P. M. L. D. R. [signé] [1651], L’EXACTE RECHERCHE DES DESORDRES que la mauuaise Conduite de Monsieur le Prince a causé dans l’Estat, depuis sa Liberté jusques à sa Retraitte. ET NOTAMMENT TOVS LES maux que son Voyage de Bordeaux, & son Armement nous font dé-ja souffrir; Et ceux qu’il nous fera encores éprouuer, s’il tient la mesme Conduite. , français, latinRéférence RIM : M0_1313. Cote locale : B_10_6.
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L’EXACTE RECHERCHE DES
desordres que la mauuaise Conduitte de Monsieur
le Prince à causé dans l’Estat, depuis sa
Liberté jusques à sa Retraitte ;

Et nottamment tous les maux que son Voyage de Bordeaux,
& son Armement nous font des-ja souffrir,
& ceux qu’il nous fera encores éprouuer, s’il tient
la mesme Conduitte.

L’on a tousiours connu tant d’esclat dans la
verité des choses, qu’elle n’a jamais souffert
que le desguisement ou la fauceté luy ayent, par
des suppositions contraires à la certitude de son
essence, si peu desrobé cette belle qualité, que
bien-tost apres elle n’ait fait paroistre les brillants
de sa clarté auec tant de splendeur, que toutes les
conspirations qu’on a peu former pour la destruire
luy ont esté tousiours plus aduantageuses, que
si l’on n’auoit rien entrepris sur son pouuoir ; Elle
se rit de ses ennemis, & n’a accoustumé de renuerser
les efforts de ses aduersaires, qu’en leur
donnant seulement le temps de reconnoistre que
c’est en vain que l’on tasche de luy vouloir vsurper
ce qu’elle a d’inseparable d’auec soy mesme ;

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De maniere que si le mensonge a quelquesfois
par ses artifices ordinaires osé attenter sur cette
lumiere qu’elle nous donne dans la connoissance
de toutes choses, il n’a peu s’en conseruer le dessus
que pour si peu de temps, que ç’a tousiours
esté à sa propre confusion : En estant d’elle comme
du Soleil, qui se trouuant en plain midy couuert
de quelque nuage grossier & espais, dissipe si
bien par l’ardeur de ses rayons l’opposition qu’il
fait à son esclat ordinaire, que venant par la fraction
de ce voile noir à nous redonner tout à coup
sa premiere clarté, il nous paroist beaucoup plus
beau qu’il ne l’estoit auparauant, & fait renaistre
ce nous semble, vn nouueau jour, dans le iour
mesme.

 

Les calomniateur sont tousiours eu assez d’inuention
pour faire passer quelque temps les plus
heroïques vertus pour des crimes enormes toutes
les fois que leur medisance l’a entrepris auec attachement,
mais les siecles passez n’ont pas encores
veu qu’ils ayent eu assez d’artifice pour tenir
eternellement les esprits dans cette erreur,
quoy qu’on ait peu dans les commencemens adjouster
quelque creance à leurs impostures, déguisées
auec toute sorte d’aparance, si bien que la
verité des choses n’a iamais esté cachée auec tant
de precaution & de soin, qu’elle ne se soit enfin
ouuertement manifestée à nos yeux ; la patience,

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& la longueur du temps rend les hommes sçauans ;
l’ignorance mesme quelque inueterée
qu’elle soit, à force d’attendre l’euenement des
choses, peut dessiller ses yeux sur toutes sortes de
sujets ; Elle peut penetrer presque iusques dans les
plus secrettes pensées des hommes, si elle se donne
le loisir d’en obseruer exactement les deportements,
& il n’y a point de mystere de Cour si caché,
qu’elle n’en puisse connoistre la cause & l’effect,
quand l’impatience ne l’empesche point
d’en considerer attentiuement toutes les circonstances.

