Anonyme [1652], OBSERVATIONS VERITABLES ET DES-INTERESSEES, Sur vn escrit imprimé au Louure, INTITVLÉ LES SENTIMENS D’VN FIDELLE SVIET DV ROY, Contre l’Arrest du Parlement du 29. Decembre 1651. Par lesquelles l’authorité du Parlement, & la Iustice de son Arrest contre le Mazarin, est plainement deffenduë; & l’imposteur qui le condamne entierement refuté. Par vn bon Ecclesiastique tres-fidelle sujet du Roy. PREMIERE PARTIE. Qui iustificat impium, & qui condemnat iustum; abominabilis est vterque apud Deum; Prouerb. cap. 17. vers. 15. , français, latinRéférence RIM : M0_2574. Cote locale : B_11_23.
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Si le Parlement de Paris n’a point de part aux Misteres
de l’Estat, ny dans les affaires publiques.

Nostre Apologiste Mazarin redoublant ses impostures,
& descouurant de plus en plus son erreur & son aueuglement,
n’a point de honte d’escrire sur la fin de la page
21. de ses Sentimens extrauagans, que le Parlement de Paris
n’a point de part aux Misteres de l’Estat, & que son Authorité & sa jurisdiction
doiuent tousiours estre renfermées dans les bornes qu’il plaist
au Roy de luy donner.

Les Mazarins & ceux qui sont payez pour escrire en sa faueur
sont trop suspects & trop interessez pour decider cette
question, & donner des bornes à vne authorité qui n’en a point
que celles de la Royauté, puis qu’elle fait le throsne de nos
Rois, qu’elle conserue son lict de Iustice, & qu’elle est la source
& le principe de toutes les autres authoritez Souueraines &
subalternes du Royaume, qui ne peuuent rien, & n’executent
rien qui ne vienne de ses ordres, de ses mandemens, & de ses
verifications indispensables & necessaires.

Et puis que les Ministres & les fauoris ignorans se veulent
flatter de ce doute pour donner quelque couleur à leurs injustices
& à leurs tyrannies, ie vous assure qu’auant qu’il soit six
mois d’icy, ie donneray au public vn traité tout entier, & quatre
fois plus gros que ce discours, pour faire connoistre à tous
les bons & fidelles sujets du Roy, l’authorité legitime & Politique
du Parlement de Paris, dans la connoissance & l’administration
des affaires d’Estat & publiques, & qu’à luy seul se
communique l’authorité Royale en tous ses chefs, &c. Ce
qui fera la seconde partie de ces obseruations veritables &
desinteressées ; Afin de faire connoistre à Messieurs du Conseil
d’Enhaut, & aux fauoris qui les abaissent & les esleuent comme
ils veulent, ce qui est de leur deuoir & de leur fortune inconstante
& passagere ; Et comme le Conseil d’Enhaut ny le
Conseil d’Embas n’a aucun pouuoir reglé, aucun caractere,
aucune Magistrature, ny aucune qualité pour rien establir ny

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ordonner dans la police generale & fondamentale de l’Estat, &
que l’employ & les Charges de ceux qui le composent sont si
fragiles & si caduques, qu’vne petite gelée blanche & vn peu
de froidure extraordinaire peut ruiner & renuerser toute cette
authorité pompeuse qui n’a pour fondement qu’vn amour desreglé,
& pour stabilité que l’inconstance de la Cour, comme
nous l’experimentons tous les jours ; ce qui ne se fait point dedans
le Corps ny dans les parties de ce grand Parlement qui est
né auec la Royauté, & qui ne peut finir ny estre supprimé qu’auec
elle, & toute la Monarchie Françoise.

 

Neantmoins pour ne point laisser sans response cet endroit
le plus delicat de l’escrit dangereux & seditieux que nous refutons,
ie diray par auance, & par abbregé du traitté necessaire
que nous preparons sur ce suiet, non iamais assez amplement ny
assez nettement esclaircy ; que puisque le Parlement de Paris
fait le Corps le plus important & le plus considerable de l’Estat,
il est bien iuste & bien raisonnable qu’il se mesle & qu’il prenne
connoissance des affaires du Royaume qu’il gouuerne, & duquel
il est responsable par la qualité de ses fonctions, & par l’origine
de son establissement, puisque ; Senatus immortalis est, Princeps
vero mortalis, comme disoit vn grand & puissant Empereur.

