Anonyme [1652 [?]], INSTRVCTION FAITE AV PEVPLE DE PARIS PAR VN HOMME DE BIEN. , françaisRéférence RIM : M1_129. Cote locale : B_16_15.
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INSTRVCTION
FAITE AV PEVPLE
DE PARIS
PAR VN
HOMME DE BIEN.

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INSTRVCTION FAITE
au Peuple de Paris par vn
Homme de bien.

MESSIEVRS,

La Paix ne tient plus à rien, si vous la voulez
comme il faut : Vous en estes les maistres : Vous
pouuez en prescrire les Articles : Vous n’auez
besoin que de vous bien entendre : Vous n’auez
besoin que de regarder ou est le bien public,
sans considerer ny les interests d’vn party, ny
les interests de l’autre, mais seulement les interests
de l’Estat.

Vous sçauez que vous auez allumé la guerre ;
vous la deuez par consequent esteindre : Vos
Barricades en sont la premiere cause : les Barricades
ont esté suiuies du Blocus de Paris : Le Blocus
de Paris a entraisné l’emprisonnement des
Princes : L’emprisonnement des Princes a diuisé

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la Maison Royalle : La diuision de la Maison
Royalle est la cause de la Guerre Ciuile : Il faut
la reünir pour pacifier l’Estat : Car d’esperer la
Paix pendant que la Maison Royalle sera diuisee,
ie pense que vous voyez que cela est impossible.

 

La cause de la Maison Royalle, c’est que la Reine
ne veut point dans le Conseil du Roy que
ceux de sa faction : Qui sont ceux là ? vous le
sçauez : C’est le Prince Thomas, qui est vn Sauoyard :
C’est le Millord Germain, le Millord
Montaigu, le Millord d’Igbi, qui sont des Anglois :
C’est Ondedei, qui est vn Italien, le Confident
& le Secretaire du Mazarin : C’est Mazarin
mesme, car il gouuerne tout : Il y a bien quelques
François, mais ils n’oseroient auoir parlé
que par complaisance, car s’ils parloient comme
il faut on leur donneroit du pied au cul.

Bon Dieu, faut-il que nous endurions tant
pour soustenir des Estrangers : Sommes nous
plus obligez à des Estrangers, qu’a nos Princes
qui peuuent estre nos Roys : Ces Estrangers
nous ont-ils fait quelque bien ? en pouuons
nous iamais esperer d’eux.

Le Prince Thomas n’a iamais esté que dans
les diuisions & dans les partis ; s’il ne falloit point
brouïller, il ne fairoit rien. Les Millords Germain,

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Montaigu & Igbi, ont perdu le Roy &
le Royaume d’Angleterre ? Faut-il que nous
soyons si mal aduisés que de leur laisser ruïner le
nostre ? Ondedei est vn Bandy que le Mazarin
a retiré de la potence : Mazarin est assez connu :
Quoy nous soustiendrons ces gens là pour opprimer
nos Princes ? Entrons vn peu en nous
mesme & nous rougirons de nostre lascheté.

 

Mais le Roy, nous dit-on, soustient ces gens
là : Messieurs, si vous auez des enfants, considerez
ce que peut vn enfant à quatorze ans Le Roy
veut ce qu’on luy fait vouloir : Il n’est pas encore
en âge de sçauoir ce qu’il faut : S’il estoit
homme, on n’abuseroit pas si facilement de sa
bonté. Il aymeroit vn Turc, si la Reyne vouloit
qu’il aymat : C’est le mal de son âge, non pas de
son naturel.

Ce Conseil pretendu veut il la Paix ? s’il la vouloit
vous l’auriez bien tost. Quand le Mazarin
a fait semblant de s’en aller ? les Princes se sont
soûmis à tout pourueu qu’on donnât vne Amnistie :
Ceste Amnistie a esté donné : Mais l’aués
vous bien leüe Messieurs ? Aués vous remarqué
qu’elle pardonnoit à toute sorte de monde excepté
aux Princes & à leurs Partisans : Mais comment
me dirés vous : Ie m’en vay vous le dire.

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Le Roy fait d’abord vne exacte narration de
tous les crimes pretendus qu’il impute aux Princes :
Il les fait les autheurs de l’incendie de la
Maison de Ville ; & du desordres arriué deuant
le Palais : Apres cela le Roy conclut qu’il entend
que tout sois mis en oubly, excepté l’incendie
de la Maison de Ville, & le desordre arriué deuant
le Palais dont il pretend que les autheurs
& les complices soient punis : N’est ce pas dire
que le Roy pardonne à tout le monde excepté
aux Princes & à leurs Partisans : N’est ce pas à
dire que ce Conseil ne veut point la Paix, puis
qu’elle ne tient qu’a vne Amnistie qu’il refuse.

 

Non non Messieurs, la Cour ne veut point
la Paix : Que faut il faire ? Il faut l’obliger de la
donner : Le pouués vous ? il ne tient qu’a nous
en voicy le moyen.

Vous sçaués que le Mareschal de Thurenne
est assiegé dans Villeneuf : Vous sçaués que toutes
les forces de la Cour y sont assiegees auec
luy : Vous sçauez que la Cour n’est fiere qu’a
cause de ces troupes : Vous sçauez que si cette
Armée perissoit, la Cour n’ozeroit plus refuser
vne sincere Paix parce qu’elle ne pourroit plus
continuer la guerre : Vous sçauez que cette Armée
periroit tres asseurement sans le secours de

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Corbeil : Lequel luy estant osté, il faut asseurement
& necessairement qu’elle creue : que faut
il donc faire.

 

Messieurs vostre ville peut fournir deux cent
mille hommes : Il n’en faut pas tant : Il n’en faut
que dix mille, s’il sort de Paris dix mille hommes,
qui puissent tenir bon pendant dix iours
seulement, dans le poste ou M. le Prince les voudra
placer : Le Mareschal de Thurenne est perdu
auec toute son Armée : La Cour estant sans forces
est obligee malgré elle, de donner la Paix :
Refuserez vous bien ce coup d’Estat à la France
qui vous tend les bras.

Si nous estions aupres de Bordeaux : Bordeaux
qui n’est pas plus grand qu’vn de nos
Fauxbours auroit bien tost donné ces dix mille
hommes : Villenefue en Guienne, qui n’est pas
la moytié fi grande que Villeneufue S. George
a tarracé toutes les forces du Conte D’harcourt :
Ne permetez pas que des Bicoques vous enseignent
vostre deuoir : Rendez ce nom de Villeneufue
fatal au party Mazarin : Entendés vous
bien enfin pour donner le repos à l’Estat : Sortez
en foule : Fondez sur le reste des Mazarins : &
ne rentrez iamais dans Paris que les Lauriers &
les Palmes à la main.

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Si vous manquez ce coup : Si Thurenne eschape
du lieu ou il est : ne pense plus a la Paix que
comme à vn bien desesperé : Attendez toute
sorte de desolation des deux Armees qui hiuerneront
dans nostre voisinage, qui obsederont
tous nos passages, qui ruïneront nostre commerce,
& qui nous assiegeront dans Paris ; ou le petit
Peuple qui mourra de faim se iettera sur le bon
Bourgeois : ou personne ne viura en seureté : iamais
nous n’eustes vne plus belle occasion, pour
euiter tous ces maux.

FIN.

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