Anonyme [1652], IOVRNAL CONTENANT CE QVI SE PASSE DE PLVS REMARQVABLE EN TOVT LE ROYAVME. Depuis le Vendredy 11. iusques au Vendredy 18. Octobre, 1652. , françaisRéférence RIM : M0_1740. Cote locale : B_18_19.
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IOVRNAL
Contenant ce qui se passe de plus remarquable
en tout le Royaume.

Depuis le Vendredy 11. iusques au Vendredy
18. Octobre, 1652.

Avant que commencer ce Iournal ie don
ne aduis au Lecteur qu’on ne peut asseurer
si nous aurons la Paix ou la Guerre, & que
dans peu de iours nous sçaurons quels sont les
desseins de la Cour & des Princes qui nous ont
esté cachez iusqu’a present.

Le Ieudy 10. du courant fut proposée au Cõseil
tenu au Palais d’Orleans, vne trefue de dix
iours laquelle fut rejettée par l’aduis de Monsieur
le Prince de Condé, lequel dit à son A. R.
que c’estoit vne ruse de la Cour pour remettre
l’Armée du Mareschal de Turenne, par des recreuës
& qu’il ne failloit point donner de treues
que pour trois mois, & par ainsi les actes d’hostilité
ont esté de part & d’autre plus enormes

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qu’auparauant.

 

Le mesme iour fut publiee vne Declaration
du Roy, portant attribution des affaires de la
Chambre de l’Edict à la Cour de Paris transferée
à Pontoise, verifiée la sepmaine derniere
audit Pontoise.

Le mesme iour Messieurs de Parlement estãt
assemblez en la grand Cambre aucun des princes
ne s’y estant trouué, Monsieur de Nesmond
representa que les gens de guerre qui estoient
ez enuirons de Paris, exerçoient toute sorte de
Cruauté & de Barbarie, & qu’il estoit necessaire
de pouruoir au remede : surquoy fut deliberé
que son A. R. seroit prié de la part de la Compaignie
de venir le lendemain au parlement,
afin de luy representer les desordes que causent
les gens de Guerre, & par son aduis donner Arrest
pour leur esloignement, fut aussi proposé
que les Colonels auoient tenu leur assemblée
chez l’vn d’iceux & auoient deliberé qu’il seroit
nommé & choisi vne personne de chaque compaignie
pour aller vers le Roy, & que plusieurs
de la compagnie auoit esté choisis : sur quoy fut
dit que ladite Assemblée n’auoit pas esté faicte
dans l’ordre, puisquelle auoit esté faicte dans
vne maison particuliere & que ceux de la compagnie
qui auoient esté nommez pourroient
estre retenus à Pontoise, pour les obliger à y exercer

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leur charge, à quoy Monsieur Seuin, repartit
que la plus part des Colonels ne reconnoissoient
pas Monsieur de Beaufort, & Monsieur
de Broussel pour Gouuerneur & Preuost
des Marchands, & qu’il estoit à propos de les
prier de se demettre de leur charge, à quoy le
President Viole, dit qu’il falloit en aduertir le
Duc d’Orleans, duquel ils auoient receu leurs
charges.

 

Sur les deux heures apres midy du mesme iour
Monsieur Doujat, fut au Palais d’Orleans, pour
supplier de la part de la Cour son Altesse R.
de se trouuer le lendemain au Parlement, & luy
representa que les gens de Guerre empeschoiẽt
que les viures ne viennent à Paris, auquel son
A. R. respondit que l’on trauailloit à faire retirer
les gens de Guerre à dix lieuës loin de Paris, & le
Duc de Lorraine repliqua audit Conseiller que
c’estoit le Parlement qui estoit cause de tous les
maux de l’Estat, pour n’auoir voulu faire contribuer
quelques taxes pour le payement des
Soldats.

Le mesme iour quinze compagnies du Regiment
des Gardes qui estoient à Poissy, eurent
Ordre de se tenir prestes pour Mantes, Le Roy
voulant passer audit Mantes pour aller à S. Germain,
à raison que les Ponts de Mulan & Poissy,
sont rompus.

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Le Vendredy 11 Octobre, Messieurs du Parlement
estant assemblez & aduertis que son A.
R. ne pouuoit venir au Parlement estant indisposée,
remirent l’assemblée au lendemain.