Cette façon de gouuerner n’est point nouuelle aupres des
Souuerains, ny contraire à la Royauté legitime, Theodose &
Valentinian confessans dans leurs Ordonnances, qu’ils auoient
obserué qu’ils ne pouuoient faillir ny se tromper, en communiquant
leurs affaires les plus importantes au Senat, & prenans
son aduis & conseil pour ce qui regardoit le gouuernement de
l’Estat ; Benè cognoscimus, quod cum vestro Consilio fuerit ordinatum,
id ad beatitudinem nostri Imperii, & ad nostram gloriam redundare.

Cod. de legib.
leg. 8.

Le plus prudent, & le plus sçauant Magistrat qui ait iamais
esté, parlantdes qualitez & des connoissances que doit auoir vn
bon & veritable Senateur, dit que ; Senatori necessarium est nosce
rempublicam, quid habeat militum, quid valeat ærario, quos Socios
Respublica habeat, quos amicos, quos stipendiarios, qua quisque sit lege,
conditione, fædere, tenere consuetudinem decernendi, nosce exempla
maiorum ; Ce que Pline appelle dans ses Epistres ; Ius Senatorium ;
Comme s’il vouloit dire qu’il n’appartient qu’aux Senateurs, &
aux Compagnies Souueraines de l’Estat de prendre le soin & le

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gouuernement de ses affaires, puis qu’ils ont les interests de la
Couronne, & les biens, & la vie des Sujets entre leurs mains ; &
non pas des gens empruntez qui ne sont officiers que de la fortune,
sans merite & sans vertu, lesquels ne pouuans rien iuger
d’ordinaire & de contentieux, ne doiuent prendre connoissance
aussi des choses qui sont reseruées au Parlement, & qui font
la baze de son establissement.

 

Cicero de
legibus.

Vn sçauant Politique de nos iours, rendant le Conseiller
Souuerain, également responsable du gouuernement de l’Estat,
auec le Prince qui en est le Chef & le premier, dit ; quod flagitium
est in principe, imperandi imperitum esse ; sic in quouis Senatore ; C’est
pourquoy Suetone parlant de l’Empereur Tibere, assure que ;
neque tam paruum quiddam, neque tam magnum publici priuatique negotij
fuit, de quo non ad patres conscriptos referetur ; Ce que Tacite
confirme en ces termes ; Tiberius vim principatus sibi firmans postulata
Prouinciarum ad disquisitionem patrum mittebat.

Clapmar. de
arcanis rerum
public.
lib. 5. cap. 14

Sueton. in
Tiberio.

Tacit. ann.
lib. 3.

François I. nous a laissé vn exemple singulier & remarquable
de l’approbation qu’il faisoit de cette politique, & de l’estime
qu’il auoit du Senat le plus consideré de la terre, prenant son
Parlement de Paris pour Arbitre de sa fortune, lors que s’agissant
de sa propre liberté, il ne fit autre response à Charles-Quint
sinon ; que les loix fondamentales de son Royaume estoient de ne rien entreprendre
sans le consentement de ses Cours Souueraines, entre les mains
desquelles residoit toute son autorité.

Bodin qui estoit aussi intelligent dans les Droits de la Couronne
que les Aduocats suspects du Mazarin, rapportant plusieurs
exemples pour faire voir le droit & le pouuoir qu’a le
Parlement de Paris de se mesler & de prendre connoissance des
affaires d’Estat & publiques, dit que ; Charles V. Surnommé le Sage,
aiant receu les plaintes & les appellations de ceux de Guyenne, sujets
du Roy d’Angleterre, contreuenant directement au Traitté de Bretigny,
assembla tous les Princes en Parlement en l’an 1370. Disant qu’il les
auoit fait venir pour auoir leurs aduis, & se corriger s’il auoit fait chose
qu’il ne deust faire. Adjoustant vn peu apres.

Bodin, de la
Republ. liu.
3. chap. I.

