Questier, Mathurin, dit Fort-Lys [1649], SVITTE DV IOVRNAL POETIQVE DE LA GVERRE PARISIENNE. Dedié aux Conseruateurs du Roy, des Loix, & de la Patrie. Par M. Q. dit FORT-LYS. DIXIESME SEPMAINE. , françaisRéférence RIM : M0_1763. Cote locale : C_4_38_10.
Section précédent(e)

SVITTE
DV
IOVRNAL
POETIQVE
DE LA GVERRE
PARISIENNE.

Dedié aux Conseruateurs du Roy, des Loix, & de la Patrie.

Par M. Q. dit FORT-LYS.

DIXIESME SEPMAINE.

 


ENDOSSONS le harnois, ne quittós point les armes
C’est maintenant qu’il faut se monstrer vrays
Gensd’armes ;
Celuy qui nous trahit ne doit rien esperer,
Que ce qui fait en bref vn fol desesperer ;
Il pretend de dompter la force d’vne Ville ;
Et ruïner, malin, vn milion de famille.
O ! Dieu, qui regis tout, empesche ses desseins ?
Et confonds ces fiers taons qui minent tes Esseins.

 

-- 2 --

 


Le Dimanche quatorze à neuf heures du matin,
I’auois quelques affaires en la ruë S. Martin ;
Et comme ie passois sur le pont Nostre Dame,
Vne tremeur saisit en vn moment mon ame ;
Car ie ne sçauois pas, au moins à cette fois,
Où sans ordre couroient nos fidels Bourgeois ;
Les armes sur le dos, ayans fort bonne mine,
Monstroient quelque façon d’vn esprit qui rumine.
Ie m’enquis sur le champ d’vn homme qui passoit,
Et qui fort lentement son chemin compassoit ;
D’où venoit que ces gens s’attrouppoient de la sorte.
Il me dit, mon amy ; C’est pour garder la porte
Du Palais, aussi tous les lieux d’allentour,
De peur qu’à nos Messieurs, on ioüe vn mauuais tour ;
Vendredy ils reuindrent de cette Conferance
Qui se tint à Ruël pour le repos de France ;
Helas ! ie ne sçay pas s’ils ont bien ou mal fait ;
Mais, l’on tient que le tout demeure imparfait ;
Et que nos Generaux n’ont deputé personne
Pour soustenir le droict que nature leur donne ;
Ils sont prests de partir pour se fait seulement ;
Et puis l’on craint encore quelque souleuement
Du Peuple, qui lassé ne demande qu’où est-ce,
Et qui sent maintenant le lieu où on le blesse.
Car vous sçauez fort bien qu’il y a des mutins,
Qui parmy tels tracas feroient de grands butins,
Combien en y a-il ? Gens de sac, & de corde,
Qui ne desireroient qu’vne telle discorde ?
Ie luy dis ; Il est vray. Ainsi ce bon Vieillard
Me laissa, pour aller pourmener autre part.

 

-- 3 --

 


De là, ie pris chemin pour venir au Palais,
Où ie vis des Carosses, des Cochers, des Laquais,
Si grande quantité, qu’il m’est presque impossible ;
De les nombrer icy. Ie fis bien mon possible,
D’apprendre quelque cas de nouueau & pourquoy
Ils estoient assemblez ; mais aussi-tost ie voy
Messieurs du Parlement sortir de l’assemblée,
Qui voyant dans la Cour l’assistance troublée ;
Promirent qu’ils mettroient fin à tous ses discords,
Auant qu’ils fut trois iours on verroient nos accords.

 

 


Cecy pacifia vn peu la populace,
Qui pourtant ne quitta entierement la place,
Ains redoubloient leurs cris, disant ; Mon Souuerain,
La Guerre il nous faut ; & non pas Mazarin,
Il est le seul sujet qui cause la souffrance
Des bons Parisiens : Qu’il sorte hors de France ?
Cependant nos Messieurs estoient bien estourdis,
Promettant derechef de n’estre engourdis,
Pour soulager le peuple & sauuer la Patrie
Qu’ils en viendroient à bout au peril de leur vie.

 

 


En ce iour il y eut vne cessation d’armes,
On laissa dans Paris entrer plusieurs Gens d’armes
Du contraire party, qui vindrent achepter
Des poudres, plomb, mesches ; leur laissant emporter
Toutes prouisions, & de guerre & de bouche,
Et mesme du tabac pour prendre à la touche.
Vn chacun murmuroit assez, voyant cela ;
Mais ils ne sçauoient pas que l’on monstroit par là,
Que Paris n’estoit pas affamé de la sorte,
Qu’on dit à sainct Germain & que l’on y rapporte

-- 4 --


Enfin l’on peust cognoistre par-là euidemment
Combien nos Senateurs nous meine prudemment.

