Saint-Julien,? [?] [1650], LE COVRRIER BVRLESQVE DE LA GVERRE DE PARIS, Enuoyé à Monseigneur le Prince de Condé, pour diuertir son Altesse durant sa prison. Ensemble tout ce qui se passa iusques au retour de Leurs Maiestez. , françaisRéférence RIM : M0_814. Cote locale : D_1_14.
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LE COVRRIER BVRLESQVE
DE LA GVERRE DE PARIS.

Enuoyé à Monseigneur le Prince de Condé, pour diuertir son
Altesse durant sa prison.

 


Vovs la terreur de l’Vniuets,
Moy Courier suis parti d’Anuers,
Pour entretenir vostre Altesse,
Et pour diuertir sa tristesse.
Prince, si mon dessein est grand,
Ie prens vostre cœur pour garand,
Et dans vn malheur si funeste,
Ie luy laisse à faire le reste :
C’est luy qui vous consolera,
Qui mieux que moy diuertira
L’ennuy mortel qui vous accable :
C’est luy qui combatra le Diable,
S’il vous tentoit de desespoir ;
Et c’est luy qui doit faire voir
Que vous le vainqueur d’Allemagne.
La terreur de Flandre & d’Espagne,
Riez du sort & de ses coups
Qui sont grands, mais bien moins que
Adonc sur cette confiance
Que ie prends de vostre constance,
Et de vostre religion,
(Car contre la tentation
En prenant vn peu d’eau beniste
Vous la ferez courir bien viste.)
Ie viens pour charmer vos douleurs
Iustes dans de si grands malheurs ;
En connoissant que la lecture
En peut seule faite la cure,
Ie viens auec ce lenitif
Tres propre à guerir vn captif ;
Et pour commencer vne histoire
Toute fraische en vostre memoire
Par la mort du grand Chastillon ;
Voilà vos Dunes tous de bon ;
C’est fait. Dego s’en va. Silence.
Paix-là, Monseigneur, ie commence.

 

 


L’an estoit encore toutneuf
De mil six cens quarante-neuf,
C’estoit la cinquiesme iournee
De l’aisné des mois de l’annee
Quand le Roy vint dans le Fauxbourg
A l’Hostel iadis Luxembourg,
Et qu’vne Grammaire nouuelle
Le Palais d’Orleans appelle
L dans la chambre où s’alictoit
Madame, qui sebricitoit ;
Cõment vous portez vous ma Tante,
Disoit le Roy ; Vostre seruante,
Respond Madame, Assez mal.
Mais la Reyne & le Cardinal,
S’entretenoient dans vne salle
Auec son Altesse Royale.
Ce qu’ils dirent, ie ne sçay pas,
Car ils causerent assez bas :
Mais dans tout ce qu’ils purent dire
le n’y vois point le mot pour rire.
Ils parloient de nous assieger,
Fi pour ceux qui veulent manger.
En quel terme, il ne m’importe,
Soit qu’vn d’eux parla de la sorte.
Il faut affamer ces ingrats.
Ces Baricadeurs scelerats :
Foin de vous, repartit la Reyne,
Où courrons-nous la pretantaine
Auec vn peigne en vn chausson ?
Monsieur repeta la chanson.
Ce qu’on peut prẽdre est bon à rendre ;
Et le succez a fait comprendre
Que tous trois conclurent sans moy,
Qu’il falloit emmener le Roy.
Ce soir ; Prince, tu fis ripaille
Chez vn fumeux pour la bataille
Qu’il perdit deuant Hannecour,
Gramont, le poly de la Cour.
Là changeant d’habit & de linge,
Comme l’on voit sauter vn singe

-- 6 --


Pour la Reyne ou le Cardinal.
Prestò, vous voilà sus cheual,
Et tous deux qui ne voyans goutte
De sainct Germain prenez la routte.

 

5. [illisible]

 


Vnze heures de nuict enuiron,
Vray temps d’Amant, ou de larron,
Monsieur arriua chez Madame,
Et luy dit ; Dormez-vous, ma femme ;
Ouy, respondit-elle, ie dors ;
Prenez, luy dit il vostre corps,
Venez à Sainct Germain en Laye.
A sainct Germain luy dit elle aye,
Repetant trois fois sainct Germain :
Mon cœur ie partiray demain.
A quoy Monsieur fit repartie,
A demain donc, soit la partie,
Et vint dans le palais Royal
Auec son confident loyal,
L’Abbé, digne de la Riuiere :
Palais, où l’aube la premiere
Ne treuuant plus leurs Maiestez,
Ains seulement des chats restez,
Les vit pres sainct Germain en Laye
Auec Messieurs la Mesleraye,
Le Cardinal, le Chancellier,
Dont le dernier ne peut nier
Qu’vn peut deuant l’Hostel de Luyne
Le garantit à sa ruine.
Harcourt, Longueville, Conty,
Et tout le reste estoit party :
Vne nuict que l’excez de boire
Nous donna presque tous la foire,
(Car pour en parler franchement
Tout eut depuis le deuoyement,)
Nuict des Roys, mais sans Roy passee,
Nuict fatale, qui commencee
Par l’abondance d’vn festin
Nous laissa la faim sur sa fin.

 

 


Ces nouuelles ne furent sceuës
Qu apres les sept heures venües :
Mais sept heures ayant sonné
Tout Paris fut bien estonné.
La Bourgeoisie estoit soucieuse,
La Boulangere estoit ioyeuse :
Tous les artisans detestoient,
Les Escholiers se promettoient
D’auoir campo durant le siege,
Et qu’on fermeroit leur College :
Les Moines disoient chapelets
L’habitant courroit au Palais,
Le plus-zelé courroit aux armes,
Le Maltotier versoit des larmes :
Et tout regardoit à son pain,
Le soupesant auec la main.
C’estoit de Ianuier le sixiesme,
Si ce n’est assez du quantiesme,
C’estoit vn triste Mercredy
Que fut fait vn coup si hardy,
Et que du Parlement les membres
Dispersez par toutes les Chambres,
Dirent qu’il estoit à propos
D’en faire vn seul qui fust plus gros.
Où les Escheuins de la ville
Eurent audience ciuille :
Les gens du Roy pareillement :
En suitte on fit reglement
Qu’on feroit garde à chaque porte
Nuict & iour de la mesme sorte :
A cela nul ne contredit.
Et de plus il fut interdit
A tous de tout sexe & tout âge
D’emporter armes ny bagage :
Le reste de ce reglement
Est au Iournal du Parlement.

 

6. Ianv.

 


Ce mesme iour vne charette,
Où fut trouuee vne cassette
Que reclama Monsieur Bonneau,
Tres pleine d’argent bon & beau,
Parut au peuple trop chargee,
Dont elle fut fort soulagee.
Et l’on traitta pareillement
Quelque autre charitablement,

 

 


Du depuis les belles Cohortes
De nos habitans fiers aux portes
N’ont laissé passer vn festu
Sans luy demander Où vas-tu ?

 

 


Lors fut vne lettre restee
Au Preuost des Marchands portee,
Qui s’adressoit à tout son corps ;
Lettre, où ma gré de vains efforts,
On ne treuua raison aucune
Pour ce trou qu’on fit à la [1 lettre ill.]une.
Portant sur l’aduertissement
Qu’aucuns de nostre Parlement
On eu secrette intelligence
Auec les ennemis de France ;

-- 7 --


On a creu que sa Majesté
N’estoit pas trop en seureté,
Et que bien que cela déroge
De faire ainsi Iacques desloge,
Retraite faite comme il faut
Valoit bien vn meschant assaut.

 

 


Le Ieudy la Cour toute entiere
Resoudoit sut cette matiere :
Mais comme elle estoit au parquet
Il luy [1 lettre ill.]int vn autre pacquet,
Dont elle ne fit point lecture,
Non pas seulement l’ouuerture,
Et dont Messieurs les Gens du Roy
Furent creus sous leur bonne foy,
Disans que par icelle lettre
On vouloit le Parlement mettre
Et transferer à Montargis :
Mais Messieurs qui de leur logis
N’auoient point acheué le terme,
Dirent qu’il falloit tenir ferme,
Et qu’on iroit le Roy prier
De vouloir les noms enuoyer
De ceux dont la correspondance
Estoit dommageable à la France,
Afin que l’ombre d’vn gibet
Punist l’ombre de leur forfait.
Et lors les Gens du Roy partirent,
Ft selon qu’il fut dit, ils firent :
Mais ils reuindrent non oüis
De sainct Germain peu réjoüis.

 

7. Ianv.

 


Le Vendredy premier iour maigre,
Messieurs sur le traitement aigre
Qn’on auoit fait aux Gens du Roy,
Ordonnerent suiuant la Loy
Que la Reyne auroit Remonstrance
Sur le plus fin papier de France.
Et parce que le Cardinal
Leur sembloit l’autheur de ce mal,
Qui depuis par son ministere
Leur a bien prouué le contraire :
Ils iugerent mal à propos
Qu il troubloit le commun repos,
Qu il emplissoit sa tirelire,
Qu il haïssoit nostre bon Sire :
Luy manderent que dans ce iour
Il se retirast de la Cour,
Et dans huict de France il fist gille,
Sinon, enjoiut à bourg, à ville
De luy courir sus comme au loup
A qui chacun donnoit son coup,
Taloche, oupanne grainguenaude,
Et de luy ietter de l’eau chaude,
Indulgence à qui l’occiroit.
Cependant que l’on armeroit
Pour la seureté des entrees,
Et pour l’escorte des denrees.
Ce mesme iour vinrent icy
Messieurs le, Bouchers de Poissy,
Disant que par vne Ordonnance
Le Roy leur a donné vacance,
Et defendu de trafiquer
Tant qu’il cessast de nous bloquer.

 

8. Ianv.

 


Le Samedy neuf fut choisie
De la plus leste Bourgeoisie,
Que l’on pensoit faire sortir,
Mais elle n’y peut consentir :
Neantmoins c’estoit la plus leste,
Iugez-donc par elle du reste,
Et dés ce iour l’on connut bien
Que la meilleure ne vaut rien.
Or ce iour de quelque village
Il vint du pain & du fromage ;
Mais que nous causa de tourmens
Et plus qu’aux plus parfaits amans
L’esloignement d’vne Maistresse,
L’absence des pains de Gonesse ?
Que quinze cens Colintanpons
Asseurerent estre fort bons,
Comme des Gardes quelque bande
La pinte de sainct Denys grande,
Gardes qui parurent tres-fiers
Aux pauures choux d’Aubervilliers.

 

9. Ianv.

 


Ce mesme iour fut restablie
La taxe du temps de Corbie,
Auec ordre à chaque habitant
De payer vne fois autant,
Que pour iouyr des benefices
Attachez aux premiers Offices,
Les Conseillers mal agreez,
En six cens trente-cinq créez.
Payeront trois cens mille liures,
Dont ils feront charger les liures.

 

 


Ce iour il n entra pas vn bœuf,
Mais les vaillans Princes d’Elbeuf,
Et notamment le Duc leur pere,
Fut touché de nostre misere,

-- 8 --


Auec vn joly compliment
Se vint offrir au Parlement,
Pour estre le Chef de l’armee,
Et sa valeur fut estimee.
Cette nuict on fut aduerty
Que le grand Prince de Conty
Auec le Duc de Longueville
Estoient receus dans nostre ville.

 

 


Monsieur d’Elbeuf fit le serment
De General du Parlement
Dimanche du mois le dixiesme
Monsieur de Conty ce iour mesme
Vint asseurer toute la Cour
De son zele & de son amour,
Et Messieurs firent mine bonne
A cet appuy de la couronne
Qui sembloit courbé sous le faix.
On fit en suitte deux Arrests :
Le premier, que son Eminence
Obeyroit sans resistance
A l’Arrest que rendit la Cour
Contre elle le huictiesme iour,
Enioint qu’on prenne prisonniere
Toute la nation estrangere
Autant que nous en trouuerons
A dix postes aux enuirons.
Ordre aux Villes. Bourgs & Villages,
D’en faire de cruels carnages ;
Deffence de luy rien fournir
Que de bons coups à l aduenir.
Qu’en toutes les places frontieres
Les Garnisons seroient entieres,
Et de ceux qui contreuiendroient
La vie & les biens respondroient
Par l’autre Arrest on donnoit ordre
Aux Escheuins de ne desmordre
Des nobles charges qu’ils auoient,
Et de faire comme ils deuoient.
Au Preuost des Marchands de mesme,
Et parce qu’il estoit fort blesme
Depuis que le peuple zelé,
Auoit sur luy crié Tollé,
La Cour donna des sauue gardes
Pour sa personne & pour ses hardes.

 

10. Ianv.

 


Le Lundy (si ie n’ay menty)
Monsieur le Prince de Conty
Fut receu Generalissime
D’vn consentement vnanime,
Ayant sous luy trois Generaux,
Dont on feroit bien six Heros.
Sçauoir, le Mareschal de la Mothe,
Dont la mine n’est point tant sotte,
Boüillon, & le grand Duc d’Elbeuf,
Qui dans la guerre n’est pas neuf :
Mais quand au Duc de Longueville,
Comme il est d’humeur fort ciuile,
Il refusa de prendre employ,
Et pour nous tesmoigner sa foy,
Laissa ses enfans pour ostages
Auec sa femme pour les gages,
Et c’est tout ce qui nous resta
De tout ce qu il nous protesta.

