Anonyme [1652], OBSERVATIONS VERITABLES ET DES-INTERESSEES, Sur vn escrit imprimé au Louure, INTITVLÉ LES SENTIMENS D’VN FIDELLE SVIET DV ROY, Contre l’Arrest du Parlement du 29. Decembre 1651. Par lesquelles l’authorité du Parlement, & la Iustice de son Arrest contre le Mazarin, est plainement deffenduë; & l’imposteur qui le condamne entierement refuté. Par vn bon Ecclesiastique tres-fidelle sujet du Roy. PREMIERE PARTIE. Qui iustificat impium, & qui condemnat iustum; abominabilis est vterque apud Deum; Prouerb. cap. 17. vers. 15. , français, latinRéférence RIM : M0_2574. Cote locale : B_11_23.
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EXTRAIT DES REGISTRES
de Parlement.

VEV par la Cour le procez criminel fait à l’encontre de
Messire Guillaume Poyet Chancelier de France, prisonnier
par Ordonnance du Roy ; Maistres Iean le
Royer Conseiller du Roy au Chastelet de cette ville de Paris,
& Louis Martine Substitut du Procureur general du Roy audit
Chastelet aussi prisonniers, pour les fautes, abus, maluersations,
crimes & delicts mentionnez audit procez, les charges
& informations à l’encontre d’eux faites, interrogatoires, responses,
confessions, denegations, recollement & confrontations
de tesmoins : Les Lettres patentes du Roy en datte du 13.
jour d’Avril, l’an 1545. auant Pasques, pour proceder au jugement
dudit procez ; plusieurs lettres & pieces mises par deuers
ladite Cour, tant par ledit Procureur general, que de la part

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desdits prisonniers, pour leurs iustifications & deffenses. Certaines
Requestes par eux presentées à ladite Cour, les Conclusions
du Procureur general du Roy, & apres que lesdits prisonniers
ont esté amplement ouïs en ladite Cour, & tout consideré :
Il sera dit sans autrement auoir esgard ausdites Requestes,
entant que touche ledit Poyet Chancelier ; Que pour les abus,
fautes, maluersations, entreprises outre & pardessus son pouuoir
de Chancelier, crimes & delicts par luy commis, mentionnez
audit procez, & dont il s’est trouué chargé : Que ledit
Poyet sera priué, & le priue ladite Cour de ses Estats & Offices
de Chancelier, l’a declaré & declare inhabile & incapable de
iamais tenir Office Royal ; & pour plus ample reparation desdits
abus & crimes priuilegiez : Ladite Cour l’a condamné &
condamne en la somme de cent mille liures parisis d’amende
enuers le Roy, & tenir prison iusques à plein & entier payement
d’icelle : Et pour aucunes causes à ce mouuans ladite
Cour, a ordonné & ordonne, Que ledit Poyet sera confiné dedans
le temps & espace de cinq ans, entelle ville & sous telle
garde qu’il plaira au Roy ordonner. Et quant ausdits le Royer
& Martine, pour les fautes & maluersations par eux commises,
& pour les cas priuilegiez ; Ladite Cour les a suspendus & suspens
de leurs Offices, à sçauoir le dit le Royer de son Office de
Conseiller au Chastelet iusques à dix ans, & ledit martine de
son dit Office de Substitut de Procureur general audit Chastelet
iusques à cinq ans, & a condamné & condamne chacun
d’eux respectiuement, en la somme de deux cent liures parisis
d’amende enuers le Roy, & tenir prison iusques à plein & entier
payement d’icelle ; Et au surplus, a ladite Cour ordonné
& ordonne, que les biens de feu Maistre Pierre le Bailly, en
son viuant Vicomte de Neuf-Chastel adiugés audit Poyet, seront
saisis sous la main du Roy, si saisis ne sont, iusques à ce
qu’autrement par ladite Cour en soit ordonné, sur lesquels
biens, par maniere de prouision par les mains des Commissaires,
sera baillé & deliuré à la veufue & enfans dudit Pierre le
Bailly la somme de quatre cent liures pour la poursuite de leurs
droits & procez, tant à l’encontre dudit Poyet qu’autres, &
sauf leur faire plus grande prouision s’il y eschet : Et a ladite
Cour reserué & reserue aux parties interessées mentionnées

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audit procez, leurs droits & actions à l’encontre desdits Poyet,
le Royer & Martine respectiuement, pour iceux poursuiure
en ladite Cour, & à eux leurs deffenses au contraire, lesquelles
parties interessées se pourront aider des pieces & productions
de ce present procez, qui leur seront communiquées par les
mains dudit Procureur general. Prononcé en iugement la
Cour seant en forme de Cour, toutes les Chambres d’icelle assemblées
en la presence dudit Poyet, suiuant les Lettres patentes
du Roy le 23. jour d’Avril l’an 1545. apres Pasques.