 

Les plus estourdis ont creu d’abord que l’emprisonnement
de Messieurs les Princes auoit esté
entrepris auec toute sorte de raison, quoy que
neantmoins la connoissance que nous auions de
la malice de celuy qui en fut l’autheur, nous deust
faire juger qu’il estoit assez grossierement pretexté,
puisque tout le monde sçauoit qu’il n’estoit
pas assez hardy pour entreprendre vne chose
si perilleuse pour le salut de l’Estat, si sa propre
conseruation n’y eust esté interessée Mais pourtant
la suitte du temps a tellement manifesté leur
innocence, que toute la terre à reconnû cét attentat
faict à leurs personnes, estre si injuste & si malicieusement
concerté, qu’il a estre generalement
condamné de tout le monde ; & la honte qu’il
sembla d’abord jetter sur le visage de ces illustres

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Captifs, imprima sur leurs testes vn tel caractere
de gloire, que durant autant que le monde, toute
la posterité sçaura que l’Europe à retenti des cris,
& fait des feux de joye de la Iustice qu’elle a veu
rendre à leur innocence par leur eslargissement ;
& d’auoir veu toute la France en armes pour
rompre les chaisnes de celuy qui auoit si souuent
exposé sa vie pour deffendre la liberté des peuples,
contre les insultes des ennemis de l’Estat.

 

La derniere accusation qu’on a fait paroistre
auec tant d’aparat contre les bonnes intentions
de Monsieur le Prince, laissa le iour de sa publication
les esprits en suspens, de croire ou ne pas
croire tout ce qu’elle contenoit, & quoy que fort
mal inuentée elle nous fit neantmoins en quelque
façon plus pancher d’abord du costé du dessein
de l’Autheur, que de celuy de l’innocence de
Monsieur le Prince ; Mais pourtant douze ou
quinze iours nous ont si bien apris que ce n’estoit
qu’vne pure calomnie de l’ouurage des partisans
du Cardinal Mazarin, que tout le monde la considerée
du depuis comme vne conspiration de celuy
qu’ils auoient le plus en horreur.

La retraitte de Monsieur le Prince à Bordeaux
laisse encores beaucoup de personnes en doute, de
sçauoir au vray ce qu’il demande, tant ses ennemis
deguisent ses sentiments, dementant impunément
les protestations qu’il nous a faites de ne

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s’esloigner jamais du seruice du Roy, en demandant
le repos des peuples ; s’imaginans par ce
moyen faire passer pour vn zelle chimerique l’affection
que ce Prince dit auoir pour les peuples ;
par ce que leur perte y est effectiue, & sans resource,
s’ils n’en détournent le coup en nous faisant
conceuoir que ce n’est qu’vn pretexte ; Dans
cette irresolution où tout le monde se trouue sur
ce sujet, vn chacun se fait des motifs à sa mode,
sans attendre que Monsieur le Prince les ait declarez
luy mesme ; Dans cette conjoncture ses ennemis
se seruans adroittement de l’occasion, ont
tasché d’insinuër dans nos esprits, qu’il ne peut
auoir que de mauuais desseins pour l’Estat, puis
qu’il ne trauaille, disent-ils, que pour ses interests
particuliers. Mais s’il n’est pas faux que l’on
peut connoistre les veritez des choses par leurs
effets, il ne sera pas mal-aisé de faire voit, que ce
Conquerant ne peut reüssiir dans ses entreprises
sans que le public y trouue de grands aduantages,
voyant que nous ne pouuons esperer qu’vne tres-heureuse
fin d’vne retraitte qui a desia eu de si
bons commencements.

