de Beaufort,
le Mareschal d’Estãpes & autres Seigneurs,
où Monsieur le President de Nesmond, representa
comme il auoit receu vne Lettre de Cachet
du Roy, & dit que chacun de la Compagnie deuoit
en auoir receu vne semblable & qu’ainsi la
lecture d’vne seule suffiroit, la sienne donc fut
leuë portant que ledit President eust à se rendre
au Louure Mardy prochain 22. du mois au matin
pour receuoir & entendre ses volontez sur les
affaires presentes. Le Duc d’Orleans dit qu’il
n’auoit aucune connoissance de cette affaire : &
quelques vns au nombre de douze, representerent

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qu’ils n’auoient point receu de semblables
lettres, & tesmoignerent beaucoup de ressentiment :
sur quoy la matiere fut mise en deliberation,
& les gens du Roy ayant esté mandez &
donné leurs conclusions. Deux auis furent ouuerts,
l’vn d’obeïr, soustenu par le President de
Nesmond, lequel dit que le Roy pouuoit assembler
le Parlement, où il lui plairoit dans la Ville
de Paris, alleguant que par le commandement
de Henry II. & III. Il auoit esté conuoqué aux
Tournelles & dans l’Hostel de sainct Paul, dit
aussi que la Chambre de Vacations auoit donné
Arrest de transporter le Poile & Ciel du lict de
Iustice de sa Majesté, & qu’ainsi il falloit obeïr :
à quoy s’opposoient ceux qui n’auoient point
receu des lettres comme les autres qui les auoiẽt
receuës. Six ou sept gros pacquets ayant esté apportez
& addressez à chacune des Chambres.
Sur quoy ayant esté deliberé la procedure a esté
trouuee extraordinaire en ce que les Messieurs
du Parlement qui estoient à Pontoise, ont receu
ordre par des Patentes de se trãsporter en corps
au Chasteau du Louure, & les autres par des simples
lettres addressees comme à des particuliers,
ont esté priez de se rendre au Louure sans manquer,
pour deliberer sur telle ou telle matiere,
ce qui ne se trouue point pratiqué dans aucun

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Registre. En suite de quoy fut ordonné de s’assembler
le lendemain à sept heures du matin en
robes rouges, & Messieurs le Meusnier & de
Refuge, deputez pour faire remonstrances aux
Chancelier & Garde des Seaux, de la consequence
du procedé, & comme il estoit preiudiciable
au seruice du Roy & à leur authorité.

 

Le mesme iour sa Maiesté partist de sainct
Germain pour venir à Paris, & sur le midy arriuerent
le Chancelier Seguier & le Garde des
Seaux, ayant dans son carrosse ses deux fils. Le
carrosse du dernier estant sur le Pont neuf, vn
Bourgeois l’ayant reconnu, commença à crier,
le voici, le voici, ce qui fit assembler quantité
de personnes qui s’approcherent du carrosse, &
vne femme dit le voilà, celuy qui nous auoit
promis en s’allant de nous amener le Roy dans
deux iours & qui est cause que nous auons tant
souffert : A quoy ledit Garde des Seaux ne respondit
rien & parut fort estonné. Les President
de Nouion & le Cogneux & Secretaire d’Estat,
arriuerent apres. Le Roy donc alla disner à Ruël,
où il fut traité auec Monsieur le Duc d’Anjou
par la Duchesse d’Eguillon estant parti de Ruël
sa Maiesté enuoya le Comte de Nogent pour
donner aduis à son Altesse Royale de l’arriuee

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de sa Maiesté, & le prier d’aller au deuant du
Roy, mais ayant passé sainct Cloud & voyant
que son Altesse Royale ne venoit point, sa Maiesté
enuoya Monsieur le Duc d’Amville pour
donner le mesme aduis que le Comte de No.
gent : mais son Altesse Royale paroissant estre
en quelque perplexité n’y alla point. Dés le matin
le Mareschal de l’Hospital, le Preuost des
Marchands, les Escheuins & autres mandez par
sa Maiesté, s’assemblerent à la Maison de Ville,
& de là partirent auec grand nombre de Bourgeois
tous à cheual, auec les trois compagnies
d’Archers & d’Arbelestiers, pour aller au deuant
du Roy, comme aussi les Academies Royales
& quantité de Seigneurs. Les Gardes Françoises
& Suisses, les Cheuaux legers de sa Maiesté
allant au deuant. Sa Maiesté entra sur les six
heures du soir par la porte sainct Honoré, où il
y auoit vne multitude infinie de peuple, estant
monté sur vn cheual gris, accompagné du Duc
d’Anjou son frere, du Roy d’Angleterre, du Duc
de Vendosme, du Duc de Guise, le Mareschal
de Turenne allant au deuant du Roy & de plusieurs
autres Ducs & Pairs & Mareschaux de
France, & fut prononcee vne harangue par le
Preuost des Marchands, portant que sa Maiesté
estoit consideré & attendu comme vn Soleil,

