Anonyme [1652], OBSERVATIONS VERITABLES ET DES-INTERESSEES, Sur vn escrit imprimé au Louure, INTITVLÉ LES SENTIMENS D’VN FIDELLE SVIET DV ROY, Contre l’Arrest du Parlement du 29. Decembre 1651. Par lesquelles l’authorité du Parlement, & la Iustice de son Arrest contre le Mazarin, est plainement deffenduë; & l’imposteur qui le condamne entierement refuté. Par vn bon Ecclesiastique tres-fidelle sujet du Roy. PREMIERE PARTIE. Qui iustificat impium, & qui condemnat iustum; abominabilis est vterque apud Deum; Prouerb. cap. 17. vers. 15. , français, latinRéférence RIM : M0_2574. Cote locale : B_11_23.
Sub2Sect précédent(e)

Sub2Sect suivant(e)

Refutation particuliere des cinq histoires d’Euesques
alleguées en faueur du Mazarin.

Pour ne rien oublier de ce que nous auons entrepris, &
respondre aux cinq exemples qu’on nous represente
pour prouuer que les Euesques ne peuuent pas estre iugés
par les Parlemens ; on dit en la page 13. que François i. voulant
faire le proces à deux Euesques qui luy auoient manqué de fidelité, en
fut dissuadé par le parlement, comme nous auons rapporté cy-deuant.

Premierement on ne cite aucun autheur de cette allegation,
on ne dit point quels estoient ces Euesques, & encore moins ce
qu’ils auoient fait, qui estoit peut-estre si peu de chose, que le
Parlement iugea qu’il n’y auoit pas lieu de leur faire leur procés ;
comme en effet celuy qui compose cette histoire ne dit
point s’ils furent punis, ou par vn Sinode ou autrement, ce qui
fait bien voir qu’il y a de la hablerie, & du desguisement en ce
conte fait à plaisir, puis qu’on n’en void aucune preuue ny aucune
consequence concluante.

Pour ce qui est de gilles Archeuesque de Rheims qu’on
dit que childebert n’osa iuger ny ses officiers, mais vn concile qu’il fit
assembler pour cela, &c.

Pour descouurir l’imposture de l’Aduocat du Mazarin, &
la verité de cette procedure, voicy comme les autheurs par
luy citez en parlent à son desaduantage, & d’autres encore que
nous rapportons fidellement en marge.

En l’an 590. Sunnigile Connestable de France, estant complice
de l’emprisonnement que l’on vouloit faire de Childebert
Roy d’Austrasie, fut arresté & fait prisonnier, accusant
gilles Archeuesque de Rheims d’estre principal autheur de
cette coniuration, qui pareillement fut enleué & mené en prison
pour luy faire son procés. Les Euesques de France aduertis
de cela, prierent sa majesté de leur remettre entre les
mains, afin qu’il fut iugé suiuant les canons, dans vn concile
qui fut assemblé à ce sujet dans la ville de mets, où cet Archeuesque

-- 71 --

comparant, fut atteint & conuaincu de trahison & de
felonie, & comme tel abandonné & delaissé par les Euesques à
la iustice seculiere (notate verba) apres l’auoir degradé. Le Roy
luy ayant sauué la vie à la priere des Euesques qui en supplierent
sa majesté, il fut banny à perpetuité, ses biens acquis &
confisquez, & son Archeuesché donné à Romulfe Prestre fils
du Duc Loup, ce qui fit qu’il se retira à Strasbourg où il finit le
reste de ses iours. Voyez, lecteur, si le Roy ny ses officiers n’oserent
iuger cet Archeuesque criminel.

 

Gregor. Turon.
hist. lib.
10. cap. 19.
20.

Concil. Gener.
tom. 4.
sol. 528.

Conc. Gall.
tom. 1. fol.
407.

Fauchet des
Ant. Franc.
liu. 4. ch. 22.

Belle-forest,
Annalles de
France, liu. I.
chap. 26.
Duplex hist.
de France,
tom. 1. en la
vie de Clotaire
II.

Quand il adjoûte incontinent apres page 14. Qu’on auoit obserué
desia la mesme procedure à l’endroit de deux Euesques bourguignons,
qui estans accusez entr’-autres chefs, d’auoir trahy leur Roy &
leur patrie, ne furent point citez deuant la justice seculiere, mais deuant
vn concile des Euesques de la prouince, en partie conuoqué pour ce
suiet par le commandement du Roy, &c.