Nous voyons la Cour de Parlement de Paris auoir esté l’ancien Senat
du Royaume de France, & s’appelle encore auiour d’huy la Cour des Pairs
qui fut erigée par Louys le Ieune, selon la plus vraye opinion, & ce pour
donner Conseil au Roy ; Comme on peut voir en l’erection du Comté de

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Mascon en Pairie, par le Roy Charles V. en l’an 1359. Où il est dit, que les
Roys de France ont institué les douze Pairs pour leur donner ayde & conseil,
& s’appelloit, comme encore à present par prerogatiue d’honneur, la
Cour de Parlement sans queuë, comme on peut voir és lettres qu’elle escrit
au Roy ; au lieu que les autres nouuellement establis y adjoustent Parlement
de Rouen, de Bourdeaux, de Dijon, &c. Cette Compagnie illustre
& glorieuse estant encore reconnuë auiourd’huy, pour le
Throsne & le lict de Iustice du Souuerain, la Cour des Pairs qui
sont les Conseillers d’Estat, lesquels ne peuuent rien deliberer
ailleurs qu’auec toutes les Chambres assemblées, estant là le
Conseil où la guerre se declare, où les Traittés de Paix se confirment,
où les Regences sont autorisées, où les Majorités des Roys
sont declarées, où les Loix & les Ordonnances du Royaume
reçoiuent leur force & leur vigueur, & où l’authorité Royale
repose comme en sa source auec tant d’esclat & tant de splendeur,
qu’il n’y a personne qui ne la reçoiue, & ne la reconnoisse
quand elle a passé par là, & pas autrement.

 

Dans les Remonstrances que le Parlement de Paris fit au Roy
Louys XIII. en l’an 1615. faisant voir à sa Majesté le droit & la
raison qu’il a de prendre connoissance des affaires d’Estat, il represente
que Charles V. joignant la Iustice à la puissance Royale, ne
declaroit iamais la guerre, & ne traittoit d’aucune affaire importante que
par l’aduis de son Parlement, & luy qui s’estoit acquis dans toutes les
nations le haut tiltre de Sage, faisoit gloire d’auoir retiré l’vne de ses Prouinces
d’vne main estrangere par vn Arrest de son Parlement.

Louys XI. Prince plus jaloux de son authorité qu’aucun de
ses predecesseurs, se voyant menacé d’vne mort prochaine, fit
venir le Dauphin son fils, qui depuis a regné sous le nom de
Charles VIII. aupres de sa personne pour luy declarer ses dernieres
volontez, & apres luy auoir fait entendre qu’il desiroit
l’instruire & le preparer au gouuernement de son Estat, la derniere
parole fut, de ne rien entreprendre sans l’aduis de ses
Pairs & de son Parlement ; & voulut que la remonstrance qu’il
luy faisoit y fut enregistrée.

Monsieur le premier President du Parlement de Paris, representant
au Roy vne partie du pouuoir de la Compagnie dont il
est le chef, dit à sa Maiesté seant en son lict de Iustice le 31. Iuillet
1648. Qu’elle ne pouuoit trouuer mauuais que son Parlement qui a

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tousiours esté le principal Conseil des Roys, luy face entendre les maux que
souffrent ses suiets, &c. Et les Deputez de ce mesme Senat s’estans
trouuez à Saint Germain en Laye le 25. Septembre 1648.
pour conferer auec les Princes du Sang touchant les affaires
publiques & les desordres de l’Estat, ils tindrent Conseil dans
le Cabinet de son Altesse Royale, sans que le Cardinal Mazarin
ny le Chancelier Seguier y fussent appellez quoy que presens,
ains au contraire en furent exclus, le Parlement l’ayant ainsi ordonné
du consentement mesme de tous ces Princes.

 

Histoire du
Temps, page
243. & 364.

Non seulement ce grand Parlement peut & doit prendre connoissance
des affaires d’Estat, mais il est encore obligé & necessité
de ce faire, puis qu’il apprend par ses propres registres, qu’vn
de nos Roys interdit quantité de ses principaux Officiers pour
auoir souffert la dissipation de ses Finances, & ne s’estre pas opposez
aux desordres de l’Estat, comme leur deuoir & leurs consciences
les y oblige.

Et apres cela dittes encore qu’il n’a ny droit, ny pouuoir de
se mesler, ny de prendre connoissance des affaires d’Estat, &
qu’il n’a aucune part à ses mysteres, puis que son institution l’oblige
à ce deuoir, & que par ses Arrests il en peut exclurre &
priuer les premiers Ministres, le Chancelier & les principaux
Officiers de la Couronne.

