Baltasard, Christophle [1645], TRAITTÉ DES VSVRPATIONS DES ROYS D’ESPAGNE, SVR LA COVRONNE DE FRANCE, Depuis le Regne de Charles huictiesme. ENSEMBLE VN DISCOVRS SVR LE COMMENCEMENT, progrez, declin, & démembrement de la Monarchie Françoise, droicts, & pretentions des Roys Tres-Chrestiens sur l’Empire. AVGMENTÉ D’VN SOMMAIRE DES DROICTS de ceste Couronne, sur les Comtez de Bourgongne, Cambray, Haynault, de Genes & Luxembourg. ET LES VICTOIRES ET CONQVESTES DES ROYS LOVIS XIII. dit le IVSTE, & de LOVIS XIV. dit DIEV-DONNÉ, sur les Espagnols, & les Austrichiens, en Italie, Alsace, Flandres, Luxembourg, & Comté de Bourgongne, Catalogne & Roussillon. Par C. BALTASARD. , françaisRéférence RIM : Mx. Cote locale : D_1_6.
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VICTOIRES ET CONQVESTES DV ROY
LOVIS XIV. Dit Dieu donné.

Aprés la mort regretable du Roy Louis le Iuste, d’heureuse
memoire, le Roi present, son fils, commença à vaincre, &
regner tout ensemble : Car le 14. de May 1643. qui fut le
premier de son Auguste regne, & le 17. en suitte du mesme
mois, fut l’orient de ses triomphes, par la signalee Victoire
que son armée, commandee par le Duc d’Enguien remporta sur l’Espagnol
pres de Rocroy, où l’ennemi perdit plus de six mil hommes, grand
nombre de blessez, & cinq à six mille prisonniers, deux cens drappeaux,
cornettes & guidons : auec toutes leurs munitions & bagages : Perte signalee,
qui diminua d’autant plus les forces de l’ennemi, qu’il y laissa la meilleure
partie de toute son infanterie.

Le Duc d’Euguien voulant poursuiure sa victoire, par ordre de leurs
Maiestez, fit prendre à son armee le chemin de Luxembourg pour aller assaillir
la forte place de Thionuille, tenue pour imprenable à vn autre General,
qu’à ce genereux Prince. Il s’y porte de courage, auec vne armee victorieuse,
& prit tellement son temps, qu’asseuré qu’il estoit impossible à
l’Espagnol de la secourir, apres la perte d’vne bataille si importante, il en
fit les approches sans aucune apprehension de dehors, & par luy le Roi y
fut grandement ben serui, chacun se portant auec grande resolution
de faire à qui mieux, sans craindre le peril de l’entreprise, le courage
leur redoublant à la veuë d’vn General de tel sang, & de telle naissance, &
merite : en sorte que nonobstant toute la grande resistance des assiegez, ils
aimerent mieux prendre vne honorable composition, que se voir forcez
à perdre la vie en defendant vne place desesperee de tout secours.

La conqueste de Thionuille fut suiuie de celle de Sircq, petite ville pres
la Mozelle, du costé de Lorraine, que le Duc d’Enguien enuoya assieger :
mais l’apprehension qu’eut la garnison de ne pouuoir garder vne place

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bien inferieure à celle de Thionuille, la fit resoudre de n’attendre l’extremité,
mais d’accepter vne honneste composition : ce qu’elle fit.

 

L’annee precedente, le Mareschal de Guebriant ayant esté tué deuant
Rotvvil qu’il assiegeoit, & que les siens prirent, les Imperiaux & Bauarois
croyans profiter de la mort de ce grand Capitaine, & croyoient auoir bon
marché de l’armee du Roy, qu’ils assaillirent auec quelque auantage, non
pourtant tel, qu’il ne restast tout le meilleur de la caualerie, qui repassa le
Rhin, & furent les Chefs visitez par le Duc d’Enguien, & au lieu dudit
feu Mareschal de Guebriant, leurs Majestez éleurent le Vicomte de Turene,
auquel elles donnerent le Baston de Mareschal de France : en laquelle
qualité il fut General de ceste armee là, qui par apres fut plus
belle qu’auparauant.

L’annee derniere 1644. ne fut pas moins heureuse au Roy que la precedente :
car Monsieur le Duc d’Orleans voulut commander en personne
l’armee de sa Majesté, leuee pour entrer en Flandre, & assiegea la place de
Grauelingue, nonobstãt tous les efforts que firent les ennemis, pour empescher
le campement, en laschant les eaux, & perçant les digues : ce qui ne
fit point perdre courage aux Mareschaux de Camp, ny aux soldats, de
continuer leurs trauaux ; en quoy son Altesse Royale fit paroistre ses soins à
visiter tous les quartiers, donner les ordres necessaires, & animer les Capitaines
& soldats à se signaler en ceste occasion, comme ils firent : car ils
rompirent les secours que les ennemis y vouloient faire entrer, gaignerent
les Forts & les dehors, reduisirent les assiegez à rendre la place à son
Altesse : conqueste glorieuse, qui se fit à la veuë du Duc Picolomini, & de
Dom Francisco de Melos, qui n’oserent iamais attaquer nos lignes.

