Anonyme [1649], SVITTE ET TROISIEME ARRIVÉE DV COVRIER FRANÇOIS, APPORTANT TOVTES LES Nouuelles de ce qui s’est passé depuis sa seconde arriuée iusques à present. , françaisRéférence RIM : M0_830. Cote locale : C_1_40_03.
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SVITTE
ET TROISIEME ARRIVEÉE
DV COVRIER FRANÇOIS,
Apportant toutes les Nouuelles de ce qui s’est passé
depuis sa seconde arriuée iusques
à present.

Mes intentions ayant reüssi aux deux premieres courses
que i’ay faites, quoy que la liberté des passage, ayt esté
empeschée par nos Ennemis, & particulierement defenduë
à ceux de ma condition, & qu’elle soit dangereuse
à tenter ; Neant moins preferant tousiours l’interest public
au mien particulier, ie ne laisseray de continuer mes
voyages ordinaires, non pas tant pour faire sçauoir dans cette Ville ce
qui s’y passe, que pour publier és Prouinces de ce Royaume, les obligations
qu’elles ont de leur salut, au bon ordre donné par Messieurs de la
Cour de Parlement, pour faire reüssir vn dessein si sainctement entrepris,
si vnanimement entretenu, & si sagement executé : inspiré de Dieu
fortifié par l’Ange Tutelaire de la France, approuué par l’Eglise, &
aggrée par tous les bons François, puis qu’il ne va qu’à rendre au Roy,
son authorité vsurpée, chasser de la France vn Estranger qui n’en respire
que la perte, & deliurer les Peuples de la tyrannique oppression des
Partisans.

La quantité de Libelles qui se sont publiez iusques auiourd’huy 27.
Januier ; entre lesquels il y en a beaucoup d’iniurieux & scandaleux, a
donné lieu à Nosseigneurs de la Cour de Parlement de faire publier l’Arrest
qu’ils auoient rendu le 25. dudit mois, par lequel ils ont ordonné,
que suiuant les anciens Statuts des Imprimeurs & Libraires de cette Ville,
il ne sera fait aucunes impressions, ventes, ny debit d’aucuns Libelles
sans y apposer le nom & marque de l’Autheur ou Imprimeur.

L’on a eu aduis que la Ville de Lyon a receu auec la ioye qu’elle deuoit,

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les Arrests rendus par la Cour de Parlement, & suiuant iceux, que
les Magistrats & Officiers de cette Ville, ont non seulement donné ordre
à la seureté d’icelle, mais encores empesché que les Troupes que le
Mareschal de Schomberg auoit tiré de Catalogne par le commandement
du Cardinal Mazarin pour les admener auec les autres, que ledit
Cardinal auoit mandées de toutes les Frontieres pour establir sa tyrannie,
auoient esté retenuës & empeschées de passer ; luy seul ayant eu cette
permission est arriué à sainct Germain en Laye, où il a remonstré au
Cardinal, que tout le Royaume estant en armes pour le soulagement des
Peuples, il n’y auoit apparence aucune d’esperer secours, ny ionction desdites
Troupes.

 

Quelques Troupes ennemies sorties de sainct Denys, à dessein de surprendre
ou forcer le Pont de Charenton, en furent empeschées par la vigilance
de Messieurs nos Generaux, qui aussi-tost y firent entrer garnison
suffisante, outre celle qui y estoit auparauant sous la charge du Sieur
de Clanleu, qui a fait fortifier & retrancher cette place, de sorte qu’il
faudroit vn long Siege & vne forte Armée pour la prendre.

L’on a escrit de Roüen, que le vingt cinquiesme de ce mois Monsieur le
Duc de Longueuille a prins & est entré dans le vieux Palais de la Ville, &
en a fait sortir le Sieur de sainct Luc, qui s’y estoit glissé par le commandement
du Cardinal Mazarin ; & qu’en suitte ledit Seigneur Duc a
incessamment trauaillé à faire vn corps d’Armée des Troupes, dont ses
Lieutenans auoient commencé la leuée. Et encores que la Ville de Chartres
ayant esté tentée par ceux que ledit Cardinal y auoit enuoyez pour
la rendre de son party, a refusé les propositions que l’on luy a faites, &
s’est mise en estat de se garentir de surprise.

