Anonyme [1652], OBSERVATIONS VERITABLES ET DES-INTERESSEES, Sur vn escrit imprimé au Louure, INTITVLÉ LES SENTIMENS D’VN FIDELLE SVIET DV ROY, Contre l’Arrest du Parlement du 29. Decembre 1651. Par lesquelles l’authorité du Parlement, & la Iustice de son Arrest contre le Mazarin, est plainement deffenduë; & l’imposteur qui le condamne entierement refuté. Par vn bon Ecclesiastique tres-fidelle sujet du Roy. PREMIERE PARTIE. Qui iustificat impium, & qui condemnat iustum; abominabilis est vterque apud Deum; Prouerb. cap. 17. vers. 15. , français, latinRéférence RIM : M0_2574. Cote locale : B_11_23.
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Si le Parlement a manqué contre les formes, dans
le procés, & le jugement du Mazarin.

Cette exception & cette nullité pretenduë qui fait l’autre
grief principal de l’Aduocat du Mazarin, merite bien
vn examen particulier, & vne section separée, pour
monstrer l’erreur de cette accusation, & la iustice qui suit &
qui accompagne les arrests & les procedures qui condamnent
le Mazarin ; voicy comme nostre plaignant en parle en la page
18. de ses sentimens peu sensez : supposons,dit-il, que ceux
qui ont iugé ce cardinal ne soient blasmables d’aucune vsurpation, &
qu’ils soient demeurez dans les limites de leur puissance legitime ; ont-ils
suiuy l’ordre de la iustice ? ont-ils gardé scrupuleusement, comme le requeroit
vne si grande affaire, les formes iuridiques & accoustumées en
pareilles occasions ? dans vne rencontre si importante ne falloit-il pas
[1 mot ill.] auec la derniere exactitude les formes ordinaires qui accompagnent
les [1 mot ill.] publics & solemnels, & qui peuuent estre appellées
auec raison le fondement des loix, la lumiere de la Iustice, le rempart
de l’innocence, l’ame des conseils, & vn frein qui arreste la licence &
la temerité des Iuges passionnez & corrompus.

Ie pourrois respondre à ce discours pompeux, par vne seule
raison qui en feroit connoistre l’erreur, aussi bien que l’artifice,
qui seroit de luy opposer & le renuoyer à l’extrait des registres
du parlement, contenant ce qui s’est passé pour l’esloignement
du cardinal Mazarin, que la cour a voulu donner
au public sur la fin du mois d’avril 1652. pour faire connoistre à
toute la terre habitable, auec combien de iustice, de prudence,
de circonspection, & de formalité elle a vacqué au procés
du Cardinal le plus noir & le plus detestable qui ait iamais deshonoré
le sainct siege, & obscurcy la pourpre romaine, sans
auoir recours aux informations que messieurs de Broussel &
le Meusnier conseillers de la grand’Chambre, commissaires
à ce deputez, ont faites & rapportées à la cour auec leur integrité
ordinaire, auant qu’elle ait prononcé l’Arrest duquel on
se plaint si iniustement.

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Mais parce que cette affaire n’est point commune, & qu’on
cherche de l’iniustice dedans le temple de l’equité ; qu’on veut
regler vn crime sans pareil, & vne rebellion sans exemple, par
des formalitez qui ne sont faites que pour les causes à l’ordinaire,
& les cliens qui y defferent ; Voyons si celuy qui viole & qui
mesprise toute sorte de loix, a sujet de se plaindre si on neglige
les plus petites, & si on n’obserue pas les formes qu’il estouffe,
& qu’il ne veut point reconnoistre.

Tous les Politiques & Iurisconsultes demeurent d’accord,
que le criminel estant si puissant, si fascheux, & si redoutable
qu’il est entierement impossible d’en auoir raison parles solemnitez
d’vne iustice lente & ordinaire, il est permis de les punir &
condamner, sans toutes ces petites formalitez qui ne sont que
Pour les personnes priuées, les affaires du commun, & les particuliers
qui deferent aux ordonnances, & qui reconnoissent la
justice : n’y ayant aucun pretexte d’vser de force & de violence
quand les loix ont assez de puissance & d’authorité pour se faire
executer & reuerer.

