Anonyme [1652 [?]], REFVTATION DE LA PIECE DE PONTOISE INTITVLÉE LES SENTIMENS DIVERS SVR L’ARREST DV PARLEMENT DV VINGTIESME IVILLET. ET LE DISCOVRS SEDITIEVX QV’ON pretend faussement auoir esté fait par Monsieur Bignon, le 26. sur la Lieutenance du Royaume. , français, latinRéférence RIM : M0_3067. Cote locale : B_15_16.
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REFVTATION DE LA PIECE
de Pontoise, intitulée les Sentimens diuers
sur l’Arrest du Parlement du vingtiesme
Iuillet.

Et le discours seditieux qu’on pretend faussement auoir esté fait
par Monsieur Bignon, le 26. sur la Lieutenance du
Royaume.

LES sentimens que vous auez (cher amy
commun de vostre Agathon) touchant
l’Arrest que le Parlement donna le 28.
iour de Iuillet, contre le Cardinal Mazarin,
sont tellement diuers, selon le titre que vous
leur auez donné, qu’il n’y a presque pas vn qui ne
soit en quelque façon bien different de l’autre, &
si ce discours que ie donne au public pour faire
voir leur pernitieuse diuersité, n’auoit non plus de
veneration pour la gloire du Roy, pour le salut
du public, & pour l’honneur des sauueurs de la
patrie que le vostre, ie ne prendrois pas seulement
le soin de le supprimer : mais sans le montrer
à mes plus chers confidens, ie le traiterois
comme on traite ordinairement ceux qui meritent

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d’estre bruslez, pour le punir de ses attentats,
& pour luy rendre iustice.

 

Il estoit temps, ouy certes Monsieur, il estoit
temps que nostre Auguste Parlement triomphât
des ennemis de l’Estat, & qu’il fut honoré du
commandement qu’il deuoit auoir, apres le grãd
mespris qu’on auoit fait de la soûmission qu’il
ne deuoit pas faire. L’iniuste refus de la seule grace
qu’il demandoit, ne pouuoit pas estre reparé
que par le pouuoir de conferer les premieres honneurs
de la Couronne, comme estant le veritable
depositaire de nos loix, le Dieu tutelaire de l’Estat.
& ce souuerain corps de Consentes, sans lesquels
nos Roys ne sçauroient iamais rien faire ny
de iuste, ny de permanent pour le bien de leur
Monarchie. Leur dessein estoit digne de ce succés,
& leur peine ne meritoit pas vne moindre recompense.

Il y a quatre ans qu’ils trauaillent â deliurer la
France d’vne maladie que le tyran des François
semble auoir renduë incurable & quoy qu’ils ayẽt
fait vn coup bien hardy, d’auoir voulu entreprendre
la guerison d’vn mal qui nous paroissoit sans
remede, ils n’ont pourtant pas laissé, par la grace
de Dieu, quelque desesperé qu’il fut de remettre
l’Estat dans les voyes de son salut, & de nous faire
conceuoir vne bonne issuë de sa deliurance.

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Ce grand ouurage leur a cousté beaucoup de
soin, & à nous beaucoup de sang & de larmes : &
pour cela ils ont esté contraints d’abandonner
les debats des parties pour decider de la cause du
tout, & ils ont mieux aimé se consacrer au bien
de l’Estat qu’aux funestes desirs de ceux qui le
pille & qui le perdent. Si bien que pour resister
aux legions de ce nouueau Marquis d’Ancre, ils
ont esté contraints de faire les Soldats & les Politiques,
& d’employer le fer & le feu, la force & le
courage, le sçauoir & l’experience, le bien & la
vie, l’espace de quatre ans pour le salut de la patrie.

Voyez apres cela, si ceux qui accusent leurs
intentions d’imprudence & d’interest, sont fort
raisonnables. Voyez si ceux qui disent qu’au premier
bruit d’vne taxe sur leurs charges, ils ont alarmé
tout le Royaume : qu’ils ont afoibly l’authorité
du Roy pour se fortifier dãs l’impunité de
leurs crimes : & qu’ils ont maintenu la rebellion
du Prince pour auoir la protection d’vn puissant
complice, ne sont pas des esprits de verité & des
ames sans reproche. Ce discours porte sa condemnation
quand & soy, & la parole du deposant,
marque la nature de sa conscience.

Ie vous demande, Monsieur le nouueau Politique,
suppose que vous ayez tant soit peu quelque
chose de ce qui distingue l’homme d’auec les

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autres animaux, si ce ne sont pas ces illustres Senateurs
qui se sont emparez de l’autorité Royale :
qui ont surcharge tous les pauures peuples de
Tailles & de Subsides : qui ont taxé les aisez : qui
ont estably les Intendans, & les fuseliers : qui ont
empesché la pux : qui ont volez & sortis tous les
Thesors de l’Estat qui ont enleué le Roy, & inuesty
Paris : qui ont voulu perdre les Princes : &
qui exposent encore tous les iours nos biens &
nos vies à la fureur d’vn nombre infiny de legions
tres abominables, qui sont comme tout l’vniuers
ne sçait que trop bien, les veritables causes
qui ont allarmé tout : affoibly l’authorité du Roy :
maintenu les Princes dans leur équitable rebellion,
& contraint ces genereux Areopages, à
faire les Soldats & les Politiques pour le salut vniuersel
de tous les peuples de France.

