Anonyme [1652], EXTRAICT DES REGISTRES DV PARLEMENT, CONTENANT Ce qui s’est passé pour l’esloignement du Cardinal Mazarin. , françaisRéférence RIM : M0_1351. Cote locale : B_11_29.
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DE PAR LE ROY.

Nos amez & feaux, ayans par nostre Declaration de ce
iourd’huy, & pour les considerations y contenües, ordonné
que toutes les informations, procedures & Arrests donnez
à l’encontre de nostre tres-cher & tres-amé Cousin le
Cardinal Mazarin, ensemble tous les memoires faits, s’y
aucuns y a, seront enuoyez dans quinzaine, par nostre Procureur
General en nostre Cour de Parlement de Paris, és
mains de nostre tres-cher & feal Cheualier Garde des
Sceaux de France, & premier President en nostredite
Cour, le sieur Molé, pour iceux veus & rapportez en nostre
presence dans nostre Conseil, estre par nous pourueu
de plus ample Declaration de nostre volonté sur ce subiet ;
Et auons surcis l’execution des Arrests & de nostre Declaration
du sixiéme Septembre dernier, donnez contre nostredit
Cousin, ainsi qu’il est plus amplement porté par nostre
Declaration cy-jointe.

Nous auons bien voulu vous l’enuoyer, & vous faire cette
Lettre, par laquelle nous vous mandons & ordonnons
tres-expressément de proceder à l’enregistrement pur &
simple d’icelle, selon la forme & teneur, & à la faire executer
& garder ponctuellement : Et nous promettant de vostre
bonne conduite accoustumée que vous satisferez à ce
qui est en cela de nostre volonté, nous ne vous ferons la
presente plus longue, ny plus expresse. N’y faites donc
faute, Car tel est nostre plaisir. Donné à Saumur, le deuxiéme
iour de Mars 1652. Signé LOVIS.

DE GVENEGAVD.

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Aprés laquelle lecture les Gens du Roy ont demandé
temps pour conferer entre-eux, se sont retirez, & peu de
temps aprés rentrez, Ont dit, M. Omer Talon Aduocat dudit
Seigneur Roy portant la parole ; Qu’aprés auoir entendu
tout ce qui s’est dit & passé dans cette matinée, ils ont estimé
estre obligez de presenter à la Cour la Declaration du
Roy du second iour de Mars dernier passé, par laquelle il
leur est ordonné d’enuoyer à M. le Garde des Sceaux les informations
qui ont esté faites, & les Arrests rendus contre le
Cardinal Mazarin ; Sa Majesté ayant surcis de faire response
aux Remonstrances par escrit qui luy ont esté presentées
jusques à ce qu’il aye receu ces pieces, & qu’il en aye eu la
lecture, de laquelle Declaration il est fait mention dans le
discours dudit Seigneur Garde des Sceaux, dont la lecture
a esté presentement faite : de sorte qu’il est necessaire que le
Roy soit informé & esclaircy des voyes qui ont esté tenües,
& des procedures qui ont esté faites contre le Cardinal Mazarin,
lequel n’a pas esté condamné par aucun Arrest de cette
Compagnie, mais sa condamnation ayant esté prononcée
par la bouche du Roy & de la Reine lors Regente ; Le Parlement
a donné les ordres necessaires pour en accelerer l’execution.
Et de fait le Cardinal Mazarin s’estant retiré de la
Cour le sixiéme Fevrier 1651. La Reine deuers laquelle
nous fusmes enuoyez nous commanda de dire à la Cour, que
cette retraite estoit sans esperance de retour. Et sur ce que
nous la suppliasmes de ne nous point rendre porteurs de cette
parole si precise & si solemnelle, si sa Majesté n’auoit dessein
de l’executer, elle nous fist l’honneur de nous confirmer
sa promesse dont le Parlement l’a remerciée ; & dans
vne infinité d’occasions, M. le premier President a reїteré
cette mesme parole Royale auec quelque sorte d’exageration
& d’estonnement contre ceux qui la vouloient reuoquer
en doute ; de sorte que les Arrests qui ont esté rendus
en suitte, par lesquels aucuns de Messieurs les Conseillers
de cette Compagnie ont esté enuoyez dans les Prouinces
pour haster le voyage du Cardinal Mazarin, & le faire
sortir hors le Royaume ; Les autres qui ont permis aux peuples

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de luy courir sus, tous ces jugemens ne sont pas des
condamnations qui ayent esté renduës contre sa personne,
mais vne simple execution de la parole Royale suffisante
pour l’expulsion d’vn Ministre estranger, duquel la personne
& l’administration sont dans l’auersion de tous les peuples.
Depuis pour rendre cette Declaration plus autentique,
elle a esté confirmée par Lettres Patentes qui ont esté.
concertées dans le Conseil du Roy pendant quinze iours, &
plus, qui ont esté monstrées à M. le Duc d’Orleans, & examinées,
& en suite registrées en cette Cour, publiées en l’Audience,
enuoyées dans tout le ressort du Parlement, pour
estre rendües publiques, dans lesquelles Lettres le Roy
blasme sa mauuaise Administration en deux points principaux ;
Sçauoir est d’auoir empesché la conclusion de la
Paix generale, & l’autre d’auoir esté l’autheur des Pirateries
qui ont attiré sur la France la haine de toutes les Nations
Estrangeres, qui refusent auec nous toute sorte d’alliance &
de commerces fur la Mer. Laquelle Declaration du Roy
pouuant estre considerée comme le dernier acte de la Regence
& le premier de la Majorité, elle ne peut estre surcise,
encores moins reuoquée, sans mettre en compromis tous
les actes du gouuernement de la Reine Mere du Roy pendant
sa Regence, qui n’ont autre titre ne fondement pour
subsister, que les marques de l’authorité Royale, & l’Enregistrement
dans vne Compagnie Souueraine, semblable à
celles dont cette Declaration est reuestüe. Et de fait le Parlement
auparauant icelle ayant ordonné qu’il seroit informé
contre le Cardinal Mazarin, & quelques tesmoins ayant esté
entendus, il a esté surcis à toutes sortes de procedures aprés
la Declaration registrée, parce qu’en matiere de crimes de
cette qualité qui regardent le gouuernement de l’Estat, le
iugement du Roy joint à la notorieté publique, & la verification
du Parlement, ont plus de force que toute sorte de
procedure iudiciaire de preuues par escrit ou par tesmoins,
qui sont susceptibles de contredit & de reproches : lesquelles
considerations estant expliquées au Roy, & cogneües
par sa Maiesté, luy feront voir qu’il seroit inutile de luy enuoyer