Seneque qui ne pouuoit ignorer ny l’ordre de la iustice, ny
Le bon gouuernement d’vn estat, ne blasme en façon quelconque
Alexandre le grand, d’auoir fait tuer Parmenion sans l’entendre
en ses deffenses ; mais bien d’en auoir autant fait à Calisthenes
qui n’estoit qu’vn philosophe sans aucun pouuoir, ny
aucun credit que parmy vn petit nombre d’escholiers.

Senec. natural.
quæst.
lib. 6. cap. 23

Plutarque qui n’est pas moins instruit dans les bonnes mœurs,
& dans la politique, vse ouuertement de cette distinction en la
vie de galba, que cét Empereur ne fit point de mal de faire mourir
sans procés Macer & Fonteius, parce qu’ils auoient les armes
en main, & commandoient à des gens de guerre ; mais bien
d’en auoir autant fait à Cingonius Varro, & à Petronius Turpillianus
qui n’estoit qu’vn bon vieillard caduc, & sans employ.

Plutarq, en
la vie de
Galba.

Mecenas disoit à auguste, renuoye au Senat les particuliers
que tu crois auoir failly ; mais quant à ceux qui ont la force en
main, il est permis de s’en deffaire en quelque façon que ce soit ;
& quand la chose ne se fait pas sans conseil, il est certain que la
deliberation qui en a esté prise tient lieu de sentence, & de iugement
donné entre les parties.

Ciceron, sur lequel l’apologiste Mazarin s’appuye si fort ;

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dit estant retourné de son exil ; Quid est quod contra vim, sine vi
fieri possit ? Sceleratus ciuis, aut domesticus potius hostis, si legibus vti
licet, iudicio certé frangendus est ; sin ipsa iudicia vi impediuntur ac
tolluntur ; manus, manu ; vis, vi superanda est.

 

Le Senat de Rome ayant esté d’aduis que le consul Mutius
Sceuola prist les armes pour deffendre la Republique contre les
se ditions de Tiberius Gracchus ; le consul representant qu’il
ne pouuoit pas y proceder de la sorte, Scipion se leua, & dit ;
Quoniam consul, dum iuris ordinem sequitur, id agit, vt cum omnebus
legibus romanum imperium corruat ; egomet priuatus, voluntati
vestræ me offero Ducem.

Valer. Maximus
lib. 3.
cap. 2.

Les loix & les formalitez ordinaires ne sont que pour les citoyens,
& non pour vn ennemy estranger & rebelle qui veut
les abbatre & destruire ; & la iustice seroit mal proportionnée
de garder autant d’ordre & autant de priuilege à vn homme qui
ruine tout vn estat, & en veut au magistrat ; qu’à celuy lequel
estant accusé se sousmet aux regles & à la police du royaume
où il est. Si les anciens n’ont pas estimé chose sainte de communiquer
les franchises & les libertez des lieux sacrez, aux impies
& aux excommuniez ; il semble que ceux-là sont encore
moins dignes du benefice des loix qui n’en reconnoissent que
celles qu’ils veulent innouer & forger à leur fantaisie. Les romains
auoient des officiers qui n’estoient point sujets à ces petites
formalitez de iustice ; & la France a ses Parlemens pour
cela contre les criminels de leze-Majesté, & les perturbateurs
du repos public quand le cas y eschet. Ciceron mesme que l’on
fait plaider pour le Mazarin en declamant contre Marc-Antoine,
dit que ; Hoc ius ipse Iupiter sanxit, vt omnia quæ reipublicæ salutaria
sunt, legitima & iusta habeantur ; Et la loy principale des
douze tables estoit que ; salus populi suprema lex esto.

Le mal se guerit par le mal ; vn poison en chasse vn autre ; pour
guerir vne playe on la fait souuent plus grande ; la gangrene ne
fe peut oster, sans donner dans la chair viue ; aux maladies violentes
il faut des remedes violens : si le parlement n’auoit vsé
de tout son pouuoir contre cet ennemy public, il perdoit tres-asseurément
toute sa majesté, & pour éuiter vn extreme mespris,
il a esté contraint de se seruir d’vne seuerité extreme. Les
plus sages & les plus religieux nous enseignent que l’iniustice

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mesme qui se fait pour en punir vne autre, n’est plus iniustice,
mais deuient equité & iustice, comme vn breuuage amer se
tourne en douceur & en santé. Vne des parties de la iustice ; in
pari consistit ; c’est pourquoy il ne faut pas trouuer estrange, si
par vn petit mal on en chasse & on en guerit vn plus grand ; il
y a des maladies où la rhubarbe est plus vtile & plus necessaire
que la casse & le scené.

