Anonyme [1649], SVITTE ET DIXIESME ARRIVÉE DV COVRIER FRANÇOIS, APPORTANT TOVTES LES Nouvelles de ce qui s’est passé depuis sa neufiéme arriuée iusqu’à present. , françaisRéférence RIM : M0_830. Cote locale : C_1_40_10.
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SVITTE
ET
DIXIESME ARRIVÉE
DV
COVRIER
FRANÇOIS,
APPORTANT TOVTES LES
Nouvelles de ce qui s’est passé depuis sa
neufiéme arriuée iusqu’à present.

A PARIS,
Chez ROLIN DE LA HAYE, au Mont Sainct
Hilaire, ruë d’Escosse.

M. DC. XLIX.

AVEC PERMISSION.

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SVITTE ET DIXIESME ARRIVÉE
DV
COVRIER FRANÇOIS,
APPORTANT TOVTES LES NOVVELLES
de ce qui s’est passé depuis sa neufiéme arriuée
iusques à present.

LES Historiens remarquent qu’Auguste Cesar Prince incomparable,
sage en ses conseils, heureux en guerre, adoré
des siens, craint des Estrangers, & admiré de tout l’Vniuers,
auoit accoustumé de dire, que c’estoit vn traict d’vn esprit
leger & plein de vanité, de vouloir hazarder le salut des Citoyens
pour obtenir vn triomphe ; & que l’on ne doit iamais entreprendre
vne guerre que pour vn plus grand bien, de peur que l’on n’acheptast
la victoire auec plus de dommage, que l’on n’en pouroit recueillir de
profit : Comparant les ambitieux (qui pour faire vne maigre conqueste,
mettent toute leur fortune en danger) à ceux qui peschent auec vn
hameçon d’or, lequel venant à se perdre, ne peut estre recompensé par
toutes les prises qu’ils peuuent faire.

Celuy qui depuis quelque temps nous a obligez à vne iuste deffense
contre les violences qu’il a cy-deuant exercées enuers les meilleurs seruiteurs
du Roy, & continuées contre la Ville de Paris, a fait assez connoistre
qu’il est aussi mal instruit de l’Histoire, que de la Politique, puis
que tout le profit qu’il pouuoit tirer de son dessein, voire mesmes d’vne
victoire, s’il en eust remporté aucune, luy estoit tousiours beaucoup
moins aduantageux, que la crainte du danger où il s’exposoit luy deuoit
estre considerable pour le destourner entierement de son entreprise, laquelle
ne reüssissant pas selon son intention, ne pouuoit tourner qu’à sa
confusion, & causer sa perte indubitable ; au repos & soulagement de
tout le Royaume de France.

Le Mercredy dix-septiesme Mars 1649. nouuelles sont arriuées de la
ville du Mans, que Monsieur le Marquis de la Boulaye que i’ay dit en
la precedente arriuée auoir couru la Prouince du Maine, & fait retirer
le Marquis de Lauardin, l’Euesque du Mans, & autres qui leuoient des
trouppes en cette Prouince contre l’authorité du Roy & du Parlement,
estoit entré le 13. de ce mois auec soixante Maistres dans ladite ville du
Mans ayant laissé son Armée composée de sept à huict mil hommes és

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enuirons de ladite ville, en laquelle il a asté receu auec applaudissement
de tout le peuple, & des habitans des bourgs & lieux de cette Prouince,
qui tous vnanimement ont témoigné vouloir seruir selon leur pouuoir
pour le restablissement de la splendeur de ce Royaume, & de l’authorité,
du Roy, vsurpée par les mauuais Ministres de son Estat.

 

Le mesme iour l’on a eu aduis à Paris, que les trouppes que le Mareschal
du Plessis Praslin du party contraire, auoit tirées des garnisons de
Saint Denis, Mont-l’hery, Chastres, & autres lieux, qu’il auoit fait marcher
vers Dampmartin, pour entrer en l’Isle de France & s’opposer à
celles que l’on disoit que l’Archiduc Leopold auoit fait entrer en Picardie,
estoit retourné en ladite ville de Saint Denis, & auoit fait retirer
sesdites trouppes aux lieux de leurs garnisons, sans sçauoir la raison
pour laquelle ils auoient reculé si promptement : Toutefois contre la
surseance d’armes ils n’ont pas laissé de piller deux Bourgs qui estoient
sur leurs marches, & voler des particuliers de Gonnesse, & autres villages
qui reuenoient de Paris, sur l’asseurance de cette surseance. Ce
qui fit faire grande plainte dans la Ville.

Le Ieudy dix-huictiesme fut enuoyé de Ruel à Paris, aduis de la continuation
de la surseance d’armes accordée pour trois iours, pendant lesquels
Messieurs les Deputez du Parlement continuëront à traitter de
l’accommodement pour là paix.

