Anonyme [1652], VERITABLES RAISONS DE L’VNION DV PARLEMENT DE BORDEAVX, AVEC MONSIEVR LE PRINCE. Adressées au Roy. , françaisRéférence RIM : M0_3977. Cote locale : D_1_57.
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VERITABLES
RAISONS DE
L’VNION
DV PARLEMENT
DE BORDEAVX,
AVEC MONSIEVR
LE PRINCE.
Adressées au Roy.

Sur l’Imprimé à BOVRDEAVX.

Par Guillaume de la Court Imprimeur
ordinaire du Roy. 1652.

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SIRE,

Novs ne doutons pas que vos Ennemis
n’ayent donné à vostre Maiesté de
mauuaises impressions de ce qui s’est passé
de Monsieur le Prince de Condé dans vostre
Prouince de Guienne : Ce qui nous
oblige auiourd’huy de luy rendre raison
de la sincerité de nos intentions, & de ce
que nous auons creu deuoir faire dans
cette occasion pour son seruice.

I. Nous auons considere en premier lieu
la personne de M. le Prince, qui est chere
à vostre Maiesté, & qui doit estre precieuse
à toute la France : L’honneur que sa naissance
luy donne d’estre le premier Prince
du Sang, Les eminentes qualitez qui le
rendent aussi recommandable dans la
Paix, qu’il est redoutable dans la guerre,
& ses illustres & importantes victoires,
qui non seulement ont porté bien loin la
gloire de cét Estat, mais qui l’ont encor
r’afermy dans les plus grands danger de sa

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ruyne, meritent iustement que tout le
monde s’interesse dans la conseruation de
la gloire qu’il a acquise par ses vertus, &
& de la liberté que V. M. luy a donnée, Il
est certainement bien estrange, qu’vn des
plus grands Princes du monde, qui a procuré
par ses victoires la seureté de l’Estat,
ne la treuue pas pour soy mesme, qu’il soit
contraint de se bannir de la Cour pour venir
chercher dans vne Prouince esloignée,
vn azyle à sa fortune : & que tandis que
toute l’Europe publie les loüanges de sa
vertu il soit cõtraint de la deffendre. Nous
auons non seulement par vn sentiment de
compassion, que la nature inspire à tous
les hommes pour les grandes vertus affligées,
mais encore par vne iuste reconnoissance
que tous les bons François doiuent
à sa valeur, de prendre, part à ses interests,
& que la Iustice de V. M. ne sçauroit estre
mieux employée qu’à deffendre dans ce
Prince innocent vn sang qui est si proche
du vostre, & qu’il a si souuent employé
pour la deffence de vostre Couronne.
Outre que la faueur qu V. M. a faite à cette

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Prouince, luy donnant M. le Prince pour
Gouuerneur, nous donne de particulieres
obligatiõs de nous attacher à ses interests,
quand ils ne choquent pas les vostre. Il est
venu, SIRE, auec cét auguste caractere de
vostre authorité, qui nous le rend venerable
tout persecuté qu’il est : Il a paru sur
nostre port, comme vn astre fauorable
pour calmer toutes nos tempestes : il s’est
presenté à nos yeux apres que nos cœurs
l’ont eu long temps souhaitté. Faut-il
s’estonner apres cela si nous l’auons
receu auec amour & respect, & si sa presence
a acheué cette importante liaison, que sa
reputation auoient desia commencée.

 

2. Et ce d’autant plus raisonnablement
que nous vnissans aux interests de Mr le
Prince, nous auons estimé à mesme temps
nous vnir aux interests de V. M. & à ceux
de toute la France qui sont meslez auec les
siens. C’est auec vne extreme douleur, qu’õ
separe les parties du corps humain, que la
nature auoit iointes lors que cette diuision
se fait dans celles où resident les principes
de la vie. Et nous ne doutons pas, SIRE,

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que V. M. ne ressente viuement la diuision
que les Ennemis de l’Estat causent dans la
maison Royale, & de voir qu’vn Prince si
proche de vostre sang, soit si éloigné de
vostre personne. La France est inuincible
sous vn grand Roy tel que V. M. à la gloire
d’estre, si ses Princes sont bien vnis, & s’il
a (pour ainsi dire) tout son sang ramassé :
Mais si la diuision separe les parties nobles
de cét auguste Corps, c’est sans doute vne
maladie d’Estat la plus dangereusee à cette
Monarchie, que ses ennemis luy puissent
souhaitter. C’a esté. SIRE, pour essayer
de guerir ou de preuenir ce mal, que nous
auons pris ce remede, & nous auons consenty
à l’vnion auec Mr le Prince pour
trouuer le moyen de le reunir auec V. M.
& luy rendre cette partie de son sang qui
estoit separée de l’autre. Ce n’est pas que
nous doutions de l’amour & du respect
que ce Prince a pour vostre maiesté, dont
il nous a renouuellé solemnellement les
asseurances. Mais s’il plaist à V. M. de considerer
que nostre dessein dãs cette vnion,
n’a esté que pour attacher plus fortement

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M. le Prince à son seruice, en vn temps ou
elle a plus de besoin de sa prudence dans
les Conseils, & de son courage dans les
Armées, pour rendre par ce moyen les
premieres années de V. M. plus glorieuses
& plus triomphante, elle reconnoistra que
nous auons contribué à sa gloire quand
nous auons consenti cette vnion.