Philippe de Commines, qui deuroit seruir de regle & de modelle
à tous ceux qui se donnent le nom de Ministres, dit que ;
C’est vne chose iuste & saincte de ne pas entreprendre la guerre sans l’aduis
des Parlemens, parce que les Roys en sont plus forts & mieux seruis :
car l’issuë volontiers n’en est pas brief. Adioustant au liure suiuant,
qu’à commencer la guerre & à l’entreprendre, ne se faut point tant haster,
& a-t’on assez de temps ; & si vous dis que les Roys & princes en sont
trop plus forts quand ils l’entreprennent du consentement de leurs Suiets
& en sont plus crains de leurs ennemis. Ayant dit auparauant que
Louys XI. Voulant recommencer la guerre contre le Duc de Bourgongne,
fit tenir les trois Estats à Tours és mois de Mars & d’Avril 1470. où il y
auoit plusieurs gens de Iustice tant du Parlement que d’ailleurs, & fut
conclu que ledit Duc seroit adiourné à comparoir en Parlement à Paris, ce
qui fut fait par vn Huissier du Parlement en la ville de Gand comme il
alloit ouir Messe ; il en fut fort esbahy & mal content, fit prendre l’Huissier
& le garder, à la fin on le laissa courre.

Philippe de
Commines,
lin. 4. ch. 1.

Ibid. liu. 5.
chap. 18.

Ibid. liu. 3.
chap. 1.

-- 97 --

Monsieur Talon Aduocat general, dans la Harangue qu’il
fit au Roy seant en son lict de Iustice au Parlement le 15. Ianuier
1648. dit que le Roy Charles V. vint au Parlement pour denoncer
la guerre à Edouard Prince de Galles, & pour confisquer son Duché d’Aquitaine
dont il n’auoit pas voulu luy rendre hommage.

Histoire du
Temps, page
40.

Nous auons veu de nos iours le Cardinal de Richelieu qui
ne se sousmettoit que le moins qu’il pouuoit, accompagner le
feu Roy dedans son Parlement pour y declarer & verifier la
guerre contre l’Espagne, le 6. Iuin 1635. ce qui est conforme à
l’ancien vsage du Royaume, & à la Politique de ces sages Romains ;
Apud quos bellum decernere non licuit, nisi Comitiis populi centuriatis,
id est, Maximis ; parce que dit Platon ; Si quis pacem, vel
bellum fecerit priuatim sine publico scito, capital esto.

Plato. lib. 2.
de legib.

Si ce grand Senat juge de l’vtilité de la guerre, & decide la
necessité que nous auons de l’entreprendre, il est bien iuste &
bien raisonnable qu’il assiste & qu’il se trouue aux traittez de
Paix qui se font ensuite, suiuant le sentiment de nostre Tacite
François, qui dit que Charles VII. Roy de France faisant la paix
auec Philippe Duc de Bourgogne, assisterent au Traité qui se fit à Arras de
la part du Roy, quatre ou cinq Ducs ou Comtes ; cinq ou six Prelats, &
dix ou douze Conseillers du Parlement.

Philippe de
Commines,
liu. I. chap. 7.

Dans la Declaration du mois de Mars 1649. verfiée au Parlement
de Paris le I. Avril ensuiuant, il est conuenu & porté en
termes exprés, art. I. que l’on trauaillera sans feintise & sans desguisement
en diligence au Traité de paix generale ; Ayant resolu dés à
present sa Majesté, de nommer entre les Deputés qui seront enuoyez pour
la traiter & la conclure de nostre part, l’vn de nos officiers de nostre Cour
de Parlement de Paris ; Ce que le Mazarin seul a empesché & retardé
jusques à maintenant, comme le Roy mesme le declare
par ses lettres patentes du mois de Septembre 1651.

Non seulement ces grands hommes, & ces colomnes inesbranlables
de l’Estat assistent & se trouuent aux traittez de
Paix pour veiller aux droits & à la conseruation de la Couronne,
mais encore les verifient, les confirment, & les ratifient
quand ils sont arrestez & conclus, & leur donnent la force &
la vigueur qui les fait obseruer & subsister entre les Souuerains
qui les ont passez & moyennez. Philippe de Commines assure
comme tesmoin oculaire, que Louys XI. ayant traité à Peronne

-- 98 --

auec le Duc de Bourgogne, il desira retourner à Paris pour faire publier
leurs appointemens en la Cour de Parlement, pour ce que c’est la coustume
de France, d’y publier tous accords, ou autrement ne seroient de nulle valeur.
Les Romains en vsoient ainsi, & ceux qui se sont faits Empereurs
de tout le monde n’entreprenoient rien sans l’aduis du
Senat, & ne commençoient & ne finissoient iamais la guerre
sans son aduis & son consentement ; Ratio pacis faciendæ apud
Romanos iniri non potuit, nisi consensu Senatus, ac populi, & postea Imperatorum ;
C’est pourquoy Posthumius dit dedans Tite-Liue ;
Sponsione, quæ iniussu populi Romani facta est, non teneri populum
Romanum.