 

11. Ianv.

 


Dés lors Mars du party contraire
De celuy de son petit frere :
(Car si Mars estoit contre nous,
Prince sans doute c’estoit vous.)
Commandoit les Trouppes Royalles,
Qui festerent les Bacchanales,
Et qui respandirent du vin
Iusques sur l’autel de Caluin.
A Charanton, dis je vos Trouppes
S’enyurerent comme des souppes,
A vostre barbe, a vostre nez,
Force pucelages glanez,
Où quelques ieunes blanchisseuses
Se treuuerent asses heureuses
Dans les enuirons vos soldats
Firent de notables degats,
Des assassinats, des pillages,
Des rauages, des brigandages.
Le Comte d’Harcourt à Sainct Clou
En fit moins, & tousiours beaucoup,
Nous n’y pouuions donner remede.

 

 


Lors vn President fut fait aide
De Monsieur des Landes Payen,
Qui n’a que le nom de Payen,
Homme vtil en paix comme en guerre,
Qui sçait ioüer du cimeterre,
Et s’escrimer dans vn combat,
Bon Conseiller & bon Soldat ;
Il auoit depuis ces vacarmes
Sur les bras tout le fait des armes.
Quand Broussel auec Menardeau
Prirent la moitié du fardeau.

 

12. Ian.

 


Le Mardy le Conseil de ville
Fit vn Regiment fort vtile,

-- 9 --


Sçauoir que pour leuer soldats,
Tant de pied comme sur dadas,
L’on taxeroit toutes les portes,
Petites, grandes foibles, fortes.
Que la cochere fourniroit
Tant que le blocus dureroit,
Vn bon cheual auec vn homme,
Ou qu’elle donneroit la somme
De quinze pistolles de poids.
Payables pour la premiere fois :
Les petites, vn Mousquetaire,
Ou trois pistoles pour en faire :
Hommes chez le Marchand sortans
En tout fins neufs, & tous battans.

 

 


Ce iour en leuant sa bequille
Le Gouuerneur de la Bastille
Qu’on nõmoit Monsieur du Tremblay,
Luy qui iamais n’auoit tremblé
Vieil soldat & vieil Gentil homme,
A Monsieur d’Elbeuf qui le somme
De luy remettre ce Chasteau,
Respondit tres bien & tres beau
Qu’il ne luy plaisoir de le rendre,
Et qu’il pretendoit le deffendre.
Mais il ne fut pas si méchant
Que six canons dessus le champ
Ne nous ouurirent cette place
Sans auoit touché la surface,
Ce n’est pas qu’ils ne fisent pouf,
Que la Garnison ne dist ouf,
Qu’elle ne parust sur la bréche,
Qu’elle n’employast poudre & méche,
Que maint coup ne fust entendu ;
Mais c’est qu’il estoit deffendu
Que dans ce beau siege de balle
Aucun costé chargeast à balle
Qu’il n’eust crié, Retirez vous,
Autant pour eux comme pour nous,
Sur les mesmes peines qu’on donne
Au meurtrier d’vne personne,
Car quiconque eust fait autrement
Auroit peché mortellement
Tout autant qu’en vn homicide.
Vn homme moins vaillaint qu’Alcide.
Mais certes plus homme d’honneur,
Broussel, en fut fait Gouuerneur,
Et son fils en cette occurrence
Fut pourueu de la Lieutenance.

 

 


Le Mercredy mis sur pied fut
Le premier Regiment qu’ou eut :
Sur pied, non i’apperçoy que i’erre,
[illisible] en touchoiẽt point à terre ;
Nos guerriers estoient sur cheuaux
Prests à fuyr deuant les Royaux.

 

13. Ianv.

 


Ce fut cette mesme iournee
Qu vne petite haquenee
Apporta de nostre costé
Alexandre ressuscité.
Ce grand Beaufort dont la presence
Nous rendit beaucoup d’asseurance,
Ce Heros, ce fils de Henry,
Ce braue ce Prince aguerry,
Iusques chez Renard redoutable,
Ennemy iuré de la table,
Ce fameux fleau de [1 lettre ill.]erzais
Quand ils causent comme des iais,
Ce Mars qui bat qui rompt, qui frappe,
Et perce tout iusqu’à la nappe ;
Ce Prince plu blond qu’vn bassin
Et plus deuot qu’vn Capucin,
Qui mit en rut toutes nos femmes
Les honnestes & les infames,
Baisa tousiours & rebaisa,
Car iamais il ne refusa
Ny harangere ny marchande,
Ieune, vieille, laide, galande,
Qui luy cryoit à qui plus fort
Baisez-my Monsieur de Beaufort
L’vne tendoit vn vilain moufle ;
L’autre rendoit vn vilain soufle :
L’vne estalloit ses cheueux blancs,
L’autre ne montroit que trois dents,
Dont l’ebenne estoit suffisante
Pour en faire plus de cinquante.
Il en baisa prez de trois cent ;
Toutes d’vn baiser innocent,
Fors vne ieune femme grosse
Qui descendit de son carosse,
Disant, mon fruict seroit marqué ;
Car dans le baiser appliqué
Au milieu de sa belle bouche,
Il eut vn desir de sa couche,
Et luy demanda rendez vous,
En la baisant deux autres coups :
Mais il fut depuis à confesse :
Enfin ayant baisé sans cesse

-- 10 --


Aux lieux publics, dans les marchez.
Maints becs torchez & non torchez,
Il fut descendre chez sa mere
A l’hostel de Monsieur son pere.

 

Arriue
du Duc
de [illisible]
fort.

 


Ce mesme iour quitta son lict
La Seine qui des siennes fit,
Et se rendit tellement fiere
La belle dame la Riuiere
Qui s’estoit laissee engrosser
(Par qui ie vous donne à penser)
Ie ne sçay si la desbordee
En auoit receu quelque ondee
D’vn galland appellé le Temps
Qui fit le mauuais fort long temps :
Mais enfin il est veritable
Que pour sa grossesse effroyable
Deslors il luy conuint chercher
Vn autre lict pour accoucher :
Elle vsa fors bois en couche
Comme ie l’ay sceu de la bouche
De ses marchands mal satisfais
Qui n’en tirerent pas leurs frais.
Le pauure pont des Thuilleries
Pour en auoir fait railleries,
Fut par elle fort mal traitté :
Et quelque moulin mal monté
Eut proche du pont Nostre-Dame
Le croc en iambe de la dame
Qui le fit aller à vau-l’eau :
Où firent aussi leur tombeau
Vint & cinq tant mulets que mules,
Dont les recherches furent nulles ;
Et dix sept mal heur eux mortels
Qui dans l’eau s’auoüerent tels :
Or cessa sa rage & sa hayne
Et promit madame la Seine
D’estre plus chaste vne autrefois,
Le dix-huitiesme de ce mois
Qu’elle parut fort auallee
Et s’est du depuis escoullee.

 

 


Le lendemain au Parlement
Beaufort vint faire compliment,
On haranguant sans artifice,
Il demanda tout haut iustice
D’vn crime noir & imposé
Dont ie suis dit-il accusé.

 

14. Ian.

 


Le iour d’apres il fut fait quitte
De l’accusation susdite.
Lors le trauail recommença
Et le trafic que l’on laissa
Pour prendre la noble cuirasse,
Eut son tour & reprit sa place :
Le mousquet au croc fut remis.

 

15. Ian.

 


Le Samedy les ennemis
Surprirent par supercherie
Lagny, riche ville de Brie.
Car Persan leur chef arresta
Le Maire qui parlementa
Sur la parole de ce traistre,
Qui menaça de rauir l’estre
Au pauure Maire qu’il retint,
N’estoit que le Bourgeois atteint
De compassion pour son Maire,
Embrassant vn mal necessaire
Pour sauuer ce vieillard grison,
Receut enfin la garnison.

 

16. Iãv.

 


Ce iour mesme vn Abbé tres digne
Issu d’vne famille insigne
Et nostre Archeuesque futur,
Dont le iugement est tres-mur,
Et ce que ie treuue admirable
C’est qu’estant sçauant cõme vn diable
De plus, comme quatre il se bat
Quand il croit que c est pour l’Estat,
Eut & l’aura pourueu qu’il viue
En Cour voix deliberatiue :
Il fit depuis vn Regiment.

 

 


Le Dimanche le compliment
Du Parlement de la Prouence
Qui demandoit nostre alliance,
Leu d par Messieurs, leur plût bien fort.

 

17. Ian.

 


Le Lundy le Duc de Beaufort
Fut faict Pair en pleme Audience,
Où comme tel il prit seance :
En suitte lecture s’y fit
De la lettre qu’on escriuit
A tous les Parlemens de France,
Elle fut pliée en presence,
Et pour la cacheter aprés
On fit venir chandelle expres,
Ie pense des huit a la hure ;
On mit dessus, port vne liure,
Dans cette lettre on voyoit
Que le conseil d’vn mal adroit
Auoit pensé perdre à la [2 lettres ill.]alle
Toute l’authorité Royalle :

-- 11 --


Qu’on tâchoit mal-heureusement
D’aneantir le Parlement,
Ce que pour rendre plus facille
Ou auoit bloqué nostre ville,
Que Paris embreliquoqué
De se trouuer ainsi bloqué,
Auoit besoin de l’assistance
De tout le reste de la France,
Veu qu’il se confessoit troublé,
D’estre non pas comme en vn bled,
Mais sans, bled pris & sans farine,
Fort proche d’auoir la famine ;
Et que s’il ne se repaissoit
Tout le Royaume perissoit.

 

18. Ian.

 


Le soir a cheual troupes fortes
Sortirent par diuerses portes
Pour la seureté des Marchands
Qui portoient des viures des champs.

 

 


Le Mardy du costé de Brie
Sortit auec Caualerie
Le genereux Prince d’Elbeuf,
Ce fut de Ianuier le dix neuf
Qu ayant rencontré quelque bande
Des voleurs de nostre viande,
Notamment de cinq cent gorets,
Il prit en main leurs interests,
Et battant ces oyseaux de proye,
Gaigna les gorets auec ioye
Que ces animaux par leurs cris
Firent connoistre à tout Paris.

 

19. Ian.

 


Le Mercredy le vingt, nous sçeusmes
Par deux lettres que nous receusmes,
Que le vaillant Comte d Harcourt
Deuant Roüen demeura court,
Bien qu’aux portes de cette ville
Il furast comme tous les mille :
Cependant que ce Parlement
Ordonna d’vn consentement
Qu’on priroit la Reine Regente
D’estre si bonne & complaisante
De [2 lettres ill.]sser Roüen tel qu’il est
Deffendre seul son interest ;
Et qu’ailleurs dresseroit sa marche
Harcourt qui vint au Pont de l’Arche
Monté sur vn cheual Roüen,
Sans auoir entré dans Roüen.

 

20 Ian.

 


Des ce iour pour la Normandie,
Terre belliqueuse & hardie,
Le grand Longueville quitta
Paris, qui fort le regretta
La Cour fit deux Arrests en suite,
Dont l’vn porte que sur la fuite
De beaucoup de particuliers
Sous des habits de Cordeliers,
Et d’autres personner sorties,
Que Scaron n’auroit trauesties,
On deffend à grands & petits
De prendre plus de faux habits,
Ny de changer leur Seigneurie,
Ne fust-ce que par taillerie ;
Et parce que les partisans
Fuyoient en habits de paysans,
Les Ieans se faisans nommer Pierres,
Les Pierres, Paul, si qu’en ces guerres,
Souuent nos portiers par ce dol
Prenoient S Pierre pour S Paul ;
Parce que sous vertes mandilles,
Et sous de traistresses guenilles,
Qui receloient maint quart d’escu,
Les Maltotiers monstroient le cu
Sans qu’on le sçeust ; tant ces naquettes
Sur leur mesure sembloient faites,
Tant pour eux leur mine parloit,
Et tant rien ne les deceloit,
Tant auoit de correspondance
Cet estat auec leur naissance.
La Cour dit qu’on traiteroit mal
Les masques de ce carnaual
Portans momons hors de la ville
Permis seulement a Virgille
De sortir ainsi trauesty.
Par l’autre Arrest fut consenty
Qu’on gardast la vieille ordonnance
Pour les soldats ; auec defense
Aux gens de guerre de voler,
De brusler, ou de violer ;
Ains se contenter de l’estappe,
Sans à leurs hostes donner tappe :
Et que les biens en patiroient
Des Chefs qui leur commanderoient.

 

 


Ce iour les Troupes Polonoisés,
Qui ne cherchoient qu’à faire noites,
Au bourg de Sevre & de Meudon,
(Dieu vueille leur faire pardon,)
Commirent sans les v[3 lettres ill.]lenees
Plus d’vn demy cent d’insolences.