Les nouuelles de Roüen, du mesme iour asseurent
que le Marquis de Beuueron, a fait cesser
les Fortifications qu’il auoit fait commencer
au vieux Palais, ayant eu aduis que le Parlement
deuoit donner Arrest portant deffences de faire
lesdites Fortifications & que le peuple commençoit
à murmurer. On mande aussi que le
Duc de Longueville, y estoit de retour venant
de visiter les fortifications qu’il auoit fait faire
au Pont de l’Arche, & qu’il a leué 2000. hommes
que l’on croit qu’il doit enuoyer au Roy,
à cause qu’il n’est pas d’accord auec Madame la
Duchesse, sœur du Prince.

Le mesme iour son Altesse Royale, le Prince
de Condé, les Ducs de Lorraine, de Beaufort &
Vvitemberg, tindrent conseil, & furent ensemble
iusques à onze heures de nuict, & renouuellerent
leur traitté d’Vnion pour faire la
Paix Generale, & deslors on sceut que Monsieur
le Prince auoit resolu de partir & se rendre
à son Armee ; mais on faisoit diuers iugements
sur son partement : les vns disant qu’il
deuoit se saisir des meilleures places de Picardie
pour hyuerner & remettre vne puissante

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Armee sur pied au renouueau : d’autres qu’il
alloit à Bruxelles : & d’autres qu’il a fait sa Paix
auec la Cour, & qu’on entretient les Troupes
aupres de Paris, afin d’obliger les Parisiens à receuoir
la maltoute.

 

Le mesme iour on a mandé de Pontoise,
que le Roy deuoit partir au premier iour pour
Mantes, & de là aller à sainct Germain, & qu’il
seroit bien tost à Paris, & qu’il auoit eu quelque
different auec la Reine, à raison qu’il estoit
resolu d’aller à Paris, & auoit mangé quelques
pauies. De là mesme fut mandé que le sieur de
Ioyeuse, qu’on auoit creu malade, estoit allé
vers le Cardinal Mazarin, & qu’on a beaucoup
d’esperance de la negotiation du Marquis de
Sevres, lequel est icy à sa place, & qu’on accorde
tout aux Princes, pourueu qu’ils ne
s’opposent au restablissement du Cardinal Mazarin.

Le mesme iour Monsieur le Prince ayant
rencontré le Roy d’Angleterre chez Madame
de Chastillon, lui dit des paroles extremément
outrageuses, estant fasché de ce qu’il auoit voulu
porter son Altesse Royale à signer la trefue,
& tasché de le diuiser du party.

Le mesme iour le Duc de Lorraine voulant
sortir hors de Paris, fut arresté à la Porte sainct
Martin par ceux de la Garde, ausquels il dit

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s’ils ne le connoissoient point : & respondirent
qu’oüy ; mais qu’ils ne pouuoient le laisser sortir
sans passe-port : de sorte que son Altesse fut
contraint de s’en retourner au Luxembourg.

 

Le Samedy 12. du courant, y eust Assemblee
au Parlement, où son Altesse Royale se rendit,
accompagnee du Mareschal d’Estampes & autres
Seigneurs. Monsieur le President de Nesmond
fit vn long discours sur les affaires presentes,
remonstra la necessité de la Paix par le
rauages de la campagne, causees par les gens
de guerre, faute de discipline militaire, & que
les Generaux & la plus grande partie des Commandants
estoient dans Paris. Sur quoy son
Altesse Royale respõdit que les ordres estoient
donnez aux Generaux & Officiers de sortir
hors de Paris pour ioindre l’Armee qui se retiroit,
& qu’il trauailloit plus que iamais à procurer
la paix, sans mesler ses interests. Apres
Monsieur de Nesmond pria son Altesse Royale
de gratifier la Cour par le recit du succez du
voyage du sieur de Ioyeuse. A quoy son Altesse
respondit que ledit sieur de Ioyeuse ayant
quelque demeslé auec les Ministres de la Cour,
il s’en seroit retourné sans auoir mesme donné
le pacquet dont il estoit chargé : ce qui causa
quelque murmure parmy la Compagnie, qui
fut incontinant appaisé. Apres que son Altesse

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Royale eust dit qu’il escriroit à Monsieur le Duc
d’Anuille, & que dans le pacquet il mettroit
vne lettre pour le Roy, auec la Declaration
qu’il a faite tant de fois à la Compagnie, de
mettre les Armes bas, apres auoir eu vne Amnistie
generale en bonne forme, & verifiee
en la Compagnie.

