Pontac,? de [signé] [1650], LETTRE DE MESSIEVRS DV PARLEMENT DE BOVRDEAVX, presentée le Samedy 6. Aoust 1650. A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS; Par Messieurs les Deputez dudit Parlement de Bourdeaux: Sur le sujet de la continuation des violences du sieur Duc d’Espernon, protegé par Monsieur le Cardinal Mazarin. , françaisRéférence RIM : M0_1965. Cote locale : D_1_21.
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LETTRE
DE
MESSIEVRS DV
PARLEMENT DE
BOVRDEAVX,
presentée le Samedy 6. Aoust 1650.

A MESSIEVRS
DV PARLEMENT
DE PARIS ;

Par Messieurs les Deputez dudit Parlement de
Bourdeaux : Sur le sujet de la continuation
des violences du sieur Duc d’Espernon, protegé
par Monsieur le Cardinal Mazarin.

MESSIEVRS,

Novs auons apris auec beaucoup
de satisfaction & de recognoissance que

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vous auez donné Audience fauorable au sieur de
Voysin, Conseiller en ce Parlement, que nous
vous auions enuoyé, pour vous faire vn recit veritable
des violences que le Duc d’Espernon continuoit
dans cette Prouince depuis deux ans, lesquelles
ont eu sans doute vn mesme principe,
mais vne bien plus longue durée, que celles dont
on auoit commencé en l’an 1647. d’affliger vostre
Compagnie & la ville de Paris (qui est la capitale
du Royaume, & le sejour des Rois ;) & ce n’a pas
esté sans vne particuliere conduite du Ciel que la
relation en a esté faite en la presence de Monsieur
le Duc d’Orleans, qui auoit eu cette bonté de se
rendre garand de la paix, laquelle il semble que
celuy qui a pris les interests du Duc d’Espernon,
n’a permis qu’elle nous fust accordée, que pour
la laisser violer en mesme temps, & de donner la
liberté & les forces à nostre ennemy d’encherir
sur nos premieres injures ; Le sieur de Voysin nous
a escrit, qu’en cette occurrence son Altesse Royale
auoit témoigné beaucoup de resolution à la maintenir,
& qu’il trouuoit bon que le Registre fust
chargé que le Duc d’Espernon auoit esté rappelé
de la Prouince il y auoit desja longtemps par les
ordres exprés du Roy ; Toutefois apres des parolles
si expresses, & des assurances de cét ordre donné
(de la verité du quel il n’est pas permis de douter)

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le Duc d’Espernon estoit encores dans la
Prouince, (d’où il est parti depuis six jours) laquelle
il deuoroit à parcelles, & à diuerses reprises,
desolant les villes & les contrées l’vne apres
l’autre par des garnisons, & ruinant le commerce
de la Garonne, de laquelle il ouuroit & fermoit
les passages des viures, suiuant ce que son auarice
le jugeoit necessaire, empeschant le passage des
Batteaux, où leuant des contributions si excessiues,
qui ont ruiné les Marchands, les laissant venir
à vuide, apres les auoir fait voler, il se joüoit
de la liberté du Commerce, & de l’assurance que
son Altesse Royale vous auoit donnée, & qui se
trouue engagée dans nostre protection par la religion
de sa parole, & sur les interests des peuples
& des Prouinces, qui sont l’heritage de la Maison
Royale : A present qu’il est parti de la Prouince il
laissé vn digne successeur de sa vangeance, qui
est le Cheualier de la Valete, qui suit les traces de
sa cruauté, qui acheue ce que le temps ne luy a
pas pû permettre de destruire, qui recommence
vne nouuelle persecution sur des vieilles ruines,
adjoustant à la haine de son frere, celle qu’il a conceuë
contre nous, en nous faisant du mal ; en sorte
que nous n’auons pas senti de relasche en nos
maux, puis qu’on n’a changé que les instrumens
de nos miseres, & que c’est toûjours vn mesme

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fleau qui nous persecute, & vne mesme race :
Nous sommes aussi obligez de vous representer
que le sieur Mareschal de la Meilleraye s’est posté
depuis deux mois auec des forces considerables
sur la riuiere de Dordogne, qui est l’autre mammelle
d’où Bourdeaux tire sa subsistance, sur laquelle
il a fait vn pont de Batteaux pour se faire vn
passage facile, & vne marche libre vers cette Ville,
de laquelle il ruine les aduenuës, loge par tout
dans les maisons des Conseillers de cette Compagnie,
contre les priuileges qui nous sont accordez
par les Ordonnances, & fait contribuer à force
d’armes tout le païs circonuoisin, qui gemit
sous cette nouuelle persecution, & sent vn autre
ennemy, qui n’a rien de different au premier que
le nom & les trouppes, qui sont plus affamées &
plus fraisches : A present nous sommes aduertis
que leurs Majestez s’approchent de cette ville, ce
qui nous oblige à croire, que la deputation & les
remonstrances que vous nous auez fait la faueur
d’ordonner leur estre faites à nostre sujet, n’auront
pas vn effect si soudain que l’estat de cette
Prouince le desire ; Et ce qui nous estonne dauãtage,
c’est que les Lettres du Roy portent, que sa
Majesté vient principalement pour dissiper les
factions qui se forment dans cette ville, auec les
ennemis de l’Estat ; à quoy nous apporterions vne

