Anonyme [1652], OBSERVATIONS VERITABLES ET DES-INTERESSEES, Sur vn escrit imprimé au Louure, INTITVLÉ LES SENTIMENS D’VN FIDELLE SVIET DV ROY, Contre l’Arrest du Parlement du 29. Decembre 1651. Par lesquelles l’authorité du Parlement, & la Iustice de son Arrest contre le Mazarin, est plainement deffenduë; & l’imposteur qui le condamne entierement refuté. Par vn bon Ecclesiastique tres-fidelle sujet du Roy. PREMIERE PARTIE. Qui iustificat impium, & qui condemnat iustum; abominabilis est vterque apud Deum; Prouerb. cap. 17. vers. 15. , français, latinRéférence RIM : M0_2574. Cote locale : B_11_23.
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Si le Roy peut choisir & retenir aupres de soy, des
Ministres & des fauoris odieux à son peuple.

Qvand vous adjoustez en la page 23. & 24. de vostre escrit
fardé, que le Roy veut que le Cardinal reuienne, & que
le Parlement ne le veut pas ; & qu’il faut plustost obeїr au Roy
qu’a ses Officiers qui ne peuuent auoir de iuste volonté que celle de leur
Souuerain, &c.

Et dans la page 47. que si le Roy ne pouuoit choisir qu’au gré des
Princes les Ministres de son Estat, ces Ministres seroient aux Princes
& non pas au Roy, & ne le conseilleroient iamais selon le bien de son seruice ;
mais selon l’interest de ceux qui pourroient quand bon leur sembleroit
les maintenir ou les chasser, &c.

Pour respondre à vostre premiere proposition, n’asseurez

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point ie vous prie comme vous faites, que le Roy veut le retour
du Mazarin ; mais que vous & ceux de vostre cabale luy faites
vouloir comme par force, preferans vostre propre conseruation
à celle de tout vn grand Royaume. Et ne croyez pas persuader
par la beauté de vos paroles, qu’vn Souuerain de treize ans &
demy ait des raisons assez fortes, pour faire voir aux Princes de
son Sang & à tous ses Parlemens, qu’il est necessaire que celuy
qu’il a proscrit & banny il n’y a pas six mois, vienne acheuer de
ruїner son Estat contre l’adueu & le consentement de ceux qui
ont part à la Couronne, & les prieres & les remonstrances de
tant d’Officiers incorruptibles qui trauaillent iour & nuict à sa
conseruation, sa Majesté n’en ayant que l’vsufruict.

 

Quand nostre Roy que Dieu conserue sera en aage de pouuoir
agir de luy-mesme, & que l’experience le sera parler par
vne bouche plus fidelle & plus desinteressée que la vostre, c’est
pour lors qu’on luy fera connoistre vos tromperies, & l’amour
& l’obeїssance que ceux que vous calomniez si temerairement
ont pour luy. Mais puis qu’il est obsedé par les ennemis de son
Estat, qu’il est le prisonnier du Mazarin, qu’il est esloigné de
ses Conseils & de tant de gens de bien qui pourroient luy faire
toucher au doigt les ruines & les desordres de son Royaume ;
puis qu’il montre son enfance & son peu de connoissance dans
le mestier de regner, esloignant ses plus proches pour se sousmettre
à vn valet esleué, & mesprisant les aduis & les Conseils
de ce sage Parlement qui est le depositaire de sa Iustice, & le
conseruateur de son authorité ; c’est l’aymer cherement & tendrement
que de se roidir fortement contre les Tirans qui abusent
de son nom & de son pouuoir, pour tascher de le mettre en
liberté & de le guerir de la maladie où il est, laquelle tombe si
cruellement sur ses sujets.

Le Parlement n’empesche point que le Mazarin reuienne ;
mais il ne peut, & ne doit souffrir que celuy que le Roy a declaré
criminel & qu’il a condamné par tant d’Arrests irreuocables,
s’empare du Throsne de sa Maiesté, & se mette en deuoir de
faire porter la peine qu’il merite aux Senateurs qui l’ont iugé,
& banny du Royaume auec tant de iustice. Si le commandement
à ses bornes, l’obeïssance à ses limites ; il y en a qui pechent
plus en se sousmettant, qu’ils ne feroient en desobeïssant ; Si ce

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qu’on nous demande est iniuste, nous pouuons le refuser auec
iustice ; l’obeïssance aueugle n’est que pour les cloistres, où les
Iesuites, & iamais pour les Compagnies politiques & Souueraines,
autrement les remonstrances, les modifications & les
refus qu’ils font de verifier tant d’Edits & tant de Declarations,
seroient autant de crimes & de rebellions.

 

Il n’y a point de nation qui ne demeure d’accord que si nostre
Roy estoit aussi fidellement seruy que sa puissance est grande,
& ses suiets genereux & sçauans ; il pourroit entreprendre
de releuer les ruines de l’Empire Vniuersel, & sousmettre tous
les Souuerains de la terre sous son pouuoir & sa Domination.
Mais comme il s’abandonne à des fauoris, & qu’il prend trop
peu de connoissance des affaires qui releuent ou qui destruisent
ses Estats, aussi est-t’il tousiours trompé de ceux qui en
prennent le soin, parce qu’il veulent s’enrichir auant toutes
choses, & qu’ils preferent leurs interests particuliers à ceux du
general, aymans mieux aggrandir leur fortune & leurs maisons,
que les bornes de la Couronne & la gloire de leur Roy. Nos Histoires
sont remplies de ces veritez, & l’experience fait connoistre
que nos Ministres d’Estat sont si auares & si peu fidelles,
qu’on void tout l’or & tout l’argent du Royaume dans leurs
coffres, & que les Princes & les plus grands Seigneurs sont contrains
d’espouser non pas leurs filles ; mais leurs richesses, pour
rauoir ce qui est à eux, & donner de la noblesse à des roturiers
qui n’en meritent point.

