Anonyme [1652], RELATION VERITABLE DE CE QVI S’EST FAIT & passé dans l’audiance donnée à S. Denys, le onziesme Iuillet 1652. A Messieurs les Deputez du Parlement. AVEC LES PROPRES TERMES de la Respose à eux faitte de la part du Roy, par Monsieur le Grande des Sceaux. , français, latinRéférence RIM : M0_3201. Cote locale : B_19_29.
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RELATION
VERITABLE DE CE QVI S’EST FAIT
& passé dans l’audiance donnée à
S. Denys, le onziesme Iuillet 1652.
A Messieurs les Deputez du Parlement.

AVEC LES PROPRES TERMES
de la Respose à eux faitte de la part du Roy,
par Monsieur le Grande des Sceaux.

A PARIS
Chez IACOB CHEVALIER prés Saint Iean
de Latran.

M. DC. LII.

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RELATION VERITABLE
De ce qui s’est fait & passé à l’Audiance
donnée à saint Denis le 11.
Iuillet 1652. à Messieurs les Deputez
du Parlement.

Auec les propres termes de la Réponse à eux faite
de la part du Roy, par Mr le Garde des Sceaux.

L’Arrest qui se donna hier, II. du courant,
toutes les Chambres assemblées,
auec son Altesse Royale, &
les Princes du Sang, a fait que le
Mazarin a violenté son humeur, &
forcé son inclination, faisant donner audiance à
Messieurs les Deputéz du Parlement, apres vn
silence de trois semaines, & des fatiques qui ne
sont point deües à des entremetteurs de la Paix,
ny à des Senateurs qui sacrifient leur vie & leur
repos au soulagement des Peuples, & à la tranquillité
de la France.

Monsieur le President de Nesmond, que le
public ne sçauroit assez reuerer ny assez reconnestre ;
non plus que Messieurs ses Collegues,

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ayant representé au Roy les miseres & les desolations
de son Royaume, & fait connoistre à sa
Maiesté que l’Autheur de tant de maux, & la
cause continuelle de tant de calamitez n’estoit
autre que le Cardinal Mazarin, qui est l’abomination
des Peuples, & le destructeur visible
de la Royauté, & supplié sa Maiesté de vouloir
auoir pitié de ses Suiets, & de soy-mesme, en
esloignant ceste peste publicque dont la seule
absence peut calmer & mettre fin à nos souffrãces ;
Monsieur le Garde des Sceaux en s’oubliant
de sa premiere candeur, & de la sincerité
qui deuroit estre dans vne ame qui tend à son
centre, & dans vne bouche sacrée comme la
sienne, fit la response qui suit, dont voicy les
propres termes :

 

Messieurs, le Roy ma commandé de vous dire,
que quoy qu’il soit aisé à reconnestre que l’on voit clairement
que la demande à laquelle on inciste pour l’esloignement
de Monsieur le Cardinal Mazarin, ne
soit qu’vn pretexte, neantmoins sa Maiesté n’a pas
laisse de prendre resolution de luy permettre de se retirer
sur les presentes instances qui luy en ont esté faittes,
lors que les ordres necessaires auront esté donnéz
pour l’execution de ce qui doit estre fait pour le restablissement
du Calme dans ce Royaume, & pour cest
effet Sa Majesté entend que vous faciés sçauoir son

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intention à Monsieur le Duc d’Orleans, & à Monsieur
Le Prince affin qu’ils enuoyent icy des Deputez,
& cependant que vous demeuriez proche sa personne.

 

Il ne faut pas estre fort consommé dans la politique,
ny fort raffiné dans les fourberies de la
Cour, pour voir & découurir l’equiuoque &
l’infidelité de ce discours grossier & captieux. Premierement,
de dire que la demande que l’on
fait de l’esloignement du Mazarin, n’est qu’vn
pretexte, c’est reuoquer tous les principes en doute,
& vouloir tacitement persuader que ce Cardinal
ne ruyne point l’authorité Royale, qu’il est
necessaire à l’Estat qui perit entre ses mains, que
sa malice & sa mauuaise conduitte ne sont point
cause des guerres ciuiles, & des maux que nous
souffrons, & que nous deuons attendre quelque
chose de pis & de plus funeste quand Dieu nous
aura deliuré de ce monstre & de ce fleau cruel,
puisque tous les Parlemens, toutes les Villes, &
tous les Peuples ensemble ne demandent que cette
seule grace au Roy, qu’il leur accorde cette
faueur & cette consolation qu’il ne peut leur refuser
iustement ; & apres cela s’ils ne se mettent
à la raison, & s’ils ne se rangent dans le deuoir,
ce sera pour lors qu’on pourra les accuser de rebellion,
& les traitter comme des criminels de
leze-Majesté diuine & humaine.