 

Tous les politiques disent, que quand la loy n’a plus de force
ny plus d’authorité, il en faut venir aux voyes de fait, & Platon
soustient dans ses loix, que le magistrat souuerain qui ne
prend pas garde aux entreprises qui se brassent contre l’estat,
& qui les ayant descouuertes, se montre timide & lent pour y
remedier, est autant coupable de la conspiration, que l’autheur
mesme. L’histoire des plus grands hommes qui ayent iamais
esté, nous apprend que le Dictateur Lucius Quintius Cincinnatus,
montant dans la tribune pour iustifier Caius Seruilius
Hala, de ce qu’il auoit tranché la teste luy mesme à melius qui
s’estoit rebellé contre la iustice, & eschappé des mains de
l’huissier qui le conduisoit prisonnier, dit ; si melius eut comparu
en iustice, il ne pouuoit éuiter la peine qu’il vient de receuoir,
parce que les preuues d’auoir conspiré contre la Republique
estoient si claires & si certaines qu’il n’eut pû les desaduouër ;
quant à la forme, puis qu’au lieu de venir en iugement
où ie l’attendois, il a mieux aimé en venir aux mains ; il a
esté loisible par mesme moyen d’en auoir raison par la violence,
si force neantmoins & resistence se peut appeller violence,
puis qu’il est permis de proceder hostilement, & non par les
formes ciuiles, contre celuy qui n’est plus citoyen, mais ennemy
de la Republique. Ce qui fit que l’on declara non seulement
que hala estoit innocent, mais on ordonna de plus, que
la maison de Melius seroit rasée de fond en comble, & ses
biens acquis & confisquez. Vn an apres vn tribun du peuple
parent de Melius, accusant Seruilius hala de ce qu’il l’auoit
tué sans condamnation, [1 mot ill.] sans iugement rendu contre luy,
tous les romains reietterent cette poursuite, & ne voulurent
entendre en façon que ce soit cette accusation nouuelle ny
tous ceux qui la fauorisoient.

Tite. Liue,
Decad. I. lib.
4. cap. 15.

Bien dauantage, quand les crimes sont publics & que le coupable

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est reconnu, particulierement en fait de leze-Majesté,
l’ordre iudiciaire n’y est requis en façon quelconque ; et c’est
vne regle vulgaire que les plus nouueaux dans la politique &
dans le palais ne peuuent ignorer, qu’aux choses notoires de
toute notorieté de fait & de droit, il n’y faut ny lettres ny tesmoins ;
c’est pourquoy Quintilien escrit tres-prudemment ;
Quœdam esse crimina lœsœ reipublicœ, ad quorum pronunciationem soli
oculi sufficiunt ; Et Senecque decidant cette mesme question,
dit que ; An læsa sit respublica, non solum argumentis probari, manifesta
statim reipublicæ damma sunt, si exercitus amissus, si vectigalia
diminuta, &c. s’il estoit tellement necessaire d’oüir vn accusé,
qu’il n’y put ny deut iamais auoir d’exception, comment feroit-on
le procés à vn mort, à des os, à des cendres, à vn sourd
& muet de nature, à vn enfant, à vne beste, à du fer, à du marbre ?
& neantmoins cela se fait & se practique, & qui plus est,
on ne iugeroit iamais aucun procés par contumace. Porcius
latro declamant contre Catilina, dit ; Is rumor sparsus est de moribus
Catilinæ, eaque gentium opinio peruagata, quatenus existiment
voces ipsas publicas non hominum esse, sed orandi potius nuncupandas ;
famam vero popularem à maioribus nostris sæpenumero accepimus, neque
temerè vnquam nascituram esse, neque temere occasuram.

 

Senec. Controu.
lib. 12

Porc. Latro,
declam. in
catil. ex lib.
hist. Salust.

Qui eut pû saisir iules Cesar & l’arrester prisonnier à la teste
d’vne armée, apres les preuues que l’on auoit qu’il auoit passé
le Rubicon, entré en armes dans l’Italie, pris les thresors de la
Republique, vsurpé la dictature perpetuelle, emporté les villes
par force, & tels autres actes qu’il commit contre les loix ?
Dion remarque sur ce sujet, que le peuple romain estant esmeu
de la mort de cet empereur, mit le feu en plusieurs lieux
de la ville, & que les consuls faisans prendre le premier venu
de ces incendiaires, ordonnerent que sur l’heure sans autre
forme ny figure de procés, il fut ietté & precipité du Tarpeien,
apres quoy le tumulte cessa sur le champ.

