Saint-Julien,? [?] [1649], LE VNZIESME COVRRIER FRANÇOIS, TRADVIT FIDELLEMENT en Vers Burlesques. , françaisRéférence RIM : M0_2848. Cote locale : C_2_42_11.
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LE VNZIESME
COVRRIER
FRANÇOIS,
TRADVIT FIDELLEMENT
en Vers Burlesques.

A PARIS,
Chez CLAVDE BOVDEVILLE, ruë des Carmes,
au Lys Fleurissant.

M. DC. XLIX.

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LE VNZIESME
COVRIER FRANCOIS
EN VERS BVRLESQVES.

 


LE Mercredy la mallebosse,
Il me souuient que le carosse
Du vaillant Prince de Conty,
Si le Ciel ne m’eût garanty
Me pensa passer vne rouë
Sur la iambe, & m’emplit de bouë.
Ce Prince alloit à six cheuaux
Auecque nos six Generaux,
A Ville-Iuifue, où nostre armée
S’est acquis grande renommée,
Sur tout nos braues caualliers,
Au nombre de quatre milliers,
Qui ne demandent qu’à se battre,
Ce fut de Mars le vingt & quatre.

 

 


Ce iour mesme le Parlement
S’assembla sans commandement,
Sur la liberté que veut prendre
Du Comte de Lanoy le gendre,
De faire trouppes à Montreüil
Où ce Seigneur est en grand deüil
Pour le decez de son beau-pere,
Qu’il aimoit autant que son frere,
Et qui par son esloignement
Luy laisse ce gouuernement,
Surquoy le Parlement arreste,
Que faisant droit sur la requeste
Que fait ledit Prince d’Harcour,
D’enrooller soldats allentour,
Monsieur d’Elbœuf, ame hardie,
Gouuerneur de la Picardie

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De qui cette ville depend,
Pourra faire comme il l’entend,
Pour la seureté de la place,
Dequoy la Cour luy rendra grace.

 

 


L’on dit que Normands deputez
Se sont tous bien fort aheurtez
A l’exil de son Eminence,
Et qu’ils ne feront conference,
Ny ne despliront leur cahier,
Qu’il n’ait le pied à l’estrier,
Mais l’on tient pour chose asseurée
Que sa monture est defferrée,
Et c’est la raison sans mentir,
Qu’il ne sçauroit si tost partir.

 

 


L’on nous escrit aussi de Guise,
Qu’on craint que cette place duise,
Et soit commode à l’Espagnol,
Veu que l’Archidue Leopol
Auec des trouppes & tres-belles
(Qui sont de mauuaises nouuelles)
Accompagné du Duc Lorrain,
Auoit pris assez de Terrain
Es enuirons de cette Ville,
Pour camper d’hommes seize mille
Qu’on sçait qu’il a frais & gaillars,
Sans conter beaucoup de soudars,
Que Lamboy General d’Espagne
Meine du costé de Champagne.

 

 


Vn autre aduis porte qu’Erlac
Est clos & coy dedans Brissac,
Quoy que nous veüille faire entendre
Vn sot Courrier, qu’on deuroit pendre,
Et qui prend le nom de la Cour,
Imposteur, homme sans amour
Sinon pour le party contraire,

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Qui deuoit bien plustost se taire
Que de mentir si puamment :
Ce Mazarin, traistre, Normand,
Tu t’es seruy de cette fraude,
Pour nous donner l’allarme chaude,
Le fin mathois, le bon rusé
Pretends-tu point t’estre excusé,
Si tu dis que c’estoit son monde ?
Attends donc que ie te responde,
Sçais-tu bien que Monsieur d’Erlac
Ioüoit ce iour au triquetrac
Quand tu le depeignois en voye,
l’auouë auec toy, qu’il enuoye
Cinq ou six galleux de goujats,
Mais tout cela n’est pas grand cas ;
Outre qu’il faut que tu confesses
D’auoir pris ton nez pour tes fesses,
Quand tu nous dis que le Hessien
Panche pour le Sicilien,
Puisque Talmon Prince tres-braue
Et le gendre de la Langraue,
Est en marche auec tous ces gens,
Et nous promet en peu de tems
Vne assistance merueilleuse,
Mais ta monture estant boitteuse
Courrier depesché sans besoing,
Tu ne pus pas aller si loing
Lecteur si ie l’ay pris à tasche
Ne pense pas que ie me fasche,
Ie ne veux rien que t’aduertir
Que ie ne puis ouyr mentir
Ny mesmes lire de Gazettes
Pour estre pleines de sornettes :
Lecteur, pour vne bonne fois
Ne croy que le Courrier François,
Les autres abus, bagatelles ;
Mais pour le mien, bonnes nouuelles.
Vn autre lettre nous apprend,