-- 12 --


Dieu qu’elles ont fait de cocus
Pendant ce mal-heureux blocus !
Que cette race Polonoise
En mettant Ville-Iuif dans Ponthoise,
Nous a laissez d’enfans metis !
Qu’il nous en reste de petits
Depuis que les grands sont en voye !
Iamais le Grec ne fit dans Troye
Ce que dans Meudon elle a fait,
Où sans laisser vn seul buffet
Elle rompit auecque rage
Les reliques de ce naufrage,
Entr’autres plusieurs plems tonneaux,
Tant de vins vieils que de nouueaux.
Action qui fut si vilaine
Que deux de leurs Chefs pour leur peine
Par es habitans de ce lieu
Furent enuoyez deuant Dieu,
Où ie croy qu’ils ne furent guere,
Car Noë se mit en colere
Sçachant qu’ils auoient mal traité
Le jus d’vn fruict par luy planté,
Qui le coucha pour recompense.

 

 


Ieudy fur leuë à l’Audience
La lettre que l’one criuoit
Le plus humblement qu’on pouuoit
A la Mamman de nostre Sire,
Où vous pouuez encore lire
Les raisons que le Parlement
Alleguoit de son armement.
Qui sont assez considerables.

 

21 Ian.

 


Vendredy contre les Notables,
Et quelques Escheuins d’Amiens,
Arrest fut contre ces Chrestiens
Rendu sur la plainte ciuille
De l’habitant de cette Ville
A la teste chaude & hardy
L’Arrest portoit. Du Vendredy
Le vingt-deux de cette annee,
Que sur la Requeste donnee
Sous l’aueu du grand Duc d’Elbeuf,
Ce iour-la vestu tout de neuf
L vn de nos Chefs, illustre Prince,
Gouuerneur de cette Prouince ;
Que le Picard s’assembleroit,
Et d’autres Escheuins feroit.

 

21. Ian.

22. Ian.

 


Ce iour il arriua deux hommes
De la capitale des pommes,
Qui disoient que leur Parlement
Auoit enuoyé promptement
A leurs Majestez tres-Chrestiennes
Porter ses tres-humbles Antiennes.

 

 


Samedy le bruit a couru
Que l’Archiduc auoit paru
Sur les asseurances receuës
De nos frontieres dépourueuës,
Dont on tiroit les garnisons
Pour faire [1 mot ill.] locus des cloisons.

 

23 Ian.

 


Le Dimanche & le vingt-quatre
Sortirent tous prests à se battre
Force gens biens faits, gros & gras,
Les cheueux frisez, le poil ras,
En souliers noirs, en bas de soye.
Tels que ceux qui vont tirer l’Oye.
Gageons Prince que tu m’attens
A nommer nos fiers habitans,
Qui contre la pluye & l’orage
N’auoient porté que leur courage,
Et dont ils auoient peu porté
Pour plus grande legereté.
Ouy ie veux chanter la Iournee,
La plus celebre de l’annee,
Depuis [1 mot ill.] de [2 lettres ill.]uisy,
Alors que le Bourgeois choisy,
La pluspart la plume à l’oreille
[2 mots ill.] qu’il feroit merueille,
Et portant la fureur dans l’œil,
Marchoit pour assieger Corbeil :
Si la maison du sieur Des Roches
N’en eust empesché les approches.
Sotte & miserable maison,
Qu’on te maudit auec raison !
Iuuisy mal heureux village
Où manqua si peu de courage
Qu’ils en auoient apporté tous,
Sans toy Corbeil estoit à nous.
Le Bourgeois alloit en furie,
Ioint qu’on auoit Caualerie :
Des fantassins & du canon,
Et puis tu me diras que non,
Ah ! maison de Monsieur Des Roches
Que tu nous coustes de reproches !
Pourtant sa sortie eut effet,
Le Pont de Sainct Maur fut deffait,
Tandis que nos gens en desordre
Assez bõs chiens s’ils vouloiẽt mordre.

-- 13 --


Le lendemain sont reuenus
Ayant la pluspart les pieds nuds,
D’autres ayant perdu leurs armes,
Et tous pinté comme des Carmes ;
Les vns admiroient le danger
Où l’on vouloir les engager,
Encor que de cette bataille
Se sentit la seule futaille
Qu’ils percetent de mille tours,
Et dont enfin à plusieurs coups
Ils burent dans cette déroute
Le sang iusqu à la moindre goute.
Enfin plus moüillez qu’vn canard
Les enfans criant au regnard,
Ils rentrerent dans nostre ville
En faisant vne longue file.
Tantost formans vn entrechas,
Tantost vomissans sur leurs pas,
Dont le grand Beaufort dans son ire
Ne pouuoit s’empe cher de rire.

 

24. Ian.
Iournée
de luuisy.

 


Le Lundy ne doit estre obmis
Qu’on sceut qu’en Bretagne vn Cõmis
De Monsieur de la Mesleraye
N’auoit remporté qu’vne baye
Ayant demandé six milliers,
Tant Fantassins que Caualiers.
Que la Cour n’auoit fait response
Sur la demande de ce Nonce ;
Ains defendu que Chef aucun
Leue soldats ne fust ce qu’vn,
Pour Monsieur de la Mesleraye
Contre qui saigne encor la playe
Et le trou qu’il fit au jabot
D’vn crocheteur, veut que Chabot
Qui sous main leuoit gens de Guerre
Ait à dénicher de la terre,
Et cependant qu’aux droicts Royaux
Soit rejoint le droict des billots.

 

25. Ian.

 


Le Mardy le sieur la Raillere
Fut pris en noüant sa jartiere
Et mené comme vn espion.
L’on ne connoist que trop son nom,
Il est Monopoleur en diable,
Autheur de la taxe effroyable
Par qui tant de gens sont lesez
Dessous le faux tiltre d’aisez,
Il fut coffré dans la Bastille
Et fit penitence à la Grille.

 

26. Ian.

 


Le Mercredy l’on eut aduis
Que Messieurs de Lyon rauis
Faisans des accueils fauorables
A tous nos Arrests equitables ;
Retinrent les gens que pour vous
Amenoit vn Duc contre nous
Le grand Schomberg qui prit Tortose
Et qui pourroit faire autre chose
Que de seruir la passion
D’vn prodige d’ambition.

 

27. Ian.

 


Ce iour nous eusmes asseurance
Qu’vn mouchard de son Eminence
Vint les Chartrains questionner
S’ils se vouloient Mazariner :
Que Chartres entrant en fredaines
Respondit vos fiévres quartaines,
Allez chien d’espion au grat ;
Iugez s’il retourna bien fat,
La ville en estat s’estant mise
De se garantir de surprise.

 

27. Ian.

 


Deslors vn Regiment botté
Qui n’en estoit pas moins crotté
Sortit du costé de la Brie,
D’où vint à nostre Boucherie
Le lendemain mouton & bœuf,
Que ce beau Regiment d’Elbeuf,
Ensemble de bleds & farines
Amena des villes voisines,
En aussi grande quantité
Qu à Paris il en ait esté.

 

 


Ce mesme iour chemin facile
Fut faict des Faux-bourgs à la Ville,
Comme de la Ville aux Faux bourgs
Les iours estorent encor tres-cours,
Mais cela ne fit point d’obstacle
Qu’vn second fils second miracle
Né le iour ou precedent du suc
De Monsieur son pere le Duc
De la Duchesse de Longueville,
Né, dis-je, dans l’Hostel de ville,
Ne fut à Sainct Iean baptisé,
Autrement Christianisé.
Ayant la Ville pour Marraine,
Madame de Boüillon Paraine ;
Car ie n’ose dire Parain,
Puis que c’est vn mot masculin :
Et que ce fut Dame la Ville
Qui tint le jeune Longueville.

-- 14 --


Et qui le nomma Carolus,
De Paris, & s’il en faut plus,
d’Orleans s’il en faut encore,
Le Comte de sainct Paul que i honore :
Pour la Ville estant le Feron.

 

 


La nuict deuant qu’il eust son nom
Les cheuaux legers de Corinthe,
Gens à l’espreuue de la crainte,
Sur le chemin de Long-jumeau
Rencontrerent sous vn ormeau
Cent deux hommes d’infanterie,
Et deux cens de caualerie,
Hommes qui n’estoient pas pour nous,
Sur lesquels & boutte à grands coups
Donna nostre petite Trouppe,
Qui pousse, qui bat & qui couppe ;
Qu’on pousse, qu’on coupe, qu’on bat,
Qui rend, & qui reçoit combat,
Et fait joliment sa retraite,
La partie estant trop mal faite,
Seuigny commandant pour nous.

 

 


Le Ieudy nous apprisme tous
Que dans la terre Prouençale
La procession generale
Que le peuple d’Aix bon Chrestien,
Fit le iour de Sainct Sebastien,
Fut interrompuë en sa file
Par des soldats entrez en ville
Sous l’ordre du Comte d’Alets,
Gouuerneur de la-ville d’Aix.
Surquoy la populace fiere
Auec la croix & la banniere,
Le benestier & l’asperges ;
Battit ces gens, & prit d’Alets.

 

[illisible] Ian.

 


Nous sceusmes aussi qu’à Marseille
L’on auoit ioüé la pareille
Au ieune Duc de Richelieu,
Arresté par ceux de ce lieu,
Qui mesme auoient fait prisonnieres
Plus des trois quarts de ses Galleres.

 

[illisible] Ian.

 


Le Samedy trentiesme iour
Del Ordonnance de la Cour
Les Conseillers Doux & Viole,
Dont la vertu tient comme colle,
Prirent la poste en maniement ;
La Cour leur fit commandement
Que passe-ports ils deliurassent
De toute sorte & les signassent
Tous deux, ou l’vn l’autre absent, &
(En Latin) le Greffier Guyet.

 

 


Ce iour les trouppes d’Alexandre,
Venant à Bry pour le sur prendre,
I’entens vos Trouppes grand Condé,
Il nous fut à Paris mandé.
Surquoy nostre Cauallerie
Prenant la route de la Brie
Les ennemis fuirent tout net,
Et pas vn d’eux ne ramenet ;
Mais bien vne quantité grande
De bleds & de viue viande,
C’est à dire, de bestial
Qui pour renfort du Carnaual
Fut a Paris fort bien receuë,
Et dont la Ville fut pourueuë.

 

31. Ian.

 


Lors on tira des Fuzeliers
Des colonelles des quartiers,
Et de la noble Bourgeoisie,
Il alla quelque compagnie
Pour faire garde à Charanton
Tandis qu on menoit, ce dit on,
La Garnison faire ses orges
Deuers Ville neufue S. Georges,
Et d’autre à Briconterobert,
Qu’on craignoit qui fût pris sans vert.

 

 


Le Dimanche, Monsieur Tancrede
Fut blessé d’vn coup sans remede,
Blessé, dis je, d’vn coup mortel,
L’issu du costé paternel
Du feu Duc de Rohan son pere,
Si l’on en croit sa chaste mere :
Au reste vn enfant tres-bien né
Aussi vaillant qu’infortuné.
Il donnoit beaucoup d’esperance,
Mais le mauuais destin de France
Prit mal à propos le toupet
Contre vn ieune homme si bien fait
Qui portoit toupet sur sa teste.
Comme l on voit dans sa Requeste,
Voyons donc comme il a pery :
Il reuenoit auec Vitry,
Noirmoutier, & d’autre Noblesse
Quand pour sa premiere prouesse,
Et pour acheuer son Romant,
Il rencontra quelque Allemand
De la garnison de Vincenne
Qu’il suiuit à perte d’haleïne,

-- 15 --


Mais il s’engagea trop auant,
Les ennemis estoient deuant,
Qui sans considerer son âge
Le traiterent auecque rage,
Parce qu’il auoit presque occis
De leurs Caualiers cinq ou six :
Ils le chargerent, le blesserent,
Et dans Vincennes le traisnerent,
Où le lendemain son deceds
Finit sa vie & son procez.
Lors on eut aduis veritable
Qu à S. Germain (chose effroyable !)
Monseigneur, vous auiez nuds mis
Tous les gens que vous auiez pris,
Et que sans balle & sans raquette
Ils estoient en grande disette
Enfermez au tripot du lieu,
N’ayant reconfort que de Dieu.

 

(Madame
de
Rohan
en la requeste
qu’elle
presenta
dit ; que
Tanere de
estoit
reconnu
par le
toupet
qu’il
auoit.)

 


Le Lundy premiere journee
Du second mois de cette annee,
Vous fistes le determiné,
Dont il prit mal à Fontenay,
A ceaux, Palaiseau belle terre,
Où vos barbares gens de guerre
Firent és maisons & clochers
Pis que n’auroient fait des Archers,
Ou les voleurs de S Sulpice :
Car ils prirent iusqu’au calice,
Pillerent dans le benestier,
Assommerent vn Marguillier,
Des surplis firent chemisettes,
Et beurent le vin des burettes,
Prirent le liure d’Oremus
Qu’ils ne respecterent pas plus.
Le Mardy n’est pas remarquable.
Ieudy quatre. Sortant de table
Où l’on seruit force rosty
Monsieur le Prince de Conty,
Suiuy d’vne grande cohuë
Fit faire à ses Gardes reueuë,
Où se trouua Monsieur d’Elbeuf,
Qui n’auoit pris qu vn jaune d’œuf,
Tant son ardeur infatigable
Le laissoit peu dormir à table.

