Questier, Mathurin, dit Fort-Lys [1649], SVITTE DV IOVRNAL POETIQVE DE LA GVERRE PARISIENNE. Dedié aux Conseruateurs du Roy, des Loix, & de la Patrie. Par M. Q. dit FORT-LYS. NEVFIESME SEPMAINE. , françaisRéférence RIM : M0_1763. Cote locale : C_4_38_09.
SVITTE DV IOVRNAL POETIQVE DE LA GVERRE PARISIENNE. Dedié aux Conseruateurs du Roy, des Loix, & de la Patrie. Par M. Q. dit FORT-LYS. NEVFIESME SEPMAINE.
QVOY ! Paris, n’as-tu pas de valeureux Gensd’armes ? Craignent-ils l’ennemy ; ont-ils peur des allarmes ? Tu cognois leur vertu, ainsi que leur valeur ? Dis-moy, donc, ô ! Paris, qu’est ce qui te fait peur ? Crois-tu que Mazarin te puisse faire outrage ? Ne sçaurois-tu dompter cét estranger courage ? Oüy, tu le vainqueras, sans ployer les genoux : Car si Dieu est pour toy ! Qui sera contre nous ?
C’est maintenant qu’il faut delaisser nostre crainte On nous vient secourir, il n’y a plus de feinte, L’Armée de Leopold, paroist desia vers Bray, Sur Somme ; & tient-on que cecy est tres vray ; Que ces troupes voltigent és enuirons de Guyse ; Et que le Duc Charles poursuit son entreprise De secourit Paris ; faisant nos ennemis Retirer promptement. Nous ne sommes en dormis, A receuoir le bled, qui entre en cette Ville, Sur charettes & cheuaux en nombre plus de mille ; Si bien qu’on ne peut pas souffrir d’oresnauant La plus moindre cherté qu’on a eu cy-deuant.
Et puis le lendemain deux de nos Generaux Virent le Regiment (en ordre sur Coypeaux) Qu’on nomme de Paris, qui est d’Infanterie, Tous hommes bien adroits, & qui sans flatterie, Ont assez de vigueur pour soustenir le choc De celuy qui icy fut inuenteur du Hoc : Il partit aussi-tost pour aller à Ville-Iuifue, Pour y former vn Corps-d’Armée assez naïfue ; Qui desire bien tost de tenter les hazards Qu’on rencontre souuent parmy les champs de Mars.
Puis Monsieur de Turenne vient pour nous secourir, Il ne peut pas souffrir qu’on nous fasse mourir ; Ny qu’vn seul estranger gouuerne la personne Du Roy, en flestrissant de nos Lys la Couronne ; Il s’offre au Parlement ; pour estre le soustien De nos Parisiens, qui le cognoisse bien : C’est pourquoy, nos Messieurs, d’vne telle assistance Luy donnent trois cens mil francs pour sa subsistance.
Monsieur de la Boulaye est tousiours diligent, Et de nous conseruer il n’est point negligent, Il sortit de Paris auecque des Caualiers, Trois cens ou enuiron, pour chercher des Guerriers. Il ne fut pas long temps à battre la campagne, Que neuf cens bien montez sur cheuaux de Bretagne, Se vindrent joindre à luy desirant de vanger Le tort que la France souffre d’vn estranger ; Espousant l’interest de la cause commune, Ils braueront la mort, ainsi que la fortune Desia nous apprenons qu’ils ont vn grand Conuoy A Estampes fourny ; comme le monde croy, De bleds, farines, vins, de bœufs, moutons, & porcs, Et de tout ce qui est necessaire à nos corps : C’est pourquoy nous deuons prier Dieu de bon cœur, Que sur nos ennemis il soit tousiours vainqueur.
Cependant nos Bourgeois ne font pas bonne mine ; On craint fort de gouster l’effet d’vne famine, Le Pauure à bien du mal à rencontrer du pain, Car vn demy quartron vaut bien plus d’vn douzain : On prie Dieu pour la Paix, tant les ieunes que les vieux : Mais dequoy sert cela ; puis que des factieux Trahisse le party qu’ils deuroient soustenir ? Enfin on ne sçait plus que faire ; ny deuenir.