Ce fut en ce mesme temps que le Duc d’Enguien commandant vne autre
armee du Roy, se rendit en Champagne : & ayant aduis que le General
Mercy, Chef de l’armee Bauaroise, assiegeoit Fribourg, & que le Mareschal
de Turenne estant à Brisac, n’auoit forces suffisantes pour secourir
ceste place, s’aduança à grandes iournees pour le joindre : mais à cause de
la grande distance des lieux, le Duc d’Enguien ne peust arriuer à Brisac
auec son armee auant la reddition de Fribourg : neantmoins sa generosité
ordinaire ne luy fit point changer la resolution qu’il prit d’aller attaquer
les ennemis dans leurs retranchemẽs : & de fait, il y alla auec grand
desir de se voir aux mains auec eux, lesquels sans l’attendre, apres auoir
muny Fribourg, se retirerent sur des eminẽces auãtageuses où, ils croyoiẽt
n’estre point contraints à combatre en quoy ils furent trompez : car le Duc
d’Enguien les enuoya assaillir par diuers endroits, auec tant de courage
& de resolution, qu’apres vn grand & long combat, leurs postes furent emportez,

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portez, & plus de quatre mil des ennemis tuez sur le champ.

 

Le Duc se voyant ainsi Maistre de la campagne, sceut addroictement
vser de sa victoire : car ayãt donné ainsi la chasse à ses ennemis, commanda
son armee de s’aduancer vers Philisbourg, & enuoya le Mareschal de Turenne
qui l’inuestit : & peu de temps apres, le Duc d’Enguien & ses Lieutenans,
& autres Officiers de son armee, y estans arriuez, la force des soldats
François à faire feu, & poursuiure leurs trauaux, reduisit les assiegez
aux extremitez, quelques fortes resistances qu’ils firent. Alors le Gouuerneur
voyant qu’il ne pouuoit plus defendre la place auec si peu de gens
qu’il auoit, demanda à traitter, à quoy il fut receu : le traitté fait, la place se
rendit au Duc d’Enguien le dixiesme Septembre 1644.

La prise de Philisbourg donna telle espouuante aux autres villes prochaines,
qu’il ne fut pas difficile de les faire recognoistre le Roy Tres-Chrestien
pour protecteur & defenseur de leur liberté, comme firent celle
de Spire, & autres places.

Dés le lendemain de la prise de Philisbourg le Duc d’Enguien resolut de
porter plus auant les armes du Roy & ses victoires, qui marchent d’vn mesme
pied, donna ordre au Mareschal de Turenne de s’acheminer à Vvormes,
auec quatre mil cheuaux, mil pietons, & quatre pieces de canon : le
Mareschal ayant passé le Rhin, attaqua les trouppes que le General Bek
enuoyoit à Frankendal, en prit, ou tailla en pieces six cens cheuaux destinez
à ce secours, & fit trente Chefs prisonniers tous les soldats restez prirent
party dans les trouppes du Roy.

Cette deffaite surprit tellement le Gouuerneur, & les habitans de Vvormes,
qu’ils prirent resolution de preuenir l’effort des armes dudit sieur
Mareschal, & luy enuoyerent les clefs de la ville, en laquelle il laissa bonne
garnison.

Puis passant outre, fit auancer le General Major Roze, auec mille cheuaux
pour inuestir Mayence : Mais auparauant le dit General Maior s’empara
d’Oppenhein, qui se rencontroit au passage de l’armee : ce qu’il fit
sans resistance, l’espouuante luy ayant seruy de Fourriers.

Le Mareschal de Turenne qui le suiuoit de prés, auec le reste de son armee,
fit entendre à la ville de Mayence qu’il s’approchoit afin de l’assieger,
suiuant les ordres du Roy, & du Duc d’Enguien ; alors les habitans assemblez
en Corps, prirent resolution de receuoir le secours que le General
Mercy leur enuoyit, & delibererent de se rendre à l’obeïssance du
Roy, comme ils firent, auec sa Citadelle, & le Chasteau de Binguen, le dix-septiesme
Septembre.

Le Duc d’Enguien donna en mesme temps ordre au Marquis d’Aumont,

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Lieutenant General du Mareschal de Turenne d’assieger Landa[illisible]
ce qu’il fit, & la fit resoudre à receuoir garnison Françoise.

 

Ainsi tout le Rhin est retourné à ses anciens Maistres, qui depuis la seconde
race de nos Roys, l’auoient perdu par diuisions, & guerres ciuiles : &
maintenant le recouurent par les armes de leurs Maiestez Tres-Chrestiennes.

Les principales forces du Duc d’Enguien demeurerent campees à la
veuë de Philisbourg, où elles croissoient de iour à autre, autant que celles
des ennemis diminuoient ; qui souz la charge du General Mercy estoient
retrenchez auprés de Hailbron, au nombre de dix mil hommes, tant de
pied que de cheual, Mais tellement espouuentez, que depuis le grand combat
de Fribourg, l’on ne vid aucun de l’armée dudit General qu’vne seule
partie de trente Maistres qui parut deux iours apres la prise de Philisbourg,
mais qui s’en retourna à l’heure mesme, sans rien faire.