 

De grace, quel droit a-t’il sur ce qui est à nous
de père en fils, ou par vne legitime & penible acquisition
que nous en auons faite ? s’imagine t’il
pour s’estre tyranniquement emparé d’vne Authorité
Souueraine que tout luy soit deu, & croit
il estre deuenu nostre Roy en disposant du sing
de sa Maiesté & du Seau de la Couronne ? ll a
beau faire le ressouuenir de ce qu’il a esté nous
empeschera tousiours de le tenir pour ce qu’il
veut estre : & sçachez, hors de l’honneur que la
Reyne luy fait, qu’on le considere moins que le
reste des homme.

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Et sans nous arrester dauantage à faire vn long
recit des crimes de ce maudit Scelerat, dont les
deportemens de sa vie fourniront éternellement
deternelles matieres à ceux qui se voudront donner
la peine de les decrire, disons en peu de mots
que si par vn aueuglement égal à la fureur de ses
cruels vindicatifs, qui vont percer leurs ennemis
à trauers le sein de leurs peres, ce prodigieux
monstre de tyrannie n’eust pas voulu perdre l’Estat,
les Princes, & le peuple nous n’aurions pas
appellé l’estranger à nostre secours, pour deliurer
l’vn & l’autre de abominables attentats de cet
estrange parricide.

Quand la tyrannie occupe cette souueraine
puissance qui n’est deuë qu’au legitime successeur
de la Couronne, le Ciel & la terre ont droit de
s’vnir pour de liurer l’Empire de l’inuasion de son
Tyran, & pour la consacrer à la fureur des peuples
qu’il oppresse. Oüy, il ny a pas vn homme dans
toute la nature crée, qui n’ait droit de courre sur
vne sang-suë publique, qui pour satisfaire à son
auidité, a tellement descharné l’Estat, qui luy est
presque impossible de pouuoir souffrir l’application
du remede qu’on luy doit necessairement
donner, tant il se trouue abatu sous l’effort de ses
vniuerselles tyrannies. Per tria mouetur terra, &
quartum non potest sustinere, dit la mesme sagesse,
qui sont quand le seruiteur regne, quand le fol

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se saoule des biens d’autruy, quand la femme se
rend insupportable, & quand le valet veut estre
heritier de son maistre. Ce sont des miserables
reprouuez, dit elle en continuant, qui ne songent
iamais qu’a manger les pauures de la terre & les
necessiteux d’entre les hommes.

 

Prouerb. 30.

Mais qui le peut conuaincre des crimes dont
on l’accuse ? Les mesmes fuseliers qu’il auoit establis :
les aisez qu’il a volez : les hommes qu’il a
employez à l’enleuement des sommes immenses
qu’il a enuoyées en Italie : les Officiers de la Courõne
qu’il n’a iamais payez : nos armées desquelles
il a pris toutes les montres : les miseres publiques,
qui sont dans toutes les Prouinces de France : les
Plenipotentiaires de Munster : toute l’Europe
pour l’enleuement du Roy, pour le blocus de
Paris, pour les attentats qu’il a commis contre
Messieurs les Princes : & finalement tout l’vniuers
ensemble, pour ce nombre infiny de pauures
innocens qu’il a fait piller, brusler, violer, &
massacrer, à dessein d’assouuir l’insatiable ambition
qui le possede.

Voyez apres cela funeste Paraclet de ce detestable
Paraclyte, si vous pourrez trouuer des causes
de recusation contre toute la terre habitable,
pour le iustifier de tous ses crimes. Et voyez apres
cela encore vn coup si le Ciel n’a pas bien éclaircy
ses calomnies.

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L’Arrest dernier que le Parlement a donné contre
luy, fait bien voir que ces Augustes Senateurs
n’ont point d’interest qui leur soit plus à cœur, que
la gloire du Prince, quoy que vous en puissiez dire :
& certainement si leur conicience ne les mettoit
pas à couuert de toute sorte d’apprehensions, ils
ne trauailleroient pas à la liberté de leur Iuge. Et
bien loin de vous imiter en cela, ils ne veillent
qu’au salut de celuy que Dieu leur a donné, cependant
que vous ne songez qu’à la perte des vostres.
Vous nous faites bien voir par vos diuers
sentimens miserable Aduocat de causes perduës
iusques ou va l’impudence d’vn homme qui pour
se rendre complaisant à vn miserable valet, ne
s’occupe qu’à perdre le respect qu’il doit aux Arbitres
Souuerains de ses biens & de sa vie.

Ouy certes, Monsieur, s’ils estoient ambitieux
& qu’il n’y eust pas vn Oncle du Roy, à qui les
premieres honneurs du Royaume doiuent estre
conferées, ils pourroient exercer la charge qu’ils
luy ont donnée. Ce ne seroit pas la premiere fois
qu’ils l’ont exercée dans la Minorité des Roys, &
mesme dans la Maiorité, quand la trop grande
indulgence de sa Maiesté se portoit à souffrir
qu’vn tyran fist sa charge au preiudice de son
honneur, de son authorité, de son bien, & de sa
Couronne, n’y ayant point des personnes assez
considerables dans l’Estat pour la faire. Ie voy

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bien que vous ignorez, ou que vous voulez ignorer
l’histoire, en voulant ignorer si cela se peut,
ou si cela se doit faire. Il n’y a point de loy ni de
raisonnement, qui puisse ny qui doiue mettre des
bornes à la necessité des affaires d’vn Estat, que
vostre Maistre a mis sur le penchant de sa ruine.
Si le Parlement a eu le pouuoir de mettre la Couronne
sur la teste de quelques vns de nos Roys,
quand la necessité des affaires le requeroit, comme
il fit à Pepin & mesme comme il a fait au Roy,
en le declarant Maieur, qui sans cela n’eust pas
eu la liberté de faire les fonctions d’vn veritable
Monarque : s’il a eu le pouuoir de donner autrefois
la Regence à la Reyne, & s’ils ont le pouuoir
de donner la vie & la mort aux Princes du Sang,
lors qu’il s’agit de les poursuiure ou de les iustifier
du crime de leze Maiesté : Il doit bien auoir le
pouuoir dedeclarer Monsieur le Duc d’Orleans
Lieutenant general du Royaume de France. Qui
à le pouuoir de faire le plus à bien le pouuoir de
faire le moins, si vous sçauez l’art de raisonner selon
les regles

