Anonyme [1652], RELATION DE TOVT CE QVI S’EST FAIT ET PASSÉ dans la Leuée du Siege DE MIRADOVX. Par Monsieur le Prince. , françaisRéférence RIM : M0_3141. Cote locale : B_7_31.
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RELATION
de tout ce qui s’est fait &
passé dans la Leuée du
Siege de Miradoux.

PVIS que toute la France aujourd’huy
regarde Monsieur le Prince
auec des yeux differents, & que les
Peuples donnent de diuerses couleurs
à sa conduite, suiuant les passions
qui les animent : Il est important de iustifier
ses desseins, & de rendre compte de toutes les demarches
qu’il faict, ou pour y remarquer sa prudence,
ou pour y admirer sa valeur. Il montra dernierement
sa valeur quand il vainquit les ennemis,
& il fait voir aujourd’huy sa prudence quand il
differe de les vaincre, n’ayant interrompu son
premier dessein que pour mieux disposer son Armée

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à remporter vne autre Victoire plus auantageuse
au bien public, & à la gloire de ses Armes.

 

Apres la Deffaite du Marquis de Saint Luc, par
la generosite de Son Altesse, & de Monsieur le
Prince de Conty, les restes de cette Armée se retirerent
dans Miradoux, auec les Principaux Officiers
des Regimens de Champagne & de Lorraine,
où pour ne paroistre pas entierement vaincus,
ils resolurent de s’opiniastrer à la deffence.
Ce qui obligea Son Altesse de les aller assieger,
afin d’acheuer de les vaincre plustost par la douceur
que par les armes ; & en leur ostant le moyen
de nuire à son party, les empescher de se perdre
eux-mesmes.

Ce n’est pas que la force de cette place, qui n’estoit
considerable que par le courage, ou par le desespoir
des assiegez, eust peu long-temps arrester
la vaillance & le bon-heur de ce Prince. Mais sa
bonté voulant d’vn costé mesnager son Armée, &
d’ailleurs encor espagner la vie de ses ennemis, le
fit agir plus lentement qu’il n’eust fait dans vne autre
occasion, estimant que ce retardement seroit
bien recompensé par vne Victoire d’autant plus
glorieuse & plus agreable, qu’elle auroit cousté
moins de sang.

Ce delay a donné loisir au Comte d’Harcourt
de s’approcher de la Garonne apres s’estre amusé
assez long-temps sur le bord de la Riuiere de l’Isle.

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Il auoit pris la marche de ce costé auec les meilleures
Troupes de son Armée, pour joindre celles
du Marquis de Saint Luc ; mais estant arriué
vn peu trop tard, & apres la déroute de cette
Armée, il se resolut de faire quelque effort,
afin d’essayer d’en sauuer les restes, & pour ne
sembler pas auoir entrepris inutilement vn si long
& penible voyage.

 

En effet, le Mardy cinquiéme du mois de Mars,
il commença à faire passer la Riuiere à ses Troupes
du costé d’Auuilar, & deslors Monsieur le
Prince se fut opposé à sa marche, s’il eust eu toutes
ses forces ensemble. Mais comme il n’estoit pas
en estat de pouuoir diuiser son Armée, pour en
laisser vne partie dans les tranchées de Miradoux,
& mener l’autre au deuant du Comte ; Et voyant
d’ailleurs qu’il estoit incomparablement plus important
de combattre ce General, que de prendre
cette petite Ville, sa prudence a fait dans
cette conjoncture ce que font tous les sages Capitaines.
Ne pouuant executer à mesme temps ces
deux desseins, il a creu deuoir abandonner le
moins important, pour aller chercher auec plus
d’asseurance vne plus glorieuse occasion ; & qu’il
falloit laisser le reste de ces deux Regimens à demy
vaincus, pour essayer de vaincre vne Armée toute
entiere.

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C’est pourquoy le soir du mesme iour, & auant
que les ennemis eussent acheué de passer la Riuiere,
Son Altesse fit marcher son Armée en
fort bon ordre du costé de Staffort, pour y aller
attendre quelques autres Troupes qui luy viennent
de diuers endroits, ne pouuant les assembler
deuant Miradoux, à cause de la necessité du
fourage.

Desia le Sieur de Marchin estoit arriué au
Camp auec des forces considerables ; le Regiment
de Lusignan s’y estoit aussi rendu despuis
quelques iours ; Et quand les Regimens de
Conty, de Bourdeaux, & de Montpouillan, qu’on
attendoit d heure en heure, se seront ioints au reste
de l’Armée, il y aura prés de trois mille Cheuaux &
quatre mille Fantassins.

Celle du Comte d’Harcourt est composée de
deux mille Chevaux pour le plus, & toute son
Infanterie, iointe ensemble, ne sçauroit faire
douze cens hommes, auec ceux de Miradoux,
que la faim a mis en estat de ne pouuoir presque
plus se deffendre, bien loing de nous venir attaquer.

Il y a bien de l’apparence que ces deux Armées
estant si proches ne se retireront pas sans
Combat, & que l’euenement reüssira à la gloire
de Monsieur le Prince, & au bien des Peuples

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qu’il deffend. Ce que nous pouuons raisonnablement
esperer de la valeur de ce grand Prince,
du courage & de la fidelité de ses Troupes ;
mais sur tout de la Iustice de sa cause, & des
vœux que font incessamment tous les Peuples
de cette Prouince pour la prosperité de ses
Armes.

 

FIN.

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