Anonyme [1652], RELATION VERITABLE, DE L’ARRIVÉE DE MONSIEVR LE DVC DE GVYSE EN FRANCE, La Reception qui luy a esté faite à Bordeaux. Auec l’Armée qu’il fait pour venir joindre celle de Messieurs les Princes. , françaisRéférence RIM : Mx. Cote locale : B_8_34.
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RELATION
VERITABLE,
DE L’ARRIVÉE DE
MONSIEVR LE DVC
DE GVYSE
EN FRANCE,

La Reception qui luy a esté faite
à Bordeaux.

Auec l’Armée qu’il fait pour venir joindre celle de
Messieurs les Princes.

A PARIS,
Chez NICOLAS LERREIN, prés le
College d’Arras.

M. DC. LII.

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RELATION
VERITABLE,
DE L’ARRIVÉE DE MONSIEVR
le Duc de Guyse en France.

La Reception qui luy a esté faicte à Bordeaux.

Auec l’Armée qu’il faict pour venir joindre
celle de Messieurs les Princes.

QVAND nous sommes en possession de
quelque bien, nous ne l’estimons pas
selon son prix : mais l’ayant vne fois perdu,
nous en regrettons la valeur, & l’ayant recouuré,
alors il est tenu pour beaucoup plus cher
& pretieux qu’il n’estoit lors que premierement
la jouyssance nous estoit ordinaire &
accoustumée.

C’est pour dire, que l’Espagne ayant joüy
longuement de la Paix pendant les guerres
ciuiles de France & les troubles d’Allemagne,
elle estoit seule heureuse & paisible : la

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Paix y estoit tellement accoustumée, que les
peuples en faisoient estat comme si elle ne
pouuoit estre troublée, d’autant qu’ils n’auoient
point de guerre qu’il les empeschast
de continuër leur commerce, ny de joüir
de leurs commoditez dans le calme & le
repos.

 

Mais depuis que la guerre s’y est introduite
par le sousleuement de la Principauté
de Catalogne, & la reuolte de Portugal, la
Paix en estant bannie, les peuples commencerent
d’en cognoistre l’vtilité, & à souffrir les
incommoditez de la guerre, qui a eu vne assez
longue suitte, ne souspirans depuis qu’apres
le retour de la Paix qu’elle desire auec
toute sorte d’impatience.

Toutesfois lors qu’elle a veu le Ciel de la
France se couurir de nuages qui ont produit
la tempeste & l’orage d’vne mal-heureuse
guerre ciuile dans la Minorité du Roy au
subjet du Cardinal Mazarin, qui en a vsurpé
le gouuernement, & fait par sa mauuaise conduite
& ses desseins pernicieux, naistre la jalousie
entre les Grands du Royaume, se voulant
prendre à la Maison Royale & aux Princes
du Sang, pour establir sa Tyrannie. D’où
est venuë la resolution qu’ils ont prise d’armer

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pour s’en défaire, & ruyner ses mauuais
desseins.

 

Qui est le subjet de la guerre ciuile qui
trouble à present la France, & dont l’Espagne
a pris l’occasion presente, pour en fomentant
cetre guerre, par les forces qu’elle a enuoyée
aux Princes, recouurer la Catalogne &
reprendre la plus grande partie des meilleures
places de Flandre, conquises par les armes
du Roy, & ayant fait vn traicté particulier
auec nos Princes interessez, de ne poser
les armes que par le consentement mutuel
d’eux & de l’Espagne, pour en venir à vne paix
generale, qui est ce grand bien perdu qu’elle
desire, & se promet par la continuation de nos
troubles ciuils.

Iusques là que le Duc de Guyse, qui auoit
esté fait prisonnier durant la reuolte du Royaume
de Naples, (où il commandoit l’armée
Neapolitaine leuée contre les Espagnols) fut
conduit en E pagne, où il a demeuré cinq où
six ans, iusques à present, que sa Majesté Catholique
voyant Monsieur le Prince armé
pour se defendre contre les Mazarins, ayant
esgard à ses instances pour la liberté du Duc
de Guyse, & sur l’esperance de reuoir la Paix
generale restablie entre les deux Couronnes,

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escriuit dés le mois de Iuin dernier à Monsieur
le Prince lettre d’asseurance de la prochaine
liberté du Duc de Guyse en sa consideration,
& en donna les ordres expres au Comte de
Haros pour le faire repasser en France.

 

Finalement au mois d’Aoust par commandement
exprés de sa Majesté Catholique, le
Duc de Guyse fut mis en liberté, & conduit
au port de S. Sebastien en Galice, où il s’embarqua
sur les vaisseaux ordonnez pour cét
effet, auec bon nombre de soldats, pour estre
employez à la guerre ciuile de France, qui s’y
allume auec plus d’ardeur que deuant.

Le Duc surgit à Bourg en Guyenne à cinq
lieuës de Bordeaux auec cinq mille soldats le
premier iour de Septembre dernier, ayant receu
par ordre du Roy d’Espagne trois cents
mille patagons, partie en espece, partie en
lingots, pour le payement de l’armée qu’il luy
donnoit.

Le deuxiesme de Septembre le Duc de
Guyse, accompagné de bon nombre de Noblesse
Françoise, arriua à Bordeaux, où il fut
complimenté par le Parlement & le Corps de
la Ville : sa reception se fit auec grande resjoüyssance,
& fut tout le canon tiré plusieurs

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fois à son entrée, & luy défrayé pendant son
sejour, aux despens de la Ville.

 

Monsieur le Prince de Conty estant lors à
Bordeaux, receut le Duc de Guyse auec tesmoignage
de toute sorte de bien-veillance
& de contentement de sa deliurance.

En suitte de ce, le Duc de Guyse donna ordre
aux cinq mille hommes venus d’Espagne,
& arriuez auec luy à Bourg, de se preparer
pour venir joindre l’armée de Messieurs les
Princes, & de les mettre à la disposition de
Monsieur le Prince, suiuant la volonté de S. M.
Catholique.

On attend à present de iour à autre le Duc
de Guyse & son armée en suitte, qui est partie
pour le rendez-vous qui luy est ordonné.

Ces troupes augmenteront l’armée de Messieurs
les Princes, contre les Mazarins ; ce qui
aboutira, comme on espere, à vne bonne Paix,
qui est desià comme esbranlée, pour mettre
la France en repos.

FIN.

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