Le mesme iour Monsieur le Duc de Boüillon vn de nos Generaux fit
faire reueuë generale de la Caualerie de nostre armée en la plaine de
Long-boyau au dessus de Ville-Iuifue, en la presence de Monsieur le
Prince de Conty nostre Generallissime, & de Messieurs les Ducs d’Elbeuf
& de Beaufort, & Mareschal de la Motthe : Ce qui fut tres agreable
à voir à plusieurs personnes de condition, & quantité de Bourgeois
qui y estoient allez, pour le bon ordre auquel cette milice estoit, tant
aux personnes qu’en leur equipage.

Le iour d’hier sont partis de Paris par l’ordre de mondit sieur le Prince
de Conty, & de mesdits sieurs les Generaux, Monsieur le Duc de Brissac,
& les sieurs de Bariere, de Grecy, & de Bas, pour aller à Ruel, à la
Conference y representer leurs interests, & se ioindre à Messieurs les
Deputez du Parlement.

Le Vendredy 19. Lettres sont arriuées de Bordeaux, par lesquels l’on
mande que le Parlement de Guyenne & les villes de cette Prouince, se
sont declarées pour le Parlement & la Ville de Paris, & qu’en ladite Prouince
par l’ordre de leurdit Parlement l’on fait des leuées de gens de
guerre pour s’opposer à la tyrannie de ceux qui veulent empescher les
bonnes intentions de sa Majesté de retourner en sa bonne Ville de Paris,
& luy rendre sa splendeur par sa Royale presence.

Le mesme iour autres nouuelles sont arriuées de la ville de Thoulouse,
par lesquelles l’on donne aduis que le Parlement de Languedoc a rendu
Arrest, par lequel il a fait deffenses aux trouppes de gens de guerre qui

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sont dans la Catalogne d’entrer en France, & passer par cette Prouince &
celle de Guyenne, par lesquelles l’on disoit qu’ils vouloient venir &
quitter leurs garnisons, au preiudice du seruice du Roy.

 

Le mesme iour dix-neufiesme au soir est arriué à Paris le sieur Comte
de Fiesque, vn des Lieutenans de Monsieur le Duc de Longueville par
luy enuoyé à Monsieur le Prince de Conty, & à Messieurs nos Generaux,
leur faire sçauoir de ses nouuelles, & ce qui se passe en Normandie,
concernant les affaires communes.

Le Samedy 20. le Parlement en execution de son Arrest du vnziesme
de ce mois, ordonna qu’il seroit incessamment procedé à la contrainte
des taxez, pour payer leurs parts des taxes faites pour le payement des
frais de l’armement & subsistance des gens de guerre de l’armée leuée
pour le secours de la Ville de Paris.

Le mesme iour Messieurs les Preuost des Marchands & Escheuins de
ladite Ville, vindrent au Parlement pour auoir l’ordre de la Procession
generale qui a accoustumé d’estre faite par chacun an le vingt-deuxiesme
du present mois, en memoire, & pour rendre graces à Dieu, de l’heureuse
reduction de ladite Ville de Paris, en l’obeyssance du Tres-Chrestien,
tres-victorieux & tres-clement Henry le Grand, quatriéme de ce
nom, Roy de France & de Nauarre, Pere du Peuple, Protecteur & azile
des oppressez.

Ledit iour en l’Assemblée du Parlement, Monsieur le Prince de
Conty, assisté de Messieurs nos Generaux, dit que luy & mesdits sieurs
declaroient qu’ils n’auoient donné leurs pretensions, dont estoient chargez
leurs Deputez, que pour la necessité où ils se sont trouuez de chercher
leur seureté, en cas que le Cardinal Mazarin demeurast dans le
Ministere ; & protestoiẽt de renoncer à leurs interests particuliers dés le
moment qu’il en seroit exclus : mais en cela comme en toutes autres choses,
qu’ils se sousmettoient aux sentimens du Parlement, duquel ils protestoient
ne se point vouloir desvnir, declarant qu’ils ne se sont iamais
ioints à cette Compagnie que pour la Paix generale, le soulagement des
Peuples, la conseruation de la Ville de Paris, & que de ce il auoit esté
dressé memoire, signé dudit sieur Prince de Conty, lequel il auroit requis
estre inseré & mis au Gresse. Ce que la Cour auroit fait d’vn commun
vœu, & ordonné qu’il en seroit deliuré acte & coppies pour enuoyer
à Messieurs les Deputez à Ruel, & encores ledit sieur Prince de
Conty auroit au mesme instant dit, que Monsieur le Duc de Longueville
seroit dans les mesmes sentimens.

A mesme temps de Monsieur le Comte Maure partit de Paris auec autant
de la susdite Declaration pour la porter à Ruel aux Deputez de
mondit sieur le Prince de Conty & de mesdits sieurs les Generaux, auec
charge expresse d’en faire vn tres grande instance à la Conference.