 

Est-il moins iuste que Monsieur le Duc d’Orleans
possede la charge de Lieutenant general du
Roy dans toute l’estenduë de ses Estats, en qualité
d’Oncle de sa Maiesté, comme n’y ayant personne
qui la puisse pretendre au dessus de luy, &
comme l’ayant tousiours exercée pendant la Minorité ;

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qu’il est iuste que vostre Mazarin possede
la charge d’Intendant general de tous les affaires
de la Couronne, en qualité de Tyran, d’Estranger
& de fils d’vn miserable Chapelier de Sicile ? Si
vostre Iule ne se fut pas desia emparé du commandement
de celle-là(quoy qu’il n’en eut pas
le nom) comme il s’est emparé du pouuoir de
toutes les autres, Monsieur le Duc d Orleans
n’auroit iamais songé à la reprendre, tãt il se soussie
peu des affaires des hommes. Les pensées qu’il
a maintenant pour le Ciel, ne luy permettent
plus que bien rarement, de tourner les yeux sur
des choses si basses & : s’il n’eust veu qu’il y alloit du
salut de l’Estat, cette dignité n’eust pas esté capable
de le diuertir de la moindre chose de ce qu’il
doit à l’acquisition d’vne autre dignité bien plus
glorieuse.

 

Ainsi Messieurs du Parlement en le rapelant à
cette dignité, sans le reseruer que la gloire de luy
auoir rapele pour le bien de l’Estat n’ont fait que
ce qu’ils estoient obligez de faire, en qualité de
seuls administrateurs de toutes les dignitez de la
Couronne. Assyro nullam principi iniurtam fieri, si ad
officium compellatur, & vbi nullus amplias rationi locus
super est vlterius etiam aduersus eum si it progressus, dit
vn tres sçauant Politique de nostre siecle, dans son
traité De iure Magistratus in subditos, de sorte que
s’il n’est point de sujet qui ne droit de faire tout ce

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qui se pourra pour le bien de l’Estat, sans pouuoir
iamais estre accusé de rebellion, à plus
forte raison, que ne doiuent pas faire ceux qui
n’ont esté créez que pour estre les legitimes tuteurs
de nos Roys, les protecteurs de l’Estat & les
peres des peuples ? Enfin, quoy que vous en puissiez
dire, pensionnaire Mazarinique, ils sont & seront
eternellement les Ministres & les interpretes
des loix, ausquelles les Roys, les Princes, & les
peuples doiuent obeïr s’il ne veulent estre esclaues
de la mesme tyrannie. Les Parlements sont les
mediateurs entre les affaires des Princes & des
peuples, seruant comme de barriere à l’authorité
independante, & à l’extréme foiblesse à ce que
disent les plus experts en l’art de raisonner, sur les
matieres de cette nature.

 

[illisible] sa
Monarchie
de France.

Chap. [1 chiffre ill.].

[1 mot ill.] in
Hotoma
Franco. Gal.
ch. 10.
Lupan de
Mag perf
Franc l. 2.
ch. de Parlam.
Blacuode[illisible]s
in Apolog.
pro Regibus
ch. 35. Histoire du
temps, page
[1 chiffre ill.]36 in 6.
Psenit, 81.

Voyez donc apres cela Panegyriste Mazarin, &
fauteur de sa tyrannie, auec quelle impudence
vous osez blasphesmer contre les actions d’autant
de Dieux qu’il y auoit de Presidens & de Conseillers
en l’Arrest qu’ils prononcerent contre Mazarin,
le vingtiesme Iuillet de la presente année.

Ie sçay bien que tout le monde ne regardera
pas d’vn mesme œil la force des raisons que ie
vous donne : ny la nature des authoritez que ie
vous cite : ny la teneur des Arrest de cet Auguste
Senat : ny ce rare ouurage de prudence ordinaire
aux sages Arbitres de nos fortunes, ny le scandale

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des Mazarins : que ceux-cy diront que la furieuse
iournée de l’Hostel de Ville fut comme ces derniers
coups de tonnerre qui finissent l’orage auec
le bruit, & qui commencent la tranquilité auec
vn meslange d’ombre & d’éclat : Que la paille qui
paroissoit le theatre de Paris, estoit ou la muëtte
semonce à quelque funeste spectacle, ou à la
plaisante decoration de quelque aduenture comique :
qu’on n’eust iamais creu qu’vn si miserable
preperatif eut pû seruir à la deliurance d’vn grand
Roy, ny a la distribution des premieres charges
de la Couronne : que le Roy ne sçauroit estre entre
les mains de ses ennemis ; puis qu’il a la liberté
d’aller partout où il luy plaist : qu’il fait la guerre :
qu’il donne les ordres : qu’il reçoit les Ambassadeurs :
qu’il fait toutes ses affaires : qu’on luy substituë
vn Lieutenant general qui n’agit que hors le
Royaume auec ses ennemis : qu’on élit vn Lieutenant
general des armées : & finalement,
qu’on establit quantité d’Officiers, qui reuiendront
bien tost en leur premiere forme.

 

Ne voilà pas des objections bien choisies &
bien iudicieuses pour l’Aduocat d’vne affaire de si
haute importance.

