Anonyme [1649], SVITTE ET VNZIESME ARRIVÉE DV COVRIER FRANÇOIS, APPORTANT TOVTES LES Nouvelles de ce qui s’est passé depuis sa dixiéme arriuée iusqu’à present. , français, latinRéférence RIM : M0_830. Cote locale : C_1_40_11.
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SVITTE
ET
VNZIESME ARRIVÉE
DV
COVRIER
FRANÇOIS,
APPORTANT TOVTES LES
Nouvelles de ce qui s’est passé depuis sa
dixiéme arriuée iusqu’à present.

A PARIS,
Chez ROLIN DE LA HAYE, au Mont Sainct-Hilaire,
ruë d’Escosse.

M. DC. XLIX.

AVEC PERMISSION.

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SVITTE ET VNZIESME ARRIVÉE
DV
COVRIER FRANCOIS,
APPORTANT TOVTES LES NOVVELLES
de ce qui s’est passé depuis sa dixiéme arriuée
iusques à present.

ENTRE les Sages enseignemens, que Ciceron ce grand
ornement de l’éloquence, donna iadis à son fils ; vn des
principaux est, que l’on doit exactement prendre garde
de ne parler d’aucune paix, qu’elle ne soit autant bonne
& seure, qu’exempte de toutes embusches & tromperies
de la part de ceux, auec lesquels on en veut traicter : Ce que luy
mesme en vn autre temps fit pratiquer à ses Concitoyens, lors que
l’occasion s’en presenta contre Marc Antoine, les ayant empesché
d’entendre à aucune paix auec cetuy leur ennemy, connoissant le peu
de foy qu’il y auoit en luy, qui estoit l’escueuil, le nœud & l’obstacle
de la seureté publique, & c’est sur cette maxime que nos sages Deputez
ont mieux aymé aux despens de leur patience, examiner vne affaire
si importante, & trouuer dans le temps, les choses necessaires à affermir
la paix, que de se hazarder à des reproches d’auoir esté circonuenus
par vne precipitation, où on eust peu trouuer iour à quelque manquement
de foy.

Paci quæ nihil
habitura fit infidiarum
consulendum
est.
Cic. lib. 1. de Offic.

Idem negat pacem
cum Antonio
esse posse
quod fit periculosa.
Philip. 7.
Flor. lib. 4. c. 9.

Nihil estaut faciẽdum
iniuste,
aut patiendum
turpiter, vt pace
nobis frui quecumque
modo
liceat.

Polib. lib. 4

Stirpe sublata,
aut nonsunt reliqua,
ant si sint,
sine emolumẽto
sunt, quia sine
capite nihil cõstat.

Saluian. lib. 1. de
Prouid.

Tolle radicẽ nemora
non surgent,
nec tanti
mõtes vestiẽtur.

Senec. lib. 3. de Benef.
cap. 29.

Le Parlement, les Princes, les Seigneurs, & les Prouinces qui n’ont
pris les armes que pour la deffence du Royaume, & des Sujects du Roy
contre celuy qui les opprimoit, aussi zelez pour l’authorité de sa Maiesté
que pour le soulagement de son peuple, apres auoir tenté toutes
les voyes de douceur, pour tascher d’accommoder les presens mouuemens,
n’ont pas creu neantmoins que pour chercher la paix, il fallust
rien faire iniustement, ny souffrir honteusement pour la trouuer : & se
sont creus obligez, pour sauuer l’Estat d’vne entiere ruyne, de se declarer
ouuertement contre celuy qui en estoit la principale cause, & requerir
auec instance son esloignement ; afin que la racine de nostre malheur
estant coupee, cette dangereuse tempeste qui s’apprestoit à tomber
sur la France, fust aussi-tost diuertie. C’est donc de cette genereuse
resolution dont nous vous ferons part auec les autres nouuelles de cette
vnziesme Arriuée.

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Le Mercredy vingt quatriesme Mars 1649. Monsieur le Prince de
Conty Generalissime, & Messieurs nos Generaux furent voir faire reueuë
de nostre Caualerie au Camp de Ville. Iuifue, où Monsieur le Duc
d’Elbeuf commandoit, qui fut releué par Monsieur le Duc de Beaufort,
& en cette reueuë, parut que cette Caualerie au nombre de 4000.
hommes, est des meilleures qui ayt esté leuée en France il y a long-temps.