 

Le mesme iour le Comte de Vvarsou &
quelques Caualiers du Duc de Vvitemberg,
sortant hors de Paris pour aller à l’Armee, selon
les ordres qui auoient esté donnez, vn des
Caualiers ayant pris vne botte de foin d’vne
charette qui passoient par le Fauxbourg sainct
Denys, la femme qui suiuoit la charette, commença
de crier au voleur, & arracha la botte de
foin au Caualier ; mais quelqu’autte ayant
frappé cette femme le bruit commença à s’augmenter,
& les Bourgeois ayant pris les armes
tirerent sur les Caualiers, en blesserent quelques
vns, & mesme vn Capitaine de Vvitemberg,
& d’autres furent demontez : dequoy
plaintes furent portees à son Altesse Royale,
& Monsieur le Prince, qui furent beaucoup
faschez de cét accident, preuoyant l’inconuenient
lequel est arriué : à sçauoir, que les Troupes
se vengeroient sur leur route contre les Païsans,
ce qu’ils ont fait dans Aubert-Villiers,

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ayant tué, pillé, violé & bruslé vne partie du
Village.

 

Les nouuelles de Pontoise du mesme iour
portent que le President Molé & Garde des
Seaux a obtenu la charge de Thresorier de
l’Ordre du sainct Esprit, vacante depuis le deceds
du sieur de Chauigny, lequel a laissé onze
enfans & sa femme grosse, & à chacun plus de
soixante mille liures de rente.

Les lettres de Cologne du 6. du mois portent
que sa Majesté Imperiale a fait signifier à l’Archeuesque
de cette ville, Electeur de l’Empire,
& Euesque du Liege, deffences de leuer des
Troupes pour le Roy de France, & qu’en suite
ceux qui faisoient lesdites leuees les ont cessees,
quelques vns ayant rendu l’argent
qu’ils auoient receu du Cardinal Mazarin, & les
autres l’ont retenu.

Les lettres de Boüillon du dixiesme, portent
que le Cardinal Mazarin a eu vn mal de gorge
auec fiévre & qu’il se porte mieux, & doit partir
le lendemain pour Sedan, & que de là il doit
aller vers le Roy.

Le mesme iour du Samedy, le bagage des
Princes partit.

Le lendemain Dimanche au matin, 13. du
courant Monsieur le Prince de Cõdé, les Ducs

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de Lorraine, & Vvitemberg, Prince de Tarante,
le Baron de Chrinchamp, prirent congé de
son A. R. & apres leurs adieux accompagnez
d’Ambrassades & de protestations mutuelles
d’vn entiere & parfaite intelligence, partirent
de Paris, entre onze heures ou midy, laissant vn
regret à la plus part des Parisiens de leur esloignement.
Monsieur le Prince asseura sur son
departement tous les Bourgeois qui se trouuerent
dans la Cour de son Hostel, qu’il n’abandonneroit
iamais les Parisiens, & que si leurs
Ennemis les attaquoient il seroit dans vingt-quatre
heures à leur secours, bien que quelques
vns des Mazarins ayant voulu dire que ce Prince
auoit vsé de quelques manaces contre la ville
& qu’il estoit party mescontent des Parisiens.

 

Le mesme iour on aprint que Monsieur le
Prince de Tharente, auoit esté fait Lieutenant
General de l’Armée des Princes, ayant esté mis
à la place du Comte de Thauanes, lequel a esté
soupçonné despuis le decampement du Mareschal
de Thurenne, d’auoir eu intelligence auec
luy, & qu’il a receu du despuis de la Cour vn
breuet pour estre fait Mareschal de France.