Si la France est accablée de ce mal-heur d’vn costé, elle est
aussi soustenuë & soulagée de l’autre par ce grand Senat, & ces
Magistrats Souuerains, qui veillent continuellement à sa police
& à sa conseruation ; S’opposans genereusement comme ils
font aux Tyrannies & violences de ces hommes empruntez qui
ayment mieux la perte de l’Estat, que celle de leur fortune. Et
ne faut point trouuer estrange si ces Dieux Tutelaires de la
France mettent la main dans le Gouuernement & sur les maux
qui nous accablent, puis qu’ils sont l’image du Prince & les
seuls qui sont responsables de la iustice & du bon traittement
qu’on doit à ses sujets. Le mot de Magistrat qui leur appartient,
vint de Magistratus & Magister ; qui est celuy ; qui magis potest, &
cui præcipua cura incumbit ; Et selon Festus ; Magistratus à Magistrando

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dicti sunt, qui per imperia potentiores sunt. Le commandement
qui s’appelle dans le droit ; Imperium ; Leur appartient & à nul
autre qu’a ces anciens & naturels Conseillers du Souuerain.
C’est pourquoy ils sont obligez, & par le deu de leurs charges,
& par le deuoir de leurs consciences, de resister hautement &
fortement à ceux qui vsurpant leur pouuoir & leur authorité,
abusent insolemment & mal-heureusement du nom & de la
puissance de sa Majesté, crainte qu’vn iour il ne leur arriuast
autant qu’aux amis de Perseus Roy de, Macedoine, lequel
ayant esté deffait par Paul Æmile, & estant en fuite auec quelques-vns
de ses plus affidez, l’vn deux parlant des choses passées
representa au Roy plusieurs fautes par luy commises, &
qui auoient esté cause de sa ruine ; auquel Perseus respondit se
tournant vers luy, ha traistre, me l’as-tu gardé à dire jusques à
maintenant qu’il n’y a plus de remede, & en mesme temps le
tua de sa propre main ; Luy faisant porter la peine de n’auoir
dit mot lors qu’il deuoit parler, & de l’auoir aduerty quand il
n’estoit plus temps.

 

Leg. 57. de
verbor. signif.

Plutarque
vies des hõmes
illust.
hist.

Pour l’autre erreur que vous establissez, que le Roy peut choisir
& retenir auprés de soy les Ministres que bon luy semble, quelque
meschans & odieux qu’ils puissent estre à Dieu & aux hommes ;
Ce discours est receuable dans la bouche d’vn Tyran & d’vn
Aduocat du Mazarin, qui veut tromper vn Roy qui sort de
Minorité, & dupper vne Reine qui ne fait que quitter la Regence ;
puis que c’est contre l’aduis, la prudence, & l’experience
de son Altesse Royale Oncle de sa Majesté, des Princes de
son Sang, des Officiers de sa Couronne, & du Parlement de
Paris qui tous ensemble sont chargez de sa tutelle, & responsables
du gouuernement de son Royaume. La Reine mere deffunte
Marie de Medicis pendant le bas aage du Roy Louis
XIII. son fils, le conduisit elle-mesme au Parlement le 15.
May 1610. pour le prier comme elle fit de l’assister pendant son
bas aage, de ses bons conseils, & de ses bons aduis ; les actes publiques
attestent cette verité.

Nostre histoire, & les Registres du Parlement font foy, que
les jeunes Rois, comme est le nostre que Dieu conserue, ont
accoustumé de venir au Parlement, auec les Princes du sang,
pour y choisir & demander des Ministres & des Conseillers fideles

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pour gouuerner l’Estat ; & les Princes du Sang estans
Ministres nez & Gouuerneurs naturels du Royaume pour
auoir droit à la Couronne, on ne peut pas les exclure du conseil,
pour y faire presider vn estranger ignorant, contre les
Loix de la France.

 

On void bien que vous mesurez à vostre aulne les gens de
bien que les Princes pourroient nommer au Roy, quand vous
dites que s’ils auoient le choix des Ministres, les Ministres ne conseilleroient
iamais le Roy selon le bien de son seruice, mais selon l’interest de
ceux qui les auroient auancez ; parce qu’on connoist assez par vos
propres escrits que vous estes plus fidelle au Mazarin qu’au
Roy, & que vous joüez & trompez sa Majesté autant de fois, &
aussi souuent que ce traistre Italien vous l’ordonne, & vous le
commande ; estant honteux que de petites gens comme vous
qui n’ont autres merites que la flatterie & la seruitude, ayent
plus de voix & plus de pouuoir dans les conseils secrets du
Souuerain, que les gardiens de son lict de Iustice, & tous les
Princes du Sang ensemble, ce qui tesmoigne bien leur trop de
bonté & trop de patience, pour souffrir & dissimuler si longtemps,
tant d’vsurpations & tant de violences par vn tas de
tiranneaux qu’ils deuroient auoir chassé il y a plus de dix ans.