Le mesme iour le Parlement donna Arrest sur les taxes faites pour la
subsistance des Armees leuées pour la cause commune du Royaume ; &
en suitte la Cour delibera sur la permission que Monsieur le Prince de
Harcourt, fils aisné de Monsieur le Duc d’Elbeuf, demandoit de leuer
des troupes dans le Territoire de Montreüil sur la mer, où il est allé à
cause de la mort de Monsieur le Comte de Lannoy son Beau-pere, qui
en estoit Gouuerneur ; & fut ordonné que mondit sieur le Duc d’Elbeuf
Gouuerneur de la Prouince de Picardie, dont cette ville dépend,
donneroit ordre à la seureté de ladite Place, selon qu’il verroit en estre
besoin.

L’on a eu aduis de saint Germain en Laye, que Messieurs les Deputez
de la Prouince de Normandie, auoient fort insisté sur l’esloignement
du Cardinal Mazarin, & qu’ils attendoient response sur cet article,
pour proceder à l’accommodement des autres, dont ils sont chargez
par leur Deputation.

L’on a eu nouuelles de Guyse, que l’Armée de l’Archiduc composée
de douze mil hommes de pied, & quatre mil cheuaux, estoit campée
à deux villages à trois lieues de Guyle, l’vn appellé le Vicomté de Vadencourt,
& l’autre Meneurel, & que ledit Archiduc y est en personne
auec le Duc Charles ; & que le General Lamboy auoit pris sa marche
auec les troupes qu’il conduit, du costé de Champagne.

Comme aussi l’on a eu nouuelles certaines, que le General Erlac n’étoit
point sorty de Brisac, comme l’a supposé contreverité, celuy qui a
emprunté le nom de Courier de la Cour, se monstrant en cela mal intentionné
au bon party ; puisque cette fausse nouuelle ne pouuoit estre
dite, que pour mettre cela crainte dans l’esprit de ceux qui n’en ont
pas eu iusques à present ; Mais seulement quelques vns de ses troupẽs en
petit nombre, comme n’est pas plus vraye celle qu’il a inuentée, que les
troupes de la Lantgraue de Hesse, n’estoient pas asseurées pour nous ;
puisque Monsieur le Prince de Talmon son gendre, est en marche auec
ses troupes, & quelques autres de Monsieur de Turenne, pour le secours
de Paris & des autres Villes du Royaume. Dequoy i’ay bien voulu
icy aduertir les bons François, afin qu’ils demeurent fermes dans la
resolution qu’ils ont prise, & ne se fient pas à toutes sortes de gens qui
racontent des nouuelles.

Il y a aussi Lettres escrites de Roüen, par lesquelles on donne aduis
que Monsieur le Duc de Longue ville s’estoit saisi de Montiuiliers, &

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que le sieur de Chamboy vn de ses Lieutenans, auec des troupes de
gens de pied & de cheual, estoit party de Lizieux pour empescher les
leuées que s’efforce de faire en ces quartiers le Baron de Maré du party
contraire, & que ledit sieur Duc auoit enuoyé d’autres troupes pour
assieger la ville de Har-Fleur, ce qui auoit esté fait le dix-septiesme de
ce mois, par le sieur de Bois-le Febure, qui le vingtiesme ensuiuant
l’auroit fait sommer de se rendre : Les habitans sçachans que si cette
place n’estoit secouruë par la garnison du Havre, du Gouuernement duquel
elle dépend, ils ne pouuoient pas soustenir ce siege, pour lequel ledit
sieur de Longueville auoit enuoyé deux mil hommes en donnerent
aduis au Gouuerneur, qui se mit en deuoir de la secourir, y ayant enuoyé
à cette fin deux cens cinquante hommes, qu’il auoit tirez de sa Citadelle ;
lesquels estans en chemin, ayans descouuert de la Caualerie, l’espouuente
les ayant surpris, ils se retirerent en tres-grand desordre iusques
au Havre dont ils estoient partis, & où ils n’arriuerent qu’à dix
heures du soir, encores qu’il n’y ayt pas vne demie lieue d’vne des places
à l’autre, & qu’ils fussent partis de grand matin. Le soir du mesme iour
vingtiesme de ce mois, la garnison qui estoit dans ladite ville de Har-Fleur
au nombre de soixante soldats, outre les officiers, se rendit à discretion,
& lesdits soldats furent menez au Chasteau de Tancaruille, &
leurs officiers à Roüen. Apres la reddition de cette place, vne partie
des troupes qui l’assiegeoient furent au Chasteau du sieur Fontaine Martel
du party contraire, lequel ils prirent aussi, & en sirent emmener cinq
pieces de Canon, qui ont esté conduites à Roüen.

