Bourbon, Marie de [signé] [1652], LETTRE DE MADEMOISELLE ESCRITE A SON ALTESSE ROYALLE. , françaisRéférence RIM : M0_1960. Cote locale : B_5_45.
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LETTRE DE MADEMOISELLE
escrite à son Altesse Royalle.

MONSIEVR,

Ie dépesché ce Courrier à vostre Altesse
Royalle pour s’informer des veritables
particularitez de mon entrée dans cette ville
d’Orleans, qui sont qu’ayant trouué les
portes de la ville fermées, & la nouuelle de
ma venuë estant allée au dedans, l’on me sit
present d’vn plat de Confitures pour la collation,
parmy lesquelles ie trouué vn billet
qui marquoit la porte où ie deuois me presenter,
ce qu’ayant faict, l’ouuerture en fut
incontinant fait, d’où s’ensuiui vne telle acclamation
du peuple qui crioit viue le Roy,
& vostre Altesse Royalle, & que iamais il
n’en fut veu pareille, & fut ensuitte fort
bien receuë des Maire & Escheuins, assistez
de plusieurs compagnies en armes des habitans

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qui me conduisirent à l’Hostel de Ville.
du depuis i’ay tellement disposé ses affaires
& reüny les esprits qui s’estoient vn peu alterez,
& comme diuisez par l’approche de
quelques trouppes Mazarine, & à cause de
la conference que le Mareschal de Turenne
& le Garde des Sceaux auoient euë auec
quelques vns de ces habitans, laquelle fut
dissippée à l’instant par ma presence, en sorte
que cette ville est maintenant en estat de
n’apprehẽder pas les coups du Mazarin qui a
trop peu de forces pour en tenter le siege,
quand mesme l’armée de vostre A. R. ne seroit
comme elle est cappable d’affronter cet
ennemy, si bien qu’apresent toute mon occupation
s’exerce à entretenir cette bonne
intelligence entre ces habitans (qui sont
entierement fortifiez de l’affection qui leur
a esté tesmoignée par vostre A. R. Laquelle
ne pouuoit pas l’exprimer plus parfaictement
qu’en leur donnant ma personne pour
gage) & a parer aux subtilitez qui sont ordinaires
au Mazarin, desquelles i’esmousseray
toutes les pointes par la preuoyance que

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i’y apporteray. Mais ce qui a vn peu troublé
le contentement que i’ay d’estre heureusement
paruenuë au but que vostre A. R.
s’estoit proposé en empeschant l’entrée du
Mazarin dans cette ville, c’est le diuorce
suruenu entre mes Cousins de Beaufort &
de Nemours, qui a esté iusques au poinct
que sans moy ils en seroient venues aux
mains, & le subiect de cette mesintelligence
estoit que celuy-cy vouloit liurer bataille
& l’autre ne l’agreoit pas, pour raison dequoy
s’estant eschappé quelque parole, cette
petite estincelle à pensé causer vn embrasement
qui a esté grace à Dieu estouffé par
les soings qui y ont esté par moy apportez,
de sorte que ces deux Generaux ont esté remis
bien ensemble, en quoy la presence de
mon Cousin le Prince de Condé à beaucoup
contribué : Ie ne puis celler à vostre A.
R. Lajoye que tout le peuple de cette ville
à fait paroistre à l’arriuée de ce Prince auquel
a esté donné de nouuelles asseurances
de l’affection que tous ces habitans ont

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pour le seruice de vostre A. R. de laquelle
il est le bras droict contre les Mazarins, en
sorte qu’il ne doute point non plus que moy
de leur fidelité, I’aduoüeray pareillement à
vostre A. R. que ie suis extremement touchée
de tendresse quand ie considere auec
combien de perils & de fatigues ce Prince à
passé depuis Bordeaux iusques icy, ie ne
sçaurois descrire les deuoirs & ciuilitez qui
m’ont esté renduës de sa part, ensemble les
tesmoignages de sa bonne volonté qu’il a
pour le seruice de vostre A. R. qu’il n’auroit
manqué d’aller trouuer à Paris auparauant
toutes choses n’éust esté l’extreme desir qu’a
eû toute l’armée de V. A. R. de le voir : ie
puis dire qu’il ne faut point d’autre preuue
de son affection pour le bien de l’Estat que
l’exces de son amour qui la porté à quitter
ces affaires de Guyenne & toute sa famille
pour venir seconder par deça les Genereux
desseins de V. A. R. de laquelle il proteste
de suiure tousiours les Odres, ce qui fait que
i’espere (Dieu aidant) de voir bien tost la
fin de cette guerre par l’entiere deffaite de

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tous les Mazarins, l’artifice desquels ie supplie
tres humblement V. A. R. vouloir preuenir
& sur tout de prendre vne seureté entiere
qui puisse mettre la personne de vostre
A. R. à couuert de toute mauuaise entreprise :
Ce pendant ie continueray mes prieres
pour sa prosperité & demeureray.

 

MONSIEVR,

De vostre Altesse Royalle.

d’Orleans ce 2. Avril 1652.

La tres-humble fille & seruant
MARIE DE BOVRBON,

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