 

 


Ie ne puis pas laisser les faits de la Boulaye,
Ce vaillant Capitaine. Pour saint Germain en Laye
On leuoit dans le Mans quantité de Soldats,
Pour nous venir liurer de furieux combats :
Il sçeut si dextrement ce dessein dissiper,
Que Lauardin n’osa de ristn s’esmanciper
Pour le contrecarrer ; Cognoissant le courage
De ce Marquis, prudent, vigilant & tres-sage.
Il fit tant par ses soins que volontairement
Le Mayne, pour Paris se voüe entierement,
Protestant d’espouser en tout ces interests ;
Et que pour son seruice elle à des gens tous prests,
Ainsi ce fils de Mars, quitta cette Prouince,
Pour s’esgayer dans vne qui est beaucoup plus mince.

 

 


Puis Monsieur de Sainctot, apporte vn sauf conduit
Pour tous les Deputez, les meine & les conduit
Derechef à Ruël, afin de bien parfaire,
Pour tous nos Generaux cette importante affaire.
Et sur l’apresdinée, ils sortent de Paris,
Suiuis de nos Bourgeois remplis de ioyeux cris,
Messeigneurs, disoient-ils, deffendez l’on vous prie
Le droict du Roy, des Loys, & de nostre Patrie :
Faites que l’on soulage le peuple de son faix
En vn mot, Messeigneurs, apportez nous la Paix ?

 

 


Si tost on recogneut que des particuliers
Du contraire party. Soldats, Officiers,
Et autres qui entroient libre en cette Ville,
Pour emporter le plomb qui nous est tres-vtille,

-- 5 --


La poudre, plomb ; ainsi que i’ay ja dit,
Sans en estre empeschez, & sans nul contredit.

 

 


Pour y remedier, on fit commandement
De ne laisser sortir aucun sans mandement
De nos Messieurs de Ville ; & que dessus la vie
De vendre des armures on eut aucune enuie,
A ceux que l’on voyoit qui n’estoient du party,
Et tout incontinent chacun fut aduerty
De se tenir tout prests, & que dessous les armes
On se tint pour dompter la fureur des allarmes.
Car nos Parisiens ne manquent de courage,
Chacun approprians vn arme à son vsage,
Ils sont faits à cela & ne voudroient quitter
Cét exercice fort, qu’on leur fait imiter.
Le Paince de Conty & tous nos Generaux
Se plaisent pour leur bien dans ces rudes trauaux :
Puis qu’ils vont visiter fort souuent nostre armée,
A Vitry, où elle est entierement formée ;
Et le Duc de Boüillon ne manque point de cœur,
Quittant sa maladie esperant que vainqueur
De son fier ennemy, il reuiendra en joye ;
Dedans nostre Paris auec toute sa proye ;
Monsieur le Mareschal de la Mothe Houdancourt
Releue de Beaufort, pour le faire plus court,
Faisant entretenir si bien la dissipline,
Qu’à son occasion les Soldats il anime ;
Et bref tous nos desseins sont si bien compassez,
Que nous ferons dans peu beaucoup de trespassez.

 

 


Dedans le Long-boyau on fit vne reueuë,
Qui ne peut estre escrite que de ceux qui l’ont vcuë.

-- 6 --


Fut le Duc de Boüillon qui montra son sçauoir,
Faisant tenir nos gens chacun en son deuoir ;
Qui manioient les armes d’vne façon naïfue ;
Et qui auoient formé leurs forts de Ville-Iuifue ;
Le Prince de Conty y prist contentement
D’Elbeuf, & de Beaufort, & la Mothe mesmement :
Iamais on à rien veu qui fut si agreable,
Chacun en cét endroit se monstroit admirable,
Et mesme nos Bourgeois n’espargnoient leurs soüillers,
Pour courir desireux voir ses frais Caualiers,
Dont les cheuaux fougeux bondissoient sur la terre,
Tesmoignant qu’ils n’aymoient que d’aller à la guerre.
Nous ne craignons plus rien, tout le monde est pour nous,
Bordeaux est nostre amy ; Hé ! bien que direz-vous,
Messieurs nos ennemis ? Sus, ployez la toillette,
Vostre force, pour nous n’est que par trop foiblette,
Vos desseins ne sont pas maintenant de saison ;
Nous auons, graces à Dieu, des viures à foison,
Il vous faut desormais abandonner ces lieux,
Qui ne peuuent souffrir vos cœurs malicieux ;
N’esperez plus iamais de reuenir en France,
Si ce n’est pour sentir tout autant de souffrance,
Que vos barbares mains, nous en ont fait sentir
En vous laissant de ce vn dur repentir.