 

Le Ieudy vingt-cinquiesme, Feste de l’Annonciation de la Vierge, le
Parlement fut extraordinairement assemblé, auec Monsieur le Prince
de Conty, & Messieurs nos Generaux, sur l’arriuée d’vn Courier de
saint Germain en Laye, qui auoit esté enuoyé afin de nouuelle surceance
d’armes, pour la continuation de la Conference qui se tient à saint Germain,
la precedente finissant ce mesme iour ; & ayant esté deliberé sur ce
fuiet, fut accordé vne nouuelle surceance iusques à Lundy prochain inclusiuement,
& arresté que les Deputez seroient aduertis & priez de la
part de la Compagnie, de terminer cette Conference dans lesdits quatre
iours.

Le Vendredy 26. sur la remonstrãce faite par les Colonels, Capitaines &
officiers des Cõpagnies des Bourgeois de Paris, les Preuost des Marchãds
& Escheuins ont fait vne Ordonnance, portant inionction aux Chefs
& Officiers des Compagnies, de continuer lesdites Gardes tant de iour
que de nuict, & à tous les Bourgeois & Habitans de ladite Ville, d’aller
soigneusement à ladite Garde, & obeïr à leurs Officiers suiuant les reglemens
faits sur ce suiet ; auec defenses de sortir ny des-emparer de ladite
Garde, sur les peines portées par ladite Ordonnance.

Le mesme iour on a eu nouuelles, que les habitans de la Ferté sur
louarre, auoient refusé la garnison que le Cardinal Mazariny auoit enuoyée,

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& qu’ils s’estoient mis en armes pour la garde de leur ville, en
sorte qu’ils n’y laissent, entrer aucuns gens de guerre, sçachans bien les
desordres que les garnisons du party contraire ont apporté aux villes où
ils sont entrez.

 

Le Samedy vingt-septiesme en l’Assemblée du Parlement, Monsieur
le Prince de Conty, dit que par la declaration qu’il auoit faite à la Cour
le vingtiesme de ce mois, tant pour luy que pour les autres Generaux,
ils abandonnoient toutes leurs iustes pretensions, pour insister à l’esloignement
du Cardinal Mazarin, seul cause de la continuation de la guerre,
& de tous les autres maux de la France, que les instances que leurs
Deputez en auoient faites à la Conserence, auoient esté iusques icy
sans succez, mais qu’ils l’esperoient tout entier, si par vn Arrest la Cour
faisoit cognoistre, qu’outre les anciennes raisons de l’esloignement, il y
a encores celles d’assoupir le feu, qui pour son seul subjet est maintenant
dans toutes les Prouinces & principales villes de ce Royaume, & prioit
la Cour d’en deliberer, ce qu’ayant esté fait ; il fut arresté qu’il seroit
fait registre de ladite proposition, autant duquel seroit enuoyé aux Deputez,
lesquels insisteroient à ladite proposition du 20. de ce mois
pour l’esloignement dudit Cardinal Mazarin.

Le mesme iour l’on eut aduis à Paris, que l’on auoit enuoyé des gens
mal intentionnez en ladite Ville pour y mettre le feu : C’est pourquoy
le Preuost des Marchands & les Escheuins ayans deliberé sur ce subjet,
ordonnerent que tous les Bourgeois tiendroient des vaisseaux pleins
d’eau dans chaque maison, pour donner ordre & empescher ce mauuais
dessein : Ce que les Officiers de ladite Ville firent sçauoir par tous les
quartiers, & à l’instant y a esté pourueu. De sorte que ces Incendiaires
perdroient leurs peines d’attenter cette attroce meschanceté.

L’on a eu aduis de Lyon que le habitans de cette ville se mettoient
en estat de se deffendre des surprises que l’on voudroit attenter contre
eux, & donnoient ordre pour la conseruation de leur ville, duquel ordre,
& du succez d’iceluy on nous a promis enuoyer les particularitez
au prochain voyage.

Comme aussi de Saint Germain que le Marquis de Gerzay du
party contraire estoit allé auec quelque trouppes pour empescher le
progrez que fait Monsieur le Marquis de la Boulaye auec les siennes
dans la Prouince d’Anjou, où il s’est desia asseuré de la ville de la Fleche,
& en suitte a pris sa marche vers Angers & Saumur, les habitans desquelles
villes se sont declarez pour la cause commune, & ne sont retenus
que par les Chasteaux qui sont ausdites villes, commandez par des
Chefs du party contraire.

