Anonyme [1652], OBSERVATIONS VERITABLES ET DES-INTERESSEES, Sur vn escrit imprimé au Louure, INTITVLÉ LES SENTIMENS D’VN FIDELLE SVIET DV ROY, Contre l’Arrest du Parlement du 29. Decembre 1651. Par lesquelles l’authorité du Parlement, & la Iustice de son Arrest contre le Mazarin, est plainement deffenduë; & l’imposteur qui le condamne entierement refuté. Par vn bon Ecclesiastique tres-fidelle sujet du Roy. PREMIERE PARTIE. Qui iustificat impium, & qui condemnat iustum; abominabilis est vterque apud Deum; Prouerb. cap. 17. vers. 15. , français, latinRéférence RIM : M0_2574. Cote locale : B_11_23.
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PAPES
A qui les Empereurs & les Rois de France,
ont fait faire le procés.

Comme il n’y a rien de si pur que la source, ny rien de
moins altere que ce qui vient de naistre, aussi remarquons
nous, que tant plus l’Eglise approche de son commencement,
& tant plus la voyons nous destachée de toutes
les choses de la terre, & ses Ministres remplis de plus de submission,
d’humilité, de respect, & de modestie. C’est pourquoy
nos premiers Papes, & nos premiers Euesques qui auoient plus
de soin de bien obeïr que de mal commander, & qui sembloient
n’estre parmy les hommes que pour leur prescher la
vertu & les esloigner du peché ; n’auoient autres soins que des
consciences, & faisoient si peu d’estat des interests du monde,
qu’ils ne respiroient que le martyre, ne desiroient que la conuersion
des pecheurs, & ne vouloient autre authorité que l’obeïssance,
ny autres Seigneuries que les biens dont ils auoient
affaire pour soulager les pauures, auec lesquels ils n’auoient rien
que de commun.

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Et pour donner quelques exemples des vertus & des miracles
que [illisible] auant, nos Autheurs les plus croyables,
& les plus religieux nous attestent que les grands Prestres
en la Loy de Moise mesme estoient iusticiables des Rois ; puis
[2 mots ill.] sounerain Pontife, fut priué du Pontificat par Salomon
pour crime de leze-Majesté, & le tira de sa famille pour
le transporter en celle de Sadoc ; eiecit Salomon Abiathar, vt non
esset sacerdos Domini, ce qui a fait dire au Docteur Okam que les
Pontifs des Hebreux estoient sujets de leurs Souuerains ; Constat
Hebræorum Pontifices Regibus fuisse subdites, & à Regibus fuisse
[1 mot ill.] ; Et vt scias Cbristi Vicarium ad spirituale regnum, non ad
[1 mot ill.] Dominium assumptum, accipe ab ipso paulo dicente ; omnis
Pontifex ex hominibus assumptus, pro hominibus constituitur in iis quæ
ad Deum sunt, non ad gubernandum terrenum Dominium, sed vt offerat
dona & sacrificia pro peccatis ; Quia nemo militans Deo, sæcularibus
negotiis se implicet. Patet enim Christum regnum temporale non exercuisse,
nec Petro commisisse, nam & Petrus dicit ; non est æquum nos derelinquere
verbum Dei, & ministrare mensæ, quod est, temporalibus
[1 mot ill.]

Regum lib.
3. cap. 2.
vers. 27.

Ocham de
potestat. Eccles.
& sæculari.

Act. Apost.
cap. 6.

Quant à la Loy de Grace nous auons des exemples infinis,
qui font voir que les Papes ont esté accusez deuant les Princes
seculiers, interrogez par eux & par leurs Magistrats, iugez &
chastiez suiuant la Loy, sans qu’ils ayent fuy ny decliné cette
iurisdiction comme incompetente. Au contraire elle leur sembloit
si logitime & si naturelle, qu’ils appelloient pardeuant les
Empereurs des Sentences & Iugemens qui estoient rendus
contre eux par les Conciles & les Synodes, tesmoin l’Epistre
que les Peres du Concile tenu à Rome, escriuirent aux Empereurs
Gratian & Valentinian, en faueur du Pape Damase I. laquelle
dit-sur la fin ; Quoniam non nouum aliquid petit, sed sequitur
[illisible.] si Concilio, etus causa, non
[illisible.] Concilium Imperiale se defendat ; nam & Siluester Papa
à sacrilegis accusatus, apud parentem vestrum Constantinum causam
propriam prosequetus est. Venons aux Papes qui ont esté iugez &
condamnez.