Apres le departement de Monsieur le Prince
& des autres Generaux, l’on ne doutoit plus

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de l’arriuée du Roy dans Paris, les Colonels
receurent le mesme iour des passeports de son
A. R. pour aller en Cour : & quelques vns
mesmes disoient que son A. R. deuoit se retirer
à Blois, auec toute sa maison nonobstant la
grosesse de Madame la Duchesse d’Orleans,
mais les mieux sensez iugeoient que son A. R.
& Monsieur le Prince, Duc de Lorraine, sont
en meilleure intelligence que iamais, & que le
Duc de Beaufort & Duc de Guise, estant demeurez,
la Cour n’estoient pas encore preste
pour venir.

 

Lundy 14. du mois, Messieurs de Parlement
suiuant leur Arrest du Samedy estant assemblez
son A. R. accompagnée de Monsieur le
Duc de Beaufort, du Mareschal d’Estampes &
autres Seigneurs, se rendit au Palais sur les
huict heures du matin, & dit à la Compagnie
que suiuant qu’il leur auoit promis Samedy
dernier il auoit enuoyé vn Courrier au Roy
auec 2. lettres, l’vne addressante à sa Majesté,
& l’autre au Duc d’Amville ; que par la premiere
il supplioit sa Maiesté d’agreer que son pacquet
luy fut presenté par Monsieur le Duc
d’Amville, puis que son premier pacquet ne
luy auoit pas esté rendu, & par l’autre le Duc
estoit prié de presenter le pacquet qu’il enuoyoit

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au Roy & d’en presser la responce, laquelle
il n’auoit encore receuë, en suitte il asseura
la compagnie que Monsieur le Prince, les
Ducs de Loraine, & de Vvitemberg, estoit partis
du iour d’hier pour ioindre leur troupes &
continuoient leur chemin sans faire aucun desordre
& que Monsieur le Prince l’auoit asseuré
en son partement qu’il alloit trauailler plus
que iamais pour la paix, & qu’vn chacun seroit
satisfait. Son A. R. dit aussi qu’elle auoit donné
des passe ports aux Colonels, lui ayant fait entendre
qu’ils deuoient partir ce iour pour la
Cour, & apres auoir quelque temps esté parlé
de ce voyage, & que les Colonels pourroient
estre de retour dans deux iours. La Compagnie
remit l’Assemblee à Mercredy prochain Monsieur
de Beaufort remercia la Compagnie de la
bonne Iustice qu’on lui auoit renduë, & declara
comme il estoit prest de se demettre de la
charge de Gouuerneur de Paris, qu’il n’auoit
receuë que pour le seruice de la Compagnie &
du bien public. A quoy M. le President de Nemond
fit responce que s’il l’auoit agreable, il ne
se demettroit point de cette charge iusqu’à ce
que les affaires se trouueront en meilleur estat

 

Le mesme iour y eust assemblee dans [illisible]
de Ville, où fut leuë vne Lettre de cacher du

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Roy, portant commandement de restablir le
Preuost des Marchands & Escheuins, qui auoiẽt
esté auparauant les derniers desordres arriuez
en ladite Maison de Ville : A quoy toute l’Assemblee
tesmoigna vouloir obeïr, sur l’esperance
qu’apres ledit restablissement du Gouuerneur,
Preuost des Marchands & Escheuins, le
Roy s’achemineroit à sa bonne Ville de Paris.

 

Le mesme iour Mademoiselle fit festin à plusieurs
Dames de qualité & alla en suite à la promenade.

Les lettres de Tholose portent que les troupes
qui estoient en Guyenne, sous le commandement
de Du Plessis Belliere, sont passees pres
de ladite Ville de Tholose, & s’en vont à grandes
iournees vers la Catalogne, pour y apporter
du secours.

Les lettres de Mantes du 14. portẽt que le Roy
estãt icy depuis le 12. tesmoignoit vouloir aller
à S. Germain & de là à paris, & que la cour auoit
enuoyé les ordres aux Colonels d’aller attendre
sa Majesté audit S. Germain.

Le mesme iour on eust aduis que l’Armee des
Princes auoient decampé de Dammartin &
enuirons, & estoit pres de Senlis, où les habitãs
craignent d’estre assiegez, & que l’auant-garde
auançoit vers Compiegne, où les trouppes des

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Princes doiuent prendre leur quartier d’hyuer
& se saisir dudit Compiegne.