 

Philippe de
Commines,
liu. 2. ch. 14.

Tite-Liue.

On void par le preambule du traitté de Madrid, fait en l’an
1526. entre Charles-Quint Empereur, & François I. Roy de
France son prisonnier, comme Messire Iean de Selue premier
President du Parlement de Paris, fut deputé pour traitter &
de la paix, & de la liberté du Roy. Et en l’article 5. de ce mesme
traitté il est porté, que les ostages qu’on laissa en Espagne, qui
estoient les deux fils aisnez-de François I. auec quantité des
plus grands Seigneurs du Royaume, demeureroient aupres de l’Empereur
tant & si longuement que le Roy auroit fait approuuer & ratifier ce
traitté de paix, & tout le contenu en iceluy, par les Estats generaux de
son Royaume, & le fait interiner, verifier & enregistrer en la Cour de
Parlement de Paris, & autres Parlemens du Royaume de France.

Traitté de
Madrid du
14. Ianuier
1526. art. 5.
& 36.

Et dans l’article 36. parlant de l’Arrest que la Reine Germaine
de Foix Doüairiere d’Arragon auoit obtenu au Parlement
de Paris, contre Henry Seigneur d’Albret qui en empeschoit
l’execution à force d’armes, il est porté en termes expres que ;
Parce qu’il conuient à l’authorité des Rois & Princes que tels Arrests
prononcez en leurs noms soient mis à entiere & deuë execution, & ne
soient rendus frustratoires & illusoires ; ledit Roy Tres-Chrestien fera par
effet executer ledit Arrest selon sa forme & teneur, & ainsi qu’il appartiendra
par raison, & s’il est mestier baillera à l’executeur la main forte
pour le faire. Cet exemple fait voir comme les Souuerains
Estrangers mesmes s’interessent pour faire executer les Arrests
de ce grand Parlement, tant pour l’honneur de la Iustice, que
pour la gloire du Roy qui en est le Chef, & la conseruation de
son authorité suprême qui deuiendroit sans force & contemptible,
si vne fois on s’en estoit joüé, & si on la mesprisoit pour

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fauoriser vn tyran estranger, qui seroit ouurir la porte à l’iniustice,
à l’impunité, & aux rebellions.

 

Dans le traitté de Paix fait à Cambray en l’an 1529. entre
l’Empereur Charles-Quint, & le Roy François I. il est expressément
porté, que François I. fera ratifier & approuuer le present
traitté de paix, & celuy de Madrid, en ce qu’il n’est changé, mué ou innoué
par celuy-cy, par Monseigneur le Dauphin, &c. & les fera interiner,
verifier & enregistrer en la Cour de Parlement de Paris, & en tous
les autres Parlemens du Royaume de France, en presence de ses Procureurs
generaux desdites Cours de Parlement, ausquels ledit Seigneur
Roy passera pouuoir special & irreuocable pour comparoir en son nom en
icelles Cours de Parlement, & illec consentir aux interinemens susdits,
& eux soubmettre volontairement à l’obseruance de toutes les choses contenues
esdits traittez, & en chacun d’iceux respectiuement ; & qu’en
vertu d’icelle volontaire submission, il soit à ce condamné par Arrest &
Sentence definitiue desdits Parlemens en bonne & conuenable forme, &c.

Traitté de
Cambray
art. 4.

Le commencement du traitté de Tréves fait à Bommy lez-Teroüane
le 30. Iuillet 1537. entre l’Empereur Charles-Quint
& François I. Roy de France, certifie comme Messire Guillaume
Poiet President au Parlement de Paris, & premier President
de Bretagne, fut deputé pour traitter, &c.

Dans le traitté de paix fait à Crespy en Laonnois le 18. Septembre
1544 entre l’Empereur Charles-Quint & François I.
il est formellement porté, que ledit Seigneur Roy Tres-Chrestien,
fera ratifier & approuuer ce present traitté de paix par Monseigneur le
Dauphin, &c. & le fera interiner, enregistrer, & verifier en la Cour de
Parlement de Paris, & en tous autres Parlemens dudit Royaume de
France, en presence de ses Procureurs generaux desdites Cours de Parlement,
ausquels ledit Seigneur Roy baillera pouuoir special & irreuocable
pour comparoir en son nom en icelles Cours de Parlement, & illec consentir
ausdits enterinemens, & eux soubmettre volontairement à l’obseruance
de toutes les choses contenuës esdits traittez, & chacun d’iceux respectiuement,
& qu’en vertu d’icelle volontaire submission ils soient à ce
condamnez par Arrest & Sentence definitiue desdits Parlemens en bonne
& conuenable forme, &c.