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Que pour Longueuille le grand
Montiuilliers monstroit les cornes
Aux Mazarins tristes & mornes ;
Que ce Duc de grande valleur
Enuoya pour sieger Harfleur
Quelques trouppes le dix septiesme,
Qu’ensuiuant du mois le vingtiesme
Bois-le-Feure somme Harfleur
Qui luy dit vostre seruiteur,
Et dés que le canon le navre,
Depesche au Gouuerneur du Havre
De qui cette place depend,
Pour venir estre son garand,
Ayant à repousser deux mille
Hommes du Duc de Longueuille,
Ce qu’elle ne fera sans luy,
Ains se rendra dés auiourd’huy,
(C’estoient les termes de la lettre)
Ce Gouuerneur voulut se mettre
En deuoir de la secourir,
Et pour l’empescher de perir,
Détacha deux cent cinquante hommes
Qui venoient en mangeant des pommes,
Quand sur le chemin ces mangeans
Trouuent vn party de nos gens,
La peur saisit ces miserables
Qui courent comme de beaux diables
Sans qu’aucun regarde apres soy,
Enfin tel estoit leur effroy,
Que quand dans le Havre ils entrerent
Les huict heures du soir frapperent,
Bien que partis à leur malheur
Auec le iour, & que Harfleur
Du Havre soit à demy lieuë,
Mais la peur qu’ils auoient en queuë,
Leur fit oublier le chemin :
Enfin sans attendre à demain,
Harfleur nous fit ouurir la porte,

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La garnison n’estant pas forte
Se rendit à discretion :
Apres cette reddition
Nos gens furent faire gogaille
Au Chasteau de pierre de taille
Du sieur de Fontaine-Martel,
Chasteau tres-fort, mais non pas tel,
Que les nostres ne le pillerent,
Et deux bons canons emmenerent.

 

 


Ieudy vingt-cinq le Parlement
Fut extraordinairement
Assemblé, car il estoit feste
De la Vierge, & n’est pas honneste
D’agir comme vn iour ouurier,
Neantmoins parce qu’vn Courrier
Venoit de la Reine de France,
La Cour voulut tenir sceance,
Nos Generaux vinrent aussi,
On resoudoit pour sçauoir si
L’on continueroit vne treuue
Que tout chacun trop longue treuue,
L’autre finissant en ce iour ;
Enfin l’aduis de nostre Cour
Fut que surseance s’accroche,
Iusques au Lundy le plus proche
Et compris inclusiuement,
Et qu’aux Deputez vistement
On escrira pour faire entendre
Qu’ils n’ont plus de Conseil à prendre,
Que depuis le iour du Ieudy
Iusques à celuy de Lundy ;
Bref qu’on leur dira qu’ils se hastent
Et que les affaires se gastent.

 

 


Vendredy vingt-six on a sceu
Que n’auoit pas esté receu
Par ceux de la Ferté sur Ioüarre

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Vn Mazarin qui disoit garre
Qu’on fasse place à mon cheual,
Ie viens de par le Cardinal
Loger icy des gens de guerre,
Mais l’vn se saisit d’vne pierre,
L’autre prend mousquet ou fusil,
L’artisan s’arme d’vn outil ;
Chacun crie au Cardinaliste,
Luy de son sang marque sa piste,
Et maudit tout cicatricé
L’habitant mal ciuilisé ;
Qui depuis garde ses murailles,
Crainte du droit de represailles.