 

Arrest criminel
du
Parlement
de Paris, cõtre
le Chancelier
Poyet

Apres auoir imposé au Roy François I. vous venez aux iniures
& aux inuectiues contre son Altesse Royale, disant en la page
20. de vos Sentimens desguisez : Qu’ayant esté iuge & tesmoin
on s’est arresté à sa seule de position, quoy que l’on sçache bien que dans le
procez de Monsieur de Thou & Monsieur de Cinq-Mars, lequel fut
traitté par des Commissaires, les gens de bien soustindrent qu’vne declaration
de sa mesme Altesse par escrit, n’estoit valable ny capable de faire
foy en iustice, comme on dit, pour estre desnuée des formes legitimes qui
sont marquées par le Droit, &c.

Pour faire voir que la consequence que vous voulez tirer de
ce raisonnement est fausse & passionnée, monstrons que vostre
majeure ne l’est pas moins, & que vous establissez de faux principes
pour donner couleur à vne tres-mauuaise cause ; Et si
vous estes sans raison de vouloir inferer que les gens de bien, à
ce que vous dites, ayans rejetté la deposition de son Altesse
Royale en l’affaire de Messieurs de Thou & de Cinq-Mars,
Messieurs du Parlement ne le sont pas de l’auoir admise en celle
de vostre Mazarin ; vous n’en auez pas dauantage d’inuenter
des impostures, pour taxer d’injustice & de perfidie la probité
d’vn grand Prince, dont la vertu est aussi connuë & reuerée
que vos crimes & vos mensonges sont publics & odieux à tout
le monde.

Nous lisons dans le procez verbal de monsieur le Chancelier
Seguier du 29. Aoust 1642. rapporté dans le Iournal du
Cardinal de Richelieu, fol. 174. & ailleurs : Qu’il a receu la deposition
de Monsieur, iudiciairement faite pardeuant luy des faits ensuiuans,
&c. Voila desia comme il a deposé iudiciairement, & suiuant
les formes ordinaires, à moins que vous vous inscriuiez
en faux contre la teneur de cet Acte public.

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Pour n’auoir esté recolé ny confronté au Mazarin, il ne le
fut pas aussi à ces deux Seigneurs qui furent traittez bien plus
rigoureusement, encore qu’ils fussent moins coupables & d’autre
consideration que ce Cardinal tout rouge de nostre sang ;
nous auons des loix expresses qui reçoiuent ainsi les tesmoignages,
mesme par escrit, des Gouuerneurs de Prouince, & des
Capitaines des Frontieres & des Places de guerre ; à plus forte
raison d’vn Lieutenant general de tout le Royaume, outre la
qualité du deposant & celle de l’accusé, qui n’ose & ne veut
comparoir deuant ses Iuges ny deuant ses tesmoins. Les Grecs
aussi bien que les Romains ont obserué cette mesme formalité,
en faueur des tesmoins qui sont au dessus de ces submissions,
qui ne sont que pour les personnes & les causes ordinaires ;
puisque Plutarque remarque en la vie de Simon, que ceux de
Cheronnée estans accusez d’homicide pardeuant le Gouuerneur
de Macedoine, & qu’appellans à tesmoin pour leur iustification
Lucius Lucullus, il leur donna son tesmoignage par
escrit, lequel eut tel poids sans autre confrontation, que les
Cheroneens en furent absous.

Non content d’attaquer la reputation de nos Rois, & l’honneur
des plus grands Princes du Sang Royal, il s’en prend encore
à leurs premiers Magistrats, & à ceux qui ont en depost
leur lict de Iustice, & leur authorité Souueraine ; disant en la
page 3. Que ce puissant Senat a prononcé cet Arrest funeste à l’impourueu
& tumultuairement, en se laissant aller au torrent d’vne cabale née de
l’animosité de peu de personnes interessées, pour n’estre point capable de
soy-mesme & par son propre mouuement, d’vne resolution de cette qualité,
&c.

Cette iniure auec tout son plastre & toute sa dorure, ne laisse
pas de faire passer cette Compagnie venerable pour seditieuse,
passionnée, corrompuë, aueuglée, imprudente, sans vertu &
sans justice, puisqu’elle n’en peut auoir aucune en donnant ses
Arrests de la sorte : ce que personne n’a iamais mis en auant depuis
le moment de son establissement, que ce fidel sujet du
Roy, qui veut que les Iuges qui ont condamné son cher amy
le Mazarin, soient plus coupables & plus criminels que l’Autheur
& la cause de tous les maux & de toutes les desolations,
non seulement du Royaume, mais de toute l’Europe en general,

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où ce Ministre proscrit & inhumain est en horreur & en
abomination, comme le plus meschant & le plus scelerat de
tous les hommes.

 

D’adiouster incontinent apres ce bel Eloge, en la page 4.
Que le Parlement n’a donné cet Arrest contre le Mazarin, que pour satisfaire
la haine & la passion de peu d’auares, d’ambitieux, & de broüillons,
contre vn Ministre qui s’est opposé à leurs factions, & à leurs cabales,
&c.