Ie ne sçais pourquoy il ne les nomme pas, ny pourquoy il
les fait Bourguignons, puis que les autheurs qu’il cite disent
qu’ils estoient de Prouence, l’vn appellé Salonie Archeuesque
d’embrun, & l’autre sagittaire Euesque de Gap. l’vn des Suffragans
de l’Archeuesque d’Aix ; estant vray qu’ils furent priuez
de leurs dignitez & benefices par vn concile qui se tient
à Lyon, en l’an 582. Mais par ordre & commandement de Gontran
Roy d’Orleans qui n’auoit point encore de parlement, ny
de Iuges ordinaires & reglez, non plus que ses associez à la
Royauté qui estoit encore dans son enfance, & presque sans
aucune marque de la majesté où elle est aujourd’huy. Ne se
trouuant pas dans toute nostre histoire, que depuis que le parlement
de paris est sedentaire, & que nos rois leur ont mis
leur authorité souueraine entre les mains, ils ayent fait juger
les Euesques, ny les Cardinaux criminels de leze-Majesté par
des synodes, ny des gens d’Eglise pour ce qui est du cas priuilegié,
mais pour le delict commun quelquefois, & tres-rarement,
le principal emportant l’accessoire, & la qualité du crime
estouffant la qualité de la personne & du delin quant. Suiuant
le canon qui dit, que ; Non omnes Episcopi, sunt Episcopi ; attendis
petrum, sed & Iudam considera ; Stephanum suspicis, sed & Nicolaum
respice ; non facit ecclesiastica dignitas Christianum.

Greg. Turon
hist. lib.
5. cap. 20.
27. 28.

Concil. Gener.
tom. 4.
ann. 582.
fol. 483.

Conc. Gall.
tom. 1. ann.
576. fol. 367.

Baron. annal.
tom. 7.
ann. 582.

Fauchet des
Antiquitez
Franc. liu. 3.
chap. 15. 19.

Canon. 29.
non omnes,
2. quæst. 7.

Venant à son quatriesme exemple, il raconte (pag. 14.) auec

-- 72 --

des desguisemens ordinaires, que Louys le Debonnaire ayant esté
calomnié, excommunié, chassé de l’entrée de l’Eglise, mis au rang des
penitens publics par Ebbon Archeuesque de Rheims, & enfin despoüillé
de sa couronne par la felonie & les intrigues de ce Prelat factieux &
turbulent ; Quand il eut depuis recouuré la liberté auec l’Empire, entretreprit-il
de se rendre juge des excez de ce rebelle ? & le renuoya-il au
tribunal exterieur & seculier ? nullement. suiuant les traces de ses predecesseurs,
il implore la pieté des Euesques de son royaume, il leur ordonne
d’assembler vn concile general pour entendre Ebbon, & le juger
selon les loix Sainctes de l’Eglise. Et alors ce coupable se sentant pressé
par les remors de sa conscience, & ayant luy-mesme publiquement confessé
son crime, ses propres Confreres d’vne commune voix, le condamnerent
& le declarent deschu de sa dignité Archiepiscopale, luy imposant
vne penitence conuenable au merite de ses fautes.

 

C’est icy ou la presomption est bien grande pour faire croire
que monsieur de Bazas à bonne part à cét ouurage, puis qu’il
esleue si fort les Euesques, & qu’il abaisse si honteusement les
rois, faisant ceux-là arbitres de leurs couronnes, & ceux-cy
supplians pour y estre conseruez par leur propre authorité.
Cette histoire est trop importante, & d’vne consequence tres-dangereuse
pour ne la desduire qu’à demy comme fait cét escriuain,
& parce qu’il ne raconte qu’vne partie de ce que les
Euesques firent en ce rencontre, sans dire vn petit mot de ce
que la iustice seculiere ordonna en vn crime si atroce & si detestable ;
en voicy le sommaire auec le plus de briefueté que
nous pourrons dedans vn fait qui nous a remply des liures
tous entiers.