 

[1 mot ill.]. Fev.

4. Fev.

 


Iour que pour nous faire du mal
Sçachant que force bestial
Nous venoit du costé de Brie,
Bled, farine, autre drollerie,
Qui sauuoit Paris de la faim,
Et qui rompoit vostre dessein,
Vous pensastes mourir de rage,
Et pour nous boucher ce passage,
Ayant en vain attaqué Bry,
Qui n’estoit vostre fauory
Depuis qu’à vos belles cohortes
Il auoit refusé les portes,
Vous tournastes vers Lesigny,
Chasteau iadis à Conchiny,
Où de la canaille rustique
Ce iour à vos gens fit la nique,
Et quelques soldats au milieu
Venus de Bry voisin du lieu,
Respondirent auec rudesse,
Ie sons vallets de son Altesse,
Ce sera pour vne autrefois.

 

 


Ce fut le cinquiesme du mois,
Que quelques trouppes ennemies
Pour poursuiure leurs voleries,
Et le degast du plat pays,
Prirent leur vol de S. Denys.
Helas ! que tu deus estre en trance
Pauure Mesnil Madame Rance,
Qe iour c’estoit à toy le dez,
Tes murs n’estoient pas bien gardez :
Ils mirent au fil de leurs lames
Enfans vieillards hommes & femmes,
Et firent acte de larrons
Par tous les bourgs aux enuirons.

 

5. Fev.

 


C’est ce iour, si ie ne me blouze,
Que l’Archeuesque de Thoulouze
Reuint icy de Sainct Germain :
Mais non ce fut le lendemain,
Nenny, ce fut ce iour là mesme
Qu’estant allé dés le troisiesme
Y faire predication
De nostre bonne intention,
En guise d’vne remonstrance,
Il ne pût auoir audience,
Et sans qu’on l’oüist il auint
Que le zelé Prelat reuint.

 

 


Ce iour merite quelque notte,
Puis que le Mareschal la Motte,
Et le vaillant Duc de Beaufort,
Qu’on appelloit frappe d’abort,
Sortis auec caualerie
Pour purger les chemins de Brie

-- 16 --


Des picoreurs de Saint Denis,
Virent prés les bois de Bondis
Vne forte troupe & tres grande
De caualerie Alemande,
Demander si nos Generaux
Furent aussi-tost à leur dos,
C’est peché mortel que ce doute,
L’Allemand fut mis en déroute,
Apres s’estre bien defendu :
Iusques là mesmes qu’vn pendu
Le capitaine de la troupe,
(Quand i’y songe ma voix s’étoupe)
Vint tirer à brusle pourpoint
Nostre Duc qui ne branla point ;
Mais d’vn reuers de cimeterre
Renuer a ce Reistre par terre :
Les vns disent de pistolet :
Enfin le coup ne fut pas laid,
Le drosse en est au cimetiere,
Et mord fierement la poussiere.

 

 


Le sept. Par vous braue Condé,
Le Duc d’Orleans secondé,
Ayant tiré des voisinages,
Des villes, bourgs, chasteaux, villages,
Autant de Troupes qu’il en put,
Sans que Paris debloqué fut,
Il fit bien de caualerie
Trois mille, & cinq d’infanterie,
Qui filerent toute la nuit
Vers Charenton à petit bruit.

 

[3 lignes ill.]

 


Lundy huit. L’Aurore éueillee
Vous trouua dans vne vallee,
Que nous appellons tous Fescamp,
Où le voleur est tres-frequent
Durant tous les mois de l’annee :
Mais où deuant cette iournee
Iamais tant il ne s’en compta
Que dans ce iour elle emporta.
Là vostre Gros prit sa seance,
Et se saisit de l’eminence
Tandis que quelque Regiment
Détaché par commandement,
Alla pour donner l’escalade
A la malheureuse bourgade,
Auant qu’aucun fut assommé
Clanleu par vos gens fut sommé
De leur remettre cette place,
Qui ne leur fit pas cette grace ;
Et sur l’heure les assiegeans
De cette brauade enrageans
Occuperent les auenües
Que nos canons rendirent nües.
Sans mentir le coup le premier
Les fist plus nettes qu vn denier ;
Le second rompit quatre cuisses,
Le troisiéme tua deux Suisses.
Nauarre braue Regiment
Lâcha le pied vilainement :
Vingt de ses Officiers à terre
Maudirent mille fois la guerre
Qui les enuoyoit chez Pluton
Deuant vn chetif Charenton.
Vostre Altesse ayant sceu l’escarre
Qui s’estoit faite de Nauarre,
Pensa creuer dans son pourpoint.
Pourtant elle ne creua point,
Sur l’esperance de combattre
Le badaut qu’on tenoit à quatre,
Qui comme vn Diable iuroit Dieu
Qu’il vouloit secourir ce lieu.
Il disoit d elle peste & rage
Cependant qu’auec aduantage
Elle attendoit ceux de Paris
Comme le chat fait la souris :
Se fiant sur son eminence
Elle auoit grande impatience
De taster le poux au Bourgeois
Qui ne sortit point cette fois.
Il est prudent & craint la touche,
Ioint qu’il n’aime point la cartouche,
Et qu’elle en auoit fait charger :
Paris n’en vouloit point ronger,
Et certes auecque prudence.
(Puis qu’on dit que cette eminence
Se pouuoit aussi peu forcer
Que l’autre se pouuoit chasser.)
Vostre Altesse faisant fanfare,
Commit pour soustenir Nauarre
Chastillon auec du renfort,
Ou plûtost pour chercher la more :
Car helas ! au bas de son ventre
Vne balle de mousquet entre,
Sans respecter ce Duc nouueau,
Ieune, vaillant, adroit & beau.
Tost apres vos troupes filerent
Pat des jardins qu’elles forcerent,

-- 17 --


Si qu’il conuint à nos Soudarts,
Enuironnez de toutes parts,
De faire vne retraitte honneste ;
Ce ne fut pas sans casser teste,
Et percer maints & maints boyaux
De maints & maints, & maints Royaux ;
Clanleu deuant qu’il deuint ombre,
En tua de sa main grand nombre,
Tant que lardé de plusieurs coups,
Ce braue prit congé de nous,
Et finit vaillamment sa vie
Par vne mort digne d’enuie ;
Ayant deuant mis par quartier
Vn qui luy presentoit quartier.
Charenton se rendit en suite,
La garnison se mit en fuite,
Qu’on taschoit de secourir, quand
Il fallut passer par Fescamp,
Ce qui n’estoit pas fort facille
A nos petits Messieurs de Ville.
Le iour que fut pris Charenton
Resuant en soy-mesme Gaston
Sur, l’importance de la perte
Qu à sa prise il auoit soufferte ;
Sur sa conqueste il raisonna,
Et par conseil l’abandonna,
Comme pour son trop d’estenduë
Ne pouuant estre defenduë.
Il sort & seulement il rompt
Le passage qui meine au pont.
Ce faict. Vos troupes defilees
Vers Nogent prirent leurs volees ;
Nogent sur Marne, que vos gens
Plus impiteux que des Sergens
Sur prirent, pillerent, bruslerent,
Et puis apres se retirerent.

 

 


Le Mercredy nostre support
Sortit de grand matin Beaufort :
Il auoit la puce à l’oreille,
Aussi ce iour fit il merueille ;
Car dés qu’à Charanton il fut,
L’ennemy soudain disparut,
Et luy presentant le derriere
Se retira sur la riuiere
Dans des moulins proche du pont,
Où nostre Prince actif & prompt
Ayant mandé l artillerie
Pour batre cette Infanterie,
Au nombre de deuz à trois cens,
Receut vn aduis plus pressant
Qui le fit denicher bien viste,
Car il sceut qu’auoit pris son giste
A Linas le fameux conuoy
Qu’Estampe enuoyoit par charroy.
Noirmoutier luy prestoit main forte
Mais pour vne plus seure escorte
La Mothe-Hodancourt & Beaufort,
C’estoit à qui courroit plus fort,
Estoient desia dessus la voye,
Quand vn aduis on leur enuoye
Que le Mareschal de Gramont
S’auançoit en pas de Gascon
Pour les couper sur leurs passages,
Nos Generaux prudens & sages
Vinrent en ordre martial
Receuoir ce grand Mareschal.
Qui monstra brauement la croupe
(Dit la chansson) auec sa troupe,
Bien qu’elle fust de cinq milliers,
Tant fantassins que caualiers :
Laissans tesmoins de sa disgrace
Plusieurs Officiers sur la place,
Entre lesquels il dit Adieu
Au braue colonel Noirlieu,
Qui sçauant au fait de la guerre
N’en fut pas moins porté par terre,
Quoy qu’armé comme vn Iacquemart,
Et malgré les ruses de l’art
S’abbatit en faisant vne esse
Dessous Beaufort, de qui l’addresse
Luy portal espee au gosier ;
Coup qui l’empescha de crier
Contre nostre guerre ciuile,
Et d’embrasser cet autre Achille,
Ce Beausort, dont l’illustre bras
Combloit de gloire son trespas :
Beaufort, dis-je, qui teste nue,
Sans armes que celle qui tue,
N’ayant qu’vn bufle sur le corps.
Affronta ce iour mille morts,
Les poussa, leur dit pis que pendre,
Sans qu’elles osassent le prendre,
Ce fut lors que nostre Bourgeois
Fut aux champs la seconde fois
Sur le bruit de cette rencontre :
Chacun d’eux fort zelé se montre,

-- 18 --


Ils vont, ils vollent au secours,
Et l on n’en tend dans leurs discours
Que viue Beaufort & la Mothe :
Il n’en est pas vn qui ne trotte,
Et se trouuent ainsi trottans
Plus de trente mille habitans,
Dont l’ardeur fut bien rengaignee
Trouuant la bataille gagnée,
Et la victoire qui rioit
De nos Bourgeois qu’elle voyoit
Pester, & se galler la teste
De n’auoir esté de la feste,
Iurans pour faire les meschans
Contre le Preuost des Marchands.
Soit que Madame la Victoire
Eust rappellé dans sa memoire
Iuuisy, que ces bons Soldats
Ont promis de ne passer pas,
Et dont ils estoient sur la route.
Bref, ils reuindrent sans voir goute
Confondus auec les pourceaux,
Les moutons, les bœufs & les veaux ;
Il faisoit beau voir en bataille
Cinq cens gorets de belle taille ;
Leur bataillon sage & diseret
Laissoit vn estron à regret :
Mais pour mieux obseruer son ordre
Chacun d’eux passoit sans le mordre.
En suite on voyoit les moutons
Qui faisoient mille plaisans bonds,
Et s’auançoient en crians baye,
Que receut S. Germain en Laye.
Nos chefs entrerent les premiers
Auecques force prisonniers.

 

10. Fev.

Art.
conue[illisible]
d’Es[illisible].

 


Le Ieudy fut pris la Vallette,
Fruict de l’Espernonne brayette,
Mais de ces fruicts qui sont bastards,
Il fut pris semant des placards
Placards qu’il croyoit pour recolte,
Deuoit produire vne reuolte,
Et qui n’eurent aucun effet,
Si ce n’est que par eux fut faict
A cet-homme pourpoint de pierre
Qu’il eut le reste de la guerre.

 

[illisible]

 


Ce iour certains du Parlement
Parlerent d’accommodement,
Mais soit qu’ils n’eussent pas puissance,
Soit pour la raison de l’absence
De nos Chefs, la Cour fut d’auis,
Qu’au lendemain tout fut remis.

 

 


Le Vendredy le Heraut d’Armes
Me fit rire iusques aux larmes,
Lors que ie le consideré
Vers la Porte Sainct Honoré,
Au matin, qui faisoit maint cerne,
Comme pour inuoquer l’Auerne,
Ie le vis qui faisoit trois tours
A peu pres comme font ces Ours
Qu’on fait monter à la ieunesse,
Et qu’vn batteleur meine en lesse.
Apres auoir pyroüetté
Il demanda d’estre escouté.
Mais Messieurs sans faite responce
Laisserent ce bizearre Nonce,
Ordonnans qu’il falloit mander
Nos Generaux pour proceder,
Et que par vne tolerance
La Mothe auroit aussi seance.
Nos Generaux estans venus,
Il fut dit qu’on feroit refus
D’introduire cette toupie,
Qui ne manquoit pas de roupie,
Et que Messieurs les Gens du Roy
Iroient luy citer vne loy
Qui deffendoit d’ouurir la porte
A pas vn homme de sa sorte,
Veu qu’ils n’estoient point ennemis,
Ny souuerains, mais tres-sousmis
Aux volontez de leur Monarque,
(Responce digne de remarque,
Et qui dût rendre bien camus
Le Heraut qui ne tournoit plus.)
Les mesmes iroient vers la Reyne
Dire que ce n’est pas par hayne
Qu’on a fait geler son Heraut,
Que Messieurs ont fait comme il faut,
Que c’est marque de leur science,
Et non de desobeyssance.
Selon qu’il fut dit il fut fait,
Et le Heraut mal satisfait
Mit son cheual à l’escurie
Dans la prochaine hostellerie.
Mais pour aller à Saint Germain
Monsieur Talon baisa la main :
Il repassoit en sa memoire
Qu’il n’eut pas seulement à boire

-- 19 --


La premiere fois qu’il y fut ;
Ce qui fit qu’il se resolut
D’escrire pour son asseurance.
Cependant le Heraut de France
Qui fit vn mediocre escot,
Mais qui dormit comme vn sabot,
Ayant encor tourné de mesme,
Partit le Samedy treiziesme,
Et deuant plier son pacquer
Laissa sur la barre vn pacquet,
Qui demeura cette semaine
Entre les mains du Capitaine.