Vostre opinion n’est pas plus saine, ny plus solide que celle
de deux cent Senateurs desinteressez, pour persuader au Roy
contre leur aduis, que sa Majesté peut choisir & retenir auprés
de soy les Ministres que bon luy semble, quelques meschans &
odieux qu’ils puissent estre à son peuple & à ses sujets. Leurs
Remonstrances faites à Sully condamnent vos maximes tyranniques,
puis qu’elles enseignent formellement, qu’il ne suffit
pas que les Rois s’arrestent dans la consideration des choses qui les touchent
en particulier, estans enuoyez Dieu pour estre les Gouuerneurs &
les Peres des peuples qui leur sont commis ; mais sont obligez d’esloigner
tout ce qui peut corrompre les mœurs de leurs sujets, principalement de
ceux qui ont l’honneur de les approcher, sans considerer les Conseils ordinaires
des fauoris qui ont accoustumé de persuader aux puissances qui
les esleuent, que les desplaisirs qui leur sont faits, sont autant a’entreprises
sur l’authorité Souueraine, mesmes des tesmoignages d’auersion contre
la personne du Prince, & que les plaintes que l’on fait contre l’insolence
de leur fortune, sont autant de conspirations contre l’Estat. Voila

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les propres termes de ces remonstrances incomparables que
l’on a celées à sa Majesté, afin qu’elle n’y descouure point la
misere de ses peuples, la fidelité de son Parlement, & la perfidie
du Mazarin.

 

Tacite, l’vn des plus grands & plus qualifiez Ministres qui
ayent iamais esté, appuyant ces saintes remonstrances, & blasmant
les Sentimens du fidelle sujet du Roy, dit, qu’il sçait par
experience, que la meilleure piece d’vn Royaume, & la chose
la plus importante d’vn Estat, est vn bon Ministre, & vn officier
entier & sans reproche ; Nouimus, nullum maius boni Imperij instrumentum,
quam bonos Ministros ; voulant conclure par là que les
meschans & les coupables en estoient la honte, la ruine, & l’infamie,
& que le Prince qui aimera ses sujets, & le soulagement
de son peuple, ne l’abandonnera iamais à l’auarice, aux iniustices,
aux exactions ny aux tyrannies de ces pestes publiques, &
de ces monstres qui n’ont rien de l’homme que le nom & le visage.
Il est vray que les Princes aussi bien que les particuliers
disposent souuerainement de leurs cœurs, & qu’ils y forment
l’amour & la haine pour qui, & comme ils veulent ; il faut
neantmoins nonobstant cela, que leurs affections enuers les
particuliers soient iustes & bien reglées, parce que s’il y a du
desordre, cela cause la ruine de la Republique, & les rend
odieux, & leurs fauoris miserables.

Tacit. hist.
lib. 4.

Ces veritez posées, qui peut reuoquer en doute que nous
n’ayons autant de droit que de sujet de nous plaindre de ces
ennemis de l’Estat, quelques reuerez & releuez qu’ils puissent
estre par l’esclat de leur fortune. L’Empereur Constantin connoissant
la malice des Ministres, & la necessité qu’il y a de les
accuser, & de s’opposer à leurs desreglemens, fit cette belle &
celebre constitution ; Si quis est cuiusque loci, ordinis, dignitatis, qui
se in quemcunque Iudicum, Comitum, amicorum, vel Palatinorum
meorum (qui sont les Ministres d’Estat, les fauoris & autres principaux
Officiers) aliquid veraciter & manifesté probare posse confidit,
quod non integrè atque iustè gessisse videatur, intrepidus ac securus accedat,
interpellet me, ipse audiam omnia, ipse cognoscam ; & si fuerit
comprobatum, ipse me vindicabo ; dicat securus & bene sibi conscius dicat ;
si probauerit vt dixi, ipse me vindicabo de eo qui me vsque ad hoc
tempus simulata integritate deceperit ; illum autem qui boc prodiderit &

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comprobauerit, & dignitatibus, & rebus augebo.

 

Cod. Theodos.
de accusatio.
leg.
4.

Saint Bernard se plaignant au Pape Eugene des crimes &
des maluersations de ses Officiers, luy mande & luy escrit ;
Sunt quæ te ignorare nolim, mores tuorum & studia ; nec oportet vt vitia
domus tuæ vltimus scias, quod quamplurimis nouimus contigisse ; tu
vlciscere iniuriam tuam, impunitas ausum parit, ausus excessum.

S. Bernard.
de consid.
ad Eugeniũ,
lib. 4.

Philippes de Commines qui a esté le plus fidele & le plus vertueux
Ministre d’Estat que la France ait iamais produit, parlant
de la Iustice & de l’importance de ces accusations dit ; I’ay
demandé en vn article precedent, qui fera information contre les grands,
qui l’àpportera au Iuge, & qui sera le Iuge qui punira les mauuais ? L’information
sera la plainte & clameur du peuple, qu’ils foulent & oppressent
en tant de manieres, sans en auoir compassion ny pitié ; Les douloureuses
lamentations des veufues & orphelins, dont ils auront fait mourir
les maris & les peres ; & generalement tous ceux qu’ils auront persecutez
tant en leurs personnes, qu’en leurs biens. Et vn peu aprés monstrant
comme les Princes sont punis pour leurs propres fautes, & celles
qu’ils souffrent en leurs Ministres ; Quand Dieu, dit-il, est
tant offensé qu’il ne veut plus endurer, mais veut monstrer sa force &
sa diuine Iustice ; alors premierement il diminuë le sens des Princes, qui
est grande playe pour ceux à qui ils touchent ; il trouble leurs maisons, &
& la permet tomber en diuision, & en murmure ; il fuit les conseils & compagnies
des sages, & en esleue de tous neufs mal sages, malraisonnables,
violens, flatteurs, & qui luy complaisent à ce qu’il dit ; s’il faut imposer
vn denier, ils disent deux ; s’il menace vn homme, ils disent qui le faut
pendre, & de toutes autres choses le semblable.

Philippe de
Commines,
liu, 5. ch. 18.