Il est vray que iamais pere ne fut plus indignement traitté
par ses enfans, iamais souuerain si fort abbatu par ses suiets, ny
vertu si mesprisée & si oppressée que celle de l’empereur Louys
le Debonnaire, qui nous a laissé autant de marques de ses malheurs
& de ses persecutions, que de tesmoignages de sa bonté
& de sa Religion. Ce grand prince s’estant laissé gaigner par
les mignardises legitimes, mais perilleuses de Iudith sa seconde
femme, pour esleuer au preiudice des enfans de son premier
lict, celuy qu’il auoit de cette Marastre cruelle ; ces princes
indignez de tant d’iniustices, & l’ambition de regner preualant
à l’obeïssance paternelle, pour donner quelque couleur à

-- 73 --

la rebellion qu’ils minutoient, accuserent Bernard comte de
Barcelone grand maistre de la chambre, d’entretenir l’imperatrice,
ce qu’ils firent sçauoir à l’empereur, qui pour leur
oster tout suiet de mescontentement, relegua Bernard, & fit
enfermer Iudith dans le Monastere de sainct Medard pour tascher
d’estoufer tous ces mauuais soupçons. Ces remedes n’estans
pas ceux qui pouuoient guerir leur maladie, ces trois freres
se liguerent ensemble en l’an 833. & resolurent par vn serment
solemnel de se saisir de la personne & de l’estat de leur
pere. Lothaire venant auec des forces d’Italie pour se joindre
à Pepin & à Louis ses deux freres, fit tant qu’il amena auec soy
le pape Gregoire IV. pour couurir par la presence du saint pere
vne entreprise qui ne pouuoit estre que blasmable. Les choses
en vindrent à telle extremité, que Lothaire prist son pere
prisonnier, le mena au chasteau de Compiegne, où il le traitta
auec tant de mespris & tant de rigueur, qu’il le fit condamner
par les Euesques qui estoient conjurez auec luy d’entrer dans
vn Monastere pour y finir ses iours, Ebbo Archeuesque de
Rheims luy prononça cette cruelle sentence, laquelle fut
trouuée si iniuste & si violente qu’elle a tousiours esté blasmée
& condamnée par tous ceux qui en ont pris connoissance.

 

Thegan. de
gestis Ludo.
Pij.
Nitard. hist.
lib. 1.

Anonimus
sed Coëtan.
in vita Lud.
Pij.

Concil. Gener.
tom. 6.
fol. 360. &
363.
Pithou. annal.
part. 2.
Baron. annal.
tom. 9.
anno 835.

Crantzius,
lib. 2. Saxo.
cap. 25.
Aimon. lib.
5. hist. cap.
12. 13.
Nicol. Gilles
Annalles de
France, ann.
829.
Paul Æmile
li. 3. en louis
le Debonn.
Belle-forest,
Annalles de
france, liu.
2. ch. 36. 37.
Fauchet des
Ant. Franc.
liu. 8. ch. 11.
14.

Baronius rapportant toute cette procedure, & les crimes
que l’on supposa à ce vertueux prince, les reduit en huict
chefs, & dit ; Sanè quidem rem per vim & metum actam, coloratamque
falso religionis pigmento, nemo non dixerit ac improbauerit ; vnde
merito boni omnes detestati sant factum, & iure visus est Theganus, in
Ebbonem Rhemensem Episcopum, horum omnium architectum, exprobrans
facinus, declamasse. Pithou qui rapporte tous les actes de ce
pretendu concile de Compiegne, dit qu’il leur donne place
dans nostre histoire ; Non vt salubris Concilij Decreta amplectenda,
sed vt exitialis commenti molimina respuenda ; fauchet en dit de
mesme dans ses Antiquitez Françoises.

Pasquier, recher.
de Frãce,
liu. 5. ch.
3.
Aubert, hist.
de France, en
Louis le Debonn.

Baron. annal.
tom. 9.
ann. 835.
Pithou, annal.
part 2.
fol. 136.
Fauchet liu.
8. chap. 12.

Ces desordres ayant duré plus de deux ans, enfin ; episcopalis
vnanimitas (comme dit Hincmar) saniore conselio, cum populi consensu,
& ecclesiæ & regno restituit ætate nostra pium Augustum Ludouicum
à regno deiectum ; Lequel estant ainsi remis dans ses estats, &
dans sa premiere authorité fit tenir son parlement au palais
d’Attigny, où il deputa des commissaires pour informer par

