Bourbon, M. de [signé] [1649], RESPONSE DE MADAMOISELLE A L’ARCHIDVC LEOPOLD, TOVCHANT LE TRAITTE de l’accommodement de la Paix. , françaisRéférence RIM : M0_3397. Cote locale : B_8_27.
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RESPONSE DE
MADAMOISELLE
A
L’ARCHIDVC LEOPOLD,
TOVCHANT LE TRAITTE
de l’accommodement de la Paix.

A PARIS,
Chez I. DEDIN, ruë Sainct Iean de Beauuais.

M. DC. XLIX.

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REPONSE DE
MADAMOISELLE
A
L’ARCHIDVC LEOPOLD,
TOVCHANT LE TRAITTÉ
de l’accommodement de la Paix.

GRAND PRINCE,

C’est en continuant les traits de
vos bontés ordinaires, & de vos ciuilités accoustumées
que vous parlés de moy auec des auantages
qui ne me sont point deus, & que vous
donnés des loüanges à ma personne qu’elle ne
merite aucunement. Si ie n’auois vne parfaitte
connoissance de la generosité de vostre ame,
vous me feriés croire, ou que vous auriés dessein
de me flatter, ou que vostre colere seroit passioné,

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ou au moins que vous auriés enuie de me
faire connoistre, non pas ce que ie suis, mais ce
que ie deurois estre ; mais sçachant que les Princes
d’illustre naissance, comme vous estes, n’ont
point de pensées qui ne soient tres releuées, que
toutes leurs paroles sont des oracles, leurs actiõs
des miracles étonnans, & que les grandes ames
ne sont point émeuës des passions qui agitent le
vulgaire. Ie puis croire asseurement que vostre
esprit n’est aucunement capable ny de flatterie,
ny d’amour, ny d’interest. Pourquoy donner
le nom de Diuinité à vne Princesse qui vous est
indifferente ? Pourquoy l’appeller vn Soleil, si
elle n’a que de foibles lumieres, & si personne
n’a esté encor échauffé de ses rayons ? Voulés
vous persuader ou que vostre esprit est ingenieux
à loüer, ou que vostre langue ne peut dire
que de belles choses, ou que vous desirez vous
rendre recommandable par des complimens ?
Non ie me persuade que vous voulez, faire
croire à la Cour de France que vous ne pouuez
considerer vn object s’il n’a des qualitez Diuines,
comme vos mains ne peuuent prendre les
armes que pour la conqueste d’vn Royaume.
C’est par cette mesme raison que ie proteste à

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tout le Monde que vous n’auez autre dessein
que de procurer la Paix, & que vos troupes sont
plutost capables de causer de la ioye, que de
donner de la crainte. Il est vray qu’il y a eu des
Reynes qui ont osté le sceptre & la liberté à de
tres puissans Monarques : mais il y en a eu beaucoup
dauantage qui les ont rendus esclaues, sans
les faire mourir, & l’historien prophane aprés
auoir descrit les combats, les victoires, les conquestes,
les triomphes du grand Alexandre le
represente assis sur les genoux d’Oxane fille du
Satrape de Perse, & vn petit Amour, qui parmy
les caresses qu’ils se rẽdent mutuellemẽt se iouë
de la Couronne de ce grand Monarque, & brise
les armes auec lesquelles il auoit surmonté
tant de nations & de Royaumes Mais Prince
incomparable, nous sçauons trop, que
vous n’auez aucun dessein ny de prendre
ni d’estre pris : que vous n’auez pas intention
ny de faire des esclaues non plus
que de deuenir vous mesme captif : ainsi
toute la Cour iuge en bonne part de
vostre arriuée en France, & vos entreprises
ne passeront iamais pour suspectes,
Ouy, Ouy faictes ce qu’il vous plaira,

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pour ne rien faire qui me puisse desplaire :
que vostre courage & vostre valeur portent
vos armes par tout où le Soleil porte
ses rayons & ses feux : donnés de la terreur
à toutes les Nations de la Terre : ie suis
asseurée que les victoires que vous remporterés
en France, seront des victoires
de bien-veillance & d’affection, & que sa
Maiesté estant plus que iamais disposée à
la paix, ie me promets de vostre bonté
que vous contribuerez à la faire generalle
pour tout le Monde : c’est le moyen de
vous rendre glorieux & m’obliger d’estre
à iamais.

 

Grand Prince,

Vostre humble Seruante M. de Bourbon.

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Bourbon, M. de [signé] [1649], RESPONSE DE MADAMOISELLE A L’ARCHIDVC LEOPOLD, TOVCHANT LE TRAITTE de l’accommodement de la Paix. , françaisRéférence RIM : M0_3397. Cote locale : B_8_27.