Comme les Souuerains sont les Chefs & les protecteurs de
leurs peuples, aussi sont-ils responsables des crimes & des maluersations
des Ministres & des Officiers dont ils se seruent,
puis qu’ils commettent tous les maux qu’ils n’empeschent pas ;
& que ces desordres publiques qui ruinent & qui consomment
tout l’Estat, deuiennent des pechez essentiels & particuliers
pour les Princes qui les souffrent & qui les tolerent impunément ;
Quia nihil est, dit vn Autheur celebre, quod ab Imperatoribus
emendari non queat, nec vllum peccatum quod vires eorum
superet, & quidquid permittunt, facere videntur. C’est dequoy le
Mazarin demeure d’accord luy mesme dans vne de ses Lettres
à Monsieur le Comte de Brienne, en la page 13. du recueil imprimé.

-- 111 --

N’estant pas assez que le Roy soit innocent & sans reproche,
mais il importe à sa gloire & à sa conscience, que le
throsne d’où sorte sa Iustice, ne soit point soüillé ny corrompu,
par ceux qu’il y fait reposer pour la rendre sous son nom, &
sous son authorité aux sujets qui luy demandent, & ausquels il
la doit sans tache & sans corruption, cette obligation est de
droit diuin ; Rex autem, & thronus eius sit innocens.

 

Nicetas,
hist.

Lib. 2. Reg.
cap. 14. vers.
9.

Il n’y a personne dans le Royaume qui ne die de l’insolence
& de la tyrannie du Mazarin, ce que le peuple Romain publioit
du trop de credit de Sejan, qu’il accusoit & chargeoit
iustement de tous les desordres de l’Estat, à cause que Tibere
se reposoit sur luy de toutes choses, & qu’il faisoit mille iniustices
qui ne luy estoient pas commandées : Sejanus facinorum
omnium repertor habebatur, ex nimia caritate in eum Cæsaris, dit l’incomparable
Tacite.

Tacit, annal.

N’estant pas assez de dire comme Richard Roy d’Angleterre,
que le Roy ne fait rien qui n’ait passé par son Conseil, parce
qu’il le doit prendre bon, & qu’il est obligé d’y remedier
quand on luy descouure les malices & les iniustices qui s’y font,
dautant que ; Salutem Reipublicæ tueri nulli magis conuenit, quam
principi, dit le Droit escrit ; ce qui a fait dire à Isocrate lors qu’il
instruit vn jeune Prince, que ; Principatum adeptus, nullius improbi
ministerio vtitor ; nam quidquid ille deliquerit, tibi velut authori imputabitur,
ce que Tibere sceut fort bien prattiquer, pour éuiter
la haine & le mespris de ses sujets ; Tiberius aulæ vitia oderat, vt
qui à pessimis dedecus publicum metuebat.

ff. de Offic.
præsid, vigil.
leg. nam
salutem.
Isocrate.

Tacit. ann.
lib. 1

Le plus sage, & le plus pieux Chancelier qui nous ait laissé
des escrits, parlant de la gloire & de la satisfaction que les Princes
reçoiuent de la vertu & de la probité de ceux qu’ils employent,
dit ; Adornatum palatij credimus pertinere aptas dignitatibus
personas eligere ; quia de charitare seruientium crescit fama dominorum ;
tales enim prouehere principem decet, vt quoties procerem suum fuerit
dignatus aspicere, toties se cognoscat recta iudicia habuisse, moribus
enim debet esse conspicuus, qui datur imitandus ; facile est qualemcunque
sibi deligere, multis ante electum videre decet ; ce que Machiauelle
semble auoir imité quand il dit, que la premiere coniecture que
l’on fait d’vn Prince & de son esprit, se fonde communément sur les hommes
qu’il a auprés de luy, parce qu’estans suffisans & fidels, on le peut

-- 112 --

tousiours reputer sage, pour auoir sceu connoistre leur suffisance, & les
maintenir en telle fidelité, mais s’ils sont autres, on ne fera iamais bon
iugement de luy, dautant que la premiere & plus grande faute qu’il sçauroit
faire, est en cette mauuaise election. Monsieur le premier President
de la Cour des Aydes haranguant dans sa Compagnie deuant
vn Prince du Sang qui y estoit enuoyé du Roy, au mois
d’Aoust 1648. ne manqua point de luy representer, en luy despeignant
les desolations de l’Estat, que les Princes estoient comptables
à Dieu & au public, de tous les maux dont ils pouuoient arrester le
cours & les progrez.

 

Cassiod. variar.
lib. 4.
Epist. 3.

Machiauel.
en son Prince,
chap. 22.

Histoire du
Temps, page
270.

Si vn pere de famille auoit vn domestique qui fut si malheureux
que de ne pouuoir compatir auec les autres, & qu’il causast
vne guerre continuelle dans sa maison ; quelque fidelle &
quelque necessaire qu’il fut, il seroit raisonnablement obligé
de l’enuoyer & de le congedier. Que si c’estoit vn voleur, vn
perfide, & vn seditieux, non seulement il deuroit le chasser,
mais le mettre & le liurer entre les mains de la Iustice pour en
faire vne punition exemplaire. Les Rois sont les Peres du peuple,
& non pas les tyrans ; Leurs Estats ne sont que plusieurs
familles dont ils ont le soing & le gouuernement ; ils doiuent
l’amour & la justice à ceux qui les reuerent & qui les reconnoissent
pour ce qu’ils sont ; ils ne sont qu’vsufructiers de leur
Empire, & n’ont aucun droit ny aucun pouuoir d’y mettre le
feu, ny de le renuerser pour contenter leur passion ; Le nom
de Roy ne leur en permet point, & s’ils en veulent auoir il faut
que ce soit comme hommes priuez, & non pas comme administrateurs
& gouuerneurs de la chose publique.