-- 74 --

tout contre les autheurs & les complices de cette rebellion
criminelle. Apres quoy il s’en alla passer vne partie de l’hyuer
à Aix la Chappelle, & de là vient à Thionville où se trouuerent
plusieurs Euesques de ceux qui l’auoient excommunié & degradé,
ausquels reprochant leur malice & leur perfidie, la pluspart
s’excuserent sur ce qu’ils auoient esté forcez, & que les
autheurs principaux de ce crime detestable n’osans paroistre
deuant sa Maiesté s’en estoient fuis en Italie. L’empereur qui
estoit bon de son naturel, se contentant de leur confession
leur pardonna vne faute qui neantmoins ne deuoit pas se dissimuler ;
Et de Thionville s’en alla à mets où il voulut estre solemnellement
restably par tous les Euesques qui se trouuerent
auprés de luy, lesquels annulerent sa degradation, la declarant
iniuste, temeraire, & violente ; ce qu’il voulut estre fait de la
sorte, tant pour desabuser le peuple scrupuleux & superstitieux
qui le tenoit pour excommunié, que pour faire voir la
malice & la perfidie des Prelats fauteurs & complices du crime
de ses enfans.

 

Hincmar,
tom. 1. de diuort.
Lotha.
& Terberg.
quæst. 6.

L’Empereur ainsi restably, les Euesques qui estoient auprés
de luy voulans punir les autres qui auoient esté de la conspiration,
s’assemblerent dans vn Concile tenu à Thionville en l’an
835. où Ebbo Archeuesque de Rheims, & Agobard Archeuesque
de Lyon furent cités comme autheurs principaux de ce
trouble. Agobard non comparant y fut iugé par contumace,
excommunié & priué de sa Prelature, auec tous les autres fugitifs
qui s’estoient retirez en Italie, lesquels furent declarez
traistres, homicides, perturbateurs du repos public, le scandale
& vitupere de l’Eglise, incapables de tenir iamais benefices,
de pouuoir consacrer, conferer les ordres, ny autres Sacremens,
comme inhabiles à toutes sortes de fonctions Ecclesiastiques.

Conc. Gall.
tom. 2. fol.
567.

Ebbo Archeuesque de Rheims qui estoit le plus criminel de
tous, montant en chaire dans l’Eglise Cathedrale de saint
Estienne de mets, declara hautement en presence de l’Empereur,
des Euesques, du clergé, & de tout le peuple, que meschamment,
iniustement, & malicieusement il auoit deposé
Louys le Debonnaire, auquel il presenta sa condamnation signée
de sa main, & puis apres aux Euesques qui l’auoient iugé ;

-- 75 --

Cette confession volontaire & publique estant faite en plein
Synode, tous les Iuges l’vn apres l’autre luy prononçant sa sentence,
disent ; secundum tuam confessionem cessa à ministerio ; Apres
quoy il fut degradé, & mis entre les mains des Iuges royaux
(Notate Verba) & puis par Arrest de l’empereur enuoyé en exil
dans le païs de Saxe.

 

Thegan qui estoit Archeuesque de Treues & du sang royal,
parlant de l’enormité de ce crime, & de l’insolẽce & de l’ingratitude
d’Ebbo, qui osa iuger son souuerain, & deposer celuy
qui l’auoit si auantageusement esleué, donne des aduis & des
conseils trop importans à nos rois & aux Euesques, touchãt le
choix qu’ils doiuent faire de ces Prelats, & de ce qui est de leur
deuoir, pour n’en raporter pas icy quelques-vns des principaux
& des plus necessaires. Omnes Episcopi, dit-il, molesti fuerunt regi,
& maximé illi quocex seruili conditione honoratos habebat, cum his qui
ex barbaris nationibus ad hoc fastigium perducti sunt ; elegerunt tunc
vnum impudicum & crudelissimum qui dicebatur Ebbo Rhemensis Episcopus,
qui erat ex originalium seruorum stirpe, vt eum immaniter afflixisset,
cum confrictionibus cæterorum. Inaudita locuti sunt, inaudita
fecerunt, quotidié improperantes ei ; vnde impletum est elogium Ieremiæ
prophetæ, dicentis ; serui dominaei sunt nostri. Crudelis, cur non intellexisti
præcepta Domini ? Non est seruus supra Dominum suum ? quamobrem
contempsisti præcepta Apostolica, illius qui ad tertium cœlum raptus
erat, vt inter angelos disceret quod hominibus ille sic præciperet ;
omnibus potestatibus sublimioribus subiecti estote ; non est potestas nisi à
deo ; & iterum, alius dicit ; deum timete, Regem honorificate ; serui
subditi estote in omni timore, non tantum bonis & modesties, sed etiam
discolis, hoc est enim gratia. Tu vero deum non timuisti, nec regem honorasti ;
si vnusquisque gratiam dei adipisci poterit, talia faciendo, profecto
iram dei habebit talia contemnendo. Ce grand Electeur de
l’empire acheuant son discours, mais non pas les ressentimens
qu’il auoit d’vne action, si noire & si atroce, conseille à tous les
souuerains de la terre, & les prie tres-instamment ; Ne amplius
fiat vt serui sint Consiliarij sui, quia si possunt, boc maximè construunt,
vt nobiles opprimant, & eos cum vilissima propinquitate eorum exaltare
studeant. Meditez sur ces choses, princes oppressez, & vous
François si affligez.