 

 


Samedy de Mars le vingt-sept
Le vaillant Conty tout mal fait :
(Car il estoit encor fort blesme
D’vn mal de teste du vingtiesme,
Et d’vne indisposition)
Fit en Cour declaration ;
Que celle qu’il auoit donnée,
Et par nos Generaux signée,
D’abandonner leurs interests,
Pourueu que ne fut pas si pres
La Sicillienne Eminence,
La cause de nostre souffrance,
Que cet acte qu’ils auoient fait
N’auoit point encore eu d’effet,
Mais qu’il croit en pouuoir produire
Qui pourroit au Cardinal cuire,
Si la Cour vouloit rendre Arrest,
Qui portast qu’outre qu’il luy plaist
Que Mazarin se mette en fuitte,
Que l’Eminence est tousiours cuitte,
En ce qu’on ne sçauroit iamais
Luy restant, conclure la paix,
Que le feu par tout se peut prendre
S’il n’est pas couuert de sa cendre :

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Bref qu’il falloit ou qu’il drillast
Ou que le Royaume bruslast :
Qu’on fuyoit de deux maux le pire,
Qu’on n’y pouuoit pas contredire :
Qu’il prioit la Cour d’y resuer,
Auant mesmes que se leuer,
Ce que la Cour voulut bien faire
Et dit qu’il estoit necessaire
Que l’acte fut enregistré,
Tout entier sans estre chastré,
Et qu’vne coppie en fust faite
Pour estre d’vne mesme traitte
Enuoyée à nos Deputez,
Qui seront derechef priez,
D’insister fort pour le voyage
Du Sicilien personnage.

 

 


Nous auons aduis de Lyon,
Que plus furieux qu’vn Lyon
Le Lyonnois est en deffence,
Et le tout contre l’Eminence.

 

 


Vn Courrier causant comme vn gay,
Est venu dire que Ierzay
A quitté S. Germain en Laye
Pour s’opposer à la Boullaye
Qui fait merueille dans l’Anjou,
Puisse-il se rompre le cou
Ce Ierzay du party contraire,
Mais il n’aura qu’assez à faire
S’il rencontre nostre Marquis,
Que quelqu’vn qui s’en est enquis
Dit auoir entré dans la Fleche,
Et si ce n’est pas bourde seiche,
Il marche à present vers Angers
Ville qui haït les Estrangers,

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Mais qu’vn chien de Chasteau gourmande,
Et Saumur aussi que commande
Vn autre malheureux Chasteau,
Ah s’il pouuoit estre à vau-l’eau,
Nous serions maistre de la ville
Qui se demange en sa coquille.
Le Dimanche & le vingt & huict,
Vn Courrier marcha toute nuict
Et nous vint dire qu’en Gascogne
Vn chacun se heurte & se cogne,
Principallement à Bordeaux,
Que les coups y pleuuent à sceaux,
Et que pour la cause commune,
L’habitant au clair de la Lune
A saisy le Chasteau du Hact,
Et du depuis a faict vn pact
D’inuestir le Chasteau-Trompette,
On croit desia la chose faitte.

 

 


Ce mesme iour nous fut rendu,
Arrest en Bretagne rendu,
Dessus des lettres cacherées
Et du dix Fevrier dattées,
Signé Loüis à S. Germain,
Pour les donner en propre main
De ces Lettres vne addressante
A Monsieur l’Euesque de Nante,
Les autres aux Communautez
Villes, Villages, Bourgs, Citez,
Chasteaux de toute la Prouince,
Pour au nom de nostre bon Prince
Estre des Deputez nommez,
Afin que comme ils sont sommez,
Et que leurs Majestez commandent,
Dedans Orleans ils se rendent,
Soit à beau pied soit sur cheuaux
Pour estre aux Estats generaux