Sirmond. in
Appendie.
Cod. Theodos
in Ep.
Concil. Epist.
3.

Theod hist.
Eccl. lib. 2.
cap. 16.

Constantius fils de l’Empereur Constantin le Grand, enuoya
en exil le Pape Liberius, pour n’auoir voulu condamner
Athanase Euesque d’Alexandrie, lequel interrogé ne decline

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point cette iurisdiction, ains au contraire, respond sur tous les
chefs dont il est enquis & interrogé, comme tesmoigne Theodoret,
qui rapporte cette histoire tout au long.

 

Platina in
Liberio.

L’Empereur Iustinien I. fit faire le procés au Pape Siluerius,
en l’an 537. qui fut priué du Papat, puis enuoyé en exil, parce
qu’il fauorisoit les Goths ses ennemis.

Procop. lib.
1. de bell.
Gothorum.

Le Pape Leon III. estant accusé de plusieurs crimes par ses
mal-veillans, Charlemagne vint à Rome en l’an 801. pour s’informer
de la verité, & entendre les accusations que l’on faisoit
contre luy ; en suite de quoy Platine dit que ; Octauo die post quam
Carolus vrbem ingressus fuit, in Basilica Petri, astante populo & clero,
Episcoporum omnium qui eo ex tota Italia & Francia conuenerant, sententias
de vita & moribus Pontificis rogat ; qui est tout ce que peut
faire vn Iuge legitime & souuerain.

Platina in
Leo. III.

Baron. annal.
tom. 9.
ann. 800.
Conc. Gall.
t. 2. fol. 228.
Nicol. Gilles,
annal.
ann. 799.
Paul Æmil.
hist. liu. 3. en
la vie de
Charlemagne.
Fauchet, des
Ant. Franc.
liu. 7. ch. 8.

En l’an 823. Le Pape Paschal I. desirant voir à Rome les Empereurs
d’Occident pour jouïr de cet honneur comme ses predecesseurs,
enuoya prier Lothaire, fils de Louïs le Debonnaire
d’y venir passer les Festes de Pasques, où il arriua ce Sainct
jour, auquel il fut couronné Empereur auec les acclamations
du peuple Romain. Les Festes passées, ce Prince reprit le chemin
de France, & ne fut pas plustost sorty de la ville qu’il se fit
vne cruelle execution dans le Palais de Latran, où entr’autres
Theodore Prothonotaire, & Leon Nomenclateur son gendre
eurent les yeux creuez, puis la teste tranchée. Le bruit couroit
que cet assassinat auoit esté fait par l’ordre, ou pour le moins
du consentement de Paschal, pour s’estre monstrez trop ouuertement
partisans de Lothaire. Les Empereurs trouuans
estrange que le S. Pere qui estoit sous la protection de la France,
fut autheur d’vne telle procedure, deputerent Adalong
Abbé de sainct Vaast d’Arras, & Honfroy Comte de Coire qui
est en Rhetie, ou pais des Grisons, pour informer de ce trouble.
Mais auant leur partement arriuerent en Cour de la part
du Pape Iean Euesque de Noua-ville, & Benoist Archidiacre
de Rome, pour supplier l’Empereur d’auoir autre opinion de
fa Sainteté, qui ne pouuoit estre blasmée de cette action sans
infamie, veu les obligations signalées que le sainct Siege auoit
à la France, representans plusieurs autres raisons pour sa iustification ;
nonobstant lesquelles l’Empereur fit partir ses Commissaires

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deputez, qui estans arriuez à Rome ne peurent descouurir
plainement que les Empereurs fussent interessez en
cette procedure, d’autant que le Pape nia constamment le
fait, & mesme s’en purgea en l’Assemblée d’vn grand nombre
de Prelats.