Si la furieuse iournée de l’Hostel de Ville fust
comme ces deniers coups de tonnerre qui finissent
l’orage auec le bruit, & qui commencent la
tranquilité publique auec vn meslange d’ombre

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& d’éclat, elle estoit donc necessaire pour mettre
tous les peuples de Paris dans quelque espece de
repos, & pour punir les Mazarins qui leur causoient
tous ces desordres. Si la paille qui paroissoit
estre le theatre de Paris, estoit ou la muëtte semonce
à quelque funeste spectacle, ou la plaisante
decoration de quelque aduenture comique,
n’a pas sçeu deliurer le Roy de l’esclauage où il est,
elle n’a pas laissé pourtant de deliurer la ville &
tous les peuples de Paris de la faction Mazarinique,
& de faire en suitte la distribution des premieres
charges, qui n’est pas vn petit acheminement
à la deliurance du Roy, au banissement de
Mazarin, au salut de l’Estat, & à la felicité publique.

 

Vous dites que le Roy a la liberté d’aller par
tout où il veut, & moy ie vous dis que cela est faux,
si cela se peut dire sans offenser la condition Mazarinique :
car si cela estoit, il y a long-temps qu’il
seroit à Paris. Vous dites encore que sa Maiesté
donne les ordres necessaires, qu’elle reçoit les
Ambassadeurs de ses alliez, & qu’elle fait tous les
affaires de la Couronne, & moy ie vous dis enco-
que cela est faux, cõme ie vous ay déja dit, car si
cela estoit, il y a long-temps que Mazarin & tous
ces complices seroient au Diable : que le Roy seroit
à Paris, que nous aurions la paix : que le commerce
iroit par tout : & que les voleurs ne seroient

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plus en regne : & si nous n’estions bien asseurez
de la bonne intentiõ que le Roy à pour nous, vous
verriez bien ce que les François sçauent faire. Si
on luy a substitué vn Lieutenant general, qui ne
s’est chargé de cet employ que pour sauuer l’Estat
à son Nepueu, preuoyant bien ce qui en pouuoit
arriuer : si on a esleu vn Lieutenant general de ses
armées, qui n’a pas fait moins de miracles que d’actiõs
heroiques, & si on luy a fait tous les Officiers
qui sont necessaires à l’Estat ; c’est parce que Mazarin
luy a osté tous ceux qui pouuoient fidelement
seruir sa Maiesté, pour ne luy donner que
des Ministres & des seruiteurs à sa mode, afin de
se pouuoir maintenir dans l’authorité Royale
qu’il luy a tyranniquement vsurpée.

 

Si ie vous traite auec trop de douceur & auec
trop de modestie, vous en deuez plustost remercier
mon bon naturel, que la consideration de vostre
merite. C’est estre bien traistre à sa patrie & à
son deuoir, que de prendre le party du tyran de
l’Estat contre les Princes du Sang, & contre les
seuls legitimes successeurs de la Couronne. Quel
sort a peu reduire de si sages Magistrats, à la censure
du plus criminel de tous les hommes ? Au
commencement les soins qu’ils prenoient du pupille,
ne pouuoient pas estre authorisez de leurs
pretentions sur la Regence, cela est faux : mais
bien de l’honneur qu’ils pretendoient acquerir en

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remettant le Roy dans le throne d’où la mauuaise
conduitte de Mazarin l’auoit fait descendre. La
Maiorité deuoit terminer le different des tuteurs
& les reuuoyer à l’exercice de leurs charges, c’est
ce qui vous trompe : la Maiorité deuoit chasser
Mazarin de l’Estat, selon la Declaratiõ que le Roy
en auoit fait en plein Parlement, seant en son lict
de Iustice : mais comme la tyrannie s’est renduë
Maistresse de l’esprit du Roy, & du gouuernemẽt
des affaires, & qu’elle a veu que cela ne se pouuoit
pas, sans la faire choir du throsne qu’elle auoit
vsurpé, elle a si bien fait qu’elle a comme aneantie
cette belle & authentique Declaration de la
memoire de sa Maiesté, en mesprisant la Iustice,
les Loix, l’honneur & l’authorité du Roy, & ce
qu’il y a de plus sainct & de plus venerable dans
la societé des hommes. Nous voyons bien par là,
que le desir de gouuerner est flateux ; puis qu’il engage
les hommes à de si estranges perfidies. C’est
ce monstre d’ambition qui la conduit à cet horrible
attentat, & qui ne luy laisse que l’enuie de regner
au preiudice du bien & de l’honneur de son
Prince. Sa passion ne va que dans l’abus & dans le
malefice, afin de trouuer les moyens de subsister
dans sa tyrannie. Et puis cét oracle d’abomination
auec ses effects des contraires, soustiendra encore
que le Roy n’est pas esclaue des volontez de son
Ministre ? La prison de cet Illustre Captif, c’est

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l’industrie dont ils se seruent pour assubiettir toutes
ses volontez, aux volontez de ces sangsues publiques.
C’est l’ascendant qu’ils ont pris sur luy
pour le faire encliner à tout ce qu’ils desirent. Ce
sont les gardes qui veillent à sa detention & les espaces
qui enferment ce tresor inestimable. Ne
voila pas de belles questions que cet Autheur des
diuers sentimens nous fait, pour vn homme qui a
entre pris de dire de si belles choses, en faueur du
plus criminel de tous les hommes. On n’entreprend
pas de l’eslargir, mais on entreprend de luy
faire connoistre la verité du fait, & de le desabuser
de toutes les mauuaises impressions qu’on luy a
données. C’est ce que l’on craint, de par le Diable,
plus que tout autre chose, puis que cette sorte
d’eslargissement feroit l’esclauage des autres.