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Qui s’y tiendront d’Auril le seize,
Ou de se trouuer il leur plaise,
Mais helas il ne leur plaist pas,
Ces Messieurs qui plaignent leurs pas,
Ayant veu la lettre patente
Donnée en l’an cinq cens soixante
Pour mesme conuocation,
Auec verification
Au Parlement de cette lettre,
Dirent tous qu’il falloit remettre
Et qu’Estats ne seront tenus
Que sur nouueaux ordres venus,
De nostre Sire & de la Reine,
Signez par leur Cour souueraine,
Cependant que l’on escrira
Le plus humblement qu’on pourra
Pour faire vn refus agreable
Et prier qu’ordre inuiolable
Qu’on obseruoit anciennement,
Ne reçoiue aucun detriment,
Et deffence à toute personne
Fut-il vn Docteur de Sorbonne ;
De se trouuer à ces Estats,
Ny de s’assembler en vn tas
Sous pretexte de tel voyage,
Sur peine d’estre mise en cage.

 

 


Ce iour de Roüen vn Courrier
Qui perdit cent fois l’estrier
En venant, tant il alloit viste
Pour arriuer plustost au giste
Mangea de pain vn gros quignon,
Et rapporta que Matignon
Lieutenant du grand Longueuille,
S’estoit emparé de la Ville
De Valogne, & que Bellefond
Cardinaliste iusqu’au fond,

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Et Gouuerneur, auecque honte
A fait vne retraitte prompte
Au Chasteau, qui ne peut tenir,
Et dont il doit bien-tost venir
Vn recit certain de sa prise
Et de Bellefond en chemise
Sorty sans doute dudit lieu,
Car il y peut bien prier Dieu ;
Si les nouuelles ne sont fausses
Il n’en tirera pas ses chausses.
Ce mesme Courrier dit apres
Que le genereux Duc de Rets
Auoit dit i’ay d’hommes trois mille,
Bon iour Monsieur de Longueuille
Et qu’il l’auoit ioint à Roüen,
Où du Cardinal on dit bran.

 

 


Lundy vingt-neuf en l’assemblée
De diuers soucis accablée
Sçauoir si l’on continueroit
Pour trois iours comme on requeroit
La sursceance à l’agonie,
Conclut toute la compagnie
Qu’elle aura liberallement
Vingt & quatre heures seulement,
Apres lesquelles, nouueau trouble
Et plus de trefue pour vn double
Cependant doit estre aduerty
Monsieur le Prince de Conty,
Et tous les Chefs qui nous commandent,
Qu’au Palais demain ils se rendent.

 

 


Ce mesme iour la Cour deffend
D’imprimer petit Liure ou grand
Que par vn expres congé d’elle,
Sur vne peine corporelle,

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Arrest qui me déplaist si fort
Que ie souhaitte d’estre mort,
Cet Arrest, Lecteur, est la cause
Que tu n’as ny rime ny prose
Bref, rien de moy, qui soit entier,
C’est luy qui chastre mon Courrier,
Qui le met en triste equipage
En rayant tousiours quelque page,
Et m’ostant deux vers feminins
En laisse quatre masculins
Derechef cet Arrest me tuë.

 

 


Et sans que la déconuenuë
Des trouppes du Comte d’Alets,
De mon ame ouure les vollets
Mes yeux, ils ne verroient plus goutte,
Ie serois desia sur la routte
De l’Enfer ou du Paradis.
Mais viuons pour voir ces bandis
Estre mal menez en Bourgogne
Vois-tu Muse comme on les cogne
On les pousse à Chasteau-Chinon ?
N’en es-tu point touchée ? ah non :
Enfin la Ville en ses marailles
Reçoit par bonté ces canailles
Et leurs ouure vn petit loquet
Leurs ostant espée & mousquet.

 

 


Mardy le premier President
Nous escriuit que cependant
Qu’il viendroit rendre à l’audience
Conte exact de la Conference,
L’on demandoit que trefue eut cours
L’espace encor de quatre iours :
Sur la fin de cette iournée
Nostre Ambassade est retournée.

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Le Mercredy trente auec vn
Messieurs, & nos Chefs tous en vn :
L’on fit lecture à l’audience
Du procez de la Conference,
Ce qu’estant fait, demain en main
L’on fit crier qu’au lendemain
On resoudra cette matiere,
Et chacun monstra le derriere.

 

Fin du vnziesme Courrier.

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