Le Ieudy 28. le Parlement estant assemblé sur la deputation de celuy
de Prouence, attendu l’Arrest par lequel auoit esté ordonné qu’il y auroit
ionction de la Cour de la Cour de Parlement d’Aix. Que tres-humbles remonstrances
seroient faites dudit Parlement au Roy & à la Reyne Regente
sur la creation & establissement du Semestre, Que la Cour auroit declaré
auoir esté fait contre les Loix du Royaume, & qu’elle ne tiendra ceux
qui ont esté admis és charges dudit nouueau Semestre, qüe pour personnes
priuées, &c.

Le Comte de Bethune est arriué à Paris, qui a apporté nouuelles que
le Comte de Charault son frere, Capitaine des Gardes du Corps du Roy,
auquel le Cardinal Mazarin auoit empesché l’exercice de sa charge, estoit
entré en la Ville de Calais, capitale de son Gouuernement, pour conseruer
la Prouince contre les Ennemis de l’Estat.

L’on a eu aduis de Dijon, que le Peuple de cette Ville a pris les armes
pour la conseruation d’icelle, contre ceux qui pretendoient s’en emparer
au preiudice du seruice du Roy & du bien du Royaume.

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Le mesme iour 28. le Regiment de Cauallerie de Monseigneur le Duc
d’Elbœuf fit monstre & serment en la place Royalle, en la presence dudit
Seigneur Duc & de Messeigneurs ses enfans ; Où se trouua quantité
de Noblesse, & beaucoup du peuple de Paris qui admirerent le bon ordre
& estat ausquels ce Regiment estoit, lequel partit ce mesme soir pour
aller du costé de la Prouince de Brie, d’où le iour suiuant ils firent venir
si grande quantité de bestail, bleds, & farines, qu’au iour de marché
il y eut telle prouision à la ville, par l’ordre que Messieurs du Parlement
y donnerent, qu’à peine auroit-on peu penser que iamais la ville eut esté
bloquée.

Le Cardinal Mazarin pensant empescher la correspondance qu’ont
tous les bons François pour deliurer le Roy, & Monseigneur son Frere,
de la captiuité où ils sont detenus, & eux & leurs familles de la tyrannie
dudit Cardinal, a fait sur prendre tous les paquets qu’apportoient
les Couriers de diuerses Prouinces, & a depuis defendu ausdits Couriers
de faire aucuns voyages. Ce qui n’a pas pourtant peu empescher que
toutes les Prouinces n’ayent esté aduerties des desordres qu’il fait faire
par des Troupes, la plus part estrangeres, és enuirons de Paris, & des
mauuais desseins qu’il a proiettez de ruiner cette ville, & en suitte le reste
du Royaume.

Le Vendredy 29. la Cour a rendu Arrest, par lequel en execution de
celuy qu’elle auoit rendu le 22. Ianuier, qui portait defense à toutes
personnes qui auroient passe ports de passer par autres portes que celles
de sainct Denys & sainct Iacques. Auroit fait derechef defenses à tous
Colonels & Gardes des portes de Paris, de laisser passer aucunes personnes
que par lesdites portes sainct Iacques & sainct Denys, excepté ceux
qui auroient passeports de Monsieur le Prince de Conty & de Messieurs
les Generaux pour le fait de la Guerre, auec inionction ausdits Colonels
de laisser les passages libres entre les habitans de la ville & ceux des faux-bourgs.

Ce iour fut baptisé le second sils de Monseigneur le Duc de Longueuille,
né le iour precedent dans l’Hostel de la Ville de Paris, tenu
sur les Fonds de Baptesme par Messieurs les Preuost des Marchands &
Escheuins de Paris au nom de toute la Ville, & par Madame la Duchesse
de Boüillon, & a esté nommé Charles de Paris d’Orleans, Comte de saint
Paul : La naissance de ce petit Prince a apporté grande ioye, estant vn
pronostic du bonheur que l’on attend par le moyen de Monseigneur son pere.

La nuict precedente cent soixante Caualiers du Regiment de Monsieur
l’Archeuesque de Corinthe, Coadiuteur de Paris, estans sortis par
la porte de saint Iacques tirans vers Lon-Iumeau, furent rencontrez par
six cens Caualiers & cent Harquebusiers à pied des troupes Mazarines,

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contre lesquels, nonobstant le grand nombre des ennemis, ils se battirent
si vaillamment qu’il en demeura sur la place plus des leurs que de ceux de
cette petite troupe, conduite par le Sieur du Seuigny, qui r’emmena ses
gens en seureté dans la ville, auec quelques Païsans qui y apporterent des
viures.