Thegan. de
gestis Ludo.
Imper. cap
43, 44. &c.

Ie me suis vn peu estendu sur cette histoire considerable que

-- 76 --

l’on nous oppose comme vne marque & vn priuilege redoutable
des Euesques, afin qu’on voye premierement que ce n’estoient
que quelques factieux qui presterent leur ministere à la
violence des enfans de cet empereur, sans aucune marque de
leur authorité particuliere & speciale en cela, puis qu’ils ne
depossederent point ce grand prince faisans leurs charges,
mais auec les armes tiranniques des princes rebelles qui l’attaquoient,
comme ils l’aduouënt eux-mesmes, declarans qu’ils
furent forcez à ce faire ; & pour faire connoistre l’imposture de
l’apologiste Mazarin, qui ose escrire impudemment & faussement
contre le tesmoignage irreprochable des autheurs que
nous alleguons, que cet empereur n’entreprist point de se rendre
iuge des excez de ce rebelle, & ne le renuoya point au tribunal
exterieur & seculier ; contre ce que nous venons de remarquer
apres tant d’hommes dignes de foy, & tant d’actes publics
qui asseurent, qu’il fit tenir son parlement à Attigny pour
cela, où il deputa des commissaires pour informer contre tous
les complices de cette rebellion ; & qu’apres que les Euesques
eurent degradé & priué cet Ebbo de sa dignité Ecclesiastique,
il fut mis entre les mains des Iuges royaux, & puis par vn Arrest
de l’empereur enuoyé en exil dans le païs de saxe.

 

Le cinquiesme & dernier exemple dont le Panegiriste Mazarin
se sert pour fomenter les crimes des Euesques & des Cardinaux,
est de Ganelon Archeuesque de sens qui estant chargé
de plusieurs reuoltes & infidelités contre le Roy Charles
son seigneur, & le reste ; Le Roy bien loing de s’attribuer la connoissance
d’vne affaire si capitale ; en remet la decision selon la coustume, à
vn synode presque general des Prelats de son Royaume, comparoit luy-mesme
en leur assemblée, accompagné des rois Lothaire & Charles ses
Neueux, leur demande justice auec humilité contre leur Confrere, &c.
voila comme l’autheur des sentimens que nous refutons,
abaisse la grandeur & la Maiesté de nos rois, pour esleuer l’orgueil
& l’insolence des Euesques, en la page 15. de sa satire
criminelle, & de son libelle diffamatoire digne du feu qui le
menace.

De dire que le Roy remet la decision de cette affaire à vn
synode, selon la coustume, c’est vne imposture, puis qu’on
n’en rapporte aucune qui ne prouue le contraire, comme nous

-- 77 --

venons de iustifier assez amplement ; & d’adjouster que le Roy
comparoist luy mesme au synode pour y demander iustice auec
humilité contre leur confrere, c’est trop abaisser vn souuerain
deuant ses sujets, contre la verité de l’histoire qui tesmoigne
bien en effet que sa majesté fit assembler vn synode à Sauonieres
aupres de Toul, en l’an 859. pour y faire connoistre les crimes,
les perfidies, & les infidelitez de ce traistre Ganelon, mais
qui asseure aussi, qu’on ne trouue point la sentence du synode,
ny quelle fut la fin de ce detestable Prelat, qui estant iugé
par les Euesques pour ce qui est du delict commun, auroit puis
apres esté condamné par les Iuges royaux pour le cas priuilegié
comme les autres que nous auons rapporté cy-deuant, &
suiuant ce qui se practique.