Traitté de
Crespy, art.
27.

Dans le traitté de paix fait à Chasteau en Cambresis le 3.
Avril 1559. entre Henry II. Roy de France, & Philippe II.
Roy d’Espagne, il est nommément specifié, que pour plus grande

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seureté de ce traitté de paix, & de tous les poincts y contenus, ledit
Seigneur Roy Tres-Chrestien le fera iuger, approuuer & ratifier par Monseigneur
le Dauphin son fils, & le fera verifier & interiner en la Cour de
Parlement de Paris, & en tous autres Parlemens du Royaume de France,
auec l’interuention & en presence des Procureurs generaux esdites Cours
de Parlement, & illec consentir aux interinemens, & eux soubmettre
volontairement à l’obseruance de toutes les choses contenuës audit traitté,
& chacun d’iceux respectiuement, & qu’en vertu d’icelle volontaire submission,
ils soient en ce condamnez par Arrest & Sentence definitiue desdits
Parlemens, en bonne & conuenable forme, &c.

 

Traitté de
Chasteau en
Cambresis,
art. 48. &
dernier.

Nous lisons au commencement du traitté de Veruin du 2.
May 1598. entre Henry IV. Roy de France & Philippe II,
Roy d’Espagne, comme Messire Nicolas Brulart President au
Parlement de Paris, fut deputé pour conclure ce traitté. Et
dans l’article 34. il est specialement porté, que pour plus grande
seureté de ce traitté de paix, & de tous les poincts & articles y contenus,
sera iceluy traitté verifié, publié, & enregistré en la Cour de Parlement
de Paris, & en tous autres Parlemens du Royaume de France, &c. le
tout suiuant & en la forme qui est contenuë au traitté de l’an 1559.

Traitté de
Veruin, art.
34.

Dans la Commission que Henry IV. fit expedier à Paris le
27. Ianuier 1598. pour enuoyer des Deputez à Veruin y conclure
la paix : Monsieur de Sillery President au Parlement de
paris y est choisi & nommé.

Messire Hugues Fournier sieur de Griuats premier President
du Parlement de Dijon, fut vn des cinq Deputez que le Roy
François I. enuoya pour traitter de la neutralité entre le Duché
& le Comté de Bourgogne en l’an 1522.

Le traitté de neutralité entre le Duché & le Comté de
Bourgogne, Terres & Seigneuries y enclauées, fait en l’an 1611.
fut publié en l’Audience du Parlement de Dijon le 21. Avril
1611.

Le Traité de Louys XIII. auec Charles III. Duc de Lorraine
fait à Vic le 31. Decembre 1631. & l’article separé qui y fut
adiouté à Nancy, le 6. Ianuier 1632. sont verifiés & Registrez
au Parlement de Paris, oüy, & ce requerant le Procureur general
du Roy le 20. Decembre 1633. Signé du Tillet. Nous en
rapporterons cinquante autres de cette nature & plus importans,
en traitant cette mesme question dans nostre seconde

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partie, comme nous l’auons promis au commencement de cette
Section.

 

Pour faire paroistre vn eschantillon de la grandeur & de la
Majesté de cét Auguste Parlement, c’est que non seulement il
se mesle des affaires d’Estat de son Roy & de son Souuerain,
mais encore de celles des autres Potentats de la terre, qui reconnoissans
la sagesse & la probité de cette Compagnie incorruptible,
en ont fait le juge & l’arbitre des differens qu’ils
auoient entre-eux, qui est le plus haut poinct d’honneur, & la
gloire la plus sublime qui se rencontre parmy les hommes. Les
Papes mesmes qui se sont reserué cét ouurage quand ils ne sont
ny parties, ny interessez dans l’affaire, ont voulu passer par le
Iugement de ce grand Senat, tesmoin Innocent IV. contre
l’Empereur Frederic II. touchant son Empire, & son Royaume
de Sicile. En l’an 1403. des Seigneurs d’Espagne luy apporterent
vn Traité de paix entre les deux Rois de Castille & de
Portugal pour y estre homologué toutes les Chambres assemblées.
C’est luy qui termina la querelle d’entre Philippe Prince
de Tarente, & le Duc de Bourgogne pour le recouurement de
l’Empire de Constantinople. Le Duc de Lorraine, & Guy de
Chastillon se rapporterent à luy pour regler la separation de
leurs terres & de leurs Seigneuries. Le Dauphin de Viennois,
& le comte de Sauoye en firent autant pour l’hommage du
Marquisat de Saluces.

