Anonyme [1652], ADVIS AVX BOVRGEOIS DE PARIS, SVR VNE LEVÉE DE GENS DE GVERRE Où Raisons pour lesquelles il est plus expedient de faire presentement des recreuës, tant Caualerie qu’Infanterie, des Trouppes de l’Armée de Monseigneur le Duc d’Orleans & de Monsieur le Prince, que de nouuelles Trouppes. Auec la Response aux Objections contraires. , françaisRéférence RIM : M0_483. Cote locale : B_17_6.
SubSect précédent(e)

ADVIS AVX BOVRGEOIS
de Paris, sur vne leuée de gens de
guerre ; Ou Raisons pour lesquelles il est
plus expedient de faire presentement des
recreuës, tant Caualerie qu’Infanterie
des trouppes de l’Armée de Monseigneur
le Duc d’Orleans & de Monsieur
le Prince que de nouuelles trouppes :
Auec la Response aux Objections contraires.

LA premiere raison est, que si on fait des
nouuelles leuées, on n’en peut donner
le commandement qu’à diuers Particuliers,
soy disans Officiers, qui paroissent sur le
paué de Paris, & dont la plus grande partie
s’y est renduë depuis nos troubles. Or, de
ces gens-là, vne partie, est incommodée &
necessiteuse sans aucun équipage, sans cheual
& Valet, & doit à son hoste toute
sa dépense de bouche ; mesmes a emprunté

-- 4 --

le miserable habit qu’elle porte, & n’est
venue à Paris, que dans l’esperãce d’vn employ,
& si on donne à ces personnes des deniers
pour faire des leuées, la premiere chose
qu’ils feront, ce sera d’acquiter leurs debtes,
de s’abiller auec esclat, & se mettre en
équipage. De sorte que tous ses deniers se
dissiperont à leur proffit, sans qu’ils fassent
aucune leuée, & s’ils en font aucune, outre
que le nombre des soldats sera modicque,
il sera composé de mauuais soldats : Vne autre
partie de ces pretendus Officiers, nous
doit estre suspecte, parce que nous auons
sujet de nous persuader qu’ils nous peuuent
estre enuoyez par le Cardinal Mazarin l’ennemy
iuré de la France, & principalement
de la Ville de Paris, comme nous en auons
la preuue & l’exemple par son Blocus arriué
en l’année 1649. & parce qui s’est
passé en la ville d’Aix en Prouence & celle
de Bordeaux, en laquelle le nommé Thibault
enuoyé par ce mauuais Ministre
pour trahir la Ville, la trahison recognuë,
fut jetté par les fenestres & traisné par les

-- 5 --

ruës. Enfin l’autre partie de ces pretendus Officiers
est composée la pluspart de personnes sans
merite & suffisance, comme n’ayans eu aucuns
emplois dans la guerre, au moins n’ayans donné
aucune preuue de leur courage & capacité ; Ce
qui fait voir qu’ils sont incapables de pouuoir
rendre aucun seruice, & presentement il est difficile
de trouuer dans Paris aucun bon Officier,
parce que tous les bons Officiers de guerre ont
employ dans l’Armée de Messieurs les Princes,
ou dans celle du Mazarin.

 

La seconde raison est, que si on fait de nouuelles
trouppes, il faut faire estat de plus de deux
millions de liure pour mettre neuf mille hommes
effectifs sur pied, tant Caualerie qu’Infanterie,
non seulement à cause de la pauureté &
indigence des Officiers qui se presentent, mais
principalement à cause de la dépense des Officiers ;
& au contraire, si on se contente de faire
presentement les recreuës de l’Armée de Messieurs
les Princes, on espargnera plus d’vn million
quatre cens mil liures, parce que cette Armée
estant composée de plus de trois cens Compagnies
d’Infanterie, & de plus de deux cent
Cornettes de Caualerie, pour faire la recreuë
desdites Compagnies, il ne faut que cinq à six
cens mil liures, ce qui fait voir combien l’espargne
sera grande.

-- 6 --

La troisiéme raison est, qu’outre l’espargne
pour la leuée, ne faisant que des recreuës. Il y
aura vne grande espargne pour l’entretien des
trouppes. Car par exemple, si on fait vne leuée
de neuf à dix mil hommes auec de nouueaux
Officiers, il coustera par mois, tant pour l’entretien
de la Caualerie, Infanterie, qu’Officiers,
Majors, & équipage d’Artillerie, prés d’vn
million par mois ; laquelle dépense il faudra
continuër iusques à ce que le Cardinal Mazarin
soit chassé hors du Royaume sans esperance de
retour, ce qui va à vne tres-notable despense,
qui pourroit faire murmurer le Bourgeois de
Paris, la veufue & l’orphelin dans la longueur
du temps, ce que l’on doit auoir en grande consideration,
& si au contraire, on ne fait que des
recreuës, la dépense sera beaucoup moindre,
parce qu’il n’en peut couster que cinquante
mil escus, ou deux cens mil liures au plus par
mois, ce qui ira à vn soulagement tres-notable
pour les Bourgeois de Paris.

La quatriéme raison est, qu’on ne doit pas
se promettre vn pareil effet de nouuelles leuées
que de recreuës jointes à de vieux Corps, parce
que de nouueaux soldats estans meslez auec les
vieux, & commandez par de bons Officiers, agissent
tout autrement qu’ils ne font pas lors qu’ils
combattent seuls, & ne sont commandez que

-- 7 --

par des nouueaux Officiers comme nous en
auons l’experience ; Or l’Armée de Messieurs
les Princes est composée des meilleurs Corps
de France, & quãd elle sera fortifiée de recreües,
elle fera quatorze à quinze mil hommes, qui
seront plus que suffisans pour resister & combattre
l’armée Mazarine.

 

La cinq raison est, que faisant vne nouuelle
armée quoy que payée, le pauure peuple de la
Campagne n’en sera pas plus soulagé, parce que
les nouueaux soldats, receuant leurs soldes, ne
laisseront pas de piller & voller à l’exemple des
soldats de l’Armée de Messieurs les Princes qui
ne seront point payéz.

On pourra dire contre toutes les raisons
cy-dessus, que la Ville de Paris veut auoir vne
Armée dans sa dépendance pour conseruer ses
interests. A quoy on respond que ce dessein est
presque impossible, parce que cette Armée
estant jointe auec celle de Messieurs les Princes,
on ne peut empescher qu’ils n’en soient tousiours
les maistres. D’ailleurs, deux armées jointes
ensemble, dont l’vne est bien payée, & l’autre
mal, sont incompatibles, & ne peuuent
s’accommoder. Pour ce qui est des interests de
la Ville de Paris, on doit s’asseurer que Messieurs
les Princes ne les abandonneront iamais.

FIN.

-- 8 --

SubSect précédent(e)


Anonyme [1652], ADVIS AVX BOVRGEOIS DE PARIS, SVR VNE LEVÉE DE GENS DE GVERRE Où Raisons pour lesquelles il est plus expedient de faire presentement des recreuës, tant Caualerie qu’Infanterie, des Trouppes de l’Armée de Monseigneur le Duc d’Orleans & de Monsieur le Prince, que de nouuelles Trouppes. Auec la Response aux Objections contraires. , françaisRéférence RIM : M0_483. Cote locale : B_17_6.