Bourbon-Condé, Louis II de (prince de Condé) [signé] [1651], SECONDE LETTRE ESCRITE A MESSIEVRS DV PARLEMENT PAR MONSEIGNEVR LE PRINCE DE CONDÉ, SERVANT DE RESPONSE à l’Escrit enuoyé par la Reine Regente à Messieurs du Parlement par Messieurs les Gens du Roy. , françaisRéférence RIM : M0_3617. Cote locale : B_7_16.
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SECONDE LETTRE
ESCRITE
A MESSIEVRS
DV PARLEMENT
PAR MONSEIGNEVR
LE PRINCE
DE CONDÉ, SERVANT DE RESPONSE
à l’Escrit enuoyé par la Reine
Regente à Messieurs du Parlement
par Messieurs les Gens du
Roy.

A PARIS,
DE l’IMPRIMERIE de la Veufue I. GVILLEMOT,
ruë des Marmouzets, proche l’Eglise de
la Magdeleine.

M. DC. LI.

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SECONDE LETTRE
escrite à Messieurs du Parlement par
Monseigneur le Prince de Condè, Seruant
de Response à l’Escrit enuoyé par la
Reyne Regente à Messieurs du Parlement
par Messieurs les Gens du Roy.

MESSIEVRS,

Ayant appris par Monsieur le Prince de Conty
mon frere la teneur de l’Escrit qui vous a esté
porté par Messieurs les Gens du Roy de la part de
leurs Majestez ; I’ay creu deuoir donner à vostre
Compagnie l’esclaircissement entier de ce qui me
regarde sur ce sujet. Ie n’ay iamais douté de la
sincerité des paroles de la Reyne, & ay tousiours
eu trop de confiance dans l’innocence de ma conduite

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pour croire que sa Majesté voulust rien entreprendre
contre ma personne : Mais l’experience
de ce qui s’est passé par les artifices du Cardinal
Mazarin & ses adherans, la continuation de leur
procedé de puis ma liberté, semblable à celuy que
i’auois receu auparauant ma prison, leur credit auprés
de sa Majesté, les aduis certains que i’en ay eu,
qu’ils ne perderoient aucune occasion de rendre
ma conduite suspecte à la Cour, & de la descrier
dans le public, m’en donnent de si iustes & legitimes
défiances, que personne ne doit trouuer
estrange que si de semblables paroles appuyées
d’vne Declaration authentique, & de la confiance
que i’auois des seruices que i’ay rendus
à l’Estat, & dont Monsieur le Premier President,
qui en estoit dépositaire, peut certifier
la Compagnie, ne m’ont pû garantir d’vne
prison de treize mois. Ie recherche à present d’autre
precautions par l’esloignement des mesmes
personnes qui n’ont merité les aduantages qu’ils
possedent à present, que par ce qu’ils ont esté, &
cõtinuent encores d’estre mes ennemis, & principalement
dans ce temps, que toute la France sçait
que ces Ministres n’ont point d’autre pensée que
celles du retour du Cardinal Mazarin, qu’ils sçauent
bien ne pouuoir iamais mieux asseurer,
qu’en s’asseurant de ma personne. Et pour peu,
que la Compagnie fasse reflexion sur les diuers

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voyages fait à Cologne, par plusieurs personnes
de toute sorte de condition, & nommement sur
le dernier de Monsieur de Mercœur, auec vn passe-port,
mesme des ennemis, sur les propositions
qui ont esté faites pour son retour ; elle iugera
facilement, que comme il y a tout à esperer
des paroles Royales de leurs Majestez, il y a
tout à craindre des Partisãs du Cardinal Mazarin,
que l’on sçait trauailler par toutes sortes de
moyens pour les rendre vains & sans effect, &
pour affermir par son retour leur establissement
& leur grandeur à la diminution de l’authorité de
son Altesse Royalle, au preiudice des aduantages
que mon frere & moy deuons auoir dans le Conseil
du Roy, & aux despens de la fortune publique.
Ie veux bien croire que le voyage de Monsieur
de Mercœur, la negotiation de Sedan, & l’affaire
de Brisac, se sont passez sans la participation
de la Reyne ; mais n’ayant esté fait aucunes plaintes
au Parlement de la sortie d’vn Duc & Pair
hors du Royaume, & le reste s’estãt passé sans que
la Cour en aye tesmoigné la moindre émotion,
on ne peut imputer cette mauuaise conduite que
aux ordres secrets du Cardinal Mazarin, & aux
conseils de ses creatures. Ie vous declare, Messieurs,
que ie ne pretends point imposer aucune necessité
à la Reyne pour le choix de ses domestiques. Ie
sçay trop le respect que ie dois à leurs Majestez, &

