Anonyme [1652], RESPONCE AVX INTRIGVES DE LA PAIX & Negotiations faites à la Cour par les Amis de Monseigneur le Prince, depuis sa retraite en Guyenne, iusqu’à present. , françaisRéférence RIM : M0_3387. Cote locale : B_6_42.
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RESPONCE
Aux Intrigues de la Paix,
& Negotiations faites à la
Cour par les Amis de Monseigneur
le Prince, depuis
sa retraitte en Guyenne,
iusqu’à present.

Pour fermer la bouche à la calomnie, ie
n’auois qu’à representer, que la moindre
des actions que Monseigneur le Prince a
fait depuis trois iours a dementy toutes les paroles

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que les Mazarins ont publié de son accommodement
auec la Cour : neantmoins ie croirois
me rendre criminel, si ie venois à commettre
des actions qui ont merité des Apotheoses
auec des discours faux & ridicules. I’ayme mieux
me seruir d’autres Armes pour combattre ces
laches, que de leur donner la vanité de mourir
d’vne si belle Espée.

 

Ie veux cõseruer le respect que ie dois à ce grãd
Prince, ne le faisant paroistre dans cette Lice
que le moins qu’il me sera possible, & mesme
assés fort pour vous faire paroistre dãs le discours
de cet intrigueur l’impertinence de ses calomnies.
Il se veut faire mocquer de soy, dés l’entrée
De son discours disant, Incontinent apres la retraitte de
Monsieur le Prince en Guyenne, & mesme au Parauant
le retour du Cardinal Mazarin on commença les
Commerces auec la Cour soit pour le retour du Cardinal
Mazarin, soit pour son restablissement dans le Ministere.
La retraitte du Prince a deuancé de six mois le
retour du Cardinal Mazarin, que veut il dire
donc, qu’incontinent apres la retraitte, & mesme
auparauant le retour &c. C’est comme celuy
qui disoit, ie ne vous verray iamais non pas mesme
d’vn an. Il publie la continuation du Commerce
à la Cour, pour le retour & restablissement
du Cardinal Mazarin, auec la retraitte du

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Prince en Guyenne, lequel ne se retira dans son
Gouuernement que pour trouuer vn azile contre
les attentats que le Cardinal Mazarin luy
auoit preparez à la Cour sans auoir a legué quelque
traitté d’accommodement ou vray ou faux il
joint le mescontentemẽt & la retraitte du Prince
auec son consentement au retour & au restablissement
du Cardinal Mazarin. Il met en suite
les Negotiations & les voyages des amis de Monsieur
le Prince à Cologne. Comme si Monsieur
le Prince auroit recherché le Mazarin en mesme
temps qu’il s’esloignoit de la Cour & prenoit les
Armes pour se deffendre.

 

Il dit qu’vn nommé Gouruille autresfois Laquais,
„conduisoit cette Negociation, qu’il fut
„enuoyé à son Altesse Royale, que ce Monsieur
„le Laquais entretenoit Monsieur, pendant
„qu’à dautres heures, il auoit des Conferances
plus intimes & plus secretes chez le sieur de Bourdeaux,
auec Ondedei qui y estoit caché. Il fait que Gouruille
entretienne Monsieur, pendant qu’il est auec deux
autres ce qui repugne selon le sentiment des
Theologiens & luy fait faire vn voyage vers le Mazarin,
dans lequel il luy fait esperer que Monsieur le Prince
ne s’opposeroit à son retour, qu’autant qu’il seroit necessaire
pour ne pas descrier son party. Moyennant quoy le
Cardinal promit de donner satisfaction sur le surplus des

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affaires, & sur les interests de Monsieur le Prince, &
particulierement de Messieurs de Nemours & de la
Rochefoucaut. Qu’elle bestisse de publier que Mr.
le Prince fit esperer de consentir au retour du
Cardinal, au mesme temps qu’il declaroit prendre
les armes pour s’y opposer, & que le
Duc de Nemours traittoit son Altesse Royale
& Monsieur le Prince auec le Duc de Lorraine
pour faire venir les Trouuppes, & que Monsieur
de la Rochefoucaut combattoit contre le party.
Monsieur de Nemours meine vne puissante Armées
auec laquelle il a combatu, a esté blesse &
vaincu, & Monsier de la Rochefoucaut a perdu
vn œuil dans la bataille, & apres on vous dira
qu’il y auoit vn accord fait entre eux & le Cardinal.