C’est pourquoy Ammian Marcellin definissant la Royauté
dit ; Imperium nihil aliud esse, quam curam salutes alienæ ; Ce qui l’oblige
dit Seneque ; Vt omnium domos illius vigilia, omnium otium,
illius labor ; omnium delicias, illius industria ; omnium vocationem, illius
occupatio defendat ; Ce qui fit dire à l’Empereur Diocletian,
que l’Empire estoit vne honorable seruitude pleine de soins &
d’espines ; au lieu que les Tyrans ne songent qu’à leur seureté,
& ne trauaillent qu’à leur profit & vtilité ; Tyrannus suam, Rex
eorum quibus Imperat vtilitatem spectat. Surquoy Seneque donne
cét aduertissement Chrestien aux Souuerains ; Ciuium non seruitutem
illis traditam, sed tutelam, parce dit-il, que la Republique

-- 113 --

n’est point à eux, mais eux à la Republique entierement ; nec
Rempublicam tuam esse, sed te Reipublicæ ; Et ne faut point, dit Philon
le Iuif, appeller Rois ceux qui desployent leurs grandes
puissances à la ruine & dommage de leurs sujets, mais bien des
persecuteurs qui font des actes d’ennemis mortels & capitaux.
Le nom de Roy repugne à cela, puis que, Rex, vient à regendo,
& non pas, ab opprimendo, vastando, & peruertendo ; qui dit Royauté,
dit puissance temperée, & qui la veut sans frein & sans borne,
veut la tyrannie, qui n’est que soufferte & iamais reconnuë.
Dans la Harangue qu’vn de nos Chanceliers fit aux Estats tenus
à Tours en l’an 1483. sous le Roy Charles VIII. pendant
sa minorité, il commence par ces termes ; Le bien du Roy est
le bien & profit du Royaume : Le bien du Royaume est le bien du
Roy : Le dommage du Roy est le dommage du Royaume, & le dommage
du Royaume, est le dommage du Roy. Il faudroit que ceux
qui enuironnent & qui obsedent nostre jeune Prince qui ne
fait que sortir de Minorité, luy fassent entendre ces veritez,
& luy enseignent ces Saintes maximes, au lieu de
luy persuader la haine contre ses Officiers, & la vengeance
contre ses sujets, en luy desguisant les malheurs & les desordres
de son Estat, & l’esloignant de ses Conseils & de sa Capitale
comme on fait pour l’empescher de les voir & d’y remedier.
Aristote tout Payen qu’il estoit n’instruisoit point ainsi
son Alexandre quand il luy apprenoit que ; Oportet populum reddere
beneuolum erga Reges, & reïpublicæ rectores ; & conari saltem ne
hostes putentur, qui patres, tutores, & conseruatores esse debuerunt.
C’est pourquoy Charles IX. qui n’estoit pas plus fidellement
seruy par son Cardinal de Lorraine, auoit raison de dire en se
consolant de ce qu’il mouroit sans enfans ; Se malle sine hærede
excedere é vita, quam Regnum infanti multa passuro, Galliam deformatam
bellis ciuilibus viro opus habere. Ce que d’Aubigné rapporte
ainsi en François, que le Roy se resioüissoit de ne laisser aucuns enfans
heritiers, sçachant tres-bien que la France auoit besoin d’vn homme,
& que sous vn enfant, le Roy & le regne sont mal-heureux. Laissant
à part ce que l’Escriture Sainte dit sur ce sujet auec des
paroles si remarquables.

 

Ammian.
Marcell.

Senec.

Arist. ethic.
lib. 8. cap. 12.

Senec. de
Clement.

Philon le Iuif
de l’erection
& creation
du Prince.

Aristot. Polit.
lib. 6.
cap. 7.

Papit. Masson
in vite
Carol. 9.
cap. 28.

Thuamhist.
lib.
d’Aubigné,
en son hist.
vniuer. tom
2. chap. 8.
ann. 1574

La Loy la plus dure, mais la plus iuste du monde, est celle de
la necessité ; il y a du mal-heur à luy estre soubmis, mais beaucoup

-- 114 --

de sagesse à luy obeïr. Les resolutions se doiuent accommoder
à la necessité du temps, & n’y a rien de tel pendant vne
grande tempeste, que de caler le voile, estant certain que
quand on ne peut changer le cours des affaires, on le doit suiure,
& c’est vouloir se noyer, que de se roidir contre vn torrent,
cause pourquoy Lipse donne ce conseil dans ses recueils
politiques, & dit que ; Rebus inclinatis, melius est vt te inclines, ce
que le sçauant Bodin n’a point oublié, disant que ; Quod faciendum
est necessario, & quod impediri nequit, sponte se facere Princeps
præserat, non plus qu’vn autre prudent Autheur qui s’estend
dauantage sur la necessité des conseils dont le Roy a besoin
auiourd’huy, & dit que ; Princeps rebus suis ad interitum vergentibus,
petitis licet iniustis annuat, priusquam dextrè ratiocinando pereat,
quia in omni calamitate, cogitatio ac Consilium de fama & existimatione
nominis conseruanda, postponi debet Consilio de seruanda rerum summa,
& tota Republica. Le Prince ne pouuant iamais blesser sa reputation,
non plus qu’affoiblir son authorité ; Si pluris omnes faciat,
quam vnum, & si cunctis inuisum vel demittat, vel iustitiæ se
purgandum relinquat.

 

Lipse Polit.

François Guichardin dit en quelque endroit de son Histoire,
que de mesme qu’vn malade ne doit pas estre traitté par vn Medecin
au quel il n’a point de creance, ou qu’il tient pour suspect,
ainsi vn Estat, & sur tout quand il est en trouble, ne doit point
estre gouuerné n’y manié par vn Ministre suspect, ou odieux au
peuple. Toutes les medecines de leur nature sont salutaires,
estans prises neantmoins à contretemps, ou en trop grande
abondance, elles sont plustost des poisons que des remedes vtiles,
& des medicamens necessaires.