 

Les lettres de Dijon portent que Cazal est
fort pressé, & que la pluspart des Potentats d’Italie
ont fait ligue, laquelle a esté signee par le
Pape, pour mettre sus des forces contre les
François.

Les nouuelles de Flandres asseurent que le
Roy d’Espagne a vendu au Duc de Lorraine, la
Comté d’Egmont, & que l’argent doit estre
deliuré à Monsieur le Prince de Condé.

Le Mardy quinziesme du courant, les Colonels,
Capitaines & Dixainiers, Deputez au nõbre
de plus de trois cents, ayant eu passe-port
de son Altesse Royale, partirent à deux heures
apres midy, s’estant trouué plus de dix mille
personnes à la Porte de la Conference & Cours
la Reine pour les voir partir. Ils auoient eu ordre
de la Cour de ne partir qu’à cette heure &
de s’attendre au Cours la Reine pour partir tous
ensemble : & leur auoit esté promis escorte,
laquelle ne parût point, & d’aller à Ruël, pour
attendre nouuel ordre de ce qu’ils auroient à
faire : ce qui fut executé, s’estant rendus à Ruël,
où ils coucherẽt la pluspart sur la paille, n’ayant
trouué que fort peu de viures & tellement
chers, que pour manger sa refection, il falloit

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despenser huict francs pour chaque personne.

 

Le mesme iour le Mareschal de Turenne,
qui a fait passer l’Oise à ses Troupes, escriuit
vne lettre à la Cour, par laquelle il supplioit sa
Maiesté, qu’en consideration des seruices que
feu le Duc de Boüillon son frere & luy, ont
rendu à l’Estat, & pour recompenser leur
Maison des pertes qu’elle a fait depuis plusieurs
annees, de restituer à ses nepueux la souueraineté
de Sedan. Ce qui a fait iuger à quelques
vns que ledit Mareschal de Turenne vouloit
faire son accord auec Monsieur le Prince.

Le sieur de Champlastreux a eu le gouuernement
du bois de Vincennes.

Le mesme iour à deux heures de releuee,
vn Courrier apporta de la Cour à son Altesse
Royale vne lettre de Cachet du Roy, que
l’on creut estre vne Amnistie generalle telle
que son Altesse Royale auoit demandee pour
conclurre la Paix, & vn chacun esperoit que le
Parlement la deust verifier le lendemain &
que le Roy viendroit en suite dans Paris. Mais
toutes ses esperances nous furent rauies, ayant
apris que par cette lettre de cachet, la Cour declaroit
plustost la guerre que la paix.

Le Mercredy 16. du mois, Messieurs du Parlement

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estant assemblez, comme il auoit esté
arresté le Lundy. Son A. R. accõpagné du Duc
de Beaufort & plusieurs autres Seigneurs, vint
sur les dix heures au Palais, ou il n’arresta pas
plus demy heure : car ayant pris sa place, il presenta
à la Compagnie la Lettre de cachet du
Roy, que le sieur Duc d’Amville lui auoit mis
entre les mains le iour auparauant, laquelle fut
leuë, & estoit porté dans ladite Lettre, que sa
Majesté entendoit que l’Amnistie qu’il auoit
cy-deuant donnee dans sa ville de Pontoise,
estoit suffisante, & qu’il ne pouuoit donner des
passe ports pour leur Compagnie, estant interdite,
qu’il falloit executer ses Declaratiõs, faire
retirer toutes les troupes auparauant qu’il reuienne
à Paris. La lecture de cette lettre estonna
toute la Compagnie, & fut resolu de s’assembler
Samedy prochain, pour resoudre ce
qui seroit à faire dãs la conjoncture des affaires.

 

Le mesme iour les Deputez qui estoient à
Ruël, receurent vne lettre du sieur de Guenegaud,
par laquelle cettui cy leur mandoit que
S. M. lui auoit commandé de leur faire sçauoir
que les affaires ne lui permettent pas d’aller encore
à S. Germain, & que les Colonels attẽdent
à Ruël ses ordres, les autres pouuant s’en retourner
à Paris. Apres la lecture de cette lettre,
plusieurs dirent que la Cour se mocquoient

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d’eux, & partirent à la mesme heure pour paris,
où ils furent de retour sur les trois heures apres
midy, ce qui rendit estonnez ceux qui les virent
reuenir.