 

Anonimus
sed Coëtardus
in vita
Ludo. Pij, in
ann. Pithei,
part. 2. fol.
221.
Baron. ann.
tom. 9. ann.
823.
Nicol. Gilles,
annal.
ann. 823.
Fauchet, des
Antiquitez
Franc. liu. 8.
chap. 6.

Du Chesne
en la vie de
paschal I.

Baronius qui n’a pas tellement desguisé les imperfections
des Papes, ny le pouuoir que les Empereurs auoient sur eux,
qu’il n’en cotte quelques exemples, dit que Iean XII. estant
accusé de mille crimes atroces & detestables, l’Empereur
Othon I. ne pouuant croire ce qui s’en disoit, enuoya à Rome
pour en informer, où l’on trouua qu’il en estoit encore cent
fois dauantage, & particulierement qu’il estoit esperduëment
amoureux de la veufue d’vn nommé Regnier qui auoit esté à
sa solde, à laquelle il auoit donné le gouuernement de beaucoup
de villes, & qui plus est les Croix & les Calices d’or les
plus precieux de l’Eglise sainct Pierre, qu’il n’y auoit pas vne
femme estrangere qui osast plus venir à Rome pour y visiter les
saincts lieux, parce qu’il y rauissoit les filles, les veufues & les
mariées les plus qualifiées, lesquelles il forçoit & violoit sans
respect ny de peres ny de meres, sans crainte de Dieu, & sans
auoir esgard à la dignité qu’il auoit vsurpée ; laquelle il n’eut
pas plustost possedée, que luy mesme dit en faisant sa premiere
entrée dans le Palais de Latran, que cette maison qui autre fois
souloit estre le logis & le domicile des Saints, estoit maintenant vn
bordel & le giste des putains & des infames, c’est Luitprand qui
rapporte cette circonstance. Ce qui fut cause que l’Empereur
Othon I. sollicité par les Euesques qui auoient le zele de
Dieu, & l’honneur de l’Eglise Chrestienne deuant les yeux, se
resolut de chasser cette peste du sainct Siege.

Baron. annal.
tom. 10.
ann. 963.
Belle forest,
annal. de
France, liu.
2. chap. 8.
Luitprand.
lib. 6. cap. 6.

Sçachant que l’Empereur venoit pour le punir, il abandonna
la ville, & ce Monarque y fut receu auec tant de joye & de
satisfaction, que les Citoyens Romains luy iurerent fidelité,
promettans de plus auec sermens solemnels, que iamais ils n’esliroient
& ne sacreroient de Papes sans son choix & son consentement,
& du Roy Othon son fils, ce que plusieurs Cardinaux
iurerent d’obseruer auec eux.

Othon ne fut pas arriué qu’il fit assembler vn Concile dans
l’Eglise sainct Pierre, où assisterent tous les titulaires de Rome,

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qui maintenant s’appellent Cardinaux, tous les Euesques d’Italie
& tout le Clergé de la ville, deuant lesquels furent recitées
les simonies, les meurtres, les exactions, les incestes, les
adulteres, & les infamies de ce mal-heureux Pontife ; en suite
dequoy il fut cité de comparoistre pour se purger de tant d’abominations
à luy imposées, à faute de quoy l’on procederoit
contre luy suiuans les Decrets & canons de l’Eglise ; mais se
sentant trop coupable & trop conuaincu, il n’osa se presenter,
ce qui fit que les Peres du Concile dirent à l’Empereur ; Petimus
magnitudinem Imperij vestri, monstrum illud nulla virtute redemptum
à vitiis, à sancta Romana Ecclesia pelli, aliumque eius loco constitui,
&c. tunc Imperator, placet inquit, quod dicitis ; En suite de quoy
Leon VIII. fut esleu d’vn commun consentement, & proclamé
Pape ; Annuente Imperatore.

 

L’Empereur Henry III. se transporta à Rome auec vne puissante
armée enuiron l’an 1045. pour faire le procez à Benoist
IX. Siluestre III. & Gregoire VI. lesquels il priua de la Papauté,
pour laquelle enuahir ils causoient tant de troubles dedans
la Religion ; tanquam tria teterrima monstra (dit Platine) abdicare
se magistratu coëgit.