Les crimes du Mazarin & sa mauuaise conduite l’ayant rendu
l’auersion des gens de bien, & la haine de tous les peuples ; & le
Roy deuant à ses sujets la consolation qu’ils luy demandent, &
le soulagement qu’ils en esperent ; ne fera que ce que doit vn
bon pere enuers ses enfans, & vn bon Prince pour ceux qu’il
gouuerne, s’il leur donne ce contentement d’esloigner celuy
qu’il a condamné le premier, comme le seul & veritable remede
qui peut adoucir leurs maux, & mettre tout l’Estat en repos.

Cela n’est point nouueau, & ce n’est pas receuoir la loy de ses
suiets que de les soulager, en mettant fin à leurs miseres ; &

-- 115 --

quand l’antiquité n’auroit rien de semblable, il ne faudroit pas
laisser de le practiquer, puisque les exemples d’amour & de iustice
sont tousiours plus nobles & plus glorieux en ceux qui les
commencent, qu’en ceux qui les imitent & qui les executent.
L’Histoire Grecque nous presente le miroir & le remede de ce
que nous voyons auiourd’huy dans cét Estat deplorable, racontant,
qu’Astigone Roy de Macedoine laissa Philippe son fils
en bas aage, & luy donna pour tuteur Appelles, distribuant les
autres charges importantes du Royaume à Leontius, Megaleas,
Taurion, & Alexandre. Or aduient que ceux qui deuoient conseiller
& conseruer ce jeune Monarque, furent ceux-là mesme
qui ruinerent dauantage ses affaires, & qui mirent tout son
Royaume en telle diuision, que sans Aratus Prince Achéen, il
estoit en danger de perdre sa Couronne. Les premiers qui conspirerent
furent Appelles, Leontius & Megaleas, luy suscitans
forces guerres estrangeres desquelles ils prirent la conduite, accablans
ce ieune Prince d’affaires afin de se rendre necessaires
aupres de luy, & ordonner de toutes choses plus aisément. Ces
traistres voyans qu’Aratus leur resistoit, & qu’ils ne pouuoient
rien sans luy, ils luy dresserent des querelles, & l’obligerent de
se retirer & de s’enfuïr ; ce que le ieune Roy trouua si estrange,
qu’il fit arrester prisonniers Crinon, & Megaleas ; Appelles
ayant peur se retira de la Cour ; Cependant Leontius qui estoit
àuprés du Roy tira Megaleas de prison à la priere d’Appelles, &
s’entendans plus que iamais quelques esloignez qu’ils fussent,
font pis qu’auparauant, Appelles seignant tousiours de n’oser
venir en Cour, disant se d’effier des autre Ministres. Ce ieune
Prince voyant les desordres de son Estat, & les factions de ses
Ministres, se resolut d’y mettre fin, tesmoignant qu’il auoit plus
d’attachement & plus de creance à Appelles & à Leontius qu’à
tous les autres. Ce qui fit qu’Appelles reuient en Cour accompagné
& suiuy comme vn Roy, où il fut receu & traitté plus fauorablement
qu’auparauant, ce qui dura tant que sa Maiesté
trouua l’occasion de le faire prendre & executer sur le champ.
Apres quoy il assembla tous ses Estats, & leur fit entendre la iuste
raison qu’il auoit euë d’y proceder par cette voye extraordinaire.

 

Polibe hist.
lib. 4. & 5.

Ie laisse au Lecteur prudent de faire l’application de cet

-- 116 --

exemple ancien, au nouueau de nostre Mazarin, & de prier
Dieu qu’il inspire nostre ieune Roy d’imiter au plustost l’amour
de ce genereux Monarque, pour deliurer son peuple des maux
qu’il souffre depuis tant de temps.

 

Nous lisons dans nostre Histoire que, Protade italien de nation
& fauory de la Reyne Brunehaut fille du Roy d’Espagne,
laquelle il entretenoit impudiquement au veu & sceu de tout le
monde, estoit Maire du Palais sous Clotaire II. en l’an 610. Lequel
n’auoit autre soin que de s’enrichir aux despens des François ;
& ce qui le rendit encore plus odieux estoit, qu’il retenoit
pour les siens toutes les charges qui venoient à venoient à vacquer, où
bien en tiroit de l’argent. Voyant que sa dignité luy donnoit
plus de creance & plus d’authorité en temps de guerre que de
paix. Il sema la diuision entre Thiery Roy de Bourgongne, &
Theodebert Roy d’Austrasie son frere. Brunehaut qui fomentoit
tous ces pernicieux desseins, se seruit d’vn artifice diabolique
pour allumer la guerre qui arriua, faisant entendre à
Thiery, que Theodebert n’estoit pas son frere, ny fils de Childebert
comme on croyoit, mais d’vn simple iardinier, & par
ainsi qu’estant illegitime & né d’vn adultere, il ne deuoit faire
aucun scrupule de conquerir ses Estats, & le despoüille de
son Royaume.

Aimon. hist.
I. 3. cap. 92.
Fredegar. in
Chronic. c.
27. 37. & 44.
Appẽdix ad
Gregor. Turon.
Cap. 27.
Paul Æmile
en Clotaire
II.

