Anonyme [1649], SVITE DV SOLDAT BORDELOIS, CONTENANT LES PARTICVLARITEZ DE CE qui s’est passé en la Bataille deuant la ville de Libourne en Gascongne: Entre l’armée du Parlement de Bordeaux, & les troupes de Monsieur le Duc Despernon Gouuerneur de la Prouince. Ensemble le nombre des morts & blessez, de part & d’autre. , françaisRéférence RIM : M0_3677. Cote locale : A_7_40.
Section précédent(e)

SVITE DV SOLDAT
BORDELOIS, CONTENANT
LES PARTICVLARITEZ DE CE
qui s’est passé en la Bataille deuant la ville de Libourne
en Gascongne: Entre l’armée du Parlement
de Bordeaux, & les troupes de Monsieur le Duc
Despernon Gouuerneur de la Prouince.

Ensemble le nombre des morts & blessez,
de part & d’autre.

A PARIS,
Chez Claude Morlot, Iouxte la copie imprimée à
Bourdeaux, par Michel Millange.

M. DC. XLIX.

-- 2 --

-- 3 --

SVITE DV SOLDAT BORDELOIS,
Contenant les particularitez de ce qui s’est passé
en la Bataille deuant la ville de Libourne en
Gascongne : Entre l’armée du Parlement de Bordeaux,
& les troupes de Monsieur le Duc
Despernon Gouuerneur de la Prouince.

LA déroute de nos troupes que nous n’auions
peu sçauoir qu’en gros, nous est maintenant
cogneuë dãs toutes ses particularitez. Nous auons
sceu que Monsieur Despernon ayant ioinct l’adresse
à la force estoit venu about de ses desseins.

Car nostre artillerie ayant fait vne breche raisonnable
à la muraille de Libourne, lors qu’on
estoit prest de donner l’assaut, il arriua au Camp
des gens appostez enuoyez par Monsieur Despernon,
qui feignant de se sauuer asseuroient que le
nombre de ses troupes consistoit en cent ou six
vingts cheuaux, & deux cens hommes de pied
seulement, encor mal armez, & peu agueries, à
quoy nos gens adioustans foy vn peu trop legerement,
voulurent aller au deuant pour les combattre,
les deffaire, & remporter vne double victoire.
Mais comme ils y alloient auec precipitation, s’imaginant
que ce n’estoient que quelques coureurs,

-- 4 --

ils s’engagerent, rencontrans les ennemis
cachez en embuscade, dans des bleds & ailleurs
qui les surprirent & les deffirent.

 

Apres la desroute Monsieur de Chamberet
nostre General d’armée se croyant trahy, auança
luy-mesme sa mort, aymant mieux perir en combatant
que souffrir la prison, ou quelque chose de
pis, ny de suruiure à sa deffaite. Apres le combat
ayant esté recogneu entre les morts, il fut porté
par l’ordre de Monsieur Despernon, par six des
Officiers de ses troupes dans l’Eglise de Libourne
où il fut honorablement enseuely. Sa mort acheua
de precipiter nos gens, & les rendit si fort espouuantez,
qu’ils furent incapables de se r’allier
quelque effort qu’en fist. Monsieur le Marquis de
Chamberet son fils, qui se sentant blessé se sauua
dans nos Nauires.

Ceux qui commandoient & combattoient dans
deux fregattes armées chacune de dix ou douze
pieces de canon, & force mousquets, les abandonnerent
pour se sauuer dans l’Admiral & ailleurs,
& par cette insigne lascheté laisserent ces
deux bonnes pieces en proye aux ennemis, qui
sceurent bien s’en seruir apres l’entiere fuitte.

Monsieur Dandrault Conseiller en nostre Parlement
qui commandoit trois cens hommes,
estant blessé, bien qu’assez legerement, fut pris en
combatant, & mené deuant Monsieur Despernon,

-- 5 --

lequel aussi-tost qu’il le vit, luy dit : Ie vous ay pris
la pique à la main, ie vous veux presenter à la
Reyne en cét estat, & aussi-tost le fit conduire dans
la Citadelle de Libourne, où on le garde.