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suis trop attaché aux deuoirs de ma naissance,
pour entreprendre la moindre chose sur leur authorité ;
mais outre que la promotion du sieur le
Tellier à la charge de Secretaire d’Estat fut plustost
vn effect de la faueur du Cardinal Mazarin
& des habitudes qu’il auoit tousiours euës auec
luy en Piedmont, que de l’eslection du feu Roy,
qui estoit desia malade à l’extremité, & qu’il
n’eut autre connoissance de sa suffisance & de
son merite que par ce Ministre interessé à mettre
vn homme à sa deuotion dans vne place
si considerable, outre que le Sieur de Lionne
n’est paruenu à l’honneur qu’il a, d’estre Secretaire
des commandemens de la Reyne, que
par ce qu’il auoit exercé vne semblable charge
soubs le Cardinal Mazarin, & que le Sieur Seruient
n’a rien adjousté à la conduitte, qui le fist iuger
par le feu Roy indigne de la place dont il l’auoit
honoré, que l’empeschement qu’il a apporté
à la conclusion de la Paix, est vne prostitution
honteuse au mesme Cardinal qui luy auoit procuré
cét employ ; Il est d’ailleurs certain qu’estant
tous personnes desuoüées a ce Ministre, ennemy
declaré de ma maison : le Parlement iugera
si ie puis prendre aucune confiance tandis qu’il
auront l’hõneur d’occuper la place qu’ils ont dans
le Conseil du Roy & auprés de la Reyne : & si son
A. R. & moy n’auons pas pressé la proposition,

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qui auoit esté faite. il y a quelque temps, de les
esloigner, y a-il lieu de faire passer pour engagement
& pour necessité ce qui n’a esté que par respect,
& dans l’esperance que S. A. R. & moy
auions, que changeant leur conduitte, ils prefereroient
le bien du Royaume & le repos du Peuple
aux interests de leur Maistre, proscrit de la France
par les Arrests de tous les Parlemens suiuis
des vœux de tout le monde. Que si ces considerations
ne sont pas assez fortes pour obliger
la Reyne a esloigner de la Cour ces trois personnes,
& dissiper ainsi les iustes soupçons
que ie dois auoir tandis que le pouuoir sera deposé
dans des mains qui me sont si suspectes,
& si opposées à l’interest public ; Ie me promets
de la Iustice du Roy & de la protection
de vostre Compagnie, dont i’ay desia receu
des tesmoignages si aduantageux, que la malice
de mes ennemis ne preuaudra point pour
faire imputer à desobeyssance vne retraite, à
laquelle ie ne me suis resolu que par la pure necessité
de me conseruer, afin de pouuoir rendre
au Roy & à l’Estat le seruice que ie luy
dois. A quoy ie n’adiousteray rien sinon la protestation
que ie vous ay desia faite, que ie
n’ay aucunes pretentions ny pour moy ny
pour mes amis, & que le repos public estant
asseuré par l’esloignement de ces trois creatures

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du Cardinal Mazarin ; Ie ne manqueray
pas de me rendre aupres du Roy, & de faire
connoistre par mes deportemens que ie ne
desire rien tant que la reünion de la Maison
Royale si necessaire pour le bien du Royaume,
& que ie souhaitte estre autant dans le
cœur que dans la bouche de ceux qui font
semblant de soustenir l’Authorité Royale
auec tant de chaleur : laissat au tẽps à faire connoistre
si c’est l’interest particulier ou du public
qui les anime dans cette conduitte. Ie
suis

 

MESSIEVRS

Vostre tres-humble & affectionné
Seruiteur LOVIS DE
BOVRBON.

A Sainct Maur le 9. Iuillet 1651.

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Bourbon-Condé, Louis II de (prince de Condé) [signé] [1651], SECONDE LETTRE ESCRITE A MESSIEVRS DV PARLEMENT PAR MONSEIGNEVR LE PRINCE DE CONDÉ, SERVANT DE RESPONSE à l’Escrit enuoyé par la Reine Regente à Messieurs du Parlement par Messieurs les Gens du Roy. , françaisRéférence RIM : M0_3617. Cote locale : B_7_16.