 

12. Fev.
vefus du
Heraut
d’armes
que la
Reyne
enuoya.

13. fev.

 


Ce mesme iour le fils puisné
D’vn potentat infortuné
Fat receu dedans nostre Ville,
Où sa mere auoit pris asyle,
Contre la fureur de l’Anglois,
Infame bourreau de ses [1 mot ill.]

 

 


Le quatorziesme, & le Dimanche
Par vn Prelat à barbe blanche
Fut sacré Monsieur de Bayeux.
Tandis qu’vn Edict rigoureux
Qui fut fait en l’Hostel de Ville,
Ordonna (chose tres-vtile)
Aux Chefs & Maistres des maisons,
Nonobstant toutes leurs raisons,
De porter eux mesmes en garde
Picque, mousquet, ou hallebarde,
Et d’estre chez leurs Officiers
Aux mandemens particuliers :
De venir quand on les appelle
En faction ou sentinelle,
Selon l’ordre du Caporal,
Qui bien souuent est vn brutal,
Tousiours ignorant, parfois yure ;
Mais bien qu’il ne sçache pas viure,
Fit il en commandant vn rot,
Il faut suiure sans dire mot,
Et là prendre mainte roupie,
Si le Caporal vous oublie,
S’il cause, s’il dort ou s’il boit,
Sans oser sortir de l’endroit,
Où pour sentinelle il vous pose,
Tant qu’il boit, qu’il dort, ou qu’il cause.

 

14. fev.

 


Or le Lundy quinziesme iour,
Le vaillant la Mothe-Houdancour
Au Parlement prit sa seance,
Et depuis en toute occurence
Fut Conseiller ad honores,

 

15. fev.

 


On eut aduis le iour d’aprea
Que de Soissons l’Escheuinage
Party pour vn pelerinage
Qu’il alloit faire à S. Germain,
Le Lieutenant homme de main
S’estant mis tres fort en colere,
Auoit fait faire vn autre Maire,
Et creé nouueaux Escheuins,
Que ces premiers furent Ianins
Lors que la gueule enfarinee
Par vne belle apresdinee
Estans à Soissons retournez,
On leur ferma la porte au nez :
Quelqu’vn d’entr’eux prit la parole,
Mais zeste comme il a pris Dole,
Les portiers sont sourds à sa voix,
Et par tout visage de bois.

 

16. Fev.

 


Ce fut cette mesme iournee
Qu’à sept heures la matinee,
Messieurs n’estans point assemblez,
Il vint de Chartres force bleds,
Que fit apporter la Boulaye,
Que quelques vendeuses de raye,
Qui l’allerent remercier,
Nommoient leur pere nourricies :
De fait, ce Controlleur des Halles,
Esquiuant les troupes Royalles,
Alloit à la prouision
Plus souuent qu’a l’occasion.

 

 


Les Gens du Roy le dix septiesme,
Sous vn passeport du seiziesme
S’estoient desia mis en chemin,
Et s’en alloient à Saint Germain
Dire à la Reine en bonne amie
Que par mespris ce ne fut mie
Que son Heraut ne fut admis,
Et qu’il falloit bien qu’elle eust pris
Messieurs pour des niais de Sologne ;
Quand deuers le bois de Boulogne
Nos gens virent venir d’amont
Le courtois Mareschal Grammont,
Qui leur venoit offrir main forte,
Et qui leur fit tousiours escorte.

 

17. Fev.

 


Ieudy le Gouuerneur de Bry,
Qui depuis le fut de Sainct Pry,
Connu sou le nom de Bourgogne
Sur le Regiment de Bourgogne

-- 20 --


Sortit auec quelques cheuaux,
Et fut vainqueur en peu de mots :
Car si de toutes vos deffaittes
Vous me demandiez des Gazettes,
Il faudroit estre Renaudot,
Qui les donne à son fils en dot,
Auoir les mesmes auantages,
Ses lieux communs & tous ses gages.

 

18. Fev.

 


Ce iour mesme il nous fut mandé
Que le beau-frere de Condé,
Longneuille l’inébranlable
Refusoit d’estre Connestable.
Que cela fust en son pouuoir,
Ie ne sçay. Mais il d’eust sçauoir
Que tel qui refuse apres muse
Si e prouerbe ne s’abuse.

 

 


Ce iour au Parlement on lut
La lettre qui surprise fut,
Et que par quelque manigance
Escriuoit à son Eminence
Le grand-homme Monsieur Cohon,
Dont si vous abregez le nom,
Il reste vn mot plein d’infamie,
Qui fait tort à sa saincte vie.
Il fut dit qu’on l’obserueroit,
Et Gardes on luy donneroit,
Comme à Monsieur l’Euesque d’Aire,
Qu’on croyoit estre du mystere :
Qu’en outre on prendroit au collet
Vn Conseiller du Chastelet
Laune, qui gaiguant la guerite
N’attendit pas cette visite.

 

 


Ce iour l’Archeuesque regla,
Et par son reglement sangla
Messieurs de ieusne & de Caresme,
Qui s’en venoient à face blesme
Victorieux du carnaual
Seconder le party Royal
En nous ostant la bonne chere :
Mais la farine estoit trop chere.
Ce qui fit que nostre Pasteur
Vsant enuers nous de douceur,
Par vne forme d’indulgence,
Et sans tiret à consequence
Nous accorda de manger œuf,
Mouton, goret, volaille & bœuf,
Fromage veaux, agneaux esclanche,
Lundy, Mardy, Ieudy, Dimanche ;
Et du poisson les Mercredis,
Les Vendredis & Samedis,
Et toute la saincte sepmaine,
Temps qu’il laissa sous le domaine
D’vn Caresme tres-rigoureux
Qui fut tout le reste aux Chartreux,
Ou qui du moins y deuoit estre,
Mais il se vint camper le traistre
Chez quelques pauures habitans
Qui disent-ils deuant ce temps
Iamais si long ne le trouuerent,
Et dés les Roys le commencerent :
Si bien qu’en mageant son harant,
Par vn effet bien different,
Sans iours gras le gueux fit Caresme,
Le riche n’en fit pas de mesme,
Car ayant tousiours force plats
Sans Caresme il fit les iours gras.

 

[3 lignes ill.]

 


Le Vendredy dans l’Assemblée
Les gens du Roy vinrent d’emblée,
Ils retournoient de Sainct Germain ;
Lors ils dirent l’accueil humain
Qu’ils auoient receu de la Reine,
Qui sans leur tesmoigner de haine
Leur auoit fait ciuilité,
Et promis vne infinité
De faueurs & de bien-veillance
Dés que par leur obeïssance
Messieurs du Palais prouueroient
Les respects dont ils l’asseuroient ;
Et que s’ils tenoient leur promesse
Ils auroient du pain de Gonesse.

 

19. Fev.

 


Cependant l’Agent arriua
Que l’Archiduc nous enuoya,
Et dont disoit la harangere
Il porte la paix, ma comere.
Il venoit faire compliment
A nostre Auguste Parlement.
Et ce fut ce iour que le drosse
Nous fit voir sa trogne Espagnolle.
Iour, que recru de son trauail
Il ne prit qu’vne gousse d’ail,
Tant il auoit d’impatience
D’estre bien tost à l’audience,
Où la main dessus le rognon
Il laissa tomber vn ognon
Comme il tiroit de sa pochette
Vne missiue assez bien faite,

-- 21 --


Qu’auoit escritte l’Archiduc,
Dont ie vous donne tout le suc,
Du dix Février à Bruxelle
Ie l’Archiduc vous escrits celle
Que vous rend le present porteur,
Ie suis le garand & l’autheur
De tout ce que dira cét homme,
De ce qu’il dit, voicy la somme,
L’Archiduc parle par ma voix,
Il m’enuoye offrir aux François
Vne paix qu’ils ont souhaitrée,
Et qu’on a tousiours reiettée,
Lors il se mit à dire mal
Contre Monsieur le Cardinal,
En accusant son ministere.
Et dés qu’il y plût de se taire,
La Cour dit qu’il mettroit au net
Ce qu’il a dit : ce qu’il a fait.
Et cependant dans la semaine
Qu’on deputeroit vers la Reine
Pour l’instruire de tout cela,
Et prier par ce moyen là
De ne faire pas la Normande,
Ains comme la Cour luy demande,
Et qu’à Messieurs les Gens du Roy
Elle donna Ieudy sa foy,
Prendre des sentimens de mere
Pour vn peuple qui la reuere,
Et finir vn triste blocus
Qui ne fait rien que des cocus.

 

Arriuée
de l’Agent
de
l’Archiduc.

 


Le Samedy, cent trois charettes
De bleds, & de farines faittes,
Renforcerent nos magasins,
Malgré Messieurs les Mazarins,
Ce conuoy nous vint de la Brie
Au nez d’vne trouppe ennemie,
Et fut conduit par Noirmontier,
Homme sçauant dans le mestier,
Et qui dans cette conjoncture
Garantit fort bien sa voiture
Des mains du Comte de Grançay
Où le combat fut balancé,
Mais nous eusmes victoire entiere,
Peu de nos gens au Cimetiere
Encor que le choc fust tres chaud,
Monsieur de la Roche-Foucaud
Et Monsieur de Duras le ieune
Blessez par mauuaise fortune,

 

20 Fev.

 


Ce mesme iour les Ennemis
Traisnerent canons plus de six,
Dont ils firent battre en ruyne
Le Chasteau de Monsieur de Luyne ;
Lesigny, qui le lendemain
Fut pris & tout son sain-crespin.

 

21. Fev.

 


Le Lundy la Trouppe Royalle
Fit Gribouïllette generalle
Aux enuirons de Monthlery :
I’ensuis encor tout ahury.
Piller, brusler autour de Chastre,
Battre son Hoste comme plastre
Ce sont ses pechez veniels,
Quels seront ses pechez mortels ?
En fin ayant sceu que les nostres
Qui viuoient comme des Apostres.
Venoient auec elle compter,
Elle voulut bien se haster :
Et la crainte de rendre compte
Luy fit faire retraitte prompte.

 

22. Fev.

 


Ce mesme iour les Deputez
Du Parlement s’estans bottez
Allerent par mer & par terre
Chercher la Reyne d’Angleterre,
Pour méler ensemble leurs pleurs
Et pour compatir aux douleurs
De cette Princesse affligée
Que les Anglois ont outragée,
Decollant le Roy son espoux.
Bons Dieux, ces peuples sont-ils fous
Ensorcelez, malancholiques,
Ypocondres ou fremeriques ?
Ont-ils le diable dans les reims
D’occire ainsi leurs Souuerains,
Comme ils viennent de faire à Londre ?
L’enfer les puisse-il confondre,
Mais consolez vous grand Roy mor ?
Et prenez quelque reconfort
Vostre Maiesté n’est pas seulle,
La Reyne Stuart vostre ayeulle
Eut aussi le sifflet coupé :
L’on dit que sans auoir soupé
Ce peuple en qui malice abonde
L’enuoya dormir hors du monde :
Elle est encor à s’éueiller,
Pour vous qui l’a fait sommeiller
Noble Prince illustre victime
De subjets enhardis au crime,

-- 22 --


Et qu’on a veu ioüer deux fois
A coupe-teste auec leurs Roys ;
Daignez nous dire la lignée.
Qu’a vostre femme si bien née
Et fille de Henry le Grand
Vous laissates lors quand & quand.
N’est ce pas six, dont la plus grande
Se tient à la Haye en Hollande,
Le Prince de Galles Laisné,
Qui dans l’Escosse est couronné,
Le Duc d’York & sa cadetre,
Qui dans Paris font leur retraitte ;
Deux autres qui chez les Anglois
Soûpirent depuis plusieurs mois.

 

 


Le Mardy pour leur asseurance
Nos Deputez à l’Audience ;
Reçeurent des passe-par-tous.

