Perpignan,? (sieur) [1652], LE GENEREVX CONSEIL DONNÉ AVX BONS FRANCOIS, AVEC L’OCCASION QVI SE PRESENTE pour l’extirpation du Mazarinisme. PAR LE SIEVR PERPIGNAN. , français, latinRéférence RIM : M0_1481. Cote locale : B_12_18.
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LE GENEREVX
CONSEIL DONNÉ
AVX BONS FRANCOIS, AVEC
L’OCCASION QVI SE PRESENTE
pour l’extirpation du Mazarinisme.

PAR LE SIEVR PERPIGNAN.

Pour PIERRE BAZAVOINE, ruë Mont-martre,
à l’Image Nostre Dame.

M. DC. LII.

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LE
GENEREVX CONSEIL
DONNÉ AVX BONS FRANCOIS,
AVEC L’OCCASION QVI SE PRÉSENTE
pour l’extirpation du Mazarinisme.

IL est difficile, Messieurs, à ceux que la generosité
mestrise, d’endurer que l’innocence soit long temps
le jouët & la risée de l’injustice & de l’oppression de
tout vn Peuple, qui semble ne pas mettre bcaucoup de
peine de déposseder la tyrannie, de cét Empire absolu qu’il
a mal-heureusement laissé vsurper sur luy mesme : & qui
le tourmente au delà qu’il se l’imagine. C’est à vous, que
ce discours s’adresse, genereux François ; Car ie veux dire
que c’est assés croupir dans ce mal, & qu’il ne tient qu’à
vous de vous en retirer. Il faut rompre & casser ce voile
qui s’obstine à demeurer deuant vos yeux, alleché par le
peu de resistance que vous luy faites, penser qui vous
auez coustume d’estre, & quels vous estes à present ;
A la verité vous treuuerés que vous dégenerés beaucoup
de la vertu de vos Ancestres dont ils pensent vous auoir
fait heritiers aussi bien que du nom de Gaulois : qui vaut
autant comme la terreur de tous les Peuples & nations de
la terre. He ! quoi, Messieurs, que feriez vous ? si cette Superbe
vous florissoit encor, & qu’il vous fut necessaire de
combatre, non pas contre des hommes ; mais contre vous

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autant de Lions furieux & rugissants qui en sortoient
comme de leurs Cauerne, pour en deffendre l’entrée à
ceux qui auroient eu assez de temerité pour se presenter :
l’Histoire ne nous aprend elle pas qu’ils ont souuent esté
battus & contraint de s’ensuir par la valleur de vos peres.
Non, non, braues François, sur qui toutes les Nations
ont de coustume de jetter les yeux comme sur ceux dont
ils ont à imiter la vertu. Ie sçay que vous ne cedes en rien
a vos Ayeuls ; mais il ne faut pas que soubs pretexte de ne
point trouuer de resistance enuers les Estrangers, pour
estre trop foibles en comparaison de vous, vous portiés
la guerre à vos confreres ; comme seulement capables
de donner exercice à vostre valeur & à vostre courage : &
ainsi vous, vous destruisés les vns les autres. Viués en paix
& par vn cõmun accord emploiés vostre generosité ordinaire
au seruice de vostre grand Monarque ; En le retirant
des mains sacrileges d’vn infame Sicilien qui abuse de l’autorité
& de la bouté de sa Majesté, & fuye celui qui fait
ses efforts pour perdre le support de l’appuy de la Couronne
de France, & de la Maison Royale ; & qui a tasché
d’abbatre la principale Colomne de laquelle le bastiment
de cette grande Monarchie est soustenu, pour
plus facilement acheuer de l’enseuelir dans de perpetuelles
ruines : C’est de ce grand Prince de Condé, nostre
Hercule François, dont ie pretend parler par cette forte
Colomne qui n’a pû estre esbranlé par les secousses de
ce mauuais Ministre, & qui est à l’espreuue des attaques
de cét ennemi commun de l’Estat ; Car en fin Messieurs
ie recognois d’où le mal prouient, & si vous me permetté
de le dire, ie vous diray ingenuement, que vous attendés
les vns les autres l’extirpation de Mazarin, & cependant
i’oserya dire, que vous joüés à l’estonné : Comme si
vous receuiés quelque contentement de voir vos biens &
vos familles exposés à la fureur de cette peste d’Estat. A
quoy sert ce retardement faict qu’vn Peuple qui a esté de

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tout temps estimé tres-zelé pour son Roy, vint maintenant
depoüillé de ce riche tresor qu’il a plus cher mille
fois que sa propre vie : que n’employés vous quelque chose
de vostre valeur, pour recouurer ce qu’il y-a si long-temps
temps que vous aués perdu, & pour punir le volleur qui
vous en priue, qu’auez vous à craindre de marcher soubs
les Auspices de vos Princes, mesmes qui ont assez de
bonté pour hazarder leur propre vie & leurs biens pour
vostre conseruation. Faut-il que au lieu que Rome Capitale
de tout l’Empire Romain estoit la demeure des vrays
defenseurs d’iceluy : Paris, Capitale de toute la France,
soit le receptacle des plus lasches du Royaume. Pensez
vous que pour auoir vn inuincible Prince de Condé vous
soyez à couuert de toute sorte d’attaques : pensez vous
que quoy que par vn excez de generosité qui le rendra
à jamais recommandable, il desire sacrifier sa vie à vostre
falut & à vostre interest, vous soyez exemps des surprises
de vos ennemis ? Auez vous autre-fois entendu dire que
aucun Capitaine quelque experimenté qu’il soit puisse
estre inuincible n’ayant personne à qui il puisse commander :
Non certes il n’eust jamais esté possible à Pelopidas
de rachepter la liberté que Thebes sa patrie auoit perdu
si il n’eust esté bien secondé des plus courageux de ses
concitoyens : Pourquoy donc maintenant semblez vous
douter & faire difficulté de suiure celui que vous sçauez
estre vn second Mars, & qui se fait fort de vous deliurer
d’vne fascheuse tyrannie, au cas que vous vouliez le suiure,
& vous presenter à vn combat que vos ennemis n’auroient
par l’asseurance d’attendre ? Qui empesche que
vous ne vous mettiez en campagne & alliez au deuant
de vostre ennemi ? si ce n’est que vous ayez à me dire que
Paris, le Magazin de vos forces, estoit aussi celuy de Mazarin,
& que cette grande ville est remplie des sectateurs
de ce mauuais Maistre. Non, non, le nombre n’est point
si grand que l’on n’en puisse tirer raison en y faisant entrer

