Anonyme [1652], RESPONSE AV MANIFESTE DES MESCHANS François, Soy disans bons seruiteurs du Roy, estans dans Paris pour y commettre des massacres, & y mettre le trouble & la confusion. , françaisRéférence RIM : M0_3380. Cote locale : B_2_10.
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LE
MANIFESTE
DES BONS
SERVITEVRS DV ROY, estant dans Paris, & leur resolution
pour la tranquillité
de la Ville.

ENFIN le Cardinal Mazarin est
sorty, Monsieur le Duc d’Orleans
est content, il doit tenir sa parole,
& se rendre prés de sa Majesté,
Monsieur le Prince gronde encore,
il cherche de nouueaux pretextes de nous
troubler. Il a juré de perdre la France, & de
mettre le feu de la diuision par tout, il a commis
vne felonnie sans exemple, en traittant
auec l’Espagne pour estre Roy de Nauarre &
Duc de Guyenne. Il a mal reüssi iusques à
present, il se desespere, fait entrer encore des

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Troupes estrangeres en France, pour acheuer
de nous ruiner ; Fait des negotiations nouuelles
en Angleterre : Il a des Traittez particuliers
auec plusieurs Gouuerneurs des places,
mesme auec des Presidens & des Conseillers
des Cours Souueraines, qui sont tombez
par ses persuasions dans le dernier aueuglement.
Tous reconnoissent leur faute, ils
apprehendent la Iustice ; ils ne sçauent où ils
en sont, leurs consciences leur sert de bourreau ;
ils desesperent de la Clemence de leur
Roy, sans considerer qu’il a plus de bonté
pour leur pardonner, comme il fait, qu’ils
n’ont de malice pour l’offencer. Le Prince,
ou pour mieux dire la cause de tous nos maux,
rallume les derniers feux de sa rage ; il ne veut
point se sousmettre, il veut nous perdre. Il a
resolu de s’emparer des meilleurs quartiers
de la Ville, & desoler le Royaume, comme
ont tousiours fait les autres Princes de Condé.
Faut-il souffrir celuy-cy dauantage à Paris,
pour nous y attirer tous les fleaux du Ciel,
comme il fait par ses impietez & ses rebellions.
Sa Majesté demande qu’il en sorte auec
vne cinquantaine de ses adherans, qu’il mette
les armes bas, & qu’elle luy pardonnera.

 

Pour executer la volonté du Roy, il n’y a
plus d’Officiers legitimement establis dans

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Paris, ceux qui se le disent & qui pretendent
Gouuerner & Policer cette grande Ville,
n’ont aucune puissãce ny de mission legitime,
& l’on ne les peut reconnoistre que comme
des monstres enfantez par la rebellion. On
ne leur peut obeïr sans blesser sa conscience
& sa reputation, & sans se rendre criminels
de leze Majesté. Cependant la desolation est
par tout, les gens de bien souffrent, la Iustice
n’a plus de fonction, les Marchands voyent
perdre leurs biens par les banqueroutes qui
se font tous les iours, & la ceslation du commerce,
les pauures Artisans sont à la mandicité,
les malades meurent sur le passé, les Hospitaux
ne sont pas capables d’en contenir le
nombre ; les bestiaux sont dans les ruës, tout
le monde generalement se plaint, & il en reste
peu qui ne commencent à sentir le mal
vniuersel. La tyrannie est armée dans la Ville
d’impies & de satellites, elle viole les Loix
& le Droict des Gens ; elle brusle & saccage
les citoyens dans les lieux publics,
& continuë à faire publier des Libelles,
pour tascher à persuader que ses autheurs
& supposts sont bien intentionnez. Mais
l’on est desabusé. Nous voyons nostre Roy à
nos portes qui nous tẽd les bras, & qui comme
vn bon Pere ne nous a fait que monstrer
les verges d’vne main, & de l’autre les fruicts

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de la Paix & de sa Clemence. Et neantmoins
il y a des esprits si mal heureux dans Paris,
qui ayment mieux perir en continuant toûjours
à faire brigues sur brigues, pour enuelopper
tout le monde dans vne desolation
publique, que de se sousmettre à l’obeyssance
de leur Roy, & à ce qu’ils doiuent à la charité
du prochain. C’est ce qui a fait resoudre
grand nombre des plus notables de la Ville,
de s’assembler & de conferer des moyens de
restablir toutes choses dans leur ordre, & ne
trouuant point de puissance legitime dans la
Ville, ils en ont demandé vne au Roy, qui leur
a accordé, & en consequence ont resolu l’execution
des choses suiuantes, au peril de
leurs vies & de leurs biens.

 

Premierement, de s’opposer & empescher
par toutes voyes, qu’il ne soit leué aucune taxe,
sous quelque pretexte que ce soit, sur les
particuliers, habitans de la Ville, & de faire
rendre l’argẽt à ceux qui peuuent auoir payé
par timidité, & où il s’en trouuera vouloir
payer, pour contribuer volontairement à la
rebellion du Prince, il sera fait note contre
eux, pour estre punis comme perturbateurs
du repos public.

En second lieu, qu’il sera deputé vers sa
Majesté, pour la supplier tres-humblement
de reuenir dans Paris, pour y establir le repos

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& l’abondance par le restablissemẽt du commerce,
sur l’asseurance qui luy sera donnée de
la fidelité des bons Citoyens ses subjets, & de
l’exil des rebelles, pour le pardon desquels on
implorera sa clemence.

 

En troisiéme lieu, que sa Majesté sera aussi
tres-humblement suppliée de faire retirer ses
Troupes des enuirons de Paris, & de les enuoyer
dans les pays ennemis, ou du moins sur
les frontieres du Royaume pour sa conseruation,
sur l’assurance que l’on donnera de courir
sur les Troupes du Prince de Condé, s’il ne
les fait retirer, & que luy mesme ne se mette
en son deuoir.

Il faut estre Espagnol & se declarer ouuertement
rebelle & perturbateur du repos public,
pour ne se pas joindre à l’execution de ce
projet, & se resoudre à estre maudit & exterminé
par le peuple. Et afin que l’on puisse discerner
les biens intentionnez au seruice du
Roy & de la Patrie, ils porteront à leurs Chapeaux
du Ruban blanc, ou du papier au lieu
de paille, que l’artifice & la tyrannie du Prince
a fait porter à tous les Habitans de Paris,
comme à des bestes qu’il eut voulu vendre
Et les autres qui voudront marquer leur dessein
de rebellion, continueront à porter de la
paille, qui seruira pour allumer le feu de la
punition qu’ils meritent.

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