 

23 Fev.

 


Mercredy vingt & quatre tous
Messieurs assemblez appellerent
Les noms de ceux qu’ils deputerent.
Le Premier President Molé,
Apres lequel fut appellé
Monsieur le President de Mesme,
Viole de la chambre mesme :
En suite de ces trois fut hoc
Menardeau ; catinal, le coq,
Cumont, Palluau des Enquestes,
Auec le Fevre des Requestes.
Dans le cours Monsieur de Saintot.
Vint au deuant d’eux au grand trot
Auec ordre de les conduire,
Sans qu’il fut permis de leur nuire
Iusques au chasteau de Ruel ;
Ordre qui pourtant ne fut tel
Qu’est rangere cauallerie
N’eust l’audace & l’effronterie
De roder en monstrant les dents
Pres du char de nos Presidens.
En fin nostre Ambassade arriue,
Et l’on la soula comme griue
A Ruel, d’où le lendemain
Elle partit pour Sainct Germain.
Ce mesme iour sur l’asseurance
Que les Royaux en abondance
Par le pont de Gournay filoient,
Et que Bry sieger ils alloient,
(Lors pour le succez de nos armes
Nos chefs oyoiẽt Vespres aux carmes)
Où sçachans que les ennemis
Deuant Bry le siege auoient mis,
Ils sortirent de nostre ville
Ayant à leur suite vnze mille,
Tant caualiers que Fantassins,
Si vous demandez leurs desseins,
Les voicy. L’armée ennemie

 

24 Fev.

 


Estant ce iour-là dans la Brie,
Ils alloient d’vn autre costé ;
Et pour dire la verité,
Nos chefs dans ces derniers bagarres
Ne firent que ioüer aux barres,
Estiez vous deuers charenton ?
Nous vous cherchiõs deuers Meudon ;
Et si des deux parties le nostre
Rencontra quelquefois le vostre,
Où lion fit de petits combats,
Ce fut qu’on ne s’entendit pas,
Ce fut par malheur, ou beueue,
Par vne rencontre impreueue,
Par quelques Soldats trop vaillans,
Par des espions vn peu lents :
Par fois dans quelque caracole
Souuent contre vostre parole,
Et tousiours contre nos desseins,
Nous en sommes venus aux mains.
Mais pour cette sois nostre armée
Ne fut iamais plus animée,
Et vous fistes bien d’estre ailleurs
Pour éuiter de grands malheurs.
Or tresve de la raillerie,
Tandis que vous fustes en Brie,
Nos Generaux tenans les champs
Ce iour & les autres suiuans,
Donnerent temps à tout le monde
D’aller & de courre à la ronde,
Cercher infinité de grains,
Dont nos greniers furent si pleins,
Que i’en sçay plusieurs qui creuerent
Des quantitez qui s’y trouuerent.

 

 


Les iours suiuans furent vendus
Selon plusieurs Arrests rendus,
Les meubles de son Eminence,
Qui bien que pleine d’innocence,
Et qu’elle eust protesté d’abus,
Il n’en resta pourtant rien plus.

 

25. Fev.

 


Le Vendredy l’on a nouuelle,
Qui pour nous n’est bonne ny belle,

-- 23 --


Que le sieur Comte de Grançey,
Sans que nous l’eussions offensé,
Auoit mis vn siege funeste
Deuant Bry, le seul qui nous reste,
Et qu’à l’abord ce Gouuerneur
Nõmé Bourgongne, hõme d’honneur,
Auoit fait iusqu’à l’impossible,
Percé l’ennemy comme vn crible,
Et bien rabattu son caquet
A coups de canon & mousquet :
Mais qu’en fin vne large bresche,
Le manque de poudre & de mesche,
Et le desespoir du secours,
(Qui ne pouuoit pas auoir cours
A cause des mauuais passages,
Des de filez & marescages
Que nous ne pouuions par gauchir,
Et que nous pouuions moins franchir
Pralin tenant les aduenues)
Faisant sauter Bourgogne aux nues,
Il auoit fait vn bon traitté ;
Car tel il luy fut protesté.
Mais, las ! ceux qui tenoient le siege
Se seruirent du priuilege
Qui permet à tous les Normans
De ne tenir point leurs sermens,
Puis que contre la foy promise
Ils mirent tous nuds en chemise
La plus grand part de nos Soldats,
qui reuinrent les chausses bas.

 

26. Fev.

Siegedé
Bia contre-robert.

 


Ce fut au cul de la semaine
que nos deputez vers la Reyne
Au Parlement sont reuenus,
Où deuant Senateurs chenus
Et tous nos chefs à l’audience
Ayans pris chacun leur seance,
Là de leur deputation
Ils firent exposition,
Et rapporterent que la Reyne
Auoit dit, ie n’ay point de haine,
Et si i’osois boire du vin
Nous beurions ensemble demain :
Cependant nommer commissaires
qui soient plenipotentiaires
Tant pour la generale paix,
que pour descharger de son faix
Le pauure peuple de la France :
Et pendant nostre conference
Ceux qui vous portent à manger
Pourront passer sans nul danger.
Ce que la Cour trouua tres iuste,
Et nostre Parlement auguste
Conclud qu’en vn certain endroit
Des deputez on enuoyroit,
Et mesme qu’auant leur sortie
La Reyne en seroit aduertie.
Pour cet effect les gens du Roy
Sy firent traisner par charroy.

 

27. Fev.

 


Le Dimanche quelque canaille
Dont le feu fut vn feu de paille,
Fit maniere d’emotion
qui tendoit à sedition,
Elle en vouloit à la soutanne,
Et prit ie croy pour vne canne
Monsieur le President Thoré,
qui fut à peine retiré
Des griffes de nostre fructiere
qui le traisnoit à la riuiere.

 

28. Fev.

 


Le Lundy premier iour de Mars
Ie fus courre de toutes parts
Sans apprendre aucune nouuelle.

 

3. Mars.

 


Le Mardy nous receusmes celle
qu’escriuoit le Duc d’Orleans,
Laquelle ouuerte, on leut dedans
que c’estoit chose tres certaine
que la volonté de la Reyne
Estoit de fournir tous les iours
que la conference auroit cour :
De bleds vne quantité fixe,
Ny plus courte, ny plus prolixe,
Tant par iour seulement. Surquoy
La Cour voulut qu’aux gens du Roy
On eust à porter cette lettre,
Veu qu’ils estoient venus promettre
A leur retour de Sainct Germain
Bien plus de beurre que de pain,
Et des passages l’ouuerture,
Ce qui n’estoit qu’vne imposture,
Et qu’ils priroient leurs Maiestez
De faire iour de tous costez,
Et de nous ouurir les passages,
Veu qu’ils sont de dieu les images
qui ne nous les boucha iamais,
Et qui se dit dieu de la paix.
Bref, qu’ils rompent la conference
Sur cét article auec deffence

-- 24 --


D’entrer en aucun pour parler,
Ains commandement d’enroller
Par les Prouinces & les Villes
Des soldats tant que tous les milles.

 

4. Mars.

 


Ils reuinrent le trois de Mars
Moins guais que deuãt les trois quarts,
Nayans pû tirer de la Reine
Rien qu’vne mesure certaine
De muids de pied reduits à cent
Par chaque iour pour nostre argent,
Dont seroit faite deliurance
Moyennant que la conference
Commençast dés le lendemain :
Surquoy Messieurs amis du pain
Conclurent qu’vne paix de verre
Valloit mieux qu’vne forte guerre,
Qu’vn souspir valloit mieux qu’vn rot,
Qu’vn casque valoit moins qu’vn pot,
Vne brette qu’vne lardoire,
Coup à donner que coup à boire,
Et que le corps d’vn trespassé
Valloit bien moins qu’vn pot cassé,
Vn Cabaret mieux qu’vne garde,
Vne plume qu’vne hallebarde,
Mourir saouli que mourir de faim,
Voulans que dés le lendemain
Nos Deputez fussent en voye.

 

5. Mars.

 


Ce iour nous eusmes de la ioye
D’apprendre qu’à la fin du temps
Nos soldats faisoient battre aux chãps,
Eux que pour leur long domicille
On nommoit les Soldats de Ville.
Voyons où s’addressa leurs pas,
Ce fut où vous ne fustes pas.
Ils camperent prés de la Seine
En toute bourgade prochaine,
Et se rasseurerent vn peu
Ayant de l’eau contre le feu ;
Auec vn pont sur la riuiere,
Par où pardeuant-par derriere
De tous costez à gauche à droit
S’enfuir quand l’ennemy viendroit :
Pont que pour garantir d’embusche,
Et d’estre brullé comme busche,
Bref pour le sauuer de tout tort
Aux deux bouts ils firent vn fort.

 

 


Le Ieudy se bottifierent
Et pour faite accord s’en allerent
Le Premier President Molé
Dont ie vous ay déja parlé,
Monsieur le President de Mesme,
Dont ie vous ay parlé de mesme,
Les Nemonds & les le Cogneux
Presidents au Mortiers tous deux,
Deux Conseillers de la grãd Chambre
Dont la vertu sent meilleur qu’ambre :
Messieurs Longueil & Menardeau
Pour qui ie veux faire vn Rondeau :
Des Enquestes Monsieur la Nauue
Homme de bien ou Dieu me sauue,
Monsieur le Coq, Monsieur Bitau
Monsieur Violle & Palluau :
Monsieur le Febvre des Requestes :
Briçonnet Maistre des Requestes :
Ensuitte vn homme tres-prudent
Des Comptes premier President :
Paris & l’Escuyer personnes
Tres-vertueuses & tres-bonnes
Des Aydes Monsieur Amelot
Premier President fort deuot.
Messieurs Bragelõne & Quatre-hõmes
Qui pourtant ne font que deux hõmes :
Pour nostre ville & le dernier
Vn Escheuin nommé Fournier :
Qui tous à Ruëls arresterent.

 

4. Mars.

 


Où le lendemain arriuerent
Monseigneur le Duc d’Orleans,
Et vous qui n’estiez pas ceans,
C’est vous Prince que i’apostrophe,
Vous qui faisiez le Philosophe
Et l’homme d’estat dans Ruel ;
Vous qui traittiez de criminel
Vn corps qui sera vostre Iuge
(Disons plustost vostre refuge.)
Prince auoüez nous à present
Ce qui vous sembla mal-plaisant
Auant vostre metamorphose,
Que c’est vne agreable chose
De n’estre point pris sans decret,
Et que c’estoit là le secret
Qui pouuoit sauuer vostre Altesse
D’vne captiuité traistresse
Dont on ne se peut garantir,
Et qui vient sans nous aduertir.
Vous voila tombé dans le piege :
Qui l’eust dit que ce priuilege

-- 25 --


Que vostre interpretation
A couuert de confusion,
Ce priuilege raisonnable,
Le seul recours d’vn miserable,
De n’estre qu’vn iour en prison
Par tyrannie & sans raison,
Et par vne prompte audience
Pouuoir monstrer son innocence :
Que ce priuilege si doux,
Qui ne sera mesbuy pour vous,
Vous eut vn an apres fait faute :
Vous cõtiez bien lors sans vostre hoste.
Mais trefue de moralitez,
Reuenons à nos deputez,
Qui dés que dans la Conference
Ils eurent veu son Eminence,
La regardans à plusieurs fois,
Firent le signe de la croix,
Esbahis de reuoir vn homme
Qu’ils croyoient de retour à Rome,
Et dont les François quelque iour
Auroient regretté le retour.
Mais cependant pour la grimace,
Et pour plaire à la populace
On le pria de s’en aller
Auant qu’on se mist à parler.

 

5. Mars.

Mr le
Prince
contesta
contre
l’article
qui perte
que
tout prisonnier
sera interrogés
dans les
4 heures.

 


Le Dimanche ie vis vn homme
Qui disoit que vers Bray sur Somme
L’Archiduc auoit déja beu,
Et que vers Guise on auoit veu
Voltiger des trouppes d’Espagne :
Que le Duc Charles en Champagne
Prés d’Auennes se pourmenoit,
Et forces trouppes qu’il menoit.

 

7. Mars.

 


Lvndy qu’il estoit inutile
Le Regiment de nostre Ville,
Leué non sans beaucoup de frais
En vn temps qu’on faisoit la paix,
Ioignit l’armée à Ville-Iuifue,
Qui de loin luy criant Qui viue,
Il creut qu’il estoit déja mort,
Et demanda quartier d’abord,
Il estoit fait de Iansenistes,
D’illuminez & d’arnaudistes,
Qui tous en cette occasion
Requeroient la confession
Dont ils auoient blasmé l’vsage :
Iouys vn de ce bauaudage
Qui demandoit à Dieu tour bas
La grace qu’il ne croyoit pas.

 

8. Mars.

Mõsieur
le Duc
de [1 lettre ill.]nynes
l’an
seniste
en estoit
Mestre
de Cãp.

 


Ce iour la Cour tira de peine
Le grand Mareschal de Turenne
Tenu coupable à Sainct Garmain.
Pour n’auoir pas presté la main
A la ruine de la Fronde,
(C’est comme parloit tout le monde
Du party pretendu Royal)
On disoit de ce Mareschal
Que pour nostre Ville affamée
Il auoit offert son armée.
Nostre Parlement l’accepta,
Et dés ce iour mesme arresta
Que declaration & Bulle,
Toute sentence seroit nulle,
Et tout Arrest fait contre luy :
Ordonnant que dés auiourd’huy
Il reuint s’il pouuoit en France :
Et de plus pour la subsistance
Que cent mille escus il prendroit
Ez receptes qu’il trouueroit.