Les Seigneurs de Bourgongne qui voyoient clair dans ces
menées, & scachans que Childebert auoit reconnu ces deux
Roys freres pour ses enfans legitimes en leur partageant ses
Estats, considerans que cette guerre ne pouuoit estre qu’iniurieuse
à la mere de ces deux Roys, & dommageable à leurs sujets,
firent tous leurs efforts pour l’estouffer & reconcilier ces
deux freres qui n’estoient en diuision que par les mauuais conseils
de Protade. Ces valeureux Bourguignons voyans leurs aduis
mesprisé, & que Protade marchoit auec vne armée pour attaquer
leur Souuerain, ils luy courent sus, & le massacrent dans
la tante du Roy, nonobstant les deffences qu’ils auoient de sa
Maiesté de l’outrager en façon que ce soit, de fait ny de paroles,
disans qu’il valoit mieux qu’vn homme mourut tout seul,
que de mettre deux armées en peril ; ce qui fit que ces deux freres
poserent les armes, & se reconcilierent par ensemble.
Ce coup fut bien hardy, dit l’Historien, neantmoins Thiery

-- 117 --

fut contraint de dissimuler le ressentiment qu’il en auoit, crainte
d’vne rebellion plus grande contre luy-mesme. Brunehaut
comme enragée contre ceux qui auoient contribué à l’assassin
de son Estalon & de son Ruffien, dit Dupleix, en fit mourir
plusieurs inhumainement, & fit tant aupres de Thiery qu’il fit
lapider Didier Archeuesque de Vienne, qui depuis a esté canonisé
pour la grandeur de ses vertus, & la verité de ses miracles.
Mais comme Dieu ne laisse rien d’impuny, cette louue & ce
monstre d’horreur fut enfin elle-mesme liée par Arrest à la
queuë d’vne jumen indomptée, & traisnée par toute la ville,
afin qu’elle mourust ainsi cruellement & honteusement, apres
vne autre queuë que celle qu’elle auoit tant aymée, & qui au
lieu de l’adoucir luy auoit infusé dans le corps & dans l’ame tant
de rigueurs & tant de cruautez.

 

Nous auons remarqué cy-deuant en parlant de Louys le Debonnaire,
comme ce sage Empereur relegua Bernard Comte de
Barcelonne grand Maistre de sa Chambre, parce qu’il ne plaisoit
point à son peuple, & que ses trois fils pour pretexter leur
rebellion le soupçonnoient d’entretenir l’Imperatrice.

Nostre mesme Histoire raconte, qu’enuiron l’an 892. tous
les grands du Royaume se liguerent les vns auec les autres pour
chasser Aganon homme de basse condition, d’aupres de Charles
le Simple qui les negligeoit & les mesprisoit, pour donner
toute sorte de pouuoir & d’authorité à cét insolent fauory, auquel
il abandonnoit tout le gouuernement absolu du Royaume
sans en communiquer à qui que ce soit qu’à luy.

Frag. hist.
Floriacens-Flodoard.
hist.
Aimon. lib.
5.
cap. 43.
Duplex en
Charles le
Simple.

Apres ces trois exemples de la premiere & seconde Race en
voicy vn de la troisiesme & derniere, qui porte que le Roy
Charles VII. Prince recommandable par ses victoires & ses conquestes,
se trouuant en l’an 1424. enueloppé dans vne fascheuse
guerre estrangere contre les Anglois vsurpateurs du Royaume,
& en vne ciuile contre les Ducs de Bourgongne & de Bretagne
Princes de son Sang ; il ne trouua point de party plus seur
ny meilleur pour chasser les estrangers, que de reünir ces deux
Princes aupres de sa personne, & de leuer tous les obstacles qui
pouuoient empescher vn effet si salutaire.

Le principal estoit l’auersion que ces Princes, & generalement
toutes les grandes villes du Royaume auoient contre vn

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nommé Louuet President de Prouence ; L’Euesque de Clermont,
& Tanneguy du Chastel qui estoient maistres absolus des
affaires de l’Estat. De maniere que pour paruenir à la paix entre
le Roy & les deux Princes, l’Euesque de Clermont, & Tanneguy
du Chastel se retirerent, y ayant apparence que les Princes
& le public en demeureroient satisfaits. Mais d’autant que le
President de Prouence autant & plus odieux que les autres,
estoit demeuré seul dans le gouuernement, presque toutes les
grandes villes furent contre le Roy, iusques à ce que ce President
se fut retiré en Auignon, & ensuite la guerre ciuile cessa
par la reünion de la maison Royale. Estant certain que si ce Roy
eut obserué la maxime de ceux qui soustiennent que sa Maiesté
est engagée de retenir le Mazarin pour faire connoistre son authorité,
& qu’il eut tenu ferme pour faire demeurer ces trois
personnes dans son Conseil, il auroit entierement ruïné ses affaires,
perdu son Estat, & son authorité, qu’il recouura depuis
& conserua hautement.

 

De Serre, en
Charles VII.
Duplex, en
la vie de
Charles VII.

Le Roy d’Arragon sçachant qu’Aluare de Lune fauory &
Connestable de Iean II. Roy de Castille mettoit tout ce Royaume
en diuision, luy enuoya des Ambassadeurs pour le prier comme
son proche parent, d’aymer les Princes de son Sang, de leur
communiquer les affaires de la Couronne, de se gouuerner par
leurs aduis & par celuy des Seigneurs les plus puissants & les
plus considerables de son Estat, en faisant retirer l’objet & la
cause de tous ces troubles, & de tant de guerres intestines. Ce
qu’il fit quelque temps apres, commandant à Dom Aluare
d’Estuniga son grand Preuost de l’arrester prisonnier, & de le
tüer s’il se mettoit en deffẽce. Ensuite dequoy il luy fit faire son
procez, & fut condamné d’auoir la teste tranchée, qui demeura
neuf iours au bout d’vn poteau pour seruir d’exemple à tous
les ambitieux qui portent leurs desseins au delà du deuoir & de
la modestie. Allant au supplice vn trompette marchoit deuant
luy, criant à haute voix ; c’est icy la iustice que le Roy fait faire
de ce cruel Tyran qui a vsurpé son authorité. L’on eut beaucoup
de peine d’empescher que le peuple ne se iettast sur luy, &
ne le mit en pieces, luy disant mille iniures, & luy faisant mille
reproches, criant à haute voix ; voicy la iournée que Dieu a faite
pour nostre salut, sortons donc auiourd’huy de misere, &

-- 119 --

resiouїssons-nous, nos maux sont passez. Il mourut si pauure &
si abandonné apres auoir joüy de plus de deux cent mille doubles
ducats de rente, qu’on mit vne escuelle de bois aupres de
sa teste pour receuoir quelques aumosnes, afin de le faire enterrer.
Tant y a que cette mort iuste & funeste reconcilia les
Rois d’Arragon & de Nauarre, & ramena au seruice du Roy
de Castille tous les Princes & grands Seigneurs qui s’en
estoient retirez.