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les Arrests rendus ny les informations commencées
contre le Cardinal Mazarin, puis que le fondement de tout
ce qui a esté fait contre luy n’est autre que le iugement de sa
Maiesté & de la Reine sa Mere, pour l’execution desquels
ont esté rendus tous les Arrests qui ont esté necessaires &
Iuridiques, puis qu’ils ont pour fondement la volonté du
Souuerain registrée dans les Cours Souueraines, laquelle
subsiste encores à present, & ne peut estre reuoquée selon
les Loix de l’Estat, que par vne autre Declaration aussi
solemnelle & legitime qu’a esté la premiere ; Sçauoir est par
vn enregistrement & approbation des Compagnies Souueraines,
qui sont les depositaires des actes de cette qualité,
pour les rendre par leur approbation authorisées dans l’esprit
des peuples ; Que si la necessité des affaires publiques obligeoit
le Parlement de continuer les informations commencées
à faire le procez au Cardinal Mazarin, le Roy doit estre
informé que cette procedure iudiciaire appartient à son
Parlement, quelques reclamations que les Ecclesiastiques
apportent au contraire, qui soustiendroient volontiers que
leurs caracteres les rend exempts de la iurisdiction Royale,
& partant de l’obeїssance qu’ils doiuent à leur Souuerain,
dont il ne faut desirer autre iustification que les tesmoignages
qui en seront rendus au Roy par M. le Garde des
Sceaux, lequel ayant vescu longues années, & vescu auec
honneur dans les places les plus grandes de cette Compagnie,
en sçait parfaitement les maximes, lesquelles aboutissent
à la grandeur de l’Authorité Royale, qui n’est pas honorée
suffisamment par ceux qui ne veulent pas reconnoistre
sa Iustice. Outre plus ils estimoient qu’il y auoit lieu
de se plaindre au Roy, de ce que les Remonstrances qui ont
esté portées à sa Maiesté n’ont pas esté leües en la presence
des Deputez du Parlement, qui estoient des tesmoins necessaires
& de la verité de la piece, laquelle en leur absence
peut estre desguisée, & du contenu en icelle, dont ils pouuoient
rendre raison si elle leur eust esté demandée ; la verité
pouuant estre celée ou obscurcie à sa Maiesté, laquelle
dans la premiere année de sa Maiorité, quoy que Dieu verse

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ses benedictions abondamment sur sa teste, & qu’il aye
dilaté son cœur pour le rendre capable du gouuernement
de son Estat, il ne veut pas pourtant faire violence aux Ordres
communs & ordinaires de la nature, non plus qu’à la
necessité des instructions qui doiuent estre données aux
Princes dont la meilleure consiste dans l’experience des affaires
differentes, pour l’intelligence desquelles ils doiuent
estre soigneusement informez, & instruits dans la connoissance
des formes anciennes, dans l’obseruation desquelles
les Roys regnent auec authorité, & sont obeїs auec respect.
Ainsi la Cour ordonnant qu’il sera fait Registre de tout ce
qui s’est fait dans cette matinée, & le Registre estant enuoyé
à M. le premier President Garde des Sceaux de France,
pour en informer le Roy sincerement & auec cette probité
dans laquelle il a vescu iusques à present, il y a lieu
d’esperer que ces raisons pourront faire quelque sorte d’impression ;
& que sa Maiesté faisant reflexion sur les desolations
de son Estat, donnera quelque sorte de relasche à nos
maux, se laissant vaincre aux tres-humbles supplications de
tous les ordres de son Royaume, qui se trouuent scandalisez
du retour du Cardinal Mazarin ; lequel ayant esté obligé de
se retirer pour donner contentement à la plainte publique
de tous les peuples, n’est retourné que pour estre l’occasion,
le pretexte, & la cause feinte ou veritable de tous nos maux ;
mais telle pourtant, que si elle cessoit, il ne seroit pas difficile
de reünir l’esprit de tous les gens de bien & de tous les bons
François, pour s’opposer à toute sorte de factions qui combattent
l’authorité Royale : Et requis que Registre soit fait
de tout ce qui s’est passé ce iour en la Compagnie, pour estre
copie d’iceluy registre enuoyée à Mons. le premier President
Garde des Sceaux de France, & par luy presentée audit Seigneur,
& qu’il sera écrit audit sieur premier President pour
le prier de faire en sorte que les Remonstrances par écrit portées
par les Deputez de ladite Cour, soient leües en presence
dudit Seigneur Roy, & que la response en soit enuoyée à la
Cour ; & qu’il sera pareillement prié de faire entendre audit
Seigneur Roy les raisons pour lesquelles la Cour ne peut satisfaire

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au contenu és Lettres Patentes du deuxiéme Mars
dernier, lesquelles à cét effet seront écrites audit sieur premier
President,

 

Et sur ce a esté la deliberation commencée & remise à
demain.

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