 

 


Le Mardy la Cour estonnée
Sur la remonstrance donnée
Par le Procureur General
Que quelqu’vn du party Royal
Fist deliurer l’autre semaine
Sous l’authorité de la Reine
Des commissions à certains,
Aux Damillis, aux Lauerdins,
Aux Gallerandes, aux Courcelles,
De leuer des trouppes nouuelles.
Ausquels & tous autres deffend
Haute & puissante Cour qui pend
Ceux qui sa volonté violent,
Que plus de soldats ils n’enrollent,
Sans vn Royal commandement
Approuué par le Parlement,
Defense à toute ame guerriere,
Gentil homme ou bien roturiere,
De prendre employ ny s’enroller,
Sur peine de degringoler
Du haut de Noblesse en roture,
Et de roture en sepulture.
Veut les villes & les bourgs
Courent dessus eux comme à l’Ours,
Qu’ils s’assemblent à son de cloche,
Qu’à pied, qu’à cheual, ou par coche

-- 26 --


Ils courrent apres tels soldats,
Et qu’ils leurs rompent les deux bras.

 

9. Mars.

 


Le dix on sceut qu’en Normandie,
Pour ioindre à l’armée ennemie
Le Barron de Marré leuoit
Le plus de trouppes qu’il pouuoit :
Mais que Chamboy guerrier habille,
Lieutenant du grand Longueville,
Auec cinq ou six Cens cheuaux
Ayant poursuiuy ces Royaux ;
Sceut que dans le Chasteau de Chesne
Ces gens qu’on faisoit pour la Reine
Auoient eleu leur rendez vous.
Il y courut tout en courroux,
Et par vn plaisant artifice
Faisant faire alte à sa milice
Luy trentiesme quittant le gros
Vingt à Chesne tout à propos,
Où sans dire qu’il fust des nostres
Il fut receu comme les autres,
Qui beuuoient tous comme des trous,
Et qu’on tua comme des poux :
Car Chamboy s’estant fait connoistre
Se rendit aisement le Maistre,
Et les prit tous ou les tua,
Comme vn second Gargantua.

 

10. Mars.

 


Le Ieudy vint à l’audience
Auec des lettres de creance
Que dans sa poche il apporta,
Vn Deputé que deputta
Monsieur le Duc de la Trimoüille
Qui voulant empescher la roüille
De son courage Martial,
Monté dessus son grand cheual
Pour le secours de nostre ville,
Auoit leué prés de trois mille
La moitié grimpez sur roussins,
L’autre moitié des fantassins.

 

11. Mars.

 


La nuit les Trouppes ennemies
Que nous croyions estre endormiee,
Vinrent voir ce que nous faisions,
Et virent que nous acheuions
Nostre pont dessus la riuiere,
Ouurage qui ne leur pleut guere,
Et qu’elles eussent bien aimé
De voir de loing bien allumé :
Ce fut du costé de la Brie,
Que parut leur cauallerie
Qui vint reconnoistre ce pont ;
Mais son retour sut aussi prompt
qu’auoit esté son arriuée,
Heureuse de s’estre sauuée,
Puis qu’elle eust biẽ tost veu beau ieu ;
Les nostres affligez fort peu
D’auoir manqué cette couronne,
Et de n’anoir tué personne,
Veu que c’est vn acte cruel :
Et que l’on traittoit à Ruel.

 

 


D’où le lendemain retournerent,
Et des articles apporterent
Tous nos Messieurs les Deputez
Assez tard, mais assez crottez
Et dés ce iour les deux armées,
Se sont vniquement aimées,
Il n’est pas resté pour vn grain
De Frondeur ny de Mazarin.

 

12. Mars.

 


Samedy la Cour assemblée
Parut extremement troublée
D’apprendre que nos Generaux
N’auoient esté qu’en certains mots
Compris an traitté pacifique,
Sans auoir fourny de replique,
Veu que personne de leur part
N’auoit Contesté pour leur part.
Si bien qu’en cette conioncture,
Il fut dit qu’auant la lecture
De ce qu’on auoit arresté,
Derechef seroit deputé
Pour conferer des aduantages
De ces illustres personnages,
Et de tous les interessez,
Tant qu’ils eussent dit c’est assez,
qu’on supplieroit le Roy de mettre
En vne seule & mesme lettre.

 

13. Mars.

 


Ce iour on eut aduis certain
que Monsieur du Plessis-Praslain
Auoit des trouppes ennemies
Fait vn amas des mieux choisies,
Pour s’opposer à l Archiduc
qui s’auançoit d’vn pas caduc,
Et de qui la desmarche lente
Ne doit pas moins d’espouuante.

 

14. Mars.

 


Le Dimanche les Deputez
En carrosse estoient la montez,
quand lettre du Roy fut receuë
En termes absolus conceue,

-- 27 --


Portant vne interdiction
De faire deputation,
que les articles qu’apporterent
Vendredy, ceux qui confererent,
N’eussent esté verifiez.
Surquoy messieurs furent criez
Par l insolente populace,
qui les poussoit auec menace,
Disant tout haut ie sons vendus,
Ie serons bien tost tous pendus
S’il plaist au bon Dieu ma commere,
C’est grand pitié que la misere :
Ils auons signé nostre mort :
C’est fait de Monsieur de Beaufort :
guerre & point de paix pour vn double.
Mais en dépit de ce grand trouble,
Il fut par Messieurs resolu
que le lendemain seroit leu
Le contenu desdits articles,
Et qu’auec paire de besicles
On examineroit de prés
S’ils portoient vne bonne paix.

 

 


Le Lundy. La teste affublée
Nos Chefs estans en l’assemblée,
Lesdits articles furent leus,
Et la Cour n’en fit point refus ;
Mais seulement pour la reforme
De quelqu’vn qui sembloit enorme,
Ordonna qu’on deputeroit,
Et qu’ensemble l’on parleroit,
Pour nos Chefs, qui feroient escrire
Ce que chacun pour soy desire,
Pour estre au traicté de Paris
Tous les interessez compris.

 

15. Mars.

 


Ce Lundy. Le Courrier du Maine,
Mit nos espris hors de la peine
Où long-temps ils auoient esté,
Si le diable auoit emporté
Le sieur Marquis de la Boullaye,
qu’il asseura pour chose vraye
Auoit paru vers ces quartiers
Auecque force Caualliers
qui sçauoient mener le carosse,
Et ne cherchoient que playe & bosse.
que le Marquis de Lauerdin
Fuyant deuant eux comme vn din,
Toute la Mancelle contrée
Pour Paris s’estoit declarée.

 

La Boullaye
qui
commãdoit
les
cochers
de Paris

 


Le Mardy. Tous nos Deputez
Sous des passe-ports apportez,
Pour la troisiesme fois marcherent,
Et comme il estoit dit, allerent
Pour leurs Marestez supplier
que du mois d’Octobre dernier
La Declaration receue
Apres tant d’allée & venue
Pour le commun soulagement,
Ne souffrist aucun detriment.

 

16. Mars.

 


Le Mercredy. Lettre ciuille
Vint de Monsieur de Longueville,
qu’il addressoit au Parlement,
Et qui n’estoit qu’vn compliment,
A qui fit aussi tost responce,
La Cour qui pese tout à l’once.
Or ce iour le Duc de Bouillon
Ayant pris congè du bouillon,
Des medecines. des clysteres,
Et des drogues d’Apotiquaires,
N’estant debout que de ce iour,
Releua la Mothe-Houdancour,
A Ville-Iuifue, où nostre armée
S’estoit desia bien enrhumée.

 

17. Mars.

Le Duc
debouillon
fut
tousjours
malade
pendãt
nostre
guerre.

 


C’est ce mesme iour qu’on a sçeu
qu’au Mans auoit esté reçeu
Nostre Marquis, de la Boullaye,
qui bien qu’il criast holla, haye,
Alte, Marquis de Lauerdin,
L’autre ne fut pas si badin
que de tourner iamais visage,
Ains courut tousiours dauantage,
qu’à la parfin nostre Marquis
Ayant force chappons conquis,
Les faisoit cuire en cette ville,
Et que ses gens estoient cinq mille.

 

 


Vn autre aduis bien plus certain,
Fut que le Mareschal Pralain,
qui d’vne desmarche guerriere
Estoit allé sur la frontiere
Taster le poux à Leopol,
Auoit pris ses iambes au col :
Sans auoir dit ny quoy, ny qu’est-ce,
(Ce qui n’est pas grande prouesse,)
Et qu’estant icy de retour,
Dans leurs garnisons d’alentour
Ses trouppes estoient retournées :
Trouppes tres-mal moriginées,

-- 28 --


Et qui contre l’accord passé,
D’acte d’hostilité cessé,
Pillerent toute la cheuance
Des deux bourgs à leur bien seance,
qu’ils treuuerent sur leur chemin ;
Chemin que tenant sans dessein,
quelque Boulangere badine,
Blanche pour le moins de farine,
qui venoit de vendre son pain,
Se sentit legere d’vn grain,
Sans argent & sans pucellage,
Horsmis vne qui fut si sage
que de laisses à Paris,
qui n’eut que son argent de pris.

 

18. Mars.

 


Le Ieudy, les chefs de nos bandes,
Ayant fait chacun des legendes
De tous leurs petits interests,
Commirent à Ruel exprés
Pour porter leurs humbles prieres,
Le Duc de Brissac & Barrieres,
Le sieur de Bas & de Crecy.

 

19. Mars.

 


Le Vendredy dix neuf, icy
Nous sçeusmes que dans la Gascogne
La Reine auoit de la besogne,
que le Parlement de Bordeaux
Tout prest à iouër les cousteaux,
Auoit fait armer à nostre ayde,
L’action n’en estoit pas laide,
Car le Normand & ce Gascon,
Et le nostre faisoient tricon.

 

 


Ce mesme iour par vne lettre
Thoulouse nous faisoit promettre
que nous pouuions tenir pour hoc
Le Parlement de Languedoc,
qui se declaroit pour le nostre,
Tellement qu’auec que cét autre,
C’estoit vn quatorze bien fait.

 

 


Le Samedy ny beau ny laid,
Ny chaud ny froid, à l’audience
Nos generaux prirent seance,
Et là dirent tous d’vne voix,
qu’ils auoient donné cette fois
Des propositions à faire,
Mais qu’ils l’auoient crû necessaire,
Monsieur le Cardinal resté,
Pour n’auoir plus de seureté,
Sçachant bien qu’homme d’Italie
Iamais vne offence n’oublie.
qu’au contraire ils estoient tous prests
D’abandonner leurs interests
S’il luy plaisoit faire voyage,
Sinon, que pour vn tesmoignage
qu’ils seroient tousiours seruiteurs
De nos illustres Senateurs,
Ils s’en rapportoient à ces Iuges,
Protestans que dans nos grabuges
Ils auoient armé seulement
Pour le public soulagement.

 

20. Mars.

 


Ce iour ordonnance Royalle
Dessus la plainte generalle
qu’auoient faite nos Escheuins,
qui n’estoient pas des quinze-vingts,
Voulut qu’on nous donnast des viures,
Pain & vin, dequoy nous rendre yures,
Et boire en diable à la santé
De sa Chrestienne Maiesté,
De toutes parts, par eau, par terre,
Librement comme auant la guerre
Le commerce estant restably,
Et le reste mis en oubly :
Bonne nonuelle pour la pance.

 

 


Lundy vingt & deux, en l’absence
Du vaillant Prince de Conty
que la fiévre auoit inuesty,
Le Coadiuteur en sa place
Vint au Parlement, de sa grace,
Dire que le iour precedent
L’Archiduc homme fort prudent,
Escriuit au Prince malade
Qu’ayant fait vne caualcade,
Et dit au Mareschal Praslain,
Ie suis sur la terre villain,
Pour oster toute deffiance
Qu’il vouloit enuahir la France,
Il estoit prest de retourner,
Si la Reine pour terminer
Les differents des deux Couronnes
Vouloit nommer quelques personnes.
Et dit nostre frondant Pasteur
Que Conty prenant fort à cœur
L’occasion aduantageuse
De conclure vne paix heureuse,
Auoit à Ruel deputé
Pour derechef estre insisté
Sur ce que l’Archiduc propose,
Qui meritoit bien vne pose.

-- 29 --


Et qu’il coniuroit nostre Cour
Par son zele & pat son amour,
De peser vn peu cette affaire,
Et la paix qu’elle pouuoit faire :
Et qu’il estoit tousiours prest pour lui
D’abandonner dés auiourd’huy
Tout ce qu’il auoit pû pretendre
Si Messieurs y vouloient entendre.
qu’au contraire si Leopol
Par supercherie ou par dol
Venoit pour pescher en eau trouble
(Dont i’aurois parié le double)
Il declaroit dés à present
qu’il ne le trouuoit pas plaisant.
que luy mesme sur les frontieres
Iroit luy tailler des iartieres,
Et l’accommodant de rosty
Se monstrer Prince de Conty.
Surquoy Messieurs firent escrire
Tout le contenu de son dire.

 

22. Mars.

 


Ce iour on sçeut qu’à S. Germain
On avoit fait accueil humain
Aux deputez de Normandie
qui pour chasser la maladie
Dont nous estions tous menacez,
Y venoient comme interessez
Pour deliberer du remede ;
que le bon Dieu leur soit en aide.