 

L’on a eu nouuelles de Prouence, que le Comte d’Alets Gouuerneur de
la Prouince, voulant fauoriser l’iniuste intention du Cardinal Mazarin,
fit le vingtiéme de ce mois (iour dedié à la Feste de sainct Sebastien, dont
on fait solemnité en la ville d’Aix, le peuple assistant en vne Procession
qui s’y faisoit ledit iour) entrer dans ladite ville d’Aix quantité de gens
de guerre pour la surprendre ; ce qu’ayant esté veu par quelques habitans,
en ayans aduerty les autres, il se trouua en vn moment dix-sept à
dix-huict mil hommes sous les armes, qui repousserent viuement lesdites
Troupes iusques au Chasteau, duquel en fin ils furent contrains de sortir
sans armes & sans bagage : & au regard dudit Comte d’Alets est demeuré
prisonnier.

Et que depuis on s’estoit asseuré à Marseille de la personne du Duc
de Richelieu General des Galeres, soubçonné d’intelligence auec ledit
Comte, & des vaisseaux qui estoient aux Ports de Marseille & de Toulon.

Le Samedy trentiéme, la Cour ordonna qu’il seroit déliuré Passe-ports,
tant ordinaires qu’extraordinaires, signez de Messieurs Viole & le Doux
Conseillers, par elle commis pour l’ordre des postes, ou de l’vn d’eux en
l’absence de l’autre, & du Gressier Guyet, auec inionction aux Capitaines
& Officiers de la Ville de Paris de les laisser passer, sans qu’il leur soit
fait aucun empeschement ny retardement.

Et encores le mesme iour, ladite Cour fit defenses à tous Clinquailliers,
Armuriers, & autres Marchands, de vendre les Mousquets
de Charle-Ville, Mezieres, & du Liege, auec les Bandoulieres, plus
de huict liures chacun : Ceux de Hollande & de Sedan auec la Bandouliere,
plus de dix liures piece : Les piques de fresne auec les fers communs,
plus de vingt-quatre sols piece : La paire d’Armes fortes auec le
pot, plus de douze liures, les foibles plus de dix liures : La paire de pistolets
à fusil auec les foureaux dix-huict liures, & ceux à roüet seize liures :
La liure de poudre à mousquet plus de vingt sols, & la fine plus de
vingt quatre sols : La liure de plomb quatre sols, & celle de meche quatre
sols.

Ce mesme iour les Troupes Mazarines estans allées vers Brie-Comte-Robert
à dessein de le surprendre, quelques Troupes de Cauallerie des
Regimens leuez à Paris en ayant eu aduis, & furent pour les en empescher ;
& d’effect les Ennemis en estans aduertis, tournerẽt le dos sans vouloir
rendre aucun combat ; de sorte que l’on fit venir fort facilement plusieurs

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prouisions, tant de bled que de bestail de ces quartiers en la Ville
de Paris, en laquelle à present il y en a autant qu’auparauant qu’elle fut
bloquée.

 

Et encores l’on tira des Colonnelles des Bourgeois de cette Ville des
Compagnies qui furent conduites à Charenton, pour y demeurer pendant
que l’on en tira la garnison pour mener vers Ville-Neufue sainct
George & Brie. Comte-Robert.

Le Dimanche trente vniéme, Tancrede de Rohan, Fils & heritier de
la valeur du feu Duc de Rohan son Pere, estant en la Compagnie des
Sieurs Marquis de Vitry, de Noirmonstier & autres, ayans rencontré
quelques Ennemis de la garnison du Chasteau de Vincennes, apres auoir
rendu combat contre eux, & en auoir tué plusieurs, fut enfin luy-mesme
blessé d’vn coup de pistolet, & emmené audit Chasteau où il mourut le
lendemain.

Le Lundy premier Feurier, Monsieur le Duc d’Elbœuf entra en la Ville
de Brie-Comte-Robert, où il mit en garnison partie des Troupes qui
auoient esté tirées de Charenton, tant pour la conseruation de la Ville,
que pour la seureté des Marchands qui viennent de ces quartiers apporter
des prouisions à Paris.

L’on a trouué chez le nommé Pauillon, Partisan du Conuoy de Bordeaux,
la somme de trois cens trente tant de mil liures, que la Cour suiuant
l’Arrest par elle cy-deuant rendu, a ordonné estre portez és coffres
de l’Hostel de Ville.