Dion. hist.
lib. 44.

Voicy vn perturbateur du repos public, vn cardinal qui met
le feu aux quatre coins & au milieu du Royaume ; les Princes
du sang, & tous les Parlemens s’en plaignent ; on luy fait son
procés ; ses crimes sont aussi connus que les accusations sont
vni formes & generales ; il ne veut obeïr ny au Roy ny à iustice,
ny mettre fin à ses crimes ; on le juge, on le condamne, on cherche

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les moyens d’executer l’Arrest ; il se fait garder par vne armée
qui le rend tousiours plus coupable par ses desordres & ses
cruautez ; on demande le repos du peuple, on trauaille à la
tranquillité de l’estat, on met sa teste à prix pour vn dernier &
veritable remede à tant de maux, qui certainement ne cesseront
iamais qu’auec la vie ou l’esloignement de ce proscrit qui
en est la source, la cause, & l’origine.

 

Si pour priuer Tarquin le superbe d’vne couronne si puissante,
on ne fit qu’apporter le corps de Lucresse en iugement,
sans autres preuues ny autres informations, que dira ce banny
si on produit mille & mille filles de condition, & autant de
religieuses voüées à dieu, qui ont esté violées par ses ordres,
& par les satellites qui retardent la punition de ses tyrannies ?
sera-il plus excusable d’auoir causé tant de sortes de crimes
pour assouuir sa rage & sa cruauté, que le fils d’vn grand Monarque
qui n’en fit qu’vn par vn excez d’amour, & poussé d’vne
passion dont il n’estoit pas le maistre ? ce qui toucha si sensiblement
son pere, qu’il fit tous ses efforts pour se restablir, à quoy
le Senat s’opposant, & preuoyant la guerre dangereuse que
cette conspiration alloit causer, ordonna & donna toute puissance
à Seruilius d’informer, prendre au corps, & punir sur le
champ les principaux autheurs de la conspiration, ainsi qu’il
aduiseroit bon estre pour le bien & le repos de la Republique,
ce qu’il fit sans interrogatoire, sans audition ny confrontation
de tesmoins, & sans appel, apres quoy le Senat arresta qu’on
feroit des sacrifices & des processions trois iours consecutifs
pour purger & lauer les deffauts de formalitez qui auroient pû
se rencontrer dans cette procedure, sans laquelle tout l’estat
estoit perdu, comme remarque bien au long denis d’Halicarnasse
en son histoire.

Dion. Halicarnass.
hist.

Tout au commencement de la conjuration de Catilina, le
Senat sans attendre que l’accusation fut approfondie dauantage,
enjoignit à Catilina de vuider, & voyant qu’au lieu d’obeïr
il se retiroit auec Manlius, & faisoit vne armée puissante, sans
les adiourner ny leur faire leur procés par contumace, les condamna
& declara rebelles & ennemis de la Republique. N’y
ayant personne qui ne demeure d’accord que ces procedures
sont licites & permises contre les tyrans, c’est à dire contre

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ceux qui vsurpent vne domination contraire à l’ancien estat &
gouuernement du Royaume.

 

Salustius in
Catilinaria.

Theodore & Origene long-temps aprés leur mort, furent
excommuniés & condamnez auec leurs liures & leurs escrits,
sans autres formes que la lecture de leurs ouurages, comme
tesmoigne le cinquiesme Concile de Latran.

Arius Euesque de Constantinople fut jugé & condamné par
le Pape Felix sans estre oüy, parce que chacun le voyoit communiquer
auec Pierre Euesque d’Alexandrie, que le Saint Pere
auoit excommunié.

Toutes nos Histoires racontent que le Pape Nicolas I. sans
accusation, & sans forme judiciaire, excommunia Lothaire
Roy de Lorraine pour auoir repudié sa femme Theodeberge,
pour en espouser vne autre ; Dequoy Charles le Chauue se
formalisant, ce Pape luy escriuit qu’en fautes manifestes, &
qui estoient veuës & connuës de tout le monde, l’ordre judiciaire
n’y estoit pas requis, ny necessaire.