 

 


Le Mercredy, l’on sçeust qu’Erlac
Estoit clos & coy dans Brissac,
quoy qu’en nous voulust faire entẽdre
qu’il venoit nous reduile en cendre.
L’on sçeust que Normands Deputez
S’estoient tous bien-fort aheurtez
A l’enuoy de son Eminence,
Et l’on nous donnoit asseurance
qu’ils ne despliroient leur cahier
qu’il n’eust vn pied dans l’estrier.
Mais s’il est vray qu’ils le promirent.
Ces Normands apres se desdirent,
Et certes tutant à propos
qu’il se peut pour nostre repos :
Car qu’on renuoyast pour leur plaire
Vn ministre si necessaire
Comme Monsieur le Cardinal ;
quelque sot se fut fait du mal,
Et plus sot qui l’auroit pû croire
qu’vn Prince ialoux de sa gloire
Eut deffait ce qu’il auoit fait
En vn fauory si parfait,
Pour quelque courtaut de boutique
Qui n’aimoit pas sa politique.
Aussi les Deputez Normans
S’ils auoient fait quelques sermens
De ne desplier point leur Roolle,
Ne garderent pas leur parolle,
Et cette fois manquant de foy
Seruirent la France & leur Roy.

 

 


Ce mesme iour : Fut dit en ville
Que le grand Duc de Longueville
Auoit pour assieger Harfleur
Fait partir sous vn chef de Cœur
Des trouppes dés le dix-septiesme :
Et que ce chef le dix neufiéme
Far vn tambour nommé la Fleur
Fit sommer la ville d’Harfleur,
Qui luy dit vostre fille Heleine ;
Ie suis seruante de la Reine.
Mais quatre pieces de canon
Luy firent bien tost dire non ;
Car plus deffaitte qu’vn Cadavre
Ayant depesché vers le Havre
Dont chacun sçait qu’elle depend,
Pour venir estre son garand
(C’estoient les termes de sa lettre)
Ce Gouuerneur se voulut mettre
En deuoir de la secourir
Et pour l’empescher de perir
Détacha deux cens cinquante hõmes
Qui venoient en mangeans des põmes,
Quand sur le chemin ces mangeans
Tieuuent vn party de nos gens :
La peur saisit ces miserables
Qui fuyrent comme des beaux diables,
Nul ne regardant apres soy.
Enfin ils eurent tant d’effroy
Que quand dans le Havre ils entrerent
Les huict heures du soir frapperent
Bien que partis au chant du coq.
Et que Harfleur qui nous est hoc,
Du Havre fust à demie heuë,
Mais la pour qu’ils auoient en queue
Leurs fit oublier le chemin,
Tellement que le lendemain
Ha fleur nous fit ouùrir la porte,
La garnison n’estant pas forte

-- 30 --


Se rendit à discretion.
Apres cette reddition
Nos gens furent faire gogaille
Au Chasteau de Pierre de taille
Du Sieur de Fontaine-Marrel,
Chasteau tres fort, mais non pas tel
Que les nostres ne le forcerent.
Et deux canons n’en rapporterent,
Sans les meubles & le bestail,
Dont ie ne fais point de destail.

 

 


Le Ieudy, iour que Nostre-Dame
Sceut que de fille elle estoit femme
Par vne Annonciation,
Tout estoit en deuotion
Quand lettre de cachet venue
Fit que sceance fut tenue,
Où quand nos Chefs furent venus
Tous les premiers propos tenus
Furent de sçauoir si la trefve,
Ennuyeuse aux gens de la Greve.
Et qui finissoit ce iour là,
Passeroit encor au delà :
Trefve qui receut anicroche
Iusques au Lundy le plus proche.
Et compris inclusiuement
Par vn Arrest du Parlement.

 

25. Mars
le iour
de l’Annonciation.

 


Ce iour à la Ferté sur Iouarre,
Vn Mazarin qui disoit, Garre,
Qu’on face place à mon cheual,
Ie viens pour le party Royal
Loger icy des gens de guerre,
Fut accueilly à coups de pierre,
Et de quelque coup de fuzil,
Ie pense que d’vn grain de mil
On eust lors bouché son derriere,
Heureux de retourner arriere,
Maudissant tout cicatrisé,
Le manant mal ciuilisé,
Qui depuis garda ses murailles,
Crainte du droict de represailles.

 

 


Samedy du mois vingt-sept,
Vostre frere encor tout mal fait
Du reste de sa maladie,
Fit declaration hardie ;
Que celles que iusques à ce iour
Il auoit faites à la Cour
De ne faire aucune demande
Pour luy ny pour ceux de sa bande,

 

27. Mars.

 


Le Cardinal estant sorty :
Que foy de Prince de Conty
Ces declarations signées
Qu’on auoit iusqu icy bernées.
Receuroient applaudissement,
Pourueu qu’il pleust au Parlement,
Rendre Arrest, que son Eminence
Eust à denicher de la France,
Parce qu’il ne pouuoit iamais
Autrement conclurre la paix :
Que le feu par tout s’alloit prendre
S’il n’estoit couuert de sa cendre.
Qu’il prioit la Cour d’y resuer
Auant mesmes que se leuer ;
Surquoy la Cour à sa priere
Resua tant sur cette matiere
Qu’apres son resue elle a treuué
Qu’il auoit le premier resue.
Cependant pour faire Grimace,
Et pour ne rompre pas en face
De ce Prince qu’elle honoroit
La Cour dit que l’on enuoiroit
Insister sur cette retraitte,
Qui ne s’est pas encore faite.
Ce iour nous sçeusmes que Ierjay,
Du party contraire engage,
Partoit de Sainct Germain en Laye
Pour s’opposer à la Boullaye
Qui faisoit merueille en Aniou,
(Car il n’est pas tous les iours fou,
Cõme il n’est pas tous les iours feste.)
Et puis ce n est que par la teste
Qu’il est fol, quand il l’est par fois
Notamment les onze des mois.

 

 


Or ce Marquis à teste seiche
Estoit entré dedans la Fleche,

 

Ce fut
le 11.
Decẽbre
qu’on
lit que
M de la
Boula ie
cria aux
armes.
28 Mars

 


Le Dimãche on sçeut qu’à Bordeaux
Les coups desia pleuuoient à sceaux,
Le tout pour la cause commune :
L’habitant au clair de la Lune
Auoit pris le Chasteau du Hact,
Et depuis auoit fait vn pact
D’inuestit le Chasteau Trompette ;
Cela n’est point dans la Gazette.
Ce iour mesme il vint vn courrier,
Qui perdit cent fois l’estrier,
Et se pensa casser la teste
Tant il pressa sa pauure beste,

-- 31 --


On l’auoit fait partir expres,
Parce que le grand Duc de Rets
Auoit dit Nous sommes deux mille,
Bon iour Monsieur de Longueville,
Ie ne vous ay veu de cet an,
Et cela fut dit dans Rouen.

 

 


Le iour d’apres en l’assemblée,
De diuers soucis accablée
Sçauoir si l’on contineroit
Comme la Reine desiroit
Nostre trefve en son agonie,
Conclut toute la compagnie
qu’elle auroit liberalement
Vingt & quatre heures seulement.
Apres lesquelles nouueau trouble,
Et plus de trefve pour vn double.

 

29. Mars.

 


Ce mesme iour sut deffendu
Par vn Arrest qui fut rendu,
qu’on n’imprimast plus aucun liure,
Dont le debit auroit fait viure
quelque miserable imprimeur,
Et quelque Burlesque rimeur.
qui comme vn second Mithridate
Estoit plus friand qu’vne chatte
Au poison qui le nourrissoit
Dans l’instant qu’il le vomissoit.

 

 


Glorieux de la medisance
qu’il faisoit de son Eminence
Il viuoit de son acconit :
Et c’estoit pour lors pain benist
De parler mal du ministere,
De chanter Prince de lanlere,
(Car on parloit presque aussi mal
De vous comme du Cardinal.)
On ne vit onc tant de satires
Ny de meilleurs, ny de pires
qu’on en sic de vous & de luy,
Et de vous encor auiourd’huy.
La Cour sans expres congé d’elle
Sur vne peine corporelle
Deffendit de rien imprimer,
Ce qui ne fit que r’animer
Cette criminelle manie
que chacun croyoit assoupie ;
Mais de qui la demangeaison
S’accroist de puis vostre prison.
Le Mardy. La nuict estoit close
(L’homme propose & Dieu dispose)
Lors qu’on ne les attendoit plus
Nos deputez sont reuenus.

 

30. Mars.

 


Le Mercredy dans l’audience
Le procez de la conference
Leû qu’il fut haut de bout en bout,
Au lendemain on remit tout.

 

31. Mars.

 


Et le premier d’Auril fut leue
La Declaration receue
qui nous rendit nostre repos,
Dont voicy les poinct principaux.
Nos arrests, escrits & libelles
Ne seront que des bagatelles
Depuis le sixiesme Ianuier
qu’il fut tant perdu de papier
Sans que pour chose aucune faite
personne en soit plus inquiette,
Ce que pour nous rendre plus doux,
Le Roy voulut que contre nous
Tant de lettres expediées
De Declaration criées
Du costé de sa Maiesté,
Tout fust cassé par sa bonté,
qui prit la place de la haine :
Et dit que sa Mammam la Reine
Dés le premier beau iour d’Esté
Enuoiroit au Fleuue Lethé
quelqu’vn qui prist de cette eau forte,
qui fit oublier toute sorte
D’vnions, ligues & traittez,
Dont ne seroient inquietez
Ceux qui pour faire telle ligue,
Non contens de faire vne brigue,
Ont leué soldats, pris deniers,
Tant publics que particuliers,
qu’on maintiendra dans leurs Offices,
Biens, honneurs, charges, benefices.
Au mesme estat qu’ils se trouuoient
quand les Parisiens beuuoient
La nuict des Roys, nuict qu’ils perdirẽt
Le vray pour mille faux qu’ils firent :
Pourueu qu’ils mettent armes bas,
Et ne s’opiniastrent pas
Aux ligues s’ils en ont aucune
Sous couleur de cause commune.
Tous les prisonniers renuoyez :
Tous nos soldats congediez,
Ce qui fut fait. La Cour ioyeuse
D’vne fin de guerre ennuyeuse,

-- 32 --


L’enregistra, la publia,
Verifia, ratifia :
Et quand elle fut publiée,
Registrée, & verifiée,
Dit qu’on priroit leurs Maiestez
De rendre à Paris ses beautez
Sa splendeur & son Eminence
En l’honorant de leur presence :
Ce qui ne se fit pas si-tost
Qu’auroit souhaitté le Courtaut :
Car le Roy partit pour Compiegne,
Où trois mois il tint comme teigne,
Et ne reuint de tres-long-temps
Au grand deuil de nos habitans.
Ainsi la paix nous fut donnée,
Et nostre guerre terminée,
Ainsi finit nostre blocus,
Ainsi ny vainqueurs ny vaincus,
Nous n’eusmes ny gloire ny honte :
Nul des partis n’y fit son compte,
Le Vostre y souffrit moult ennuis,
Y passa de mauuaises nuicts
Dans vn si grand froid, qu’on presume
Qu’il y gagna beaucoup de r’hume.
Le nostre en fut incommodé :
Le Carnaual en a grondé :
Le Caresme en a fait sa plainte :
Philis, Cloris, Siluie, Aminte,
Y perdirent tous leurs Gallands :
Le Palais n’eut plus de chalands :
Le Procureur fut sans pratique :
Le Marchand ferma sa boutique.
L’Arthamene fut sans debit :
Et l’on pensa chanter l’hobit
De Lybrahim, de Polexandre,
De Cleopatre & de Cassandre,
Auec celuy de leurs Autheurs.
Leurs Libraires & leurs Lecteurs.
Le Sermon n’eut plus d’audience :
Le charlatan plus de creance :
L’Hostel de Bourgogne ferma :
La Trouppe du Marais s’arma,
Iodelet n’eut plus de farine
Dont il peust barbouiller sa mine :
Les Marchez n’eurent plus de pain,
Et chacun plus ou moins eut faim :
Mais si-tost que par sa presence
La paix nous promit l’abondance
Que le Roy seul nous redonna
Quand sa Maiesté retourna,
Aussi-tost disparut le trouble.
Plus de miseres pour vn double.
Paris a repris sa beauté,
Tout est dans la prosperité,
Le Marchand est à sa boutique,
Le Procureur à sa pratique,
Les hommes de Robe au Palais,
Les Comediens au Marais,
Les Artisans à leur ouurage,
Les Bourgeois sont à leur mesnage,
Les bonnes femmes au Sermon,
Cormier est à son Galbanon,
L’Apotiquaire à sa seringue,
Et vous, le Vainqueur de Nortlingue,
De Rocroy, de Fribour, de Leus,
L’effroy de tous les Castillans,
Estes dans le Bois de Vincenne,
Dieu vous y conserue & maintienne
En santé.

 

[illisible] Avril

L’Esté
est. le
Pleuue
d’oubly

FIN.

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Saint-Julien,? [?] [1650], LE COVRRIER BVRLESQVE DE LA GVERRE DE PARIS, Enuoyé à Monseigneur le Prince de Condé, pour diuertir son Altesse durant sa prison. Ensemble tout ce qui se passa iusques au retour de Leurs Maiestez. , françaisRéférence RIM : M0_814. Cote locale : D_1_14.