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la violence & la force si il en est de besoing ; vous n’en
serez point coupables, leur aueuglement est volontaire,
& qui plus est, ils s’y plaisent, qu’ils en accusent donc
leur propre mal-heur & leur infortune. Croyés-moy vous
estes obligés à toutes ces choses comme bons François.
Ne sçauez-vous pas qu’vn Consul Romain, appelle Brutus,
pour estre trop attaché à l’interest & aux Loix de sa Patrie a
bien eu assez de cœur à faire mourir ses propres enfans
quoy qu’il luy fust permis de les sauuer à la priere mesmes
du Peuple Romain, seulement pour auoir conjuré
de receuoir dedans Rome le Roy Tarquin qui en auoit
esté auparauant chassé ? Que ne deuez-vous donc point
faire aux ministres de ce Monstre, qui par son moyen
ont assouui leur damnable conuoitise aux despens d’vne
infinité de peuple ruiné, qui ne cesse de crier vengeance ?
Prenez donc les armes, Genereux François, & contribuez
tout vostre pouuoir à la perte des Mazarins si ils
s’obstinent dauantage à demeurer dans leur erreur & aveuglement :
Faites leur reconnoistre cette verité à leur
despens, qui dit, Sequitur vltor à tergo Deus. En vn mot,
Messieurs, esteignez ce feu & cet embrasement qui va
consumant toute la France ; & qui enveloppe les innocens
auec les coulpables : Car vous diriez que ce grand
Royaume est le Theatre où se representent les plus funestes
& les plus sanglantes tragedies qui ayent esté jamais
veuës. En fin, Messieurs, opposez-vous de bonne heure
à ces desordres & à ces guerres ciuiles naissantes, de
peur que le retardement n’empesche tout le remede que
l’on y pourroit maintenant apporter. Vous ne devez vous
estonner dans cet advis que je vous donne des ressentimens
que ie fais paroistre ; la cause de mes plaintes est
si juste que ie n’ay pû dauantage luy faire violance ne refuser
à la verité le tesmoignage qu’elle exige de ma bouche.
Ie croy que personne ne blasmera mon dessein, qui
n’est autre que de vous exciter à suiure vos Princes, qui

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s’offrent d’aller à vostre teste combatre vostre ennemy :
& vous conjure par mesme moyen de receuoir les ordres
que la Noblesse Françoise vous prescrira, dont la valleur
fait voller la reputation jusques au Ciel, & retentir
le nom des Bourbons sur la terre, le sang desquels souuent
espandu pour la protection de nos Autels, pour la
deffence de nos Roys, & pour la conseruation de leur patrie,
a toujours serui de fondement à leur Gloire, & d’argument
à vn chacun à loüer leurs merites, & admirer
leur courage. Preparés-vous à vne si juste Guerre qui sera
bien tost terminée par la coüardise de vos ennemis, qui
ont desia neantmoins pris les Armes contre vous, & dont
l’insolence va si loing que mesme ils se proposent de nous
traitter en Esclaues. C’est maintenant, Peuple François,
qu’il faut rembarrer la temerité de ces audacieux, & tenter
toute sorte de moyens pour deliurer vostre Roy de la captiuité
Mazarine : si ce n’est que vous vouliez maintenant
renoncer à la liberté, & marcher soubs les Enseignes & les
Estendars de la seruitude : Mais j’ay tort de me défier de
vostre generosité. Ie vois bien que vostre amour à l’endroit
de vostre Roy est extreme ; Amour qui paroist en vostre affliction,
& qui d’vne iuste furie vous anime si fort contre ce
trompeur. Que si le Peuple Romain, a la veuë de la robe
sanglante de Cœsar couroit le fer & le feu en la main aux
maisons des assassins, vostre Peuple (O grand Monarque)
à la veuë de cette noire trahison Mazarine veut estre l’executeur
des Arrests de vostre Parlement pour prendre punition
de cét infame, dont les enchantemens ont fait le bandeau
des yeux de vostre justice. L’heure est venüe, Peuple
genereux, à laquelle ie vous donne advis de mettre peine
à retirer cette Royauté de son syncope, & la viuisier par
la reception de vostre Roy, dont je sçay assez combien
vous regrettez l’absence ; Mais en vain si vous n’avez deuant
les yeux ce dire notable de l’Orateur Ciceron, & dire
auec luy, Aliæ Nationes seruitutem pati possunt, Franco-Gallorum
propria est libertas.

 

FIN.

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