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dont la presence doit dissiper tous les nuages, &
qu’il est l’Iris Thaumantide, qui donne l’asseurance
d’vne bonne Paix, & conclud par la protestation
de ne se departir iamais du seruice &
de l’obeissance deuë à sa Maiesté, & de viure &
mourir auec la gloire d’estre ses fidelles seruiteurs.
Sa Maiesté fut receuë dans le Louure par le
Cardinal de Retz. Les cloches aduertis, sonoient
par toutes les Parroisses du retour du Roy & au
soir les canons de l’Arsenal & de la Gréve, auec
quantité de boëtes, firent retentir par toute la
Ville le bruit de cette arriuee : Les feux de ioye,
les cris de Viue le Roy, durerent iusques à onze
heures du soir : neantmoins tous les Habitans
n’estoient pas également contents, quelques
vns mesme disoient que la Cour n’estoit venu à
Paris que pour y trouuer vn lieu de refuge, &
que le Prince qui a vingt six ou trente mille
hommes pourroit bien reuenir : & d’autres adioustoient
que le dessein de la Cour estoit de
restablir les imposts, les augmenter & les retirer :
& quelques vns mesmes disoient qu’il falloit
se tenir sur ses gardes plus que iamais, puis
que le Roy faisoit enuironner le Louure de Soldats,
& que l’Armee de Turenne n’est bien
loin.

 

Sur le soir Monsieur Saiuin fut au Luxembourg,

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& apres auoir fait ses excuses à son A. R.
dit que le Roy lui auoit commandé de lui signifier
qu’il eust à se retirer en sa maison de Limours :
à quoy le Duc d’Orleans respondit qu’il
se retireroit quand il voudroit. Le Duc de Beaufort
qui se trouua alors dans le Luxembourg, dit
qu’il se cantonneroit dans son quartier. Mais le
lendemain son Altesse Royale, accompagné du
Duc de Rohan, partit à six heures du matin auec
ses gardes & sa maison pour Limours.

 

Le Mardy vingt troisiesme, toutes les Chambres
du Parlement se rendirent à sept heures
dans le Palais en robes rouges, excepté ceux qui
n’auoient pas receu de lettre de cachet, qui sont
Messieurs les Presidens Viole, de Thou & Perraut,
Broussel, Machaut, Fleury, Portail, Croisy,
Fouquet, Genouil & Martineau, & de là allerent
au Louure, ou auoient esté transporté le lict de
Iustice & les sieges, disposez dans vne grande
sale qui est aupres la chambre du Roy, vers les
grandes galeries du Louure. Sa Maiesté ayant dit
que son Garde des Seaux diroit à la Cour ses volontez,
& cettui cy ayant harangué le Parlement,
il furent faites quatre Declarations. I. La
reünion des deux Parlements. II. L’Amnistie
generale. III. Deffenses furent faites au Parlement
de se mesler des affaires d’Estat & du maniement

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des Finances. 4. furent leus les noms
de ceux qui auoient ordre de se retirer, qui sont
ceux qui n’auoient point receu de Lettres, & se
rencontra que Monsieur Bitaut, auoit receu vne
Lettre de Cacher, à raison qu’on s’estoit mespris
à l’inscription, tellement que se voyant parmy
les proscripts il se retira. Tous ces Messieurs ont
eu commandement de se retirer, & de plus son
A. R. les Ducs de Beaufort de Rohan, de la Rochefoucaut,
& Fontrailles. Madmoiselle aussi a
eu ordre de se retirer à Dombes, & loge despuis
Samedy chez la Comtesse de Fiasque.

 

Le mesme iour de Mardy, son A. R. enuoya
vn Courrier à Monsieur le Prince, auec vne lettre
portant qu’il auoit receu commandement du
Roy de se retirer, lequel Courrier doit aller vers
Soissons, ou Compiegne, où Monsieur le Prince
est à present, & croit on que ce Prince doit reuenir
auec son Armée vers Paris.