Platin. in
Greg. 6.

En l’an 1408. Le Roy Charles VI. fit faire le procez à l’Anti-pape
Benoist, & aux Nonces par luy enuoyés, pour auoir
osé mettre son Royaume en interdit ; & fit publier vn Edit de
subtraction d’obeissance enuers ce Benoist, deffendant à tous
ses sujets de luy obeïr en façon quelconque, & aux Ecclesiastiques
de plus le reconnoistre pour Pape, ne le nommant plus
que Pierre de Lune sans aucun tiltre d’honneur. L’Vniuersité
de Paris persuada à sa Majesté de se saisir de la personne de cét
Anti-Pape pour luy faire faire son procés, & le punir comme
seducteur, & celuy qui troubloit tous les sujets de son Royaume,
ce qui le fit retirer de Marseille où il estoit, pour s’en aller
en Catalogne.

Eccles. Gallicanæ,
in
schism. Status
fol. 18.
&c. Où tous
les actes &
procez verbaux
de cette
procedure
sont rapportez
tout au
long.

Monstrelet
en sa Chronique,
vol. 1.
ch. 40. ann. 1407.

Au mois d’Aoust, iour de Saint Laurens, le Roy fit assembler
les Princes du Sang, les Prelats de France, la Cour de Parlement,
& le Corps de l’Vniuersité dans la grande Salle du Palais ;
où fut publiée la neutralité des deux Papes, & ordonné
que les sujets du Roy ne rendroient aucune obeïssance, ny à
Gregoire seant à Rome, ny à Benoist soy disant Pape, à cause

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que l’vn & l’autre auoit faussé sa promesse quant à la cession de
leurs pretensions ; Et cependant on fit faire amende honorable
aux Nonces de Benoist qui auoient publié les Bulles de l’interdit
du Royaume, & furent declarés traistres & desloyaux & au
Roy, & à l’Eglise, & les Bulles deschirées & bruslées publiquement ;
& les Armoiries de Pierre de Lune Anti-Pape renuersées,
comme s’il eut esté de gradé de Noblesse à cause de ses parjures
& mauuaises actions.

 

Libertez de
l’Eglise Gall.
tom. 2. fol.
483.

Sponde annal.
tom. 2.
ann. 1408.
num. 1.

Apres tous ces exemples particuliers, il semble que ce soit
bien flatter l’humanité des Papes que de vouloir persuader à
toute sorte d’esprits, qu’ils soient Iuges Souuerains en leurs
propres causes. L’Escriture Sainte n’en dit mot, tous les Theologiens
n’en demeurent pas d’accord, l’vsage semble tesmoigner
le contraire, ie sçais ce que les Canonistes en disent, &
ce que les Moines en preschent ; C’est pourquoy laissant la liberté
des opinions là dessus, disons seulement que le Cordelier
Ocham ne peut estre blasmé que de trop de verité quand il
dit, que ; Imperator est judex Papæ, & Papa est inferior illo quoad jurisdictionem
coactiuam ; Aaron, Moysem pro Domino agnouit ; dit
Optatus Mileuitanus.

Ocham.

Optat. Mileuit.

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Anonyme [1652], OBSERVATIONS VERITABLES ET DES-INTERESSEES, Sur vn escrit imprimé au Louure, INTITVLÉ LES SENTIMENS D’VN FIDELLE SVIET DV ROY, Contre l’Arrest du Parlement du 29. Decembre 1651. Par lesquelles l’authorité du Parlement, & la Iustice de son Arrest contre le Mazarin, est plainement deffenduë; & l’imposteur qui le condamne entierement refuté. Par vn bon Ecclesiastique tres-fidelle sujet du Roy. PREMIERE PARTIE. Qui iustificat impium, & qui condemnat iustum; abominabilis est vterque apud Deum; Prouerb. cap. 17. vers. 15. , français, latinRéférence RIM : M0_2574. Cote locale : B_11_23.