Du Pelletier, Pierre [1649], LE TRIOMPHE DE PARIS, ET SA IOYE, Sur l’esperance du prompt retour DV ROY, EN CETTE VILLE. , françaisRéférence RIM : M0_3880. Cote locale : C_10_38.
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LE
TRIOMPHE
DE PARIS,
ET SA IOYE,
Sur l’esperance du prompt retour
DV ROY,
EN CETTE VILLE.

A PARIS,
Chez IACQVES GVILLERY, ruë des Sept-Voyes,
deuant le College de Fortet,
proche Mont-Aigu.

M. DC. XLIX.

AVEC PERMISSION.

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LE
TRIOMPHE
DE PARIS,
ET SA IOYE,
Sur l’esperance du prompt retour
DV ROY,
EN CETTE VILLE.

LE retour du prin-temps auec ses
bouquets de Roses, apres les neiges
& les frimats des liqueurs est
moins agreable aux yeux affligez
par de si tristes objects, que celuy
du Prince qui est ayme par ses Peuples.
Paris ne pouuoit souffrir
plus long-temps vostre absence, ô mon cher Monarque,
& l’on pouuoit dire qu’il auoit conçeu
quelque espece de ialousie contre les Grotes, contre
les Bois & le Chateau de S. Germain, qui l’ont priué

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quelque mois du seul object de ses delices, & de
son amour. Mais c’est à present qu’il faut que sa
ioye éclatte & qu’il triomphe, c’est auiourd’huy
qu’il se peut vanter que sa gloire va du pair auec celle
de Rome, la Seine n’aura pas moins de bon-heur
que le Tybre, & le Louure que le Capitole. L’amour
qu’il a pour vous surpasse celle que ceste Maistresse
de l’Vniuers auoit pour ses Triomphateurs,
& quoy que Rome toute superbe des conquestes
de son Cesar apres ses genereux exploicts dans la
grande Bretagne ayt ordonné vingt iours de Festes
& de prieres solemnelles, apprenez ; ô mon Prince,
que c’est nostre cœur qui chome secrettement des
Festes pour vostre retour. Quant à moy ie croirois
estre coupable si parmy les acclamations publiques,
parmy les cris du Peuple qui se resiouit, & qui vous
benit, ie demeurois sans rien faire, & si quand tout
le Monde bat des mains pour tesmoigner sa ioye
les miennes restoient icy oisiues en vn si beau suject
d’écire. Ie prens tant de part au bon-heur de ma Patrie
que ie croirois estre coupable si ie gardois le silence,
& quoy que ie ne sois pas plus éloquent que
les Peuples qui vous loüent, ie veux pourtant ioindre
ma voix à cette magnifique façon de vous loüer.
Ie ne sçache point qu’il y ait de cõcert plus doux que
ces cris qui partent du cœur, puis que la plus charmante
Harmonie est composée de voix hautes & de
basses, vous souffrirez comme ie pense que ie mesle
icy la mienne pour former cét agreable accord. Toutefois
ie suis vn peu plus ambitieux que le vulgaire

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qui vous applaudit, & qui benit vostre heureux retour
puis que ie veux que mon hommage dure plus
long-temps, & qu’il deuienne enfin public. La posterité
apprendra que si ie n’ay pas eû assez d’eloquence
pour bien parler de mon ressentiment qu’au
moins i’ay eu beaucoup de zele, & que i’imite ceux
qui sans s’amuser à chercher des paroles choisies pour
consoler leurs amis, courrent à des remedes, sans
courir à des fleurs. Ce que ceux là font dans la douleur,
ie le fay dedans la ioye, comme ceux qui vont en
desordre pour estre les spectateurs d’vn Triomphe où
l’on se presse sans qu’ils se mettent en peine de parestre
auecque ornemeut dedans la foulle. Mais apres
tout tant d’objects differens s’offrent icy à ma veuë
& me charment tous à la fois que ie ne sçay dans cette
belle confusion par qui ie dois commencer mon
esloge, ny sur qui arrester mes yeux. Trop de iour
m’esblouit, & le grand nombre des éclatantes vertus
de mon Roy m’estonnent, & ie sçay que ce doit estre
l’employ d’vne meilleure plume, & que ie n’oserois
sans vn excez de temerité, aspirer à la gloire d’estre
l’apelle de ce ieune Alexandre.