 

Il met en auant pour preuue indubitable vne
fausseté qui est hors de la ause, disant que
Govruille fut arresté a Paictiers pour vne entreprise
qu’il auoit faite sur la personne du Coadiuteur,
que la Reyne le retira, luy donna des passeports
& ordre, au Lieutenant Criminel de n’executer
aucun Decret contre luy.

Il manque aux termes du droit & fait des fautes
dãs la sintaxe, & autres parties de la Grãmaire, &
qui plus est, il se contredit, voulant faire accroire
vn traitté entre Monsieur le Prince, & la Cour &
que neantmoins la Reyne serue d’appuy à ceux

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qui entreprennent contre son capital Ennemy à
sçauoir le Coadiuteur.

 

Ensuitte de ce discours faux & mal ordonné il
fit faire vn autre voyage à la mesme persõne pour
“confirmer le Cardinal lequel sur cés asseurãces
“prend la hardiesse de trauerser le Royaume
“pour aller chercher la Cour à Poictiers. Et neãtmoins
“M. le Prince persiste à donner des auis,
& enuoye mesme des Lettres à son A. R. & au
Parlement dans lesqu’elles il proteste de ne prẽdre
les armes que pour s’oposer audit retour. Le
Maz vient auec vne armée de 8000. hommes &
6. pieces de Canon ayant à sa suitte les Gouuerneurs
des Princes ou le Parlement dõne des Arrest
contre le C. fait vendre sa Biblioteque, met
sa teste à prix, le Duc de Beaufort n’a pas 3000.
hommes à luy mettre en teste. Gien mesme
ouure les portes contre les ordres de Monsieur
le Duc d’Orleans & de là on veut inferer que
Monsieur le Prince qui estoit en Guyenne
auoit consenty à ce retour. Il fait paroistre
sur la Scene Monsieur de Chauigny & Faber,
auquel il fait donner vn passeport que Goulas
sit signer par surprise à son Maistre, pour aller en
Cour negotier ledit Traitté dans lequel il n’est
point par lé de l’éloignement du Cardinal Mazarin
mais seulement de l’establissement dans le

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Conseil d’vne partie des creatures de Monsieur
le Prince. Enfin, dit-il tout est agrée & il ne reste
qu’à vaincre Monsieur. Quoy le Prince s’est mis
sous la protection de son Altesse Royale, & à son
insceu. Il negotie son accommodement par le
Ministere de son Secretaire ? Qu’elle apparence ;
mais dans cet accommodement par le Ministere
il n’est point parlé de l’esloignement, ou restablissement
du Cardinal Mazarin, neantmoins, c’est
le premier & l’vnique dessein de la Cour pour
lequel toute France est desolée. Il ne reste plus qu’à
vaincre Monsieur. Et cependant le Prince ayant
Triomphé dans la Guyenne vient au Camp de
l’Armée de son Altesse Royale.

 

Il n’y a rien de plus aisé que de calomnier l’innocence
mesme, ce qui paroist assez tous les jours
par la publication de plusieurs libelles, & particulierement
par ce dernier. Il semble de prime
abord que l’Autheur de cette piece volante soit
tellement meslé dans le secret des affaires qu’il
en sçache toutes les intrigues les plus cachées, ors
qu’il tasche de noircir Messieurs les Princes. Ce
n’est pas qu’il n’ayt couuert son jeu le plus adroitement
qu’il luy a esté possible, & qu’il n’ayt imité
cette Nymphe de la fable qui iette des pierres
& qui se cache de peur d’estre reconnuë. On
peut dire que c’est vn subtil empoisonneur qui