Mais laissons ce discours suiuons nostre Iournal, Et voyons comme font les gens du Cardinal, Dedans la Normandie ; & si de Longueuille, Du Comte de Harcourt rend la force invtille. Il a abandonné Atgentan, Alençon En s’y voyant figé tout ainsi qu’on glaçon, Et son Baron de Mare, & sa Caualerie Y a lasché le pied auec l’Infanterie, Qu’il y auoit leué pour ce seul Souuerain Des Partysans maudits qu’on nomme Mazarin. Mais Monsieur de Chamboy tout remply de Prudence, Luy fit bien-tost changer sa superbe arrogance. Il s’approcha du Chesne, ayant tant seulement Trente Maistres choisis d’vn fort bon Regiment, Tous gens bien resolus de tenter l’aduenture, Afin de s’acquerir vne gloire future. Il rencontre vn Sergent qui gardoit ce Chasteau, Et sur le Pont-leuis luy oste son chappeau, Il dit qu’il est des siens ; & que voicy l’armée Qui prend marche apres luy. Lors la porte fermé Fut ouuerte aussi-tost ; il entre gayement Auec ses compagnons ; & fort habilement, Se saisit de la Salle où banquetoient les drosles Qui n’auoient pas songé à bien joüer leurs rosles. Il les fit prisonniers, & prit de leur butin Soixante beaux cheuaux ne pouuant ce destin Esuiter ; à cause, qu’vn tel personnage Auoit affaire d’eux pour porter son bagage ; Voilà comme l’on prit du Chesne le Chasteau, Sans y auoir donné qu’vn seul coup de chappeau ;
Il nous faut voir encore le dessein valeureux, Du Comte de Harcourt qui pense assieger Dreux ; Pour ce faire il auoit receu neuf compagnies Des Gardes, qui estoient lestes & bien garnies, Outre plus, il auoit ce fameux Regiment De Bourgongne qui sçait s’acquitter dignement De sa charge ; & aussi vn peu d’artillerie, A celle fin de mieux former la pillerie. Ce Prince aduetty de ces preparatifs, Fist sortir de Roüen, sans sçauoir les motifs De son soudain despart ; car de l’Infanterie Cinq mil hommes auoit. Pour de Caualerie Trois mille seulement : faisant courir le bruict, Que c’est Pont eau-de-mer qui tout seul luy nuyt : Qu’il le va assieger, & l’emporter de force. Cecy donna au Comte vne rude détorce ; Mesme fit embarquer promptement son Canon Sur la Seine, voulant combattre, tout de bon, Le Comte de Harcourt, auec ses compagnies, Et luy monstrer comment les armes il manies. Le sieur sainct Valery receut commandement Du Duc de Longue-ville, pour faire le logement De six-vingts bons cheuaux prés de Mont-fort sur Rille, Qui est vn moyen poste, & bien petite Ville. Pour augmenter du Comte le soubçon qu’il auoit Du Siege que ce Duc en vain se proposoit. Il s’aduança & fit desloger son armée, Afin de conseruer sa bonne renommée ;
Voicy d’autre renfort qui vient sans y songer, La Trimoüille veut nos iours desormais prolonger ; Il a leué des gens pour soustenir la guerre, Et pour vanger le tort que l’on fait à la terre ; Qui seule est le Piuot du trosne de nos Rois, Et dont les Habitans sçauent obseruer les Loix. Il vient nous secourir, que le grand Dieu l’ameine, En tres-bonne santé pour nous oster de peine.
L’on a basty vn Pont de Batteaux & de bois, Sur la Se ne, deuant le Port, dit, à l’Anglois : Si tost que l’ennemy sçeust sa construction Il assembla ses gens pour sa destruction ; Tout son dessein estoit de brusler, ou de rompre Ce nouueau bastiment, ou du moins de corrompre Ceux qui le conseruoient ; mais nos bons Generaux Les firent retirer pour espargner leurs peaux. Alors comme enragez d’auoir manqué leur prise, Et qu’on auoit rompu vne telle entreprise ; Ils pillerent, sans respect, les villages d’autour, Et puis en deslogerent dés la pointe du iour.
Et pour conclusion le bon-heur de la France Sembloit tost reuenir par cette Conferance, Qu’on tenoit à Ruël, tandis que dans Paris On tenoit sur les rangs, des Roys, les Fauorits. On disoit : Quoy ! faut-il endurer tant de mal, Pour vn cœur si sanguin qui n’est qu’vn animal ? Quoy ! serons nous tousiours traittez de cette sorte, De ce Fin estranger dont l’ame est des-ja morte ? Il veut faire sa Paix, au prix de nostre sang, Et sur nos Generaux auoir le premier rang ? Non, non, il ne faut point souhaitter cette Paix, Car si Mazarin vit nous ne l’aurons iamais.
Ce bruict dans le Palais causa vn grand murmure : Ie finis, cher Lecteur, car le temps trop me dure.
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Questier, Mathurin, dit Fort-Lys [1649], SVITTE DV IOVRNAL POETIQVE DE LA GVERRE PARISIENNE. Dedié aux Conseruateurs du Roy, des Loix, & de la Patrie. Par M. Q. dit FORT-LYS. NEVFIESME SEPMAINE. , françaisRéférence RIM : M0_1763. Cote locale : C_4_38_09.