 

 


Il me faut maintenant raconter vne Histoire
Qui merite assez qu’on en face memoire ;
C’est d’vne ieune fille du Bourg de Charenton,
Où bien des enuirons qui tua, ce dit-on,
Quatre gros Polonnois lesquels auoient enuie
De rauir son honneur & luy oster la vie.

-- 7 --


Elle leur dit, Messieurs, i’ay quelque peu d’argent,
Ne m’endommagez pas, ie vous en faits present,
Conseruez ie vous prie la fleur de mon âge ?
C’est ainsi que parloit cette fille bien sage ;
Mais ces rudes pendarts la prinrent par le corps,
Ainsi qu’est pris vn homme de Sergens & recors,
Ils la meine au logis d’vn rustique champestre,
Croyant qu’en ce lieu-là ils ioüyroient (sans estre
Recogneus de mortel) de la fille d’honneur ;
Mais ils ne cognoissoient ce qu’elle auoit au cœur.
En voicy vn qui vient l’aborder, & la porte
Dessus vne couchette. Alors elle se transporte,
Se iette dessus luy, saisit son coutelas,
Et l’en frappant au ventre, voylà mon vilain bas.
Les trois autres soudain mirent la main à la serpe :
Et à cette Amazonne presente vne escharpe,
La priant de quitter son courroux dangereux,
Qui luy pourra causer des regrets douloureux ;
La fille n’en veut point ; & frappant de main morte,
D’vn coup cét importun par terre elle porte ;
Les deux autres voyant vn si triste accident,
Se iettent à corps perdu sur ce sexe prudent.
Elle se deffait d’eux & passe son espée
Au trauers de leurs corps iusques à la poignée.
Les voylà donc tuez & par terre gisant
A la veuë d’vn chacun qui par-là vont passant.
Elle prit leur cheuaux & tout leur equipage,
Afin de leur monstrer que vaut le pucelage
D’vne fille d’honneur. Mais c’est trop m’arrester,
De reprendre mon stile il me faut apprester ;

 

-- 8 --

 


Le Prince de Conty & tous nos Generaux
Vindrent au Parlement, pour finir nos trauaux,
Declarer qu’ils n’auoient en toute pureté,
Chargez leurs Deputez que pour leur seureté,
Que le seul Mazarin auoit causé ce mal,
Et que tandis qu’en France seroit ce Cardinal.
Ils ne pouuoient ioüyr d’aucune esperance
De viure en bon accord, ny en toute asseurance ;
Que si tost qu’il seroit du Ministere exclus,
Ils promettoient au Roy de ne faire refus,
De quitter aussi-tost leurs propres interests ;
Et que de s’accorder ils estoient desia prests
Qu’ils estoient bien vnis auec le Parlement
Et qu’ils ne feroient rien sans son consentement.
Le Greffe fut chargé d’vne si saincte enuie,
Et cette volonté entierement suiuie.
On enuoya au Roy ce complot genereux,
Dont l’on peut prejuger que nous seront heureux,
Si vne bonne Paix r’accommode nos Princes,
On ne verra que jeux par toutes les Prouinces.
On benira, sans fin, l’Autheur de ce bien-faict,
De nous auoir rendu vn Regne si parfaict.
Enfin l’on le tiendra, en ce lieu, pour vn Ange,
Et vn chacun de luy, dira quelque loüange.

 

 


En entendant la suitte, ie finis en ce lieu,
Attends-moy, cher Lecteur, ie reuiens, sans adieu.

 

A PARIS,
Chez la veufue d’ANTHOINE COVLON, ruë d’Escosse,
aux trois Cramailleres.
1649.

Section précédent(e)


Questier, Mathurin, dit Fort-Lys [1649], SVITTE DV IOVRNAL POETIQVE DE LA GVERRE PARISIENNE. Dedié aux Conseruateurs du Roy, des Loix, & de la Patrie. Par M. Q. dit FORT-LYS. DIXIESME SEPMAINE. , françaisRéférence RIM : M0_1763. Cote locale : C_4_38_10.