Le Dimanche vingt huictiesme Lettres sont arriuées de la ville de
Bordeaux, par lesquelles l’on mande que les habitans de ladite ville ont
pris les armes pour la cause commune, & qu’ils se sont saisis du Chasteau
de Hact, & on inuesty le Chasteau Trompette.

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L’on a enuoyé de Rennes vn Arrest de la Cour de Parlement
de Bretagne, rendu l’vnziesme de ce mois, les Chambres assemblées
sur les Lettres de cachet du Roy, données à saint Germain en
Laye le dixiesme Fevrier precedent, l’vne addressée au sieur Euesque
de Nantes, & les autres aux Maires, Escheuins & Communautez des
villes de cette Prouince pour se trouuer en la ville de Nantes, à la conuocation
des Estats de la Prouince, pour la Nommation des Deputez
qui doiuent assister aux Estats Generaux du Royaume, assignez au 15.
Auril à Orleans. Par le quel Arrest ladite Cour apres auoir veu les lettres
Patentes données à Fontainebleau le 15. Auril 1561. pour la Conuocation
des Estats du Royaume, registrées en ladite Cour le 29. desdits
mois & an, a arresté que le Roy seroit tres humblement supplié auoir
agreable que l’ordre de tout temps obserué pour la Conuocation des
Estats soit inuiolablement gardé, & qu’i’s ne soient assemblez que par
lettres Patentes verifiées en Parlement, & de surseoir la tenuë des Estats
de cette Prouince, & cependant à fait deffences à toutes personnes, de
quelque qualité & condition qu’elles soient, de s’y trouuer ny s’assembler
sous pretexte desdits Estats.

Autres nouuelles de Roüen, que Monsieur de Matignon Lieutenant
de Monsieur le Duc de Longueville, a reduit en son obeyssance la ville
de Valongne, & que le sieur de Belle-Fond du party contraire qui y
commandoit, s’est retiré dans le Chasteau, plustost à dessein de faire
quelque honnorable Capitulation, que de resister aux troupes qui le
tiennent assiegé, puis qu’il sçayt bien qu’il n’est pas assez fort pour se garentir
de la prise ; Et que Monsieur le Duc de Rets est arriué à Roüen,
qui a enuoyé trois mil hommes qu’il a leuez en Basse-Bretagne, pour
ioindre celles dudit de Matignon.

Le Lundy vingt-neufiesme en l’Assemblée du Parlement, ayant esté
deliberé sur la continuation de la surseance d’armes, qui finissoit le mesme
iour, & que l’on requeroit encore pour trois iours, a esté arresté
qu’elle seroit continuée pour vingt-quatre heures seulement, & que
Monsieur le Prince de Conty & Messieurs nos Generaux en seroient
aduertis, & priez de se trouuer demain à l’Assemblee dudit Parlement.

Le mesme iour la Cour de Parlement toute les Chambres assemblées,
a rendu Arrest par lequel elle a ordonné que les precedens Arrests
donnez sur le fait de l’impression seront executez, & a fait iteratiues defenses
à tous Imprimeurs d’y contreuenir, & d’imprimer aucune chose
sans permission, expresse de la Cour ou des Conseillers d’icelle à ce commis,
à peine de punition corporelle.

L’on a eu aduis de Chasteau Chinon, que des troupes du Comte Dalets
faisans quelques desordres en Bourgogne, ayant esté poursuiuies par
les paysans des villages qui estoient sur leurs marches, furent contraints
de s’enfuïr vers ladite ville de Chasteau Chinon, où ils n’ont esté receus
qu’apres auoir rendu leurs armes & équipage, & en suitte s’en sont retirez

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separément, y ayant laissé leursdites armes, pour rembourser en
quelque sorte les ruines qu’ils auoient causées en ces quartiers.

 

Le Mardy trentiesme Monsieur le premier President a enuoyé de
Saint Germain lettres au Parlement, par lesquelles il mande qu’il est
sur son depart pour venir instruire la Compagnie de ce qui s’est passé en
la Conference, & que l’on desiroit encore que la surseance d’armes fut
continuée pour quatre iours, laquelle surseance a esté accordée pour
ledit temps.

Le mesme iour sur les quatre heures du soir, mondit sieur le Premier
President, & Messieurs les autres Deputez sont arriuez à Paris suiuant
la susdite Lettre.

Le Mercredy 31. & dernier Mars le Parlement a esté assemblé, où ont
assisté Monsieur le Prince de Conty, & Messieurs les Generaux, &
lecture y a esté faite du procez verbal de ce qui s’est passé à la Conference
de Ruël pour la paix : Et la deliberation sur le contenu en iceluy
remise au lendemain.

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