Dans l’Arrest du Parlement de Paris donné à la Requeste
du Procureur General du Roy, contre Charles II. Duc de
Lorraine, & autres complices accusez de crime de leze-Majesté
le I. Aoust 1412. il est formellement porté, que ; Combien
qu’en termes communs peut estre encas criminel, il faudroit auoir & obtenir
quatre deffauts auant qu’on put auoir sentence ou Arrest ; toutefois
où il y a cas notoires de crime de leze-Maiesté notoirement & publiquement
commis & perpetré, & publiques rebellions commises par quelqu’vn,
dont il y a science certaine, publique & notoire à tous ceux du
Royaume, & que les adiournez sont vrais contumax, & iceux se disent
& tiennent en disant qu’ils ne viendront point auiour, en eux rebellant,
& constituant de fait & de paroles rebelles & conuenus du Roy & du
royaume notoirement, & y perseuerent encore en s’armans & enforcissant
leurs Chasteaux, & les propres villes & Chasteaux du Roy, il ne faut
qu’vn deffaut pour obtenir Arrest ; in talibus notoriis ; & encore ne faudroit
adiournement ny autre procez verbal en telles matieres, mais en telles
choses notoires à la cour comme à la cour & à iustice, peut la cour
donner Arrest tel qu’il appartient.

Arrest contre
Charles 11.
Duc de Lorraine,
fol. 165. 166. 167.

Idem, & autrefois a esté fait au temps passe semblablement, & n’y a
pas long-temps contre des autres princes qu’il ne faut pas nommer, &
telles choses si notoires ne faut mie procez Iudicial long, mais suffit d’vn

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mal fait notoire, prononcer l’Arrest ou Sentence, ou tenir l’Arrest pour
prononcé, & aller promptement à l’execution, & à la voye de fait bien
entreprise, & bien sagement & promptement executée, &c.

 

Ierosme le Noir escriuant de Rome le 8. Decembre 1523. au
Seigneur Marc-Antoine Micheli luy mande, qu’vn Gentilhomme
Florentin de la Case Orlandine, ayant fait gageure
auec vn autre Citoyen, que le Cardinal de Medicis ne seroit
point Pape, aduenant l’election ; L’autre luy demanda ce que
portoit la gageure, & luy respondit que premierement il vouloit
sçauoir si on l’auoit esleu Canoniquement. Il est accusé de
cette parole deuant les huict Seigneurs de la Iustice, lesquels
indignez que cét homme reuoquast en doute la felicité de
leur Ville en ce second Pape sorty d’entre-eux, le firent empoigner
& soudain luy firent trancher la teste.

Epistres des
Princes, recueillies,
par
Hieros. Ruscelli,
fol. 195.

Quelle forme garda le Mazarin pour faire deux Princes du
Sang, & vn Duc & Pair leur allié, prisonniers en mesme temps ?
& pour faire mourir par poison Monsieur le President Barillon
en vn paїs estranger ?

Le Parlement l’a-t’il traité de la sorte ? qui peut l’accuser justement
en sa procedure contre ce coupable conuaincu, &
contre ce criminel public, sinon de trop de douceur & de trop
de circonspection pour purger l’Estat d’vne peste qui le corrompt,
& pour abbatre vn monstre qui deuore tous les peuples,
& qui deschire toute la France. Les raisons par nous alleguees,
& les exemples que nous venons de rapporter, doiuent
conuaincre les plus opiniastres, & ramener les plus aueuglez
dans ces sentimens ; C’est pourquoy examinons si son Panegiriste
a sujet de reformer & de condamner comme il fait, l’Arrest
qui met la teste a pris de ce rebelle insuportable.

Ayant fait des nullitez à sa mode, il prend l’authorité de reformer
tout seul & souuerainement l’Arrest d’vn grand Senat
qui le jugera bien-tost tres-assurément s’il ny prend garde ; Disant
en la page 20. & 21. de sa Satire, qu’il paroist à son aduis, &
par les raisons qu’il vient d’alleguer, que l’Arrest nouuellement rendu
en la Cour des Pairs contre la vie de Monsieur le Cardinal, est vn Arrest
sans force aussi bien que sans forme, & vne condamnation auortée & tumultuaire,
nulle & inualide, pour auoir esté manifestement portée contre
l’ordre Juridique, qui donne vigueur aux Loix des Magistrats & des

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Souuerains mesmes ; & ce deffaut de forme fait descendre & passer les Iuges
au rang des criminels, & recueillir tout le demerite des coupables sur
ceux qui les condamnent.