Comme aussi ont esté trouuez en diuerses maisons de particuliers plusieurs
deniers, vaisselle d’argent, meubles precieux, & autres choses que
les Partisans & gens d’assaires, (qui sont fuis de Paris de peur d’estre punis)
y auoient cachez.

Ce iour a esté rendu Arrest, par lequel la Cour a ordonné, que les Receueurs
des Villes de Moulins & de Chalons, apporteroient les deniers de
leurs Receptes és coffres de l’Hostel de Ville de Paris.

Ce mesme iour, les Iuges & Consuls des Marchands de Paris nouuellement
éleus, ont fait le serment au Parlement à cause de leursdites
charges.

Le Regiment d’Infanterie de Monseigneur le Prince de Conty, Generalissime
de l’Armée du Roy contre le Cardinal Mazarin, a fait reueuë en
presence de deux de Messieurs de Parlement, qui ont fait faire le serment
aux Officiers & Soldats dudit Regiment, dans le Manege de la grande
Escurie de sa Majesté.

Il est venu plusieurs Conuois de viures de plusieurs endroits en la Ville
de Paris.

L’on a eu aduis de sainct Germain en Laye, que quelques Habitans
des villages, & autres particuliers, que ceux des Troupes Mazarines auoient

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prins prisonniers, ont esté si mal traittez d’eux, que mesmes ils les
ont dépoüillez tout nuds comme Esclaues, & les ont laissez de la sorte
pendant la rigueur du froid de cette saison, enfermez dans le Ieu de Paulme
de sainct Germain en Laye.

 

Et que le Sieur Peiraut, Intendant de la Maison de Monsieur le Prince
de Condé, auoit esté substitué en la place du Sieur le Tellier Secretaire
d’Estat.

Depuis huict iours en çà, le Cardinal Mazarin a fait piller par ses
Troupes les Bourgs de Seaux, Fontenay & Paloiseau, qui non contens des
desolations qu’ils ont commises des maisons des particuliers, se sont encores
attaquez aux Eglises dediées à Dieu, qu’ils ont polluées, & en ont
emporté les ornemens, & autres choses sacrées seruans au seruice Diuin.

Le Mercredy troisiéme, fut trouué de la vaisselle d’argent, & quantité
de meubles appartenans à d’Emery, cy deuant Sur-Intendant des Finances,
& au nommé Catelan, Inuenteur des plus tyranniques monopoles
exercez sur le peuple, lesquels ont esté saisis de l’Ordonnance de Messieurs
de la Cour de Parlement.

Le Ieudy quatriéme dudit mois, la Cour a rendu deux Arrests, par l’vn
desquels elle ordonna, que tous les Quinqualliers & autres Marchands
d’armes seroient tenus venir faire leur declaration de la quantité qu’ils en
auoient, & defenses de les cacher à peine de confiscation, & de payer le
double de ce qui se trouuera reculé, dont le tiers de la valeur sera donné
au denonciateur.

Et par l’autre, sur ce qu’il a esté donné vn Arrest au Conseil tenu à S.
Germain en Laye, portant que tous Contracts & Obligations passées à
Paris depuis le cinquiéme Ianuier dernier seroient nuls : ce qui est contre
l’ordre & equité, & fait à dessein de troubler le repos & tranquillité publique,
& renuerser le commerce d’entre les fidelles Subiets du Roy ;
Auroit ordonné que tous Contracts, Obligations, & autres Actes faits &
passez en ladite Ville, entre tous Particuliers & Communautez, vaudront
& seront executez comme bien & legitimement faits suiuant les
Ordonnances, ensemble tous ceux qui seront cy-apres faits, nonobstant
tous Iugemens & Lettres à ce contraires.

Le mesme iour l’apresdinée, Monseigneur le Prince de Conty Generalissime,
accompagné de Monsieur le Duc d’Elbœuf, de Messieurs ses enfans,
& de plusieurs autres Princes, Seigneurs & Officiers, fit faire la reueuë
de son Regiment de Cauallerie & de ses Gardes, & en suitte du Regiment
de Cauallerie de Monsieur de Marsillac.

FIN.

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Anonyme [1649], SVITTE ET TROISIEME ARRIVÉE DV COVRIER FRANÇOIS, APPORTANT TOVTES LES Nouuelles de ce qui s’est passé depuis sa seconde arriuée iusques à present. , françaisRéférence RIM : M0_830. Cote locale : C_1_40_03.