 

Si la prison de sa Maiesté estoit imaginaire, la
Lieutenance de Monsieur le Duc d’Orleans seroit
inutile, ie vous le confesse ; aussi ne l’a t’il receuë
que pour l’abandonner au iour de sa deliurance.
Et pour vous dire que le Parlement ne la luy a pas
voulu donner, mais qu’il l’a prié de la prendre, il
ne faut pas faire si fort l’ignorant, apres auoir dit
de si belles choses. Si vous n’entendiez pas le
François vous auriez bonne grace à demander
vn interprete. Vos diuers sentimens sont bien plus
ambigus que cela, & si nous ne laissons pas de les
dechiffrer, & de penetrer par leur moyen iusques

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dans vos intentions les plus mysterieuses

 

Ne voyez vous pas qu’en cette action il y a deux
choses à considerer, qui sont la liberté de donner
& la supplication de prendre. C’est pourquoy la
Cour de Parlement, qui a seule & de tout temps
le droit de conferer, & non pas de donner, les plus
hautes dignitez de la Couronne, ainsi que nous
auons desia dit, regardant Monsieur le Duc d’Orleans
comme la premiere & la plus considerable
personne de France, veu qu’il est Oncle du Roy
& legitime successeur de la Couronne, le prie de
prendre la Charge de Lieutenant general du
Royaume, iusques à ce qu’on eut deliuré le Roy
& l’Estat de la tyrannie Mazarinique. Notez
encore cette repetition, ie vous en supplie. Le prie
de la prendre, parce que cette Cour de Parlement,
contre qui vous clabaudez auec tant d’iniustice,
n’a pas à vray dire la liberté de la donner,
attendu que cette liberté de donner suppose vn
pouuoir absolu, & la supplication de prendre,
suppose vne necessité d’agir pour le bien vniuersel
du Prince & du peuple. Et c’est ce que la Cour
n’a iamais ignoré comme, vous quelque mespris
que vous en puissiez faire en la donnant elle auroit
fait, ce qu’homme du monde ne sçauroit equitablement
faire, s’il n’est Souuerain, & en le suppliant
de la prendre, elle ne faisoit que ce qu’elle
est en cõscience obligée de faire, pour remettre le

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Roy dans la plenitude de son Authorité Royale.
Voila les raisons en vertu desquelles le Parlement
y a procedé de la sorte. Monsieur, ie ne sçay si ie
m’explique assez bien pour vous, & s’il ne vous
faudra pas encore vn nouueau interprete.

 

Notez cela
pour ne me
pas expliquer
autrement
que
je m’explique.

Ainsi la Lieutenance de l’Oncle ne sçauroit
estre vn larcin fait au Neueu, en quel sens que
vous le puissiez prendre. Ainsi la collation de cette
charge ne sçauroit estre suiette a pas vne reprehension
ny mise au dessus de leur pouuoir : ainsi Msieur
le D. d’Orleans ne sçauroit estre criminel, quelque
indentité de moyen qu’il y puisse auoir entre donner
& receuoir. Et ainsi le Parlement ne peut estre
legitimement accusé d’iniustice de luy auoir offert
vne chose qui luy deuoit estre necessairement
offerte. Ce qui fait bien voir que le Parlement
n’auoit pas oublié d’agir en cela, auec sa prudence
ordinaire, quoy que vous ne l’ayez pas sceu
remarquer dans les escrits de Monsieur Biguon,
qui est tellement l’homme du Roy qui aimeroit
mieux n’auoir iamais esté, que de le trahir, ny
que de verser le poison de la felonnie auec le vaisseau
public du deuoir & de l’obeyssance.

Il est vray que la Cour en donnant la charge
de Lieutenant general à Monsieur le Duc d’Orleans,
n’a pas entendu luy donner vne qualité
nouuelle & extraordinaire, l’histoire en fait mention
en quelques endroits, & particulierement

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aux sanglãtes guerres des Chapperons my-partis,
& du temps que la ligue fit tant de desordres en
France, ainsi que vous l’auez fort bien remarqué
dans vostre beau libelle. Et quoy que vostre plume
tremble au seul recit de ces exemples d’horreur,
si faut il pourtant que vostre tyran soit chassé
de l’Estat, & que le Roy soit maistre absolu & de
son Royaume & de sa personne.

 

Enfin pour nous faire voir que ce qui se fait à
present s’est fait autrefois, vous nous raportez
deux pages toutes entieres de l’Histoire, qui ne
font que faire voir aux peuples l’équité de leur
cause ; par ce qu’en ce temps là c’estoit vne prodigieuse
ambition de tous les plus grands du Royaume,
qui s’estant renduë maistresse absoluë de leurs
passions, auoit mise vne generale diuision dans
tous les esprits de France.

C’estoient des subjets qui se rebelloient contre
leurs Princes, des Princes qui prenoient les armes
contre leurs Roys, & des Roys qui vouloient mettre
des Princes & des peuples dans leur obeïssance.
Enfin c’estoient des François contre des François,
& vne partie du Royaume contre l’autre partie :
Mais à present il n’en est pas de mesme ; ce sont
tous les Princes & tous les peuples de France qui
sont armez contre vn miserable valet : c’est toute
vne Monarchie qui se sousleue contre son tyran :
ce sont toutes les puissances de l’Europe qui se

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bandent contre vn perturbateur du repos public :
& finalement c’est le Ciel & la terre, qui font que
tout se ligue contre luy pour le perdre.