 

Les peuples ne peuuent condamner auec raison,
le procedé d’vne personne qui demeure ferme
& constante dans la resolution qu’il a faite
pour leur soulagement, notamment quand elle
mesnage si bien toutes ses actions, que si l’on les

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considere de la maniere qu’elles sont faites, elle
demeure tousiours dans les termes du respect &
de l’obeïssance qu’elle doit à son Souuerain, estant
aussi bien inesbranlable dans le seruice du
Monarque, qu’elle est inseparable de celuy de ses
sujets. Et l’on ne peut dire sans errer, qu’il est impossible
d’ambrasser le party des peuples sans desemparer
celuy du Roy, & sans esbranler son authorité
Souueraine ; Parce qu’il est ridicule de ne
pas croire que les interest de sa Majesté, sont
tellement attachez au soulagement de ses sujets,
que tout le bien qu’on leur procure, reuient à son
aduantage, puis qu’vne Monarchie tire toute sa
puissance, sa richesse & sa subsistance de la force,
du bien, & de l’appuy des peuples, ne pouuant
les destruire en quelque maniere, ny pour quelle
raison que ce soit, sans que l’Estat en reçoiue de
la diminution, leur perte faisant immediatement
celle du Monarque.

 

Cette raison est si constante, que l’experience
en ayant depuis quelques années, donne vne parfaite
connoissance à Monsieur le Prince, il a creu
ne pouuoir pas rendre de meilleurs seruices au
Roy, que par l’attachement qu’il a pris au soulagement
de ses sujets, & à l’expulsion de leur tyran
auec toute sa caballe. Dans ce genereux sentiment,
Il a tousiours depuis sa liberté protesté
tant de fidelité pour le repos des premiers, qu’il

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se trouue necesserement contraint de pousser à
bout les autres, & de ne point quitter les armes
qu’il n’ait donné la tranquillité aux peuples, &
la chasse au Mazarinisme.

 

Les Reflections faictes sur la conduite de Monsieur
le Prince, monstrent clairement qu’il a continué
dans cette resolution iusqu’à sa retraitte
auec tant de fermeté, que dans toutes sortes de
rencontres, où il s’est agy du soulagement des
peuples, Monsieur le Prince a tousiours persecuté
ceux qui s’y sont opposez, auec tant de vehemence,
que les Courtisans du Palais Royal ne le
blasment aujourd’huy que de poursuiure auec
trop de chaleur les creatures du Cardinal Mazarin,
qui sont les tyrans des peuples. Puis donc que
Monsieur le Prince n’obmet rien pout perdre ce
Ministre auec toute sa secte ; Puis que ce sont les
seuls qui entretiennent la continuation de nos
miseres ; puis qu’il est tres-certain que les creatures
du Cardinal trauaillent incessamment pour le
restablissement de leur Maistre, Puis qu’il est tres-constant
qu’il n’y a point d’artifice qu’ils ne mettent
en vsage pour perdre Monsieur le Prince, afin
de le faciliter ; Puis que tout le monde sçait que
dans ce retour, est absolument attachée la reuolte
generalle des peuples, & par consequent la perte
infaillible de l’Estat ; Et puis enfin qu’il n’y a personne
qui ne sçache que le Conseil du Roy, n’est

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composé que de personnes qui doiuent rapeller
ce mauuais Ministre, apres que par la perte de M.
le Prince, ils luy en aurõt franchy le chemin ; Pourquoy
n’aprouuera-t’on pas, que ce grand Heros
prenne les armes pour obuier à tant de maux ? Puis
que le seruice du Roy & la conseruation de la Couronne
le demandent auec tant de necessité, au
meintien de laquelle ce Prince se trouue si interessé
par sa naissance, & par ses inclinations ; Pourquoy
ne chassera-t il pas les restes de la tyrannie
estrangere, puis qu’ils entretiennent nos desordres ?
Pourquoy ne demandera-t’il pas vn Conseil
de personnes desinteressées & detaschées de
la fortune du Cardinal Mazarin, puis qu’il est si
necessaire pour nostre repos ? Et pourquoy n’affermira
t’il pas l’Estat par l’vnion des peuples,
que la seulle crainte du retour de ce Sicilien diuise,
puis que son deuoir luy oblige, & son sang
luy attache ?