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a mis toutes ses ruses en campagne, Quoy qu’il
n’ayt point employé les couleurs de l’eloquence,
il a crû qu’en quittant la qualité d’Orateur, il
seroit plus croyable s’il prenoit celle de simple
Historien. Enfin si l’on veut adjouster foy au
discours de Melitus, Socrate, est digne de mort,
& si l’on croit ce que vient d’écrire vn Anonime,
Monsieur le Prince est d’accord auec le Mazarin,
il y a des intelligences qu’il a découuertes. Il semble
que ce soit vn homme de bien, qui fasse conscience
de ne publier pas ce qu’il a reconnu deuoir
estre publié pour l’vtilité publique. Si j’estois
aussi peu iudicieux que luy, ie pourrois, comme
ie pense, vous depeindre ce personnage, Mais ie
veux espargner sa dignité & le manteau qui le
couure. On sçait bien que l’ambition a triomphé
de son esprit, & qu’il a perdu cette humilité qui
luy acquit autrefois le titre de vertueux.

 

Ie m’estonne de ce qu’il veut persuader que le
Duc de Rohan soit vn Marchand de Villes, &
que par vne froide allusion, il pretende se rallier
d’vn des plus adroits Seigneurs de ce Royaume.
Et certes ne voit pas qu’en vn seul article, il offence
tout ce qu’il y a icy de gens de condition qui
ne sont point du party de Mazarin, lors qu’il les
veut faire passer pour des dupes. Cette affaire
n’est pas au del’a de ses forces comme il le dit, s’il

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estoit vray qu’il eust entrepris cette affaire. Mais
nous sçauons que ce Duc est si genereux qu’il ne
s’entremesle iamais dans les choses qui sont contraires
au repos public, & à l’équité. Quant à ce
qu’il allegue en suite de la sortie de Monsieur le
Prince de la Guyenne, & de son arriuée en cette
Ville, est si ridicule, que ie ne me figure pas qu’il
soit besoin d’y respondre. C’est pourquoy ie passe
plus auant, quoy que tous les autres articles suiuans
ne soient pas moins ridicules.

 

Monsieur le Prince est trop intelligent pour
croire si legerement, il pouuoit s’asseurer luy mesme
de la volonté de Monseigneur le Duc d’Orleans :
si Monsieur le Prince eust esté assez lasche
pour s’accommoder auec ce Mazarin, comme ses
ennemis se sont imaginé, & comme ils en ont fait
faussement fait courir le bruit.

Quelle apparence y a-t’il qu’on put tenir secretes
ces conditions qu’on pretend, sans aucune
raison auoir esté tramées entre Monsieur le Prince,
& le Mazarin ? Voyla sans doute debuter d’vne
estrange façon, & bien nouuelle pour vn bon
esprit.

Quant à ce qu’il propose en l’article de l’esloignement
du Mazarin pour trois mois seulement à
Sedan ou à Peronne, & que la Cour ira à Compiegne
durant ce temps, est-vn article qui est fort

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specieux & capable de surprendre les plus delicats.
Il y a là dequoy tromper les plus rusez, &
particulierement dans vne saison où le Mazarin a
trouué des Partisans en assez grand nombre,
combien qu’à present ils n’osent pas se manifester
lors que tous les honnestes gens se sont armez
contre les cruautez du perfide Sicilien. N’est-il
pas vray que le sejour de ce Mazarin est vne tasche
à la France, & qu’il n’y a que ceux qui ne peuuent
rougir qui le souffrent ?

 

Quoy que Monsieur le Prince soit cheri de tous
les peuples, quoy que cet Heros inuincible soit
aimé de tous les hommes de vertu, ie ne pense pas
qu’il pût estre le Maistre de leur esprit, s’il s’estoit
accommodé auec l’ennemy du repos public. Il
est bien vray que les Nobles qualitez de cet Heros
l’ont rendu recommendable aux hommes de
Lettres, aux guerriers, en vn mot à tout ce qu’il
y a de genereux en ce Royaume, & mesme les
Estrangers, quoy qu’ils soient ennemis de cét
Estat, ont du respect pour cét illustre. Quant à
moy, ie puis dire sans flatterie, que ie l’honnore
extremément, & que i’ay consacré ma plume à la
grandeur de ses exploits.