 

La trahison fut manifeste en cette malheureuse
occasion : Il se trouua qu’auiour de ce combat, la
moitié des personnes qui y auoient accouru auec
tant de chaleur auoient defilé, & s’estoient retirez.
Presque tous ceux qui auoient charge lascherent
le pied [1 mot ill.] premiers. La pluspart des volontaires
[1 mot ill.], se sauue qui peut, auec tant d’action
qu’ils émeurent tout le Camp à la fuite, dans le
mesme moment que la victoire leur estoit asseurée.
Car le Regiment du Parlement ayant presque
le seul faict sa descharge, rompit les ennemys par
deux fois, & ne restoit qu’à soustenir pour les
obliger à la fuite : mais dans le temps qu’ils la prenoient,
voyant le succez des trahisons, ils reuindrent,
& coururent sus à la faueur des desordres,
& reussirent à ce poinct, que n’ayant eu autre dessein
que de secourir la garnison, ils firent si heureusement
leuer le siege, & firent vne prise estimée
à prés de deux cens mil escus, en canon, armes,
munitions, bagage, argent, & cheuaux, sans
l’importance du succez qui va estre la perte & la
ruyne de la Prouince, si Dieu n’y met la main.

Entre les traistres on conte la Roque de Sainct
Macaire Mareschal de Bataille qui auoit trahy en

-- 6 --

Catalogne, il se rendit neantmoins icy : mais depuis
il est euadé.

 

Le Sieur de Blanc, Poulignac fils aisné de Monsieur
de Mauuaisin Conseiller estant blessé de
trois coups, & ne se voulant rendre se ietta dans la
riuiere, on le croit noyé.

Le fils de Monsieur de Taranque aussi Conseiller
qu’on a creu mort, est reuenu icy s’estant eschappé
d’entre les prisonniers.

Les Sieurs de Camarsac, Vigier, Rasens, Capitaines
d’infanterie furent blessez & sauuer, quelques
deux cens morts ou noyez.

Du costé de Monsieur Despernon il y eut quatre
Officiers de cauallerie & infanterie morts, Le
Sieur de Birac blessé d’vn coup de pistolet à la
bouche, & quelques autres. Douze ou quinze
Gardes dudit Sieur Despernon tuez, & vne centaine
d’autres.

Les coureurs de Monsieur Despernon sont venus
à la Bastide rompre nos baricades que personne
ne gardoit.

Les esperances qu’on nous donnoit apres la
desroute n’estoient que des amusemens au peuple
que quelques interessez auoient inuentez & publiez
pour arrester vne sedition apparente. Depuis
nos habitans sont fort dans l’estonnement, quoy
que la deffaite ne soit pas fort grande. Mais nous
n’auons pas de Chef, & Bordeaux n’ose se fier à ses

-- 7 --

propres forces, apres vn exemple si lasche & extraordinaire.

 

Le Parlement pour se tenir en garde, a ordonné
la leuée de 3. Regimens soudoyez : Sçauoir la remise
de celuy dudit Parlement, vn second sous
Monsieur le Marquis de Luzignan qui a presté le
serment de fidelité, le troisiesme sous Monsieur de
Chamberet fils. On parle d’en faire vn quatriesme :
car on ne se fie plus qu’aux soudoyez, ce pourra
estre celuy de la Bourgeoisie, & pour les faire subsister
[1 mot ill.] fait vn fonds de cinq cens mil liures, dont
[1 mot ill.]mprunte cent mil escus pour le payement desquels
le Parlement s’oblige coniointement auec
les Bourgeois.

Monsieur l’Archeuesque de Bordeaux, les Iurats
de la Ville Aduocats, Bourgeois, & autres
des corps inferieurs au Parlement furent trouuer
Monsieur d’Espernon pour luy demander la Paix,
qui les traicta assez courtoisement, leur dit qu’il
falloit mettre basles armes, abbatre les barricades
rendre le Chasteau du Ha, & qu’apres cela il verroit
ce qu’il auroit à faire. Leur dit encore qu’il
n’auoit iamais donné parole qu’il n’eust tenuë que
pour ce qui est de la Citadelle de Libourne, qu’il
n’auoit point promis de faire surseoir la construction,
Et Monsieur l’Archeuesque s’estant tourné
vers Monsieur d’Argenson qui estoit là present, &
qui l’auoit promise, & signée, le dit Sieur d’Argençon

-- 8 --

tourna la teste de l’autre costé.

 

On faict vne assemblée generale pour resoudre
si on luy doit resister, ou faire ce qu’il propose, si
on resiste il y aura du mal, & si on obeït on l’apprehende
encore plus grand.

FIN.

Section précédent(e)


Anonyme [1649], SVITE DV SOLDAT BORDELOIS, CONTENANT LES PARTICVLARITEZ DE CE qui s’est passé en la Bataille deuant la ville de Libourne en Gascongne: Entre l’armée du Parlement de Bordeaux, & les troupes de Monsieur le Duc Despernon Gouuerneur de la Prouince. Ensemble le nombre des morts & blessez, de part & d’autre. , françaisRéférence RIM : M0_3677. Cote locale : A_7_40.