 

Nous auons eu iusqu’à present vne parfaitte
cognoissance que ce sont les motifs qui ont contraint
Monsieur le Prince de se retiter en son Gouuernement.
Si apres des preuues si euidentes
nous voulons estre si estourdis de ne pas vouloir
cognoistre que c’est pour nous qu’il trauaille, &
qu’il n’a point d’autre sujet qui l’oblige de mettre
la main à l’espée que le desir d’en abattre nos ennemis
communs ; nous serons pour le moins contraints

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de l’avoüer par la publique declaration
qu’ils en font eux-mesmes, en se declarant ouuertement
contre luy ; n’ayant depuis sa Liberté reconnu
de plus mortels Ennemis que les Creatures
du Cardinal Mazarin, qui excitent continuellement
le Roy contre ce Prince ; qui expliquent à
sa Majesté toutes ses intentions à son desadvantage,
en luy persuadant qu’elles sont tres- pernicieuses
à l’Estat, parce qu’elles leurs sont prejudiciables,
qui sont ceux qui composent ce corps qui
donne le mouuement à tout le reste, comme les
seuls depositaires des volontez du Souuerain ; &
c’est en ce sens qu’ils reconnoissent que Monsieur
le Prince a de mauuais desseins pour l’Estat. Il
faut remarquer que les seuls partisans de ce Sicilien
tiennent de semblables discours au Roy,
qu’il n’y a qu’eux qui ayent la liberté d’aprocher
sa Majesté pour en auoir la liberté entiere ; que
les gens de bien, & les personnes que l’on a tousjours
cognuës attachées au soulagement des peuples,
& au veritable seruice du Roy, respondent
tous les iours de la sincerité des intentions de
Monsieur le Prince, & que pour cette raison on
les a bannis de la Cour, pour ny receuoir que ceux
qui voudront tremper leurs mains dans son sang,
afin que le Mazarinisme y puisse regner auec toute
sorte d’authorité ; Les factions duquel y sont
mieux receües que les bons conseils de S. A. R.

 

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Monsieur le Duc d’Orleans a donné de si
grandes preuues de son affection pour le Peuple,
& de sa fidelité pour le seruice du Roy, que toutes
ses actions sont à l’espreuue du mensonge &
de l imposture, puis qu’elles sont si nettes, & si
exemptes de toute sorte de soupçon ; que si la
calomnie osoit entreprendre contre leur sincerité,
elle n’auroit pas neaumoins l’advantage auec
tous ses artifices, de donner quelque creance du
contraire à la foy publique. Cependant les asseurances
que son Altesse Royale donne de la fidelité
de Monsieur le Prince, sont mesprisées à la
Cour, parce qu’elles ne sont pas conformes aux
volontez du Cardinal Mazarin, & l’on y suiura le
sentiment du dernier des hommes, pourueu qu’il
soit desavantageux à Monsieur le Prince.

Monsieur le Duc de Beaufort, qui s’est si bien
signa lé par son bras, & par l’effusion de son sang,
dans le seruice du Public, qui n’a jamais pû estre
corrompu ny par promesses, ny par Charges, ny
par richesses ; qui a toûjours deffie la Faction &
les Cabales, de pouuoir censurer la moindre de
ses actions, & qui s’est si bien acquis toute sorte
de creance dans le public, que personne ne peut
douter de la sincerité de ses paroles non plus que
de son zele pour le repos des Peuples, & de sa fidelité
pour le seruice du Roy : Neantmoins les
tesmoignages qu’il rend de la conduite de Monsieur

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le Prince, sont ce semble, moins estimez
que ceux que rendra du contraire, le moindre des
hommes.