 

Le Cardinal
de Richelieu
n’estãt qu’Euesque
de
Luçon sous
le nom de
Chaintreau
en l’hist. de
Iean II. Roy
de Castille c.
14. 19. 21.

L’Empereur Charles-Quint & Roy d’Espagne, voyant que
ses suiets auoient de l’auersion pour le gouuernement du Cardinal
Ximenes qui estoit vn des plus sages, & plus vertueux
Ministres qui ayent iamais esté, ne laissa pas de l’esloigner & de
luy commander de se retirer de la Cour ; Quia proceribus habebatur
inuisus, & ne hos omnes sibi alienaret, vnicum illum senem seponere
maluit.

Marian.
hist. Hisp.

Le Cardinal de Granuelle qui estoit Vice-Roy pour Philippe
II. dans les Pais-Bas, fut rappellé & mis hors du Ministeriat,
parce seulement que les Flamans croyoient qu’il estoit
l’autheur & la cause de tous leurs maux, & qu’ils prierent sa
Majesté Catholique de les en descharger.

L’Empereur Mathias permit aux Archiducs d’Austriche
de tirer de sa Cour & d’emmener prisonnier le Cardinal Cleselle,
qui estoit son principal Ministre, sans autre raison que de
les contenter en cela, & d’empescher les diuisions qui se formoient
dans son estat à son occasion.

Ferdinand II. se vid comme forcé d’esloigner de sa Cour &
de ses Conseils les Ducs d’Eggenberg, & de Valestein : comme
aussi Philippe IV. le Comte Oliuares ; A suis admoniti, &
prauo rerum successu edocti, cedere necessitati, & grandiora ante-venire
pericula, tutissimum & minime indecorum existimanies.

Comme on parloit à Henry IV. des differens que le Duc
d’Espernon auoit auec la Prouence d’où il estoit Gouuerneur,
il dit auec sa sagesse ordinaire : Si j’appuye le Duc d’Espernon contre
les Prouençaux, ie m’en attireray cent mille sur les bras, pour vn que ie
fauoriseray, & ie signaleray vn coup de puissance absoluë, par vn autre
coup d’iniustice ; ce qui fit qu’il le rapella, & leur enuoya vn homme
agreable pour calmer cette Prouince qui s’alloit ietter
dans vne rebellion dangereuse.

d’Auila des
guerres ciuiles
de France,
lib. 14.
ann. 1594.

-- 120 --

Apres ces maximes approuuées & ces exemples veritables,
ne vous estonnez plus si les peuples ont iuste suiet de demander
l’esloignement du Mazarin, & si les Princes & les Parlemens
soustiennent que le Roy ne peut pas leur refuser cette grace,
puisque c’est l’vnique remede qui doit appaiser les maux, &
les malheurs infinis de cet Estat. Et s’il est vray qu’vn Roy iuste
ne doit iamais aimer ceux qui sont remplis de vices, & chargez
de crimes, l’innocence & la vertu de nostre ieune Prince ne se
laissera pas soüiller dauantage tres-assurément par la presence
du plus abominable de tous les hommes, suiuant en cela le precepte
qu’Aristote donnoit à son Alexandre, de n’affectionner
& ne souffrir aupres de soy que ceux qui pourroient luy causer
de l’honneur, & procurer du soulagement à ses peuples.

Tous les Politiques sans passion sont d’accord que le Souuerain
doit plus à ses suiets qu’à ses propres enfans, parce que la
nature seule l’vnit à ceux-cy, & la Iustice à ceux-là : il n’est pere
que par hazard, mais Souuerain par choix & par bon-heur.
Quand il n’engendreroit que des idiots & des stupides, il ne
laisseroit pas d’estre pere comme les autres, au lieu qu’il n’est
plus Roy quand il ne gouuerne que des esclaues & des malheureux.
Le sang qui se communique fait le fondement de la
paternité, & la prosperité de l’Estat sert de base à l’Empire. Le
Prince est le pere commun de toute la Republique, ce qui l’oblige
à son amour : Il en est le fils aussi puis qu’il en reçoit la
qualité de Souuerain, c’est pourquoy il ne peut luy refuser sa
pieté, ny le soulagement qu’il luy doit, s’il ne veut auoir plus
d’ennemis, que de sujets, & d’vn Royaume libre & fleurissant,
en faire vn de serfs & de desesperez qui ne l’aimeront plus.

Plures hostes,
quam
ciues, vobis
remauebũt.
Tertull. in
Apol.

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Anonyme [1652], OBSERVATIONS VERITABLES ET DES-INTERESSEES, Sur vn escrit imprimé au Louure, INTITVLÉ LES SENTIMENS D’VN FIDELLE SVIET DV ROY, Contre l’Arrest du Parlement du 29. Decembre 1651. Par lesquelles l’authorité du Parlement, & la Iustice de son Arrest contre le Mazarin, est plainement deffenduë; & l’imposteur qui le condamne entierement refuté. Par vn bon Ecclesiastique tres-fidelle sujet du Roy. PREMIERE PARTIE. Qui iustificat impium, & qui condemnat iustum; abominabilis est vterque apud Deum; Prouerb. cap. 17. vers. 15. , français, latinRéférence RIM : M0_2574. Cote locale : B_11_23.