 

C’est vne chose estrange, Apologiste Mazarin, que vous aimiez
mieux offenser vos Iuges naturels, & le plus grand Senat
de la terre, auec les Princes du Sang les Ducs & Pairs, & les
Officiers de la Couronne qui le composent, pour plaire à vn
coupable qui vous paye pour escrire en sa faueur, que de donner
les eloges & l’approbation que vous deuez à l’Arrest le plus
iuste, le plus vtile, & le plus iuridique qui se donna iamais. C’est
trop mespriser le lict de Iustice de nos Rois, de dire que les
Oracles qui s’y rendent en connoissance de cause, & au nom
& sous l’authorité de sa Majesté, sont des condamnations
auortées, tumultuaires, nulles, & inualides. Quel droit &
quel pouuoir auez vous de casser & de reformer vn Arrest si
souuerain ? Quel caractere, & quelle qualité vous a-t’on donné
pour oser l’entreprendre ? tres-assurément vous taschez
d’offenser tous ces vertueux Senateurs, pour auoir sujet de les
recuser l’vn de ces iours, quand ils vous feront vostre procez
criminel sur les sujets que vous en fournissez.

Si vostre passion desreglée vous laisse encore quelque peu de
raison, si vous reconnoissez vos propres maximes, & si vous deferez
aux regles que vous prescriuez, souuenez-vous ie vous
prie, qu’en blasmant le Parlement comme vous faites, vous
confessez neantmoins que les formes de la Iustice donnent vigueur
aux Loix des Magistrats & des Souuerains mesmes ; ce
qui fait que vous condamnez le retour de vostre cher amy le
Mazarin, qui au preiudice d’vne Declaration du Roy verifiée
en parlement, & des Arrests donnez contre luy, rentre à la
teste d’vne armée dedans la France, d’où il est banny, ruine
toutes les Prouinces où il passe, prend ses Iuges & ses Commissaires
prisonniers de guerre, au lieu de presenter sa requeste à
la Cour pour estre admis à ses faits iustificatifs, & se mettre en
estat, qui sont les formes ordinaires sur lesquelles vous fondez
tous vos griefs, & toutes vos raisons. Il faut que vous soyez ou
bien mauuais practicien, ou bien rempli d’impudence, quand
apres cela vous accusez le Parlement de n’en garder aucune,
apres qu’il a fait paroistre de trente Arrests donnez à l’ordinaire,

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pour faire executer la Declaration du Roy qu’il a verifiée,
qu’il fait informer des contrauentions contre icelle, qu’il establit
des Commissaires sans reproche pour entendre les tesmoins
qui deposent contre le Mazarin, qu’ils font leur rapport
des charges qui se trouuent contre luy, qu’on demande
les conclusions des Gens du Roy qui requierent son esloignement,
& qu’il prononce ses Arrests toutes les Chambres assemblées
à la pluralité des voix.

 

Que si la forme que vous dites donne la force & la vigueur
aux Loix des Magistrats & des Souuerains mesmes, voyez ie
vous prie auquel on doit auoir plus d’esgard aux Lettres de
Cachet sans ordre & sans forme, que vous enuoyez de vostre
authorité priuée au Mazarin pour le rappeller, ou aux Declarations
verifiées, & aux Arrests iuridiquement prononcés pour
l’obliger à garder son Ban, & quitter nostre Estat tout languissant
qu’il est, auant qu’il luy donne & luy apporte le coup funeste
de la mort.

Et si vous n’auez point de meilleur ny de plus puissant motif
pour retarder l’execution de tant d’Arrests, que d’alleguer
que si cela estoit, la personne sacrée des Cardinaux seroit trop raualée,
& reduite à la condition des plus infames criminels ; vos moyens de
nullité sont bien foibles, & vos oppositions bien peu considerables,
puisque les crimes égalent tous les hommes pour ce qui
est de la peine, & qu’vn Cardinal coupable ne meurt point autrement
qu’vn petit Moine, ny vn grand Prince d’autre façon
qu’vn simple paїsant dans vn mesme genre de mort. S’il ne faloit
estre que Cardinal pour ne point mourir par Iustice, tous
les Illustres voleurs, tous les grands Partisans, tous les Officiers
de la Couronne, & tous les Ministres d’Estat voudroient
le deuenir pour estre à couuert de leurs Peculats, de leurs brigandages,
de leurs concussions, & de leurs iniustices trop frequentes
& trop impunies.

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