 

Monsieur le Duc de Nemours, que les interests
particuliers n’ont jamais pû attacher à ceux
du Cardinal Mazarin, ny les attraits de tant de
promesses, qu’on luy a si souuent fait à la Cour,
détacher du bon sentimẽt qu’il a toûjours eu pour
le Public, donne maintenant de si veritables
preuues de la connoissance qu’il a des bons desseins
de Monsieur le Prince, qu’il abandonne
tout ce qu’il possede pour en donner de meilleures
marques de son propre sang, lequel il est resolu
d’épancher pour appuyer vn si juste party :
Neantmoins le sentiment du dernier des Mazarins,
quoy que dangereux, sera preferé à celuy de
ce Seigneur, quoy que tres-advantageux à l’Estat,
& salutaire aux Peuples.

Monsieur le President Viole, dont la probité
est si generalement conneuë de tout le monde, &
dont le courage qu’il a tesmoigné dans la poursuite
du Cardinal Mazarin, ne nous permet pas
de douter de sa constance dans toute sorte de rencontres
pour le bien Public, donne presentement
de si grands tesmoignages par sa conduite, de la
sincerité de Monsieur le Prince, qu’vn chacun suiuant
l’exemple d’vn si grand Magistrat, deuroit
comme luy, exposer son bien & sa vie pour seconder
les bonnes intentions de Monsieur le Prince.

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Enfin le Parlement entier qui a tesmoigné tant
de vigueur pour la deffence de la Liberté Publique,
a porté sa parole au Roy par ses Remonstrances,
de la justice qu’il trouue dans les demandes &
dans les poursuites de Monsieur le Prince ; ces cautions
sans reproche, n’auront-elles point d’efficace,
& ne persuaderont-elles pas aux moins éclairez,
que l’entreprise de Monsieur le Prince ne
peut auoir du pire, sans que toute la France en
souffre la peine ; puis qu’il en deffend generalement
les interests, & que son party ne peut estre
ruiné sans que tout le Royaume participe à cette
perte ?

Voyant qu’il y en a encores d’assez sots pour
se laisser vaincre par les faux bruits que les Mazarins
sement contre Monsieur le Prince, & que sa
mal-heureuse caballe preuault la foy de tout ce
qu’il y a de Princes du Sang & d’autres bons François ;
il me semble que sçachant que les premiers
nous doiuent estre en horreur pour les maux
qu’ils nous ont faits souffrir, & la foy des derniers
nous estant si cognuë, il n’y doit point auoir dorenauant
vn homme digne de viure, qui ne doiue
suiure le sentiment des personnes qui ont donné
de si belles marques de leur affection pour les
peuples. Le tesmoignage seul de Monsieur le Duc
d’Orleans & de Monsieur de Beaufort deuroit
tellement esbranler les esprits des gens de bien,
qu’il n’y en eust pas vn qui ne fist gloire de perdre

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la vie pour appuyer le party de Monsieur le Prince,
dans lequel nous voyons les plus grands du
Royaume ; parce qu’ils cognoissent la justice de
ses pretentions, ne voyant point vne personne
dans celuy des amis du Cardinal qui ne doiue par
ses lâchettez, par son auarice, ou par le peu de
credit qu’il a en France, estre mesprisé ou suspect
à tout le monde ; puis que tout ce qui les rend
considerables, c’est la personne du Roy qu’ils ont
mal-heureusement entre leurs mains, disposants
de l’authotité de sa Majesté pour establir leur fortune,
& pour renuerser l’Estat par leur mauuaise
conduitte, & par leurs pernicieuses maximes.

 

Les moins esclairez ont pû juger, à moins d’estre
entierement despourueus de toute sorte de
cognoissance, que la conduitte de Monsieur le
Prince depuis sa liberté, a esté si fatale à la fortune
du Mazarin & de ses Creatures, que s’il n’auoit
poursuiuy cette peste publique auec tant de generosité,
nos biens & nos vies seroient encores
dans la disposition de ce Tyran, auec tant d’authorité,
que se seruant maintenant de celle du Roy
Majeur, il tyranniseroit les peuples auec plus de
cruauté qu’il n’a jamais fait, nottãment les Bourgeois
de Paris, que ce perfide regarde desormais
comme ceux qui doiuent seruir de victime à la
vengence qu’il veut prendre de la honte de son
bannissement, auquel ce Sicilien dit qu’ils ont la
meilleure part. Mais si iusqu’à present la conduitte

