M. DC. LI.
LETTRE ESCRITE AV ROY
PAR MR LE PRINCE :
SVR LE SVIET DE SON
absence à l’Action de sa Majorité.
SIRE,
I’ay prié Mr le Prince de Conty, mon frere,
de presenter cette Lettre à Vostre Majesté de
ma part, pour luy témoigner celle que ie prens
à la joye publique de sa Majorité, & le sensible
déplaisir que i’ay de ne pouuoir en cette occasion
luy rendre tout ce que ie luy dois par
ma naissance, par le veritable respect que i’ay
pour sa personne, & par la fidelité que ie conserueray
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toûjours inuiolablement pour son seruice.
Mais, SIRE, quoy que ce iour ne soit pas destiné
pour vous faire entẽdre des plaintes, ie suis pourtant
forcé de dire à V. M. que mes ennemis m’ont
malicieusement calomnié, & qu’ils ont eu assez
de credit pour se couurir du sacré Nom de V. M.
Ce sont, SIRE, les deux raisons qui me font la
supplier tres-humblement de ne point trouuer
mauuais si ie ne me rends pas auiourd’huy auprés
de sa Personne, & de croire que le seul motif du
respect que i’ay pour Elle, m’oblige à ne me pas
trouuer dans Paris en cette rencontre. Permettez-moy
cependant, SIRE, de me consoler dans
l’esperance que i’ay de l’accompagner bien-tost
dans le premier Triomphe qu’on luy preparera
pour auoir défait ses Ennemis, aprés luy auoir fait
connoistre que si ie n’expose pas ma personne au
pouuoir & à la malice des miens, c’est pour vous
offrir tout mon sang dans vne pareille occasion,
& pour n’en perdre iamais aucune qui me dõne
moyen de persuader à V. M. que ie veux viure &
mourir auec vn respect & vne passiõ inuiolable,
SIRE,
DE VOSTRE MAIESTÉ,
Le tres-humble tres-obeïssant & tres-fidele
suiet & seruiteur,
LOVIS DE BOVRBON.
Du 6. Septemb. 1651.