 

3. Monsieur le Prince nous a proposé les
raisons qui ont rendu ses supçõs legitimes,
& nous a fait voir clairement les mauuais
desseins que ses ennemis auoient formé
contre sa personne & contre l’Estat. On a
premierement osté du Conseil quelques
perfonner (qui luy estoient suspectes) à
causes des secrettes intelligences qu’elles
ont auec le Card. M. qui n’est sorty de la
France que parce que le Prince est sorty de
prison : mais ç’a esté pour mettre en leur
place des Ministres qui luy sont encor plus
suspects, sans en auoir communiqué à son
A. R. En second lieu, on a fait expedier
vne declaration aduantageuse à son innocence,
pour le iustifier des horribles calomnies
qu’on auoit semées contre luy,

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mais on en a differé la publication iusqu’à
vostre Maiorité pour faire d’vn moyen de
sa iustification, vn piege pour le surprendre
afin que s’il se fioit à ces apparences, &
s’il se rendoit à la Cour on peust executer le
dessein formé à sa liberté, ou s’il cõceuoit
quelque deffiance de cette conduite, l’obliger
à se retirer & prendre ainsi de son
éloignement l’occasion de blasmer ses intentions,
d’acheuer l’establissement de ce
nouueau Ministre, & l’establissement du
Ministere, & le restablissemẽt du Cardinal.
Certes il suffiroit de dire que ce Prince qui
n’a iamais apprehendé aucun danger, a eu
de la crainte pour celuy-cy, il est assez esclairé
pour ne se laisser pas tromper par de
faux soupçons : Mais apres que S. A. R. à
qui Mr le Prince auoit confié ses defiances
aussi biẽ que ses interests, a iugé qu’il auoit
raison, & qu’il ne pouuoit pouruoir à sa
seureté que par vne retraitte, apres que le
Parlement de Paris a declaré ses soupçons
legitimes par les remonstrances qu’il a
faites à vostre Maiesté pour la prier de les
vouloir effacer.

 

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Mais, SIRE, ce n’a pas esté seulement
pour la consideration de Mr le Prince,
que nous auons pris cette resolution,
nous auons encor estimé que les interests
de cette Prouince demandoient de
nous cette Vnion, pour la garentir par ce
moyen des dangers dont elle estoit menacée.
Bien que la bonté de Vostre Maiesté
eut soulagé les maux que nous
auions soufferts, par la Paix qu’elle nous
auoit donnée, ils ont neantmoins esté si
grands, que comme nos playes ne sont
pas encor bien fermées, nous sommes
sensibles à tous les accidens qui les retouchent ;
Nostre douleur nous rend timides,
les moindres allarmes nous font
peur. Mais ce ne sont pas des vaines apprehentions
qui nous donne la memoire
de nos malheurs passez, qui est encore
toute fraische, les grades menaces qu’on
à fait à cette Prouince, les mauuais traitemens
que nos Deputez ont receus, quãd
ils ont esté congediez de la Cour, les avis
que nous avons receus des desseins qu’on
formoit à nostre ruine, nous ont esté suffisantes

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preuues du danger qui nous menaçoit,
& de la necessité que nous avions
de nous vnir auec ce Prince, pour trouuer
nostre seureté dans la sienne Il est visible,
que les interests de cette Prouince estoiẽt
vnis auec les siens par la suite des affaires
passées, auant mesme que nous les eussions
ioints par nostre Arrest. Toute la
France a peu voir dans la Declaration
publiée au suiet de son emprisonnemẽt,
qu’vne des raisons qui l’auoient rendu
coupable, auoit esté qu’il aymoit cette
Prouince, & qu’il auoit perdu sa liberté,
pour auoir procuré la nostre : Mais tout le
monde aussi a peu apprendre dans nos
derniers mouuemens, que nostre malheur
a esté l’amour que nous auons pour
luy, & qu’on nous a traitez comme des
Rebelles, pour auoir demandé sa deliurance.
Nous auons eu les mesmes ennemis
que luy, & le mesme esprit qui en
veut à sa liberté, en veut aussi à la nostre,
& employe ce qui luy reste de feu, pour
rallumer ici les flames que Vostre Maiesté
auoit si sagement & si heureusement

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éteintes. Ainsi on ne doit pas trouuer
mauuais, si dans vne commune necessité,
nous auons vn y nos interests pour nostre
commune defense, afin de conseruer par
ce moyen vn grand Prince à la maison
Royale, & vne Prouince importante à V.
Maiesté. Nous protestons cependant
que la seule defense dont nous voulons
nous seruir, sont nos respects, nos soumissions,
& les tres-humbles prieres que
nous adressons conjointement à Vostre
Maiesté Nous luy parlons pour vn Prince
pour lequel toute l’Europe a parlé, &
dont les ennemis mesmes qu’il a vaincus
plaident auiourd’huy la cause, par les
loüanges qu’ils donnent à sa Vertu : & si
nos voix ne sont pas assez fortes, nous
employerons les seruices qu’il a rendu à
Vostre Maiesté, & ceux qu’il souhaite de
luy rendre : & nous ferons parler pour luy
les playes qu’il a receuës pour elle. Enfin
nous adiousterons aux Remontrances de
vostre Parlement, les larmes de cette
Prouince affligée, pour supplier tres-humblement
Vostre Maiesté d’agréer

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l’Vnion que nous auons faite, & de vouloir
en suite pouruoir à la seureté de Mr
le Prince, en lui ostant les causes de ses
iustes deffiances, afin qu’il puisse employer
desormais sa fidelité & son courage,
pour le seruice de Vostre Maiesté,
pour le bien de son Estat, & pour le soulagement
de cette Prouince.

 

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