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de M. le Prince nous a esté si fauorable d’auoir
empesché que pendant vne Minorité, le Cardinal
n’ait osé entreprendre de reuenir, quoy que maintenu
de l’authorité d’vne Mere Regente, qui eust
tout hazardé pour le seconder dans l’execution
de ce dessein, toutes les portes luy en ayant esté
fermées par la seule reputation du bras de ce Conquerant,
la force duquel il a craint d’esprouuer de
la mesme maniere que les Espagnols l’ont ressentie
à Rocry, Norlinguen, Fribourg, & Lens, sçachant
bien que ce Prince se tient tousiours en
estat de luy deffendre l’entrée du Royaume. Nous
ne tirons pas de moindres avantages de sa retraitte
à Bordeaux, qui n’a esté faite que sur les aduis
qu’il a receu que ce Ministre apres auoir remply
le Conseil du Roy de ses meilleurs amis, estant resolu
de faire le dernier effort pour se restablir,
auoit choisi le iour que le Roy deuoit arriuer à
Fontaine-Bleau pour s’y rendre auec toute l’armée
de Flandre, commandée par le Mareschal
d’Aumont son confidant, afin que secondé de
toutes les forces d’vn Roy Majeur, il peust rentrer
sans rien hazarder dans la mesme place qu’il auoit
autrefois si mal-heureusemẽt remplie, mais ayant
esté auerty par vn Courrier exprez, que Monsieur
le Prince s estoit retiré pour se mettre en estat
non seulement de s’opposer à son retour, qu’il
connoist estre si prejudiciable à toute la France,
mais aussi d’exterminer tout ce qui se trouuera

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d’interessé dans vn party si funeste à l’Estat, & si
dangereux au repos des peuples ; Il s’est resolu de
differer son voyage selon le Conseil de ses amis,
iusqu’à ce qu’ayant fait poser les armes à Monsieur
le Prince ils luy en facilitent le moyen, disans
Que persuadant au peuple qu’il n’y a rien de
plus feint ny de plus immaginaire que son retour,
l’on pourra par ce moyen leur faire conceuoir
vne telle haine contre M. le Prince, qu’on le tirera
hors de mesure de pouuoir rien entreprendre
contre ce mauuais Ministre, fondans la certitude
des maximes de leur Politique sur la fourbe ordinaire
de leur Maistre ; puis qu’ayant resolu de
nous faire paroistre ce restablissement esloigné
de la pensée de la Cour, ils vouloient insinuër dans
nos esprits que M. le Prince s’en seruoit de pretexte
pour authoriser ses mauuaises entreprises :
Mais neantmoins il estoit si constant que si l’ardeur
que M. le Prince a eu de s’y opposer, n’auoit
tant precipité sa retraitte de 7. à 8. iours ; celuy
de l’arriuée du Cardinal à Fontaine Bleau auroit
desia entierement iustifié sa conduitte.

 

Voila les aduantages que la France reçoit de
la retraitte de M. le Prince, qui sont veritablement
si grands, qu’à moins d’auoir esprouue les
maux que le retour du Cardinal nous eust causez,
il est impossible de les pouuoir conceuoir ; Mais
pour qu’vn chacun en juge selon les certaines apparences

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que nous en auons, il faut croire que ce
Ministre n’est point hay, ou que ce qui suit fust
necessairement arriué.

 

Il est tres-certain que les Parisiens doiuent redouter
ce retour de telle sorte, qu’à l’aspect de la
vangeance qu’il en veut prendre, & à la veüe de
celuy qui leur a tant fait souffrir de faim, petits &
grands, deuoient prendre les armes, & faire vn
souleuement vniuersel, pour s’opposer vigoureusement
à l’entrée qu’il vouloit faire dans Paris à
main-armée, accompagné de tout ce qu’il y a de
troupes en France, dont les Chefs sont entierement
dans sa dependance ; Ie vous laisse penser si
les suittes infaillibles d’vn tel choc necessaire,
pour la satisfaction des vns & des autres, eussent
esté dans vne telle rencontre, que les meurtres, le
carnage, les incendies, & generallement tous les
maux que ce perfide nous fit souffrir pendant la
guerre.