Bodin, de la
repub. liu. 5.
chap. 6.

Du-Chesne,
Antiquit. de
France, liu. I.

Monsieur de Villeroy remarque dans ses Memoires, que pendant
la Ligue, lors que l’Espagne vouloit rauir la Couronne de
France à la Maison de Bourbon, les Espagnols qui estoient à
Paris declarerent que le Roy d’Espagne marieroit plustost &
sacrifieroit sa fille auec Monsieur de Guise pour le bien de la
Religion, que de manquer à vn seul point de son deuoir pour
ce regard, pourueu que dés à present elle fut esleuë Reine, &
luy auec elle Roy de France ; Ce qu’estant escouté de plusieurs,
& fomenté par les Cardinaux de Plaisance & de Pelué ; Le
Parlement donna vn Arrest contre cette proposition dangereuse,
qui fut tres-magnanime & de grande efficace enuers
vn chacun, ayant tout diuisé & troublé l’Assemblée qui se faisoit
pour faire reüssir cette vsurpation injuste. Vn Magistrat de
tres-haute probité, & des plus considerables de l’Estat, m’a fait

-- 102 --

l’honneur de m’assurer que le Roy Henry IV. a porté fort longtemps
cét Arrest notable sur soy, & que le baisant de temps
en temps, il disoit en le monstrant, voila ce qui m’a mis la Couronne
sur la teste.

 

Villeroy en
ses Memoires
tom. I. pag. 117. 118.

Que le Conseil d’Enhaut, & que tous les Ministres d’Estat
ensemble cherchent dedans l’Histoire des tesmoignages de
cette sorte de leur authorité, qu’ils produisent leurs actes &
leurs Arrests pour voir si on y trouuera, qu’ils declarent les
Majoritez des Rois, qu’ils confirment les Regences, qu’ils
permettent la guerre, qu’ils ratifient les traittez de Paix, qu’ils
verifient les Ordonnances, qu’ils en authorisent l’execution,
qu’ils jugent des droits de la Couronne, qu’ils connoissent du
Domaine, qu’ils sont arbitres des Souuerains, qu’ils condamnent
les Rois, les Dauphins, les Princes, les Cardinaux, les
Chanceliers, les Euesques, les Ducs & Pairs, les Officiers de
la Couronne, & tout ce qu’il y a de plus releué dedans l’Estat ;
Et apres cela ils pourront persuader qu’ils sont quelque chose
de plus, ou du moins esgaux, à ces grands Senateurs qui les
ont veu venir, & qui les verront retourner en leur premier
neant, quand vne fortune aueugle se lassera de fauoriser les
ennemis du peuple, & la honte du Royaume, sans qu’ils sortent
du Throsne de nos Rois, ny qu’ils abandonnent son lict
de Iustice.

Poursuiuons nostre poincte, & continuons de respondre à
ces Sentimens temeraires & calomnieux, qui donnent autant
de blasme au coupable qu’ils deffendent, que d’eloges & de
loüanges à vn proscrit qui n’en merite, & qui n’en merita iamais
aucune ; Estant certain qu’on l’accuse au lieu de le deffendre
quand on escrités pages 22. 23. & 24. de cette Satire abominable,
qu’il a procuré entre autres auantages, la charge de grand
Maistre de la Maison du Roy à Monsieur le Prince, auec vn commandement
perpetuel de ses armées, des Souuerainetez considerables sur la
frontiere de l’Estat, l’illustre Comté de Dammartin, &c. Puis que c’est
descouurir son insolence & sa vanité, estant insuportable d’entendre
vn homme de cette naissance & de ce calibre, qui dit
auoir fait de grands biens au premier Prince du Sang, & de
luy auoir procuré ce que son rang, ses seruices & ses merites
deuoient esperer de la reconnoissance & de la gratification de