Reste maintenant de raconter la suitte des Conquestes du Roy en Catalogne,
de ceste année mil six cens quarante cinq.

Le Comte de Harcour ayant esté choisi par leurs Maiestez pour commander
leurs armees en Catalogne, s’y rendit dés le mois de Mars dernier,
& fut receu dans Barcelone en qualité de Vice-Roy, & Lieutenant
General pour le Roy audit pais, par tous les ordres de la ville qui sortirent
au deuãt de luy vne bonne lieuë, & auec bon nombre de Noblesse & bourgeois ;
à son entrée le canon fut tiré, & fut conduit en son logis par les
Compagnies en armes, tant à pied qu’à cheual, auec trompettes & tambours
sonnans : ce qui se fit auec vne ioye incroyable de tout le peuple, qui
luy tesmoigna l’obligation qu’ils auoient à leurs Majestez, de leur auoir
enuoyé vn Prince vaillant, courageux, & qui a l’experience & toutes les
parties d’vn Grand Capitaine, luy promettant fournir tout ce qu’il auoit
affaire, tant viures, que poudres, munitions, & toutes les necessitez requises
à la subsistance de ses trouppes.

Aprés tous ces honneurs receus à Barcelone, le Comte de Harcour alla
visiter les places de la Principauté, ausquelles il donna ordre d’y faire les
reparations & fortifications dont elles auoient besoin : & laissa en chacune
les munitions de bouche & de guerre, & le nombre de soldats qu’il iugea
estre necessaires.

Ayant receu les nouuelles forces de France, & donné les ordres de ce
qui seroit à faire, il reprit la ville de Balaguier ; choisit le Comte du Plessis
Praslin pour commander vn corps d’armee du costé de Roses (dont le siege
fut resolu) qui s’y rendit aussi tost auec le sieur de Vaubecour, le Marquis
d’Vxelle, les Marquis de la Trousse, & le sieur de Sainct Maigrin, Mareschaux

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de Camp, le Baron de Baumes, le sieur de Souuigny, Mareschal
de bataille, le Comte de Vertus, les sieurs du Saulsy, Chastellier Barlot,
Mestre de Camp, le sieur de Sainct Paul, Mareschal de bataille, auec treize
Regimens, & sept cens cheuaux.

 

Ledit Comte du Plessis Praslin commença le siege de Roses dés le
mois d’Auril, serra la place par terre, & du costé de la mer nostre armee nauale
s’y rendit, pour empescher les secours que les ennemis y pourroient
amener. Ce siege est d’autant plus considerable qu’il fut sort opiniastré :
Ceux de dedans commandez par Don Diego Caualléro de Illecas, Gouuerneur
General de la place pour sa Majesté Catholique, firent en ceste
occasion tout ce qui se pouuoit attendre de soldats courageux & vaillans,
tant aux sorties, qu’à souffrir les assauts des nostres, qui firent des merueilles,
& se signalerent en repoussans les ennemis, & soustenans nos trauaillans,
entr’autres les sieurs de Choupes, Lieutenant de l’artillerie, de
Sainct Hilaire, Villy, Saincte Claire, de Marsilly, Ayde de Camp, & Cornette
de la Compagnie de Cheuaux Legers du Mareschal de Schomberg,
& de Montagne. En fin la place puissamment attaquee, les dehors gagnez,
& les bastions sappez, les assiegez desesperez de tout secours, demanderent
à capituler : ce qui leur fut accordé Ils furent fort honnestement
traittez ; Et la Ville & Chasteau rendus audit sieur Comte du Plessis-Praslin,
le vingt-neufiesme May, apres cinquante neuf iours de siege :
par la prise de laquelle le Comté de Roussillon est asseuré au Roy.

FIN.

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Baltasard, Christophle [1645], TRAITTÉ DES VSVRPATIONS DES ROYS D’ESPAGNE, SVR LA COVRONNE DE FRANCE, Depuis le Regne de Charles huictiesme. ENSEMBLE VN DISCOVRS SVR LE COMMENCEMENT, progrez, declin, & démembrement de la Monarchie Françoise, droicts, & pretentions des Roys Tres-Chrestiens sur l’Empire. AVGMENTÉ D’VN SOMMAIRE DES DROICTS de ceste Couronne, sur les Comtez de Bourgongne, Cambray, Haynault, de Genes & Luxembourg. ET LES VICTOIRES ET CONQVESTES DES ROYS LOVIS XIII. dit le IVSTE, & de LOVIS XIV. dit DIEV-DONNÉ, sur les Espagnols, & les Austrichiens, en Italie, Alsace, Flandres, Luxembourg, & Comté de Bourgongne, Catalogne & Roussillon. Par C. BALTASARD. , françaisRéférence RIM : Mx. Cote locale : D_1_6.