Ce restablissement n’eust pas causé seulement
la ruine totale de Paris, qui eust esté la premiere
ville immolée à sa cruaute, pour effacer du sang
de ses Bourgeois l’affront que son bannissement à
imprimé sur son visage, comme la capitalle, &
celle qui deuoit donner l’exemple d’vne punition
generalle que tous les ennemis de ce Ministre deuoient
souffrir, qui sont en aussi grand nombre
qu’il y a de gens de bien dans le Royaume, & de

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bons François ; Mais encores ce mal-heur eust
esté suiuy d’vne reuolte generalle des Peuples
contre les importantes places de guerre que ses
creatures ontentre leurs mains, on eust veu les
supports des Parisiens esprouuer la derniere de
toutes les cruautez qu’vne malice comme la sienne
peut inuenter. On eust veu Bordeaux, Prouence,
& tout ce qui n’a pas voulu souffrir sa tyrannie,
les armes à la main ; on eust enfin veu toutes
les Cours Souueraines se mettre en deffence
contre les persecutions de ce Sicilien, ou en danger
d’estre entierement opprimées, si cette bienheureuse
retraitte de Monsieur le Prince n’eust
donné de la crainte à ce perfide, & s’il n’eust tant
redouté sa valeur, qui seule peut nous garantir
de tant de miseres.

 

Monsieur le Prince pouuoit ne rien dire, & attendre
l’arriuée du Cardinal pour justifier sa conduitte ;
& lors vn chacun auroit dit que ses deffiances
estoient legitimes ; Mais si ce conseil luy eust
esté, & salutaire, il eust bien aussi causé des desordres,
& comme les desseins de ce Grand Heros
sont tres-bons & aduantageux pour tout le monde,
Dieu benit aussi sa conduite de telle sorte,
qu’elle nous guarit du mal auant qu’il nous arriue.
Ainsi par la cognoissance qu’vn chacun peut
prendre par ce discours de ses intenttions & du
bien que sa retraitte nous a procuré par le salut

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qu’il a donné à l’Estat auant sa maladie, & par
tous ses deportements, tout le monde doit seconder
ses entreprises, principalement voyant
dans son party toutes les personnes de qui nous
deuons faire le plus d’estime, & n’en voyant point
dans le contraire qui ne nous doiuent estre suspectes.
Enfin ou il faut condamner la sincerité
de Monsieur le Duc d’Orleans, de Monsieur de
Beaufort, & de tous les meilleurs Frondeurs du
Parlement, ou Monsieur le Prince agit auec toute
sorte de Raison, puis que ceux là tiennent son
party, & qu’il n’y a que ceux qui ont tousiours
esté Mazarins, Partisants & Ennemis du Peuple
qui tiennent le contraire ; parce qu’ils veulent
subsister par la continuation des desordres, & de
la tyrannie.

 

Si ce sont des crimes, Monsieur le Prince en
est coulpable.

Horum, si ptccata sunt, conscius est.

P. M. L. D. R.

FIN.

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P. M. L. D. R. [signé] [1651], L’EXACTE RECHERCHE DES DESORDRES que la mauuaise Conduite de Monsieur le Prince a causé dans l’Estat, depuis sa Liberté jusques à sa Retraitte. ET NOTAMMENT TOVS LES maux que son Voyage de Bordeaux, & son Armement nous font dé-ja souffrir; Et ceux qu’il nous fera encores éprouuer, s’il tient la mesme Conduite. , français, latinRéférence RIM : M0_1313. Cote locale : B_10_6.