C’est accuser de nos defauts les miroirs les plus purs qui les
representent, & charger de nos crimes les Confesseurs qui
nous en punissent & qui nous en blasment. Encore si l’Autheur
de ces rares Sentimens auoit nommé quelqu’vn de ces auares,
de ces ambitieux, & de ces broüillons qui ont iugé & condamné
son confident le Mazarin ; Et puisqu’il n’a point craint d’injurier
le Corps en general, où il veut qu’il se trouue quelque
chose d’Auguste & de considerable, parmy tant d’infamies
dont il le charge, il ne deuoit point apprehender d’en descouurir
les parties honteuses, & ce qu’il y trouue de blasmable &
de defectueux, pour monstrer qu’il est sans impostures, & qu’il
a quelque sujet de se plaindre. Toute la France estant fort assurée
que les Senateurs de cet inesbranlable Parlement, que
l’on a tasché de corrompre à force d’argent, de Charges, de
Benefices & de pensions qu’ils n’ont voulu accepter ny receuoir,
sont ceux-là mesme qui ont voulu que la iustice se fist du
Perturbateur du repos public, du Fleau de l’Estat, & du Corrupteur
des bonnes mœurs. Et si cet Arrest a passé du bonnet,
& par la voye du sainct Esprit, Omnium consensu, comme chacun
sçait ; son Altesse Royale & deux cens Officiers qui ont opiné,
sont des auares & des ambitieux, qui n’ont rien fait que pour
de l’argent, sans neantmoins qu’on puisse dire qui l’a receu ny
deliuré, pour estre encore dedans les coffres du Cardinal insatiable.

De dire pour supplément de calomnie, que cette Illustre &
genereuse Compagnie n’a condamné ce rare & precieux Ministre,
qu’à cause qu’il s’est opposé à leurs cabales & à leurs factions ;
c’est prendre le mensonge pour la verité, & chercher
des accusations dedans les iuges, lesquelles ne se trouuent &
ne se rencontrent que dans l’accusé, & celuy qui le deffend ;

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estant inoüy que cet Auguste Senat ait iamais esté capable de
cabales ny de factions, mais tousiours le seul qui les a empeschées
& condamnées, & puny rudement ceux qui en brasoient
& qui en fomentoient comme fait le Mazarin, qui voudroit
rendre la justice à sa mode, & gouuerner l’Estat à sa fantaisie,
pour acheuer de le perdre & le ruiner, comme il a si malheureusement
commencé.

 

Pour rebuter les bons François & les genereux soldats, de
tenir la main à l’execution de cet Arrest iuridique & necessaire,
il ne faut pas dire qu’on veut faire autant de Bourreaux qu’il
y a d’hommes dans le Royaume, puisque celuy qui le fera n’aura
pas moins de gloire ny moins d’innocence que la chaste Iudith,
& sera moins blasmable que les Satrapes que le Mazarin
employe tous les jours pour tuer, piller, violer, & destruire tant
d’innocens qui demandent iustice de ses tyrannies & de ses
abominations ; n’y ayant rien que d’honneste & d’equitable en
proposant cette teste Couronnée, pour rançon de moindres criminels
qui l’auront coupée, puisqu’il n’y a point de particulier
en toute la France qui puisse faire autant de mal en toute
sa vie, qu’il causera de bien & de bon-heur en deschargeant le
Royaume de cette peste funeste ; outre qu’en matiere d’Estat
on souffre de petits maux, pour causer de plus grands biens. Vn
grand Ministre d’Estat ayant dit il y a long-temps, que ; Omne
magnum exemplum habet aliquid ex iniquo, quod contra singulos vtilitate
publica rependitur. N’estant point nouueau en France ny par
tout ailleurs, de donner des graces & des abolitions à des coupables,
qui n’ont point merité & ne sçauroient meriter de la
Republique, comme feroit celuy qui l’exemptera & la deschargera
de son fleau, & de son tyran domestique, sans commettre
aucun parricide, comme portent les Sentimens, mais vn tyrannicide
le plus juste, le plus important, & le plus desirable
qui sera iamais.

Tacit. lib.
14. Annal.

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Anonyme [1652], OBSERVATIONS VERITABLES ET DES-INTERESSEES, Sur vn escrit imprimé au Louure, INTITVLÉ LES SENTIMENS D’VN FIDELLE SVIET DV ROY, Contre l’Arrest du Parlement du 29. Decembre 1651. Par lesquelles l’authorité du Parlement, & la Iustice de son Arrest contre le Mazarin, est plainement deffenduë; & l’imposteur qui le condamne entierement refuté. Par vn bon Ecclesiastique tres-fidelle sujet du Roy. PREMIERE PARTIE. Qui iustificat impium, & qui condemnat iustum; abominabilis est vterque apud Deum; Prouerb. cap. 17. vers. 15. , français, latinRéférence RIM : M0_2574. Cote locale : B_11_23.