L’on a eu aduis de Roüen que le Parlement & autres Cours Souueraines,
s’estans assemblez le iour precedent auec Monsieur le Duc de

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Longueville, ont nomme des Deputez au nombre de seize pour se
trouuer à ladite Conference, qu’ils estoient partis de ladite Ville pour
Ruel, auec pouuoir & memoires pour traitter des interests de la cause
commune en general, & de leur Prouince en particulier.

 

Comme le Roy & la Reyne Regente sa Mere ont tousiours esté portez
de bonne volonté pour les peuples de toutes les Prouinces de leur
Royaume, & particulierement pour le bien de la Ville de Paris, & que
le mal qui y est arriué & és enuirons, a esté contre leur intention, effectué
par l’ordre de celuy qui abusant de leur authorité & du pouuoir
que luy donnoit la Charge de son Ministere ; leursdites Majestez ont
fait publier vne. Ordonnance donnée à Saint Germain en Laye cedit
iour vingtiesme Mars, par laquelle, sur ce qui a esté representé au Roy
de la part du Preuost des Marchands & Escheuins de sa bonne Ville de
Paris, qu’au preiudice de ce qui leur a esté accordé par sa Majesté, aucunes
Villes estans sur les riuieres de Marne & Seine & autres lieux,
dont il peut venir des bleds à Paris, ont fait difficulté d’en laisser sortir,
pour n’auoir pas receu d’ordre de sa Majesté sur ce sujet. Sadite Majesté
par l’aduis de la Reyne Regente sa Mere, a ordonné que les bleds, &
toutes sortes de grains, vins, & autres viures & dentées quelconques,
seront tirées & transportées de toutes parts, & passeront en toute liberté
& seureté en ladite Ville de Paris, tant par eau que par terre, &
que le Commerce de toutes marchandises y sera entierement libre &
restably tout ainsi qu’il estoit auant le present mouuement : auec mandement
aux Gouuerneurs des Places & Villes, & tous autres, de tenir
la main à l’execution de ladite Ordonnance. Nonobstant laquelle les
gens de guerre du party contraire ne laissent pas de nous opposer tous
les obstacles qu’ils peuuent pour nous en frustrer de l’effet, à quoy la
peine qu’ils y prennent n’opere pas beaucoup, puis qu’auec tous leurs
efforts, la Ville ne laisse pas d’estre à present munie de viures pour plus
de six mois, en sorte que le premier dessein que l’on auoit eu de l’affamer
s’en est allé en fumée.

Le Dimanche vingt vniesme Monsieur le Duc d’Elbeuf ayant releué
du Camp de nostre Armée Monsieur le Duc de Boüillon, fait trauailler
incessammant à la continuation des trauaux & fortifications dudit
Camp à Ville-Iuifue, lesquels seront acheuez en peu de iours estans
desia pour la pluspart en deffense, particulierement du costé de l’Abbaye
de la Saussaye, lequel costé est flanqué de deux demy-lunes auec
vn tres-large fossé de chaque costé, bien palissadé, & au derriere de
deux places d’armes, qui peuuent contenir plus de deux mil hommes
en bataille.

Quelques Compagnies des Bourgeois du Faux-bourg Saint Germain
iusques au nombre de six mille hommes ou enuiron, firent exercice l’apresdinée
de ce iour dans le Pré aux Clercs, où Monsieur le Duc de
Beaufort, & Monsieur le Mareschal de la Motte s’y rencontrans, virent

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auec combien de zele chacun se preparoit pour la deffense de la
Ville.

 

Le Samedy vingt-deuxiesme en l’Assemblée du Parlement, Monsieur
l’Archeuesque de Corinthe Coadjuteur à l’Archeuesché de Paris
y estant venu, dit que Monsieur le Prince de Conty, à cause de son indisposition,
l’auoit chargé de dire à la Cour, que le iour precedent il
auoit receu des nouuelles de l’Archiduc Leopold, par lesquelles il luy
mande qu’estant entré en France, il desiroit leuer le soubçon que l’on
pourroit prendre de sa marche, & faire connoistre à tout le Royaume
qu’il y venoit chercher la Paix, & non pas faire la guerre ; pour cét effet
offroit d’arrester ses armes, pourueu que la Reyne donnast des Deputez
pour terminer tous les differends des Couronnes : Que ledit sieur
Prince de Conty n’ayãt pas iuge à propos de laisser passer cette occasion
si aduanta geuse à la France, si importante & fauorable à la Chrestienté,
auoit pour ce subjet annoncé aux Deputez de sa part, d’insister sur cette
proposition, supplioit la Compagnie d’en considerer l’importance, & de
donner mesme ordre à ses Deputez, protestant de ne rien tant desirer au
monde, & d’y sacrifier tous ses interests particuliers : Et si ledit Archiduc
vouloit se preualoir de l’estat auquel se trouue presentement la France,
ledit sieur Prince de Conty declaroit qu’il est prest de rendre au Roy &
au public tous les tesmoignages d’affection, de seruice & d’obeyssance
que doit vne personne de sa naissance. Surquoy Monsieur le Procureur
general du Roy ouy, & la matiere mise en deliberation, la Cour arresta
qu’il seroit fait registre dudit dire, autant duquel seroit enuoyé aux
Deputez de ladite Cour estans à S. Germain, pour le faire sçauoir au
Roy, pour en disposer selon sa volonté.