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D’adjouster que le Roy à pris resolution de
permettre au Cardinal de se retirer sur les pressantes
instances qui luy en sont faites, lors que
les ordres necessaires auront esté donnez, &c.
L’on voit dans cét article deux surprises, & deux
marques d’vn esprit qui ne veut point la Paix,
ny soulager le Peuple ; La premiere en ce que le
Roy permet simplement au Mazarin de se retirer,
qui est se reseruer le pouuoir de le rappeller
au preiudice de la Declaration verifiée contre luy,
& à ce proscript le choix & la volonté de retourner
quand il luy plaira ; & de dire mesme, que
ce n’est que sur les instances pressantes que l’on
en fait, c’est protester formellement de force &
de violence, & declarer que toutes ces causes cessantes
on fera reuenir le sujet de nos douleurs,
quand nous ne serons plus en estat de l’estouffer,
& que nous croirons estre soulagez & gueris en
quelque façon. Et ces promesses & ces esperances
quoy que vaines & illusoires, estans de plus
conditionnelles, & d’vne condition absoluëment
impossible, c’est trop declarer que ce ne sont que
des paroles desquelles on ne doit attendre aucun
bon effect ; puis qu’on nous veut obliger de donner
les ordres necessaires pour le restablissement
du calme dans le Royaume, auant que le Mazarin
en sorte volontairement & pour vn temps,
pendant que nous declarons & que nous publions

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par tout, que nous n’en auons point d’autres que
celuy de son exil & de son esloignement.

 

D’auantage, demander des Deputez à Son Altesse
Royale, & à Monsieur le Prince pour aller
traitter auec le Mazarin, c’est les prendre pour
Duppes, & vouloir reuoquer ce qui est conclu
& arresté-dans le Lict de Iustice de nos Roys,
auec tous les ordres de l’Estat, qu’on n’entrera
en conference aucune auec les Ministres de Sa.
Majesté, que le Mazarin ne soit retiré, & sorty
du Royaume, parce qu’estant present, c’est traitter
auec luy-mesme, & le faire iuge en sa propre
cause, puisque ce peu d’Officiers ne parlent que
par sa bouche, & n’oseroient auoir d’autres pensées,
ny d’autres sentimens que les siens.

D’ordonner pour conclusion de cette illustre response,
que Messieurs les Deputez du Parlement
demeureront proche la personne du Roy, pour
n’en estre pas escoutez ; c’est les faire prisonniers
sans les declarer tels, violer la foy publique hautement,
& deffendre à Messieurs les Princes d’y
enuoyer les leurs qui n’y seroient pas plus libres,
ny mieux receus. Si le Roy estoit à Poictiers, où
à Bourdeaux comme il y a suiuy le Mazarin, encore
la detention de ces Grands Senateurs ne seroit
pas sans pretexte, mais n’estans qu’à vne
heure de chemin de Paris, & les empescher d’y
venir faire leurs Charges, & d’y rendre compte

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de leur negotiation, c’est tesmoigner qu’on ne
veut point restablir la Iustice, ny mettre aucun
remede aux calamités publiques, ains seulement
par vne soupplesse Mazarine, retarder
l’assemblée Generale des Princes & du Parlement
qui se doit faire demain Samedy, 13. du
courant, tant que ce Cardinal infidele, & son
parpaillot de Turenne auront pris leurs mesures.

 

C’est pourquoy l’affection de nos Princes, &
la prudence de cest Auguste Senat ne se laissant
point surprendre par ces beuuës, ny par ces fuittes
violentes & dangereuses : presseront l’effect
de leurs resolutions, & chercheront de dans leurs
armes & dans leurs Arrests, la Iustice & la consolatiõ
qui ne se rencontrent point dedans l’esprit
de ce Cardinal, ny aupres des lasches qui le flat
tent, & qui Sacrifient le Royaume à sa rage, &
le Salut du peuple à son insolẽce : n’y ayãt qu’vne
viue force, & vn remede extreme qui puissent
nous deliurer de la Seruitude & de la Tirannie
de cest estranger proscript & criminel.

FIN.

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Anonyme [1652], RELATION VERITABLE DE CE QVI S’EST FAIT & passé dans l’audiance donnée à S. Denys, le onziesme Iuillet 1652. A Messieurs les Deputez du Parlement. AVEC LES PROPRES TERMES de la Respose à eux faitte de la part du Roy, par Monsieur le Grande des Sceaux. , français, latinRéférence RIM : M0_3201. Cote locale : B_19_29.