 

La Cour est encores à Mantes, & on croid
qu’elle ira plustost a Roüen qu’à Paris. Messieurs
le Prince, Duc de Lorraine & de Vvitemberg
ont passé la Ferté Milon.

De Bergerac, le 8. Octobre, 1652.

Nous venons d’aprendre la défaite de quelques
troupes des sieurs de l’Isle bonne & Sauuebœuf,
par le Comte de Lauzun & Montpoulian,
deuant le Chasteau de Lauzun. En
cette occasion le Marquis de Boisse s’est signalé.
Il est demeuré sur la place le Capitaine des
Gardes du Comte de Harcourt, nommé du
May : le Commandeur de la Brigade d’Anjou,
nommé Chambery : le Cheualier de l’Arque,
de Champagne : vn autre Capitainé, nommé
la Nouuelle, & plus de cent prisonniers. Il est
venu ordre de la Cour à du Plessis Belliere d’aller
ioindre le Duc de Candale à Narbonne,
pour aller en Catalogne.

De Bordeaux, le 9. Octobre. 1652.

Depuis la défaite de l’Armee Nauale du Duc
de Vendosme, dont nous sommes obligez aux
Anglois. Quantité de bleds nous viennent de
Bretaigne. Deux Fregates de la Rochelle ont

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pris deux de nos Nauires qui venoient du
voyage des Terres. Neufues. Le Comte du
Daugnon a degarny ses Nauires : ce qui nous a
obligez d’enuoyer des Deputez au sieur de
Bateville, pour l’induire à mettre ses Vaisseaux
sur mer, afin de nous rendre le commerce libre.
Le sieur de Theobon est arriué icy, où il a
esté le tres-bien receu, & logé par Messieurs de
l’Ormee. Monsieur le Prince de Conty est encore
malade : mais Madame la Princesse se fortifie
tous les iours de plus en plus. Il est arriué
en ce port trois Nauires Anglois pour se charger
de vins, leur flotte ayant pris en chemin
seize vaisseaux, tant Hollandois que François,
chargez de sel, de vin & d’eau de vie.

 

Le Londres, le 10. Octobre.

Nostre flotte qui est de 108 voiles, a cõtraint
les Hollandois de se retirer sur les costes de
France Que nostre General Blake & Cheualier
Ascüe, ont pris depuis peu dans le canal vers le
Texel des Vaisseaux sur les Hollãdois, estimez
valoir 40. tõnes d’or, c’est à dire 400000. liures
sterlins, dont la pluspart appartenoit à ceux
d’Amsterdam. Ils ont aussi pris deux autres nauires
venant d’Equinee, chargee de poudre
d’or & dents d’Elephant, chargez de 80000.
liures sterlins.

Il y a lettres de Douures, qui portent qu’il y

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a eu combat entre les deux flottes, lequel a duré
trois iours, on ne sçait pas encore à qui sera
demeuré la victoire.

 

Les lettres d’Amsterdã du 30. disent que deux
des vaisseaux qui trafiquent en Espagne estoiẽt
arriuez sains & sauues, chargez de 4. milliõs en
argent, ayant esté entre les mains du General
Blake, & pour échaper a donné a entẽdre qu’ils
estoient au Roy d’Espagne. Qu’apres l’arriuee
de la flotte 700. Matelots demanderent leur
paye aux Seigneurs, & qu’ayant esté mal traitez
se saisirent d’vn canon dessus la muraille, le braquerent
contre la maison de la Compagnie des
Indes Orientales, & allerent au nõbre de plus
de 3000. ayant fait des chefs & commandans,
en armes par la ville, l’espee nüe, iurant qu’ils
couperoient la gorge aux Seigneurs, s’ils ne leur
dõnoient de l’argent, mais la nuict estãt suruenüe,
les Seigneurs firent prendre les armes à la
soldatesque, laquelle surprit le lendemain ces
Matelots en fit grande tuerie, & deux des principaux
furent pendus ; mais pendant l’executiõ
estant suruenue quelque emotion, on fit commandement
aux soldats de tirer sur le peuple,
8. furent tuez, plusieurs blessez & quantité d’estouffez
ou écrazez par la presse.

FIN.

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