Le mesme iour lettres ont esté apportées de la part de Monsieur le Premier
President, par lesquelles entr’autres choses, il fait sçauoir à Messieurs
du Parlement, que le Roy & la Reyne Regente, ont encores accordé surseance
d’armes iusques au Ieudy ensuiuant.

Nouuelles sont arriuées de Tours, que les sieurs de la Folaine, & Cheualier
de Cangé accompagnez de quelques autres de leur faction, estoient
arriuez en ladite Ville quelques iours auparauant, & estans à la porte, comme
l’on soubçonna qu’ils y venoient à mauuais dessein, & que l’on les voulut
fouiller, ils s’enfuyrent iusques à l’Abbaye de Marmoutier, ou les
Bourgeois de Tours (s’estans mis en armes) les poursuiuirent, & pour
les prendre inuestirent ladite Abbaye, d’où ayans esté tirez, furent trouuez
chargez de Commissions, & autres ordres du Cardinal Mazarin, tant
pour leuer gens de guerre, receuoir deniers, que se saisir de la Ville, pourquoy
ils ont esté arrestez, & depuis garde a esté faite par les Bourgeois qui
sont tousiours sous les armes, attendant l’ordre du Parlement pour leur
plus grande seureté.

L’on a eu aduis de Saint Germain en Laye que les Deputez de Monsieur
le Duc de Longueville, du Parlement de Roüen, des autres Cours

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Souueraines, & des officiers de ladite ville y estans arriuez le 21. de ce
mois, y ont eu audience, & en suitte l’on a commencé la Conference
sur les Articles par eux apportez pour la reformation du mauuais ordre
au gouuernement de l’Estat, introduit par les tyranniques maximes &
mauuais Conseils du present Ministere, & pour l’interest commun du
public, auec toutes les autres Prouinces du Royaume qui ont pris les
armes pour ce sujet.

 

Le Mardy 23. les Maire, Escheuins & officiers de la ville de Poictiers
au nom de ladite Ville & de toute la Prouince de Poictou, ont par leur
Deputé fait entendre en l’Assemblée du Parlement, qu’ils auoient pris
les armes pour le seruice du Roy, sous l’authorité du Parlement, &
qu’ils requeroient qu’il pleust à la Cour leur faire expedier Cõmissions
pour leuer des gens de guerre pour la seureté de leur Prouince, & prendre
les deniers necessaires pour leur subsistance, outre celles que Monsieur
le Duc de la Trimoüille y a leuées, qui sont desia sur pied au nombre
de sept à huict mil hommes.

Cedit iour 23. la Cour a arresté que l’on continueroit la vente encommencée
des meubles du Cardinal Mazarin, & encores qu’il seroit procedé
à la vente de quelques balots de tapisseries, & autres meubles appartenans
au sieur petit Receueur des rentes, lesquels il auoit destournez
pour plus facilement se ranger du party contraire.

Le Mercredy 24. la Lettre de Monsieur le premier President a esté
leuë en l’Assemblée du Parlement, par laquelle il mandoit que la Reyne
tesmoignoit souhaitter non seulement vn accommodement pour le fait
particulier de la Ville de Paris, de Messieurs les Generaux, & des autres
villes du Royaume, mais encore qu’elle desiroit auec passion paruenir
à vne Paix generale, & qu’à cette fin elle auoit par Monsieur le
Comte de Brienne Secretaire d’Estat, fait dire à Monsieur le Nonce du
Pape, & à Monsieur l’Ambassadeur de Venise, qu’ils donnassent aduis
à l’Archiduc Leopold, qu’elle enuoyeroit des Ambassadeurs auec plain
pouuoir aussi-tost qu’il y auroit lieu conuenu pour en traitter.

Section précédent(e)


Anonyme [1649], SVITTE ET DIXIESME ARRIVÉE DV COVRIER FRANÇOIS, APPORTANT TOVTES LES Nouvelles de ce qui s’est passé depuis sa neufiéme arriuée iusqu’à present. , françaisRéférence RIM : M0_830. Cote locale : C_1_40_10.