 

Il me semble, pour l’honneur & pour le bien
du party que vous taschez de deffendre auec tant
d’empressement & tant de chaleur, que vous deuiez
celer des exemples qui vous doiuent faire
trembler de peur, & qui marquent infailliblement
vostre perte. Si les François n’ont pas voulu souffrir
quelques legeres oppressions de leurs legitimes
Souuerains, ny de leurs propres Princes, &
qu’ils ayent expose leurs biens & leurs vies pour
cela, à plus forte raison que ne feront-ils pas, pour
se tirer de l’insupportable tyrannie d’vn miserable
Estranger, issu de la lie du peuple ? Si en ce temps-là,
où Paris n’estoit rien en comparaison de ce
qu’il est, & où les peuples n’estoient que des ignorans
au mestier de la guerre, les François ont sceu
contraindre les plus grands de l’Estat à viure en
paix auec eux, que ne feront-ils pas à present,
qu’ils sont sans comparaison & bien plus forts, &
bien plus aguerris, contre vn Ministre qui ne se
peut, ny ne se sçauroit maintenir que par les graces
de la Reyne.

Qu’il arme tant qu’il voudra contre nous : qu’il
épuise tous les thresors de la Couronne pour leuer
des armées parmy les nations les plus redoutables
à dessein de nous perdre, il ne fera que ruiner

-- 22 --

l’Estat, & mettre toute la Cour à la besace. Paris a
plus de millions de liures, qu’elle n’a pas de Louys,
& plus de Regimens qu’elle ne sçauroit auoir de
Compagnies. C’est vne mouche contre vn elephant,
ou vne petite cabale de Mazarins contre
tout vn monde, Si la Reyne voyoit clair dans ses
affaires, elle y procederoit par vne autre voye.
Nous aymons le Roy auec vne passion inuiolable,
c’est tout dire. Leurs Maiestez n’ont qu’à venir
à Pari, pour remettre l’Estat en sa premiere
splendeur, & les peuples dans vne parfaite obeïssance.
Sont-elles mieux entre les mains d’vn
Estranger qui épuise tous les thresors de l’Estat,
& qui fait souleuer toute l’Europe contre elles,
que non pas entre les mains de ceux qui les font
ce qu’elles sont, & sans l’humilité de qui elles ne
sçauroient estre mises au rang des plus illustres
puissances de la terre. Grand Roy, & vous grande
Reyne, il est temps que vous dessilliez les yeux
au salut de cét Estat, & que vos Maiestez se soûmettent
aux inuiolables decrets d’vn Souuerain,
qui vous fera rendre compte vn iour de la moindre
de vos pensées. Ces sang-suës publiques vous
font voir le Ciel tout ouuert dans vne condition
où il y en a bien peu qui puissent faire le salut de
leur ame. De grace, prenez-y grade, il n’y va pas
moins que de la perte de toute vne éternité, qui
ne sçauroit iamais estre comprise ny des hommes
ny des Anges.

 

-- 23 --

Dans cette nuict de confusion où la France vit
presentement, nous y voyons reluire encore la
vertu de ces anciens Peres du Senat qui aimerent
mieux s’exposer à la violence du tyran, en resistant
à ses volontez, que de consentir à ses tyrannies.
La plus saine partie du Parlement est demeurée
dans son deuoir, & quelques membres
infectez, ou pour mieux dire quelques lasches
pensionnaires de cét infame Mazarin, se sont retirez
auprés de luy, pour auoir la liberté de pouuoir
mieux conspirer contre leur patrie.

Ce que vous trouuerez à redire sur la Magistrature
de Henry IV. marque plustost vostre impudence
que vostre sagesse. Prouuez nous que Mazarin
est né Intendant de toutes les affaires de la
Couronne au preiudice des Princes & du Parlement :
monstrez nous son exercice legitime sans
la volonté de ces genereux Protecteurs de l’Estat,
& de ces illustres Senateurs, & vous parlerez plus
raisonnablement vous mesme sur la cause des
troubles. Rex vel Princeps, provt œtas cuisque, prout
fœcundia est audiuntur authoritate suadendi magis quam
iubendi potestate, dit Tacite, parlant en faueur des
Princes. Et Seyssel Euesque de Marseille, & Ambassadeur
de deux Roys, parlant pour Messieurs
du Parlement dit, dans son traité de la grande
Monarchie de France que les Parlemens n’ont
esté instituez que pour refrener la puissance absoluë

-- 24 --

que les Roys pretendent auoir sur les peuples.
Ie vous dirois bien quelques paroles du
grand Henry bien plus vtiles que les vostres, si ie
ne craignois de faire voir à vostre Mazarin vne des
plus lourdes fautes qu’il ait iamais faites, quoy que
cela luy soit assez ordinaire. Ce grand Monarque
respondit à Monsieur de Villeroy (qui a este autrefois
l’espace de quatorze ans le veritable Chrysostome
de la Cour, & vn des plus grands Ministres
d’Estat qui ait iamais gouuerné les affaires
de France ;) comme il luy parloit des differends
que le Duc d’Espernon auoit auec la Prouence,
d’où il estoit Gouuerneur : Si i’appuye, dit-il, le
Duc d’Espernon contre les Prouençaux, ie m’en
attireray cent mille sur les bras, pour vn que ie fauoriseray,
& ie signaleray vn coup de puissance
absoluë, par vn coup d’iniustice ; ce qui fit qu’il
le r’appella, & leur renuoya vn homme qui leur
fut agreable, pour calmer cette grande Prouince,
qui s’alloit ietter, s’il ny eust mis ordre par ce
moyen là dans vne rebellion tres-dangereuse.
Portez la verité de cette histoire à vostre Mazarin
de la part d’vn veritable Frondeur, plus chargé de
paille que de pistoles, afin qu’il en fasse son profit ;
& adjoustez y que les maux qu’il fait souffrir à tous
les peuples de France, refleschiront sur son cœur
auec vsure ; qu’il plaint l’aueuglement des meschans,
& la seruitude des bons ; & que si la France

-- 25 --

ne luy est pas bien tost redeuable du calme & du
repos que son maudit Ministere luy a osté, qu’il
s’asseure d’en estre puny selon la grandeur du
trouble & de la tempeste qu’il luy cause.