Mais il n’est pas iuste que pour témoigner mon
zele à cet Heros, ie quitte la deffence que i’entreprens,
& ie puis dire qu’il y a plus d’affection en

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cette Apologie que de sçauoir. Ie me picque d’aimer,
& non pas de bien escrire, i’en laisse toute
la gloire à nos Orateurs, ie n’ay garde de le disputer
auec ces doctes, de qui la reputation m’est extremément
chere. Toutefois retournons à nostre
matiere, relaschons en si beau sujet, & si aymable,
où il y a tant à dire, puis qu’on ne voit que
des triomphes de tous costez. N’est-il pas vray
que le dernier combat a seruy de comble à sa gloire,
& qu’on doit adjouter pour cette action fameuse,
vn Laurier à ceux qui luy chargent la
teste ?

 

Par quels charmes, par quels sortileges peut-on
corrompre l’esprit de tant de Senateurs qui
ayment la France & qui hayssent celuy qui trouble
son repos ?

Monsieur le Prince est trop genereux pour vouloir
quitter le party du Parlement qui a agy pour
luy hautement en tout ce qui le concerne.

Nostre Autheur s’imagine ietter de la poudre
aux yeux des Lecteurs de cette piece, lors qu’il
“traitte des matieres qui ont quelque chose de
“specieux particulierement quand il dit, que
“sa Maiesté fera donner au Prince de Conty les
“prouisions du Gouuernement de Prouence,
“d’Auuergne à Monsieur de Nemours ; La Lieutenance
“generale de Guyenne, & le Baston de

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“Mareschal à Marsin cent mille escus à la Rochefoucaut
“& autant au President Viole, cét
“Autheur ne sçait pas seulemẽt de qu’elle maison
“est Monsieur de la Rochefoucault, lors
qu’il la traitté auec si peu de respect.

 

Quant à la section qui suit, si i’ose interposer
mon opinion en cette rencontre, je pense que
Monsieur de Chauigni est si genereux qu’il ne
voudroit pas que Monsieur son fils épousa la
Martinessy.

Monsieur le Duc d’Orleans ne s’est pas persuadé
si facilement que ce traitté fut de la sorte.

Nostre Autheur parle de tout ce qu’il propose
comme s’il estoit bien informé de toutes les affaires,
& comme s’il estoit de la cabale, & certes
c’est en cela que ie treuue qu’il a trahi son party
puis qu’il decouure tant de mysteres. Que s’il ne
veut pas qu’on le traitte de la facon, il faut qu’il
auouë qu’il a attendu bien tard à nous declarer
ce qu’il croit que l’on doiue sçauoir, puis qu’il témoigne
tant de zele pour sa patrie.

Ie luy conseille donc s’il veut faire paroistre
combien il est affectionné pour elle, de ne cacher
plus ce qu’il sçait qu’on traitte secretement contre
la tranquilité publique.

Pourueu qu’on prenne la peine d’examiner
son ouurage, on trouuera par tout des mesonges

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colorez, qui ont quelques apparence, & qui
n’ont rien de solide.

 

Qu’il me dise vn peu si Monsieur le Prince contribuë
au sejour du Mazarin parmy nous lors qu’il
s’expose aux lieux où le danger est le plus visible,
ce qui a fait a Turenne, lors que la Reyne luy reprochoit
de n’auoir pas agy si rigoureusement ny
si heureusement comme la Cour se l’estoit promis,
qu’il auoit treuué plus d’vn Condé a combattre.
Cela veut dire qu’il sembloit que ce Prince
se fut partagé puis qu’on le trouoit par tout oú
la chaleur du combat estoit plus ardente. Il est
inutille de raconter icy ce que tout le monde
sçait, & que tout le monde a veu, ce dont tout
Paris a esté spectateur. Il n’en faut pas dauantage
pour faire voir la fausseté de ce qu’il allegue,
& il me semble que c’est combartre des
chimeres, que d’attaquer ce fantosme, qui a pour
dire le vray quelque masse mais vne masse d’air,
qui peut estre dissipé à l’aproche du flambeau de
la verité.

FIN.

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Anonyme [1652], RESPONCE AVX INTRIGVES DE LA PAIX & Negotiations faites à la Cour par les Amis de Monseigneur le Prince, depuis sa retraite en Guyenne, iusqu’à present. , françaisRéférence RIM : M0_3387. Cote locale : B_6_42.