 

I’ayme mieux donc, ô mon Prince, vous representer
la fidelité & l’obeissance de vos Peuples, & particulierement
celle de vostre grande ville de Paris. Ne
peut-on pas dire auec raison que vous possedez tout
vn monde en elle seule, & que tout ce monde vous
regarde comme l’vnique object de ses affections.
C’est ceste fidelité qui est la plus ferme colomne des
Estats, & qui a fait dire à vn ancien Historien ces belles

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parolles, Fides stabile & œternum facit imperium.
Vn autre a remarqué que les Parthes anciennement,
quoy que ce fust vn Peuple rude & farouche, respectoient
leurs souuerains, comme des diuinitez, & que
pour se les rendre plus considerables, ils leurs donnoient
des titres glorieux, comme ceux cy, de freres
du Soleil, & de la Lune. Quant à nous qui sçauons
qu’elle est la Souueraineté de nos Roys, nous n’auons
pas besoin de ces artifices pour les rendre venerables
à leurs vassaux. Ce n’est point ceste longue
suitte d’hallebardes, n’y cette pompe qui paroist en
leurs Palais, ce ne sont point ces riches ballustres, ce
ne sont point ces Dais, ce ne sont point les Sceptres,
ce ne sont point des Diadesmes qui leur enuironnent
le front qui nous obligent à les regarder auec vne
crainte respectueuse. L’amour que nous auons conceuë
pour nos Princes legitimes vient purement du
fond de nos cœurs, il n’est pas necessaire qu’on les
pare de tous ses ornemens pour nous les rendre aymables,
c’est assez qu’ils le soient par leur Sacre, & par
leur Onction, nous sçauons qu’ils sont les ouurages
& les portraits viuans du plus puissant de tous les
Monarques. Tout le monde auouë auec plaisir, ô
mon Prince, qu’il y a beaucoup de satisfaction à viure
sous le regne d’vn Roy, qui se rend plus recommandable
par sa vertu que par la puissance de son
Sceptre, & c’est ce qui a fait dire qu’elle est la plus
riche perle de la Couronne des Monarques, & qu’il
n’y a point de Trosne mieux affermy que celuy qui
l’est par la vertu. C’est elle qui donne l authorite aux

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commandemans du Prince, & qui fonde son Empire
dedans les cœurs auec plus defficace, que la force, de
sorte que le Monarque fait par la vertu ce qu’il ne
peut par les armes. C’est elle qui nous oblige à vous
consacrer nos cœurs que nous vous offrons icy en
toute Humilité, & qui oblige Paris de vous dire,

 

 


Tota licet veteres exornem vndique cerœ
Atria, nobilitas, sola est atque vniqua virtus.

 

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PARIS AV ROY,
SONNET.

 


ON me voit à cette heure au comble de ma gloire
Ta presence, ô mon Roy, vient dissiper mes nuicts ;
La Paix qui t’accompagne, escarte mes ennuis
Et de mes maux passez i’ay perdu la memoire.

 

 


Ma ioye à ton retour sera veuë en l’Histoire
Afin que l’on m’admire en l’estat où ie suis ;
Plus pompeux que iamais, mon Prince, tu reluie
Et te voir, me tien lieu d’vne illustre victoire.

 

 


Si l’excez des douleurs dont Timante est atteint
Par vn sçauant pinceau ne sçeut étre despeint,
Il faut qu’en mes plaisirs le mien aussi se voye ;

 

 


Grand Roy, dont les vertus ont mille adorateurs
Mon silence sans doute exprimera ma ioye
Beaucoup mieux que la voix des plus grands Orateurs.

 

DV PELLETIER,

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