 

Tacit de
morid German
C. I 2.

chap. I.

La tyrannie est percée de ses propres traits, &
vous vous confondez vous-mesmes. Ouy, ie vous
le soustiens encore, la Charge de Monsieur le Duc
d’Orleans n’est que la continuation de celle que
le Roy mesme luy auoit donnée. Elle auoit bien
receu quelque surseance à la venuë de sa Maiorité :
parce qu’on croyoit qu’vn Roy Maieur deuoit
calmer tous les desordres. Mais depuis que le
Tyran de l’Estat est reuenu s’emparer encore tout
de nouueau de l’esprit du Roy, pour faire reuiure
sa tyrannie, il est necessaire pareillement aussi
de la remettre en l’estat qu’elle estoit pour nous
deliurer d’vn homme si funeste à tous les peuples
de France. C’est vne Charge qui se donne à la necessité,
& non pas à la personne à qui on la donne :
c’est pourquoy elle se doit donner en tout
temps & en toute saison, à la Maiorité des-Roys,
aussi bien qu’à la Minorité, quand la necessité le
requiert, & quand le bien de l’Estat le demande.
Le salut du peuple doit estre permanent, & ses
loix ne se sçauroient borner sans luy faire vne eternelle
iniustice. C’est vne charge qui se donne au
merite, & non pas à la qualité ny à naissance,
quoy que ces trois choses là se trouuent eminemment

-- 26 --

en la personne de celuy qui la possede ; &
c’est vne dignité qu’il pourra prendre de luy mesme
toutes les fois que le gouuernement de l’Estat
semblera estre en anarchie par le peu de connoissance
que l’on donne au Roy de ses affaires, ou
bien en [1 lettre ill.]etrarchie, par l’vsurpation que les Mazarinistes
ont faite ensemble de l’Authorité Royale.
Le bien de la Couronne, où Monsieur le Duc
d’Orleans a de si legitimes pretentions luy donne
cette liberté, sans que iamais la surseance ny la
suppression de la charge y puissent mettre aucun
obstacle. La necessité n’a point de loy, principalement
quand il y va du salut de tout vn peuple.
Et quoy que la Regence soit entierement esteinte
par la Maiorité du Roy, la Reyne ne laisse pas
de l’exercer presentement aussi bien & encore
mieux qu’elle ne l’exerçoit pas lors qu’elle y estoit
obligée ; & si tout cela se fait sans que personne
du monde y trouue à redire. Si ces deux charges
ont vne mesme naissance & vn mesme tombeau,
pourquoy souffrir l’vne & non pas l’autre. Cette
fille du commun malheur des hommes, ne s’amuse
pas à considerer si la charge est supprimée, ou
si elle est surcise. L’vn & l’autre luy sont indifferens,
quand on la pousse à tout entreprendre.
C’est vne chicane de termes, & non pas de raisons,
quoy que l’vn marque aneantissement, & l’autre
continuation d’effect. Ce sont des distinctions

-- 27 --

sans pouuoir, où la necessité se rend absoluë. C’est
elle qui a creé les Roys pour le bien des Estats, &
c’est elle qui crée leurs Lieutenans, pour la mesme
chose : si elle fait l’vn, elle peut bien faire
l’autre.

 

Le démentir n’est pas moins ordinaire aux imposteurs
qu’aux calomniaires. Vous diriez, dit-il,
que le Cardinal apres les longs & continuels seruices
d’vn zele desinteressé, & les glorieuses qualitez
de Ministre de deux de nos Roys, & Parrain
de celuy-cy, soit quelque Turc ou quelque Sauuage.
Ie vous laisse à penser apres cela, si la France
ne luy a pas bien de l’obligation, de luy auoir
volé tous ses tresors, de l’auoir accablée de guerres
ciuilles, de luy auoir fait perdre toutes les places
que nous auions conquises sur les ennemis depuis
qu’il gouuerne les affaires ? Ne voila pas vn
Ministre bien glorieux d’auoir sceu rendre de si
beaux seruices à cette Couronne ? Ou il faut que
vous passiez pour insensé en parlant comme cela,
ou il faut que vous ayez pris à tasche de vous railler
de cét infame : Si nos Princes seruoient la France
comme il la sert, il y a long-temps que l’Espagnol
seroit nostre Maistre. Demandez aux peuples
qui les saoule & qui les maintient ? Demandez
à la frontiere qui l’attaque & qui la defend ?
Demandez à la Catalogne qui la secourt & qui
l’abandonne ? Demandez à l’Espagne qui la sert

-- 28 --

& qui la combat ? Et sur ces tesmoignages publics
faites le procez à qui le merite.

 

Demandez encore vn coup aux peuples qui les
pille : qui enleue tous les tresors de l’Estat : qui
le accable de Tailles de & Subsides : qui empesche
la paix & qui cause la guerre qui a voulu perdre
Bourdeaux & laisse rauager la Picardie & la
Champagne qui a fait arrester les Princes du
Sang, & qui les a voulu perdre : qui a enleué le
Roy & bloqué Paris : & finalement qui s’est emparé
de l’Authorité Royale, & qui fait tous les
affaires de France ? Et sur les témoignages publics
que toute l’Europe en tendra comme nous auons
dit, vous sçaurez veritablement si c’est Mazarin
ou si c’est Messieurs les Princes.