 

Concil. Gener.
tom. 6.
fol. 643.
Conc. Gall.
tom. 3. fol.
137.

Baron. annal.
tom. 10.
Pithou, ann.
part. 2. fol.
379.
Fauchet, des
ant. Franc.
liu. 9. ch. 16.

Cela estoit assez ordinaire à nos rois dedans les premieres
races où les Parlemens n’estoient pas encore connus en l’ordre
où nous les voyons, de se plaindre par vn zele de religion, &
par vn respect filial, des Euesques qui les offençoient, aux autres
qui estoient plus sages & plus retenus ; mais s’estoit sans
desroger à leur authorité souueraine pour cela, & sans renoncer
au droit & au pouuoir qu’ils ont de les chastier, comme
nous voyons au procedé de Chilperic i. contre Pretextat Archeuesque
de Roüen, lequel ayant fait assembler vn synode à
paris en l’an 583. en l’Eglise sainct pierre, maintenant saincte
Geneuiefue, pour y porter les accusations qu’il auoit à faire
contre ce mauuais pasteur, auquel il dit en presence des peres
assemblez ; Quid tibi visum est, ô episcope, vt cum filio meo Meroueo
ageres, datis muneribus, vt ego interficerer ? hostem autem filium patri
fecisti, seduxisti pecunia plebem, vt nullus mecum fidem habitam custodiret ;
hoc eo dicente, dit Gregoire de tours, infremuit multitudo
francorum, voluitque ostia basilicæ rumpere, quasi vt extractum sacerdotem
lapidibus vrgeret, sed rex prohibuit fieri.

Gregor. Turon.
hist. lib.
5. cap. 19.
Concil. Gener.
tom. 4.
fol. 481.
conc. Gall.
tom. 1. fol.
357.
Paul Emile,
liure 1. en
Chilperic.
Belle-forest,
Annal. de
France, liu.
1. chap. 22.
Fauchet, liu.
3. chap. 18. &
liu. 4. ch. 8.
& 13.

Apres plusieurs autres circonstances qui regardent cette
histoire, Pretextat estant deuant le Roy & les Euesques, aduoüant
son crime & son forfait, s’escria ; prostratus solo, peccaui
in cœlum & coram te, ô rex misericordissime ; Ego sum homicida nefandus,
ego te interficere volui, & filium tuum in solio tuo erigere. Sur
cette confession volontaire le Roy demande iustice aux Euesques
en ces termes ; audite, ô piissimi sacerdotes, reum crimen execrabile

-- 78 --

confirentem ; auec cette protestation neantmoins, dit Aimoinus,
qu’il veut voir ce qu’ils en ordonneront ; Licet regia
potestas Maiestatis reum condimnare possit ; ce qui est conforme au
Decrer des Euesques du concile de Tolete, qui declarent ;
eos episcopos esse in potestate Regu, qui peccasse illi noscuntur.

 

Aimoinus,
hist. lib. 3.
cap. 16.
Concil. Tolet.
12. Canon.
3.

Dauantage quand cela seroit, que non, que les Euesques
sont exempts de la iustice temporelle des rois, on ne void aucune
loy ny aucun exemple qui en dispense les cardinaux,
qui est la These qui se presente à iuger ; & si nos rois ont renuoyez
quelques Euesques criminels à des synodes pour y estre
iugez, c’estoit les traitter auec plus de defference qu’ils ne deuoient,
& plus de douceur qu’ils ne meritoient ; c’estoit leur
accorder vne grace, & non pas establir vne loy ; donner des
exemples de religion, & non pas de iustice ; & relascher quelque
chose de son droit, sans le perdre ny l’abandonner pour
cela. Ce sont les choses ordinaires, & non les singulieres qui
font les loix & les Coustumes ; pour accorder la grace à vn
coupable, on ne s’oblige point de pardonner à tous les criminels
qui la demandent.

