Anonyme [1652], EXTRAICT DE TOVT CE QVI S’EST fait & passé à Bordeaux depuis le 29. Iuin 1652. touchant le party de Messieurs les Princes, & celuy des Mazarins. , françaisRéférence RIM : M0_1342. Cote locale : B_14_44.
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EXTRAIT DE TOVT CE QVI
s’est fait & passé à Bordeaux depuis le 29. Iuin
1652. touchant le party des Princes, & celuy des
Mazarins.

IL s’est esleué vn party contre Lormiere,
qui estoit celuy du Chapeau
Rouge, & celuy qui
auoit esté la cause de cette diuision
dans la ville, estoit le Iurat
Fontennelle, le Parlement qui vouloit tirer raison
de ces gens qui auoient renuersé leur authorité,
fait chasser leurs Confreres, & quantité
d’autres choses contre eux, c’estoit ioint à ce party
où il sembloit comme il se faisoit esperer que
la plus grande partie de la ville se deust aussi ioindre,
mais le succez s’est trouué bien esloigné de
leur attente. Il y eust quelques gens de Lormiere
qui furent tuez en faisant vne ronde dans la ruë
du Chapeau Rouge par le Iurat Fontennelle &
par d’autres qui estoient de la cabale qui s’estoient
assemblez dans la maison d’vn nommé
Cornet qui demeure deuant le bureau pour faire
cette belle leuée de bouclier, & que cette action
quoy que tres noire auoit mis vne telle consternation
dans le party de Lormiere qu’il sembloit

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entierement abbatu, puisque au lieu de repousser
la force par la force, il estoit contraint de demander
iustice à Monsieur le Prince de Conty
auec plus de moderation & de retenuë qu’on esperoit.
Les Conseillers exillez auoient esté rappellez
& estoient reuenus sans que les auteurs de
leur exil en eussent seulement murmuré : enfin
toutes choses sembloient se pacifier si ceux du
Chapeau Rouge ne se fussent rendus insolens des
petits aduantages qu’ils auoient eus. Monsieur le
Prince de Conty auoit deffendu les assemblées
aux vns & aux autres, & cependant Dimanche
dernier la nouuelle estant venüe que les ennemis
s’estoient saisis de la ville de Cadellac, & tenoit
le Chasteau assiegé, il fut resolu de le secourir
pour cét effet plusieurs s’assemblerent volontairement,
dont Messieurs les Conseillers & Iurats
s’allarmerent & particulierement le sieur
Gurault qui ayant six Compagnies du susdit
quartier du Chapeau Rouge, auec plusieurs de
ses interessez Mazarins, & autres que ce nombre
entrainoit auec eux, se resolurent de courir dessus
sans auoir communiqué ny declaré à leurs Altesses
Madame la Princesse & madame de Longueville
qui étoient seules par l’absence de Monsieur
le Prince de Conty, ils furent donc les
chercher iusques prés le logis de Monsieur de
Duremartin, où leurs Altesses se trouuerent pour

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empescher le desordre, & de fait Lormiree quoy
que l’offence de l’attaquee auoit mis les armes
bas au premier cõmandement qu’ils auoiẽt receu
de leurs Altesses, mais les autres interpretans
cette deffence à crainte voulurent pousser
leur pointe, mais à bien attaqué, bien deffendu,
ceux du Chapeau Rouge furent contraints de ce
retirer & au plus viste, & ne remporter de cette
belle entreprise que la confusion de n’auoir pas
reüssi, il demeura sur la place huict à dix personnes
de part & d’autre, nommément le sieur de
la Verrier qui mourut le lendemain de ses coups.
Le lendemain Lormiere s’estant assemblé & rendu
maistre de la maison de Villes, se resolurent
de tirer raison de l’outrage qu’ils auoient receu,
& pour cet effet prirent les armes, & mirent trois
piesses de canon à leur teste, & marcherent droit
au Chapeau Rouge où ils entrerent au nombre
de plus de deux milles par le bout qui touche
au rempart du costé de la porte d’Aufine, &
vinrent se saisir du Pipaulin, où ils commencerent
leur attaque auec beaucoup de vigueur
par la maison du President Pischon, ils y perdirent
du Monde, mais enfin ils l’emporterent
nonobstant la resistance de ceux de dedans, &
l’ayant prise elle fut pillée & bruslée ; de là ils
allerent à descouuert iusqu’au logis dudit Cornet,
où Fontennelle & Guerault & plusieurs
autres s’estoient retirés, mais la peur qu’ils eurent

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que leur resistance ne fut vaine & inutille
& qu’en fin ils seroient forcés, ils se sauuerent
par dessus les tuilles, si bien que la maison ayant
esté forcée l’on ne trouua personne dedans ; cette
violence continuant tousious & estant sur le
point d’enueloper tout le Chapeau Rouge entier.
Leurs Altesse sortirent de l’Archeuesché
pour tascher d’y mettre ordre, on fit sortir le
Saint Sacrement qui d’abort ioint aux prieres
de Madame la Princesse qui y demeura pour cet
effet iusqu’a onze heures du soir, produisit leffet
qu’on en esperoit, & obligea ces gens à se retirer
chez eux, aussi le Chapeau Rouge ne doit
qu’à Dieu & à Madame la Princesse, pour qui le
Peuple a beaucoup de veneration, & d’estime de
sa conseruation, puisque la perte estoit ineuitable.

 

Tout Bourdeaux est maintenant de Lormiere
nous en honorons les estandarts, & les seuls
Conseillers & les Mazarins s’affligent sensiblemẽt
des aduantages que ce Peuple a sur eux, & de
voir qu’ils ne sont plus en estat que de soufrir,
le peu de respect qu’ils eurent pour son Altesse
la premiere iournée ayant eu l’audace que de luy
tuer vn homme au prés de sa chaise, fait assez
conoistre que leurs intentiõs ne sont pas sincere,
& leur insolence qu’ils profererent hautement
en parlant à Son Altesse, & particulierement le
sieur de Lesair Conseiller nous font assez voir

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que s’ils eussent eu le dessus nous aurions bien
peu enuoyer nos Mareschaux des Logis marquer
nos logemens autre part, puis qu’il est indubitable
que nos ennemis l’auoiẽt porté à nous iouer
cette piesse, mais grace à Dieu nous sommes
hors de cette apprehension, puisque les interests
de Son Altesse tout seul armerent Lormiere,
c’est elle aussi que nous considerons comme nostre
protectrice, puis qu’elle seule des deux partis
a tesmoigné son respect en la defference, n’ayant
iamais dit vne parole qui peu choquer ny l’vn ny
l’autre. Ils s’assemblerent hier à l’Hostel de Ville,
où ayant sceu que son Altesse vouloit parler, au
mesme temps ils enuoyerent des Deputez de leur
Corps asseurer son Altesse de leur obeïssance & de
leur affection, & la supplier de chastier les autheurs
qui sont Fontennelle, Guerault Iurats, du
Cornet, Roquette & Tillet, les quatre derniers,
bourgeois du Chapeau Rouge, par punition
corporelle ou par le banissement perpetuel, mais
ie croy qu’il ne sera pas besoin de ce faire, ayant
plustost choisi vne bonne fuite qu’vne mauuaise
attente.

 

FIN.

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Anonyme [1652], EXTRAICT DE TOVT CE QVI S’EST fait & passé à Bordeaux depuis le 29. Iuin 1652. touchant le party de Messieurs les Princes, & celuy des Mazarins. , françaisRéférence RIM : M0_1342. Cote locale : B_14_44.