Quand ie souhaite qu’il seroit à desirer qu’il ne
se traitast rien dans nostre party, ny contre la personne
du Roy, ny contre la Monarchie, c’est par
ce qu’il est bien difficile de viser droit à celuy qui
abusant de l’Authorité du Roy, la met au deuant
de soy, pour se mettre à contre des coups qu’on
n’adresse qu’à sa personne, sans blesser en quelque
façon ce qui le couure. S’il n’estoit pas si impudent
que de mettre cette Authorité & les forces
du Royaume entre luy & nous, & que nous ne
fussions pas zellez pour le seruice de l’vn, & tres
passionnez pour le bien de l’autre, nous ne ferions
pas les vœux que nous faisons pour le salut de tous

-- 29 --

les deux ensemble. Mais au contraire bien loin de
me deffier des bonnes intentions de nostre party,
ie crains qu’en voulant resoudre quelque chose
contre son tyran, que cette mesme resolution que
nous prendrons ne se puisse pas si bien adresser,
qu’elle ne rencontre en chemin faisant quelque
chose dont cet illustre tyran se pare, ce qui fait
tout le suiet de ma crainte.

 

Enfin si ie louë Monsieur le Duc d’Orleans, ie
le louë parce qu’il est digne d’estre loüe sur la bonté
de son naturel ; parce que le monde n’a rien de
de bon dont la bonté ne soit au dessous de la sienne,
& cela se peut dire sans flaterie : ie le louë sur
le zelle qu’il a pour le bien public ; parce qu’il n’y a
point d’homme sous le Ciel, qui expose si librement
& si genereusement son bien & sa vie que
luy pour le salut de sa patrie : Et finalement ie le
louë sur sa conduite & presente & passée, parce
qu’il n’a iamais rien fait qu’auec vne prudence toute
extraordinaire. Et si en cherchant tousiours les
moiẽs de se bien gouuerner, il a esté si malheureux
que de faire quelque mauuais rencontre, ce n’a
iamais esté que par la fourberie & par l’impudence
d’vn certain Fauory cõme le vostre, à qui il auoit
laisse prendre par vne bonté qui n’en eut iamais de
pareille, plus d’authorité qu’il ne luy deuoit pas
laisser prendre.

Et si toute la gloire que ie luy donne, & que sa vertu

-- 30 --

fait éclater par tout où elle est dignement reconnuë,
n’est pas inserée dans les Registres du
Parlement c’est parce que la tyrannie de ce Ministre
s’estoit emparée durant ce temps la du trône
de l’equité, & par ce moyen la iustice ne pouuoit
pas estre renduë à qui elle estoit raisonnablement
deuë.

 

En vn mot, chose tres horrible, c’est parce que
le tyran qui regnoit alors, ayant le mesme dessein
que le vostre a de s’emparer de la Couronne, ne
le pouuoit pas faire auec quelque apparence de
iustice, de laquelle il s’estoit rendu tyranniquement
le souuerain, qu’en faisant declarer son veritable
& legitime successeur, incapable d’y succeder,
par vne declaration qu’il auoit fait faire au
Roy deffunt, & verifier à Messieurs du Parlement
le poignard à la gorge. Il y a des temps où il faut
necessairement que ceux qui se sont vne fois laissez
suppediter, par vne trop grande indulgence à
la mesme tyrannie qui les oppresse, cedent quelque
chose à la violence du tyran, quand ils ne sont
pas en estat de resister à ses tyrannies. C’est vn
effect de la plus raisonnable & de la plus sublime
prudence des hommes. Et certes si ceux qui sont
contraints de faire quelque chose au gré de ces
superbes Tyrans estoient criminels, toute la France
seroit criminelle de s’estre despoüillée elle mesmes
de tous ses thresors, pour en reuestir ces sang-suës

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publiques. C’est pourquoy ie trouue que ces
illustres Senateurs iugeant bien de ce qu’ils auoiẽt
suoffert par la criminelle violence de l’Argonaute
qui les y auoit contrains, ont bien fait de donner
l’Arrest qu’ils ont donné le vingtiesme du mois de
Iuillet, de l’année mil six cens cinquante deux,
contre ce pernicieux Tyran de l’Estat, & contre
cet vsurpateur de l’authorité Royale, pour sauuer
toute cette pauure Monarchie des prodigieuses
tyrannies de cét execrable Achab, & pour s’empescher
de retomber encore vn coup dans le mesme
precipice.

 

Voila cher amy commun de son cher Agathon,
le veritable dé chiffrement de vos diuers sentimẽs,
sur la Lieutenance generale du Royaume de France.
On dispute tous les iours de la nature du Soseil,
qui est la plus visible de toutes les creatures
de l’vniuers, vous auez raison, & ie croy qu’à la
fin vous disputerez à Monsieur le Duc d’Orleans
la qualité de Prince du Sang & d’oncle du Roy &
au Parlement l’Authorité de iuger ces tyrans de
l’Estat & ces abominables sang-suës publiques.

FIN.

-- 32 --

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Anonyme [1652 [?]], REFVTATION DE LA PIECE DE PONTOISE INTITVLÉE LES SENTIMENS DIVERS SVR L’ARREST DV PARLEMENT DV VINGTIESME IVILLET. ET LE DISCOVRS SEDITIEVX QV’ON pretend faussement auoir esté fait par Monsieur Bignon, le 26. sur la Lieutenance du Royaume. , français, latinRéférence RIM : M0_3067. Cote locale : B_15_16.