Apres ces cinq histoires debitées à vostre mode, illustre Mazarin,
& refutées suiuant la verité qui les compose, faisant vn
destail de tous les crimes de ces Euesques, vous demandez en
la page 16. de vostre satyre odieuse, comme nous auons rapporté
au commencement de la section precedente, si vostre
cardinal est aussi noir & aussi conuaincu que ces Prelats condamnez,
comme si vous ne sçauiez pas mieux que personne,
qu’il est mille fois plus coupable & plus criminel d’auoir empesché
la paix generale, comme il en est accusé dans la declaration
du Roy donnée contre luy au mois de septembre 1651.
& verifiée en parlement ; & dans le traitté de son altesse
royale, fait auec monsieur le prince de condé le 24. Ianuier
1652. art. 5. Que tous ces Euesques enterrez ne l’ont esté d’auoir
signé des traittez particuliers auec des petits princes qui
n’ont pas fait la milliesme partie des maux que vostre cardinal
a causé, & si traistreusement fomenté.

Vous demandez s’il a corrompu la fidelité des sujets du Roy ?
comme si vous ignoriez à quel poinct l’a esté monsieur de Seruion,
pour empescher la conclusion de la paix generale à munster ;

-- 79 --

& que sans estre infidelles au Roy & à son estat, monsieur
le Tellier, monsieur de lionne, le P. Polin Iesuite mesme
confesseur de sa Majesté, & d’autres que ie ne veux pas nommer
pour estre assez connus, seroient esloignés de la cour &
sans employ il y a long-temps. Que ne fait pas encore tous les
jours ce cardinal pour gagner & corrompre les officiers de la
couronne, les gouuerneurs des places & des prouinces, &
tous nos Generaux d’armée pour obeïr à ses ordres, & à ses
volontez, plustost qu’à celles du Roy, & des princes de son
sang ?

 

Vous demandez encore, s’il a exposé le Roy à la risée, & à la
fureur de ses rebelles ? & vous sçauez mieux que personne, que
luy faisant entreprendre mille choses tous les iours contre les
loix de son estat, & la police ordinaire de son royaume, il se
trouue mal obey, lors qu’il est fidellement seruy ; & que pour
laisser abuser de son nom, & de son pouuoir au Mazarin, il
prostituë son authorité royale, se rend contemptible à ses propres
sujets, & la risée de tous les estrangers qui connoissent l’innocence
& le mal-heur de ce ieune Roy, qui est plus à plaindre
qu’à blasmer. De plus le cardinal le menant comme il fait
à la teste de ses troupes, comme son lieutenant general, & le
capitaine de ses gardes, il ne l’expose pas seulement à la fureur
de ceux qui ont sujet de se rebeller contre cette Eminence
insolente, mais aux iniures & aux incommoditez ordinaires
de tant de voyages penibles & inutiles qu’on fait entreprendre
à sa majesté pour mettre à couuert vn proscrit, deffendre vn
criminel contre la iustice, & fauoriser dans son propre royaume
le demon qui le met en proye, & qui l’accable de misere ;
n’y ayant point de seureté pour cette pesté publique qu’entre
les bras de ce ieune monarque, que l’on veut rendre la haine
de ses peuples, en luy faisant idolatrer & proteger de viue force,
l’ennemy & le tyran qui les ruine & qui les tourmente.

Vous mettez en question aussi, si le Mazarin a esloigné nostre
ieune prince des autels, & du commerce des Chrestiens,
comme firent les Euesques rebelles à louis le Debonnaire ?
apres que vous les voyez piller, abbattre, & polluer tous les
iours par des troupes heretiques & inhumaines qui portent le
nom de sa Maiesté, & non pas ses ordres ny son adueu, mais la

-- 80 --

rage & la fureur d’vn cardinal qui se dit prince de l’Eglise
pendant qu’il les demolit, sans en auoir iamais protegé ny visité
pas vne.

 

Et pour conclusion de vos belles admirations, & de vos
ignorances affectées, vous reuoquez en doute en cette mesme
page 16. de vostre escrit, si vostre Mazarin a rauy comme les
autres Euesques que vous accusez, la liberté & la Couronne à
nostre Roy, ou attenté comme eux sur sa personne, & coniuré
sa mort ? apres que toute l’Europe sçait que ce Monarque aussi
digne d’amour que de compassion, ne respire autre chose que
de retourner dedans sa capitale, & qu’il n’y a que le Mazarin
seul qui l’en empesche, à cause qu’il en est banny, comme du
reste du royaume, qu’on luy attend pour le punir de ses crimes,
& executer les arrests qui y sont donnez contre luy.

Que ce cardinal ne rauisse la couronne à sa Maiesté, c’est
dequoy les princes de son sang, les Parlemens, & tous les bons
François se plaignent, puis que tous ces clair-voyans connoissent
que ce jeune prince abusé n’a que le nom de Roy, & le
Mazarin le sceptre & l’authorité toute entiere.

