Anonyme [1649], SVITTE ET TROISIESME ARRIVEE DV COVRIER BOVRDELOIS , françaisRéférence RIM : M0_811. Cote locale : C_1_44_3.
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SVITTE ET TROISIESME ARRIVEE
DV
COVRIER
BOVRDELOIS,

IE vous ay dit par ma premiere
copie que le chasteau
Trompette auoit esté
pris par nos Habitans de
Bourdeaux, il reste donc
maintenant à vous dire la
composition qu’ils ont faite pour en sortir
auec caution de leurs vies.

Il ne faut iamais se défier de la diuine
Prouidence, ains au contraire il faut toujours
la conuier d’assister ceux qui ne demandent
autre chose que la Iustice & d’obeyr

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au Roy comme tres-humbles & tres-obeyssans
sujets, & de conseruer leurs
biens & leurs vies en defendant la ruine de
leur Patrie.

 

L’histoire nous apprend qu’vn homme
ne sçauroit auoir vn plus grand honneur
ny vne plus grande gloire que d’exposer sa
vie pour la conseruation de sa Patrie, c’est
vne verité de laquelle il n’est pas permis de
douter, puis que les plus grands personnages
qui ayent iamais paru se sont exposez
courageusement & ont engage leurs biens,
leur reputation, leur honneur & leur vie
pour conseruer des Loix qui doiuent estre
à iamais inuiolables, & pour proteger vn
peuple qui estoit prest de succomber sous
le faix, & prest de rendre l’ame sous le glaiue
qu’on luy posoit desia sur le chef.

N’auons nous pas tous les iours deuant
les yeux vn Tullius Ciceron, qui pour conseruer
la Republique de Rome, a mieux aimé
mourir courageusement que de viure
auec vn reproche eternel d’auoir vendu le
sang de ses Compatriotes.

O braue enfant de Mars, ô Senateur incorruptible
de qui Rome tient auiourd’huy

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toute sa gloire & toute sa grandeur, n’y a-il
donc pas plus de gloire de triompher en
mourant que de viure vaincu, il est vray, il
n’en faut plus douter, puis qu’auiourd’huy
nous en auons vn exemple tout nouueau
deuant les yeux.

 

Ie vous ay donc dit, chers Lecteurs, que
nos Habitans de Bourdeaux ont pris le
chasteau Trompette, ie vous le reitere pour
vous dire & vous raconter la composition
que les gens de Monsieur le Duc d’Espernon
ont faite auec les Habitans de Bourdcaux.

Nos Bourgeois s’estoient desia aguerris
à la prise du chasteau Trompette, mais
comme la Prouidence diuine n’a pas voulu
souffrir vn carnage & vne boucherie dans
vn Parlement si fameux & dans vne ville si
magnifique, le sainct Esprit a inspiré nos
Bourgeois de leur permettre de sortir à
composition.

Voicy donc la composition qu’ils ont
faite, il a esté dit & ordonné par Messieurs
du Parlement de Bourdeaux qu’il seroit
permis aux Soldats qui estoient en garnison
dans le chasteau Trompette de sortir

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auec leur equipage, sçauoir leurs habits sur
le corps, le mousquet sur lespaule, balle en
bouche, la mesche allumée & le tambour
battant ; & de plus qu’ils seront conduits
six lieuës par delà la ville par les Soldats des
bourgeois de Bourdeaux, crainte qu’il n’arriuast
quelque accident à la sortie de cette
garnison.

 

Ie vous diray de plus qu’il fut pareillement
ordonné & permis au Gouuerneur
de sortir auec deux habits, & sa femme, &
defenses aux Soldats d’emporter aucun argent
ny munition de guerre, & d’emporter
aussi plus d’vn habit, & leur espée au
costé.

O Senat digne de la memoire des hommes !
ô peuple tout remply de bonté ! ô fidels
sujets de ce grand Potentat, qui par
ses Lauriers & ses Palmes fait si puissamment
triompher son Estat faut donc maintenant
auoir recours à Dieu, il faut veiller
en oraison, il faut ieusner & faire des aumosnes,
afin qu’il nous enuoye vne Paix
que nous attendons tous les iours de sa
saincte Bonté. Commençons donc à nous
mettre à genoux, & implorons particulierement

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sa saincte Mere, disons luy auec ce
grand Pere Bernard, souuenez-vous saincte
Vierge Mere de Dieu, que vous n’auez iamais
esté refusée de ce que vous auez demandé
à vostre cher Fils nostre Seigneur
en faueur de vos tres-humbles seruiteurs.
Regardez nous donc saincte Vierge d’vn
œil de pitié, & obtenez de vostre bien-aimé
Fils en faueur des pauures affligez qui
gisent ça bas en terre vne Paix generale,
afin que nous puissions luy rendre graces
d’vn si grand bienfait, & que nous vous
puissions loüer eternellement dans le Ciel.

 

FIN.

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