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telle resistance pour le seruice de sa Majesté, &
pour l’honneur de cette Compagnie, qui s’est
toûjours maintenuë dans vne inuiolable fidelité
qu’elles seroient bien tost dissipées, ou nous
demeurerions enseuelis dans les efforts d’vne
genereuse deffence ; Mais en effect il est constant,
& le Duc d’Espernon, (qui s’est tenu à la
suite de la Cour depuis quelques jours) se flatte
que si le Roy vient dans cette Prouince suiuy
du Cardinal Mazarin, que l’authorité & la protection
de ce premier Ministre le restablira
dans son Gouuernement, & assurera sa vangeance :
que c’est en sa faueur qu’on a abandonné
la Flandre, & les frontieres de Picardie,
ausquelles vostre salut est attaché, & qu’il semble
que pour nous destruire on vous expose ;
On nous menace encores que c’est dans cette
Ville & dans nos Temples prophanez par les
mains & par les ordres du mesme Duc d’Espernon ;
que nous serons tenus d’assister à la celebration
des Nopces du Conte de Candale son
fils, auec vne des Niepces dudit sieur Cardinal
Mazarin ; qu’on prepare desja le tombeau
à la liberté de cette Prouince & de cette
Ville qui est vne des plus importantes de ce
Royaume, en presence du Roy qu’on veut
rendre spectateur de la ruine de son peuple

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contre ses intentions, & qu’on doit violer le
droit d’hospitalité, & le respect deu au sang
Royal que cette ville a reçeu en son sein, en la
personne de Monsieur le Duc d’Enguien, &
de Madame sa Mere, bien que nous n’ayons
jamais eu dessein que de conseruer des personnes
si cheres à l’Estat sous la sauue-garde du
Roy, qui ne sçauroit estre employée à vn vsage
plus legitime ; Apres le recit de toutes lesquelles
choses nous ne sçaurions vous dissimuler
que les soubçons, causés par tant d’appareils,
qui tendent à nostre ruine, sont si auant imprimez
dans l’esprit des peuples, que visiblement
tout est perilleux dans les extrémités
ou la Prouince se va reduire, par l’approche
du Cardinal Mazarin, qui est desja dans ce ressort,
& qui a toûjours esté le protecteur de celuy
qui nous persecute ; à quoy elle se portera
plus volontiers, quand elle apprendra que de
tant de Princes & de Ministres destinés pour la
conduitte de l’Estat, il ne reste que luy seul
prés de la personne de leurs Majestés, & dans
vn voyage de telle consequence ou on delibere
par aduance la destruction de cette Prouince
& de cette Ville, dans la quelle toutes celles du
Royaume & tous les Parlemens se trouuent
si interessés qu’il est digne de vostre zelle (qui

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arresta le cours des premieres entreprises qui se
firent contre le seruice du Roy & le bien public,
& procura cette Declaration de l’an 1648.
qui doit estre le remede des miseres de la France)
d’haster les effets de l’entremise qu’il vous
à pleu nous accorder, & d’y adjouter tout ce
que vous trouuerés à propos pour destourner
cét orage que vous ne sçauriés faire assés tost,
dans vne occasion plus pressante, puis qu’il s’agit
du salut de l’Estat, & particulierement de
celuy-là de

 

MESSIEVRS,

Vos bien humbles & bons freres. Les
Gens tenans la Cour de Parlement de
Bourdeaux, signé, DEPONTAC.

Escrite à Bourdeaux en Parlement les
Chambres assemblées le 1. Aoust 1650.

Chez Guillaume Sassier, Imprimeur & Libraire
ordinaire du Roy, rüe des Cordiers, proche
la Sorbonne, aux deux Tourterelles.

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Pontac,? de [signé] [1650], LETTRE DE MESSIEVRS DV PARLEMENT DE BOVRDEAVX, presentée le Samedy 6. Aoust 1650. A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS; Par Messieurs les Deputez dudit Parlement de Bourdeaux: Sur le sujet de la continuation des violences du sieur Duc d’Espernon, protegé par Monsieur le Cardinal Mazarin. , françaisRéférence RIM : M0_1965. Cote locale : D_1_21.