Le mesme iour la Reine d’Angleterre, & Madame
de Cheureuse furent au Luxembourg, cette
cy portant la parole de la part de la Reine à
Madame la Duchesse d’Orleans, qu’elle estoit
en liberté de demeurer au Luxembourg où s’en
aller, à quoy son A. respondit qu’elle ne pouuoit
quitter Monsieur & quelle se feroit porter dans
vn Brancard.

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Le Mecredy Monsieur le Duc d’Amville partit
accompagné de 30. Cheuaux pour Limours, &
disoit on qu’il alloit declarer à son A. R. de la
part du Roy qu’il eust à venir en Cour, pour
prendre sa place dans le Conseil d’autres tiennent
que son A. R. auoit ordre de se retirer dans
son Gouuernement de Languedoc, ce qui n’a
pas beaucoup d’apparence, on asseure que son
A. R. a fait responce quelle vouloit sçauoir la
cause pour laquelle on l’auoit chassé de sa Maison,
mais c’est pour luy faire signer l’acte par lequel
il reconce à tous les traitez qu’il a fait sans
permission du Roy.

Le mesme iour de Mecredy, le Mareschal de
Turenne, receut ordre de partir le lendemain
pour son Armée, laquelle se grossit tous les iours
par des recreuës & est vers Senlis, & à la vallée
de Montmorency.

Les Gonnessiers ne sont point arriuez ce iourd’huy
auec leur pain, les vns disent que c’est par
ce qu’ils furent mal traitez le dernier Marché par
les Bourgeois de la Porte S. Denys, & d’autres à
raison que les Soldats volent tout. On attendoit
vne Declaration du Roy ou Amnistie Generale
ce iourd’huy, mais elle n’a esté publiée que le
Ieudy soubs le tiltre d’Edict du Roy portant
Amnistie Generale de tout ce qui s’est fait à l’occasion

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des mouuements passez iusques à present
verifié en Parlement toutes les Chambres
assemblées au Chasteau du Louure, publiée. Le
Roy seant le 22. d’Octobre 1652. à condition
que les Princes mettent dans trois iours les
Armes bas, & renoncent à toute sorte de traitez.

 

L’Armée de Monsieur le Prince est és enuirons
de Soissons, & vers Compiegne. Celle du
Mareschal de Turenne vers Senlis, Le C. Mazarin
à Sedan, La Cour à Paris, où l’on tient quelle
doit passer l’hyuer : il y a Corps de Garde ez enuirons
du Louure, aux Portes de la Conference,
& S. Honoré, à la Bastille tenuë par du vaine &
dans l’Arsenal, le Roy demande trois millions
aux Parisiens.

Beaucoup de personnes de qualité, & d’autres
sortent hors de Paris, les vns s’en vont vers l’Armée
de Monsieur le Prince, & les autres se retirent
autre part.

De Bordeaux, le 16. Octobre 1652.

Il n’est reste que fort peu de Troupes en cette
Prouince, mais ce qui y est n’incommode que
trop ce pays. Saincte Bazeille, ayant esté inuestie
nonobstant sa foiblesse s’est bien deffenduë,
plusieurs Paysants s’estant jettez dedans, & les
Bourgeois ayant fait vne sortie ont nettoyé les

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Tranchées des Soldats & encloué le Canon.
Ceux de Bergerac, ont aussi bruslé vn Moulin
pres de [1 mot ill.], le sieur Marcin, estant allé en party
auec 500. Maistres a fait plusieurs Prisonniers,
on nous aduertit qu’il se fait vne nouuelle Armée
Naualle, pour venit contre nous.

 

De Londres, le 17

Nostre Admiral Blake, s’estant joint auec le
Cheualier Ascue, & l’Admiral de Hollande
Vviten, estant joint auec Rutter, il y a eu combat
entre les deux Flottes vers Plymonth, où il
y a eu 5. Nauires des Holandois coulez à fonds,
mais estant suruenuë vne tempeste les deux
Flottes furent separées.

Les Lettres de la Haye, portent qu’il y a beaucoup
de maladies dãs les Armees des Estats tant
en celle de la mer que celle de la terre, & que les
suffrages sont beaucoup partagez pour remettre
l’authorité au jeune Prince d’Orenge, & Comte
de Nassau, bien qu’vn chacun reconnoisse la
necessité d’vn general.

Ie donne aduis au Lecteur que c’est le 9. Iournal,
& que ceux qui n’ont pas les precedents
peuuent demander s’ils les desirent auoir, le recueil
au Colporteur.

FIN.

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