Qu’il n’attente à sa personne sacrée, & ne conjure sa mort, il
ne le fait que trop & trop insolemment en l’exposant temerairement
dans la tendresse & la delicatesse de son aage, aux fatigues
de tant de voyages importuns, dans le changement de
tant d’airs & de tant de sejours differens, dans l’incommodité
des armées qu’il est contraint de traisner apres soy pour garder
son ennemy, dans l’injure des temps & des saisons, des froids
& des chaleurs, des pluyes & des vents, & faisant vne vie qui
ressent plus son Suedois & son conquerant, que non pas vn
grand Roy qui n’a qu’à conseruer l’empire qu’on luy fait perdre
& diminuer tous les iours, auec l’amour & le nombre de
ses sujets.

Et puis que vous aduoüez que tous ces Prelats estoient tres-coupables,
& tres-criminels encore qu’ils n’ayent commis que
l’vn ou l’autre de ces crimes ; Que sera vostre illustre Mazarin,
qui seul est chargé de tous ensemble, & de mille autres encore
dont le moindre merite la mort ? Ouurez les yeux flatteur
des tyrans, & calomniateur des gens de bien, aimez l’innocence
de vostre Roy, cessez d’abuser de son bas aage & de son

-- 81 --

peu d’experience, rendez le respect que vous deuez aux princes
de son sang, reconnoissez la justice & la fidelité du parlement,
prenez compassion de vos concitoyens, rendez-vous à
la raison, confessez la verité, songez à vostre conscience, mettez
fin à vostre aueuglement, & ne croyez pas que vos flatteries
& vos impostures soient plus fortes & plus puissantes pour
absoudre le plus abominable de tous les hommes, que les arrests
de tous les Parlemens de France pour le conuaincre & le
condamner.

 

Vous vous rendez ridicule de vouloir persuader dans la page 17.
de vostre Panegyrique Mazarin, que les soins & les conseils
de ce Ministre aussi fortuné qu’ignorant, ont dompté l’Espagne, protegé
l’Italie, pacifié l’Allemagne, & reculé nos frontieres, apres que
le Roy a declaré à toute la terre par ses lettres patentes du mois
de septembre 1651. verifiées dans tous ses Parlemens ; qu’ayant
reconnu le peu de suffisance du cardinal Mazarin estranger,
dans les affaires de l’estat, & sa mauuaise conduite, voulant remedier
à tous ces desordres, il l’auroit esloigné de sa personne
& de ses conseils, & fait retirer du royaume, auec tres-expresses
inhibitions & deffences d’y rentrer sous quelque pretexte
que ce soit, à peine d’estre declaré criminel de leze-Majesté,
& perturbateur du repos public, &c. C’est estre trop effronté
& trop impudent que de dementir son souuerain si
hautement, & de faire imprimer ce qui condamne sa parole, &
qui choque son authorité, dans son Louure & dans son imprimerie
royale. Si toute la terre ne descouuroit vostre flatterie
en cet endroit, & si tous les hommes qui ont la moindre lumiere
ne connoissoient vos impostures insupportables, ie donnerois
facilement vn liure à tous les bons François pour marquer
en destail les ruines, les desolations, les pertes, les fautes,
les crimes, & les maluersations que vostre cardinal a commises
pour reduire ce royaume fleurissant en l’estat déplorable
où nous le voyons, pendant qu’on luy en a confié le gouuernement.

-- 82 --

Sub2Sect précédent(e)

Sub2Sect suivant(e)


Anonyme [1652], OBSERVATIONS VERITABLES ET DES-INTERESSEES, Sur vn escrit imprimé au Louure, INTITVLÉ LES SENTIMENS D’VN FIDELLE SVIET DV ROY, Contre l’Arrest du Parlement du 29. Decembre 1651. Par lesquelles l’authorité du Parlement, & la Iustice de son Arrest contre le Mazarin, est plainement deffenduë; & l’imposteur qui le condamne entierement refuté. Par vn bon Ecclesiastique tres-fidelle sujet du Roy. PREMIERE PARTIE. Qui iustificat impium, & qui condemnat iustum; abominabilis est vterque apud Deum; Prouerb. cap. 17. vers. 15. , français, latinRéférence RIM : M0_2574. Cote locale : B_11_23.