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sa Maiesté, qui par ainsi ne l’a pas fait pour recompenser ce bras
droit de l’Estat ; mais seulement pour contenter vn faquin & vn
estranger qui le desiroit ainsi, afin qu’il luy en eut l’obligation
& non pas au Roy, qui est offencer directement sa conduite, &
plus encore les enfans de la maison Royale qu’on veut rendre
creatures, & leur persuader qu’ils tiennent leur auancement &
leur fortune d’vn miserable potiron & d’vn homme de neant,
qui ne seroit que trop esleué & trop honoré d’estre l’vn de leurs
Aumosniers. Et si j’osois accuser la bonté de nos Princes, ie leur
reprocherois volontiers qu’il y va de leur honneur & de leur reputation
de se laisser faire la part de la sorte, par celuy qui ne
deuroit rien tenir que d’eux & de leurs recommandations, sans
flechir iamais deuant vne idole qui ne s’esleue qu’en les abaissant,
& qui n’est reueré qu’à cause qu’ils souffrent qu’il les mesprise,
& qu’il triomphe insolemment de leur nonchalance &
de leur aueuglement.

 

Pour les accusations qu’il fait contre mondit sieur le Prince,
ce n’est point icy le lieu d’y respondre, outre qu’il y a assez d’escriuains
& de bons esprits qui l’ont des-ja fait, & le feront encore ;
n’entreprenant dans cét escrit que de monstrer & soustenir
la iustice & l’equité de l’Arrest prononcé contre le Mazarin.

Si ce Cardinal a fait voir de la vanité en se faisant autheur de
la bonne fortune de Monsieur le Prince, il descouure sa sottise
& sa presomption, en souffrant qu’on escriue en la page 23. de
ses deffences, que pour secourir le Roy & la France, Il employe ses soins,
ses forces, celles de ses amis, & enfin sa vie pour vne entreprise si glorieuse ;
qu’il met en peu de temps sur pied vne armée considerable, que le
Roy luy demande auec esperance certaine d’en tirer vn seruice tres-notable
dans la conioncture presente des affaires.

Où est la gloire de la France ? où sont les vertus & la modestie
Cardinale ? en pensant rendre considerable vn banny que l’on
r’appelle, on le charge de haine & d’abomination, puis qu’on
fait paroistre euidemment & hautement les larcins & les peculats
dont on le charge, puis qu’vn homme de cette qualité qui
n’a pas cinq sols de patrimoine, leue promptement vne armée
considerable pour venir secourir la France ; Et auec quoy ?
auec l’argent qu’il a pillé & desrobé dedans les coffres du Roy,
ou plustost auec celuy qui luy a esté enuoyé par le Marquis de la

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Vieuuille, qui n’a esté eleué qu’à cette condition à la Surintendance,
des Finances. Apres auoir descouuert ses voleries, ses rapines,
ses pirateries & ses symonies, vous monstrez trop à descouuert
son insolence & sa vanité, d’employer les forces d’vn
homme de neant & sans alliance, les amis d’vn petit Bourgeois
qui est hay de toute la terre, & les soins du plus ignorant & du
plus ridicule de tous les Politiques, pour secourir vn Roy de
France, aupres duquel nous l’auons veu arriuer en qualité de
postillon sans vn miserable lacquais seulement. O aueuglement !
ô presomption ! ô sottise insupportable. Comme si nous
ne sçauions pas que toutes ces leuées ne se sont faites que de
l’argent du Roy, & que se faisant escorter par les trouppes qui
estoient sur la frontiere par laquelle il est entré, ceux qui les
conduisoient sous le nom de sa Majesté, ont souffert par vne
complaisance criminelle qu’il s’en fit le maistre, & qu’il les appellast
siennes ; encore veritablement que l’experience nous face
voir auec des yeux chargez de larmes, qu’elles sont bien siennes
& bien dignes de luy, puis qu’elles sont si cruelles & si mal
policées ; & que pour vn bien peu d’estrangers qu’il a fait venir
auec luy, il oste vn nombre infiny de bons & de fidelles sujets
au Roy.

 

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Anonyme [1652], OBSERVATIONS VERITABLES ET DES-INTERESSEES, Sur vn escrit imprimé au Louure, INTITVLÉ LES SENTIMENS D’VN FIDELLE SVIET DV ROY, Contre l’Arrest du Parlement du 29. Decembre 1651. Par lesquelles l’authorité du Parlement, & la Iustice de son Arrest contre le Mazarin, est plainement deffenduë; & l’imposteur qui le condamne entierement refuté. Par vn bon Ecclesiastique tres-fidelle sujet du Roy. PREMIERE PARTIE. Qui iustificat impium, & qui condemnat iustum; abominabilis est vterque apud Deum; Prouerb. cap. 17. vers. 15. , français, latinRéférence RIM : M0_2574. Cote locale : B_11_23.