Anonyme [1652 [?]], REFLECTION SVR LA CONDVITE DE MONSIEVR LE PRINCE. PAR LAQVELLE L’ON PEVT CONNOISTRE la fin de ses desseins dans la recherche de toutes ses actions examinées auec beaucoup de soin depuis sa liberté iusques à present. , françaisRéférence RIM : M0_3059. Cote locale : B_20_20.
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REFLECTION
SVR LA CONDVITE DE MONSIEVR
LE PRINCE.

PAR LAQVELLE L’ON PEVT CONNOISTRE
la fin de ses desseins dans la recherche de toutes ses actions examinées
auec beaucoup de soin depuis sa liberté iusques à present.

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REFLECTION
SVR LA CONDVITE DE MONSIEVR
LE PRINCE.

PAR LAQVELLE L’ON PEVT CONNOISTRE
la fin de ses desseins dans la recherche de toutes
ses action, examinées auec beaucoup de soin
depuis sa liberté iusques à present.

NOVS esperions auec beaucoup de raison, que
de la liberté de Messieurs les Princes la France
ne pouuoit attendre que toute sorte de felicité,
& que de cét heureux moment dépendoit entierement
le soulagement des peuples, le repos de l’Estat,
le restablissement de l’authorité royale, l’affermissement
de la Couronne, & la paix generale
de toute la Chrestienté ; Mais la faction des partisans
de celuy, que cét eslargissement chassoit auec
ignominie du Royaume, a si bien empesché en
taschant de faire rentrer leur Maistre dans l’administration
des affaires, que nous n’ayons jouy auec
delice des fruicts des sollicitations de ces illustres
innocens, que par la diuision de la Maison royale
ils en ont retardé la production, en precipitant
à grands pas la Monarchie dans le mesme abisme,
où le Card. M. I’auoit laissée, auec plus de peril
que ce Sicilien n’auoit encores fait : puis que si

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nous auons connu que depuis peu de temps les
guerres ciuiles ont deschiré nos Prouinces de toutes
parts, par la necessité que leurs Chefs auoient
d’esuiter la persecution d’vn Tyran estranger, on
n’auoit pourtant pas encores veu qu’il eut contraint
les Princes du sang à se retirer dans leurs
Gouuernemens, (quoy qu’il se fust porté à cette
insolence de les arrester injustement,) pour y armer
tout ce qu’ils y ont d’amis & de bons François,
afin de s’opposer aux violences de ceux, qui
par cette maniere d’agir veulent hazarder l’Estat
pour esleuer leur fortune par le restablissement
de celle de nostre ennemy mortel, qui est l’extremité
la plus dangereuse pour la subsistance d’vne
Monarchie telle que celle de France ; Ce qui est
encores de plus pernicieux, est qu’ayant obsedé
l’esprit du Roy, ils le font trauailler à sa propre
ruine, se seruants impunement du sacré nom de
sa Majesté pour authoriser les mauuais desseins
qu’ils ont contre ses subjets, contre son pouuoir
absolu, & contre tout ce qu’il y a de plus sain, &
de mieux intentionné pour le salut de son Estat, &
le repos de ses peuples : n’ayans d’autre pensée que
d’establir leur maistre par les desordres, ou de rendre
Monsieur le Prince (qui s’oppose à ce dessein)
odieux, parce qu’il a pris (disent-ils) ou qu’il veut
prendre les armes contre son Souuerain pour ses
interests particuliers. Mais quand ces dangereux
personnages verront si bien les intentions de ce
Heros, & qu’elles seront si bien connuës & approuuées

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d’vn chacun, qu’ils ne pourront plus les
déguiser, ie ne puis conceuoir quelle contenance
ces factieux pourront tenir à l’aspect de tant de
bons desseins, pour nous persuader par leurs grimasse,
que leurs intentions soient plus iustes,
& qu’elles doiuent estre mieux suiuies, que celles
de Monsieur le Prince, de quel front pourront-ils
enuisager la gloire que ce conquerant va s’acquerir
dans le restablissement de l’authorité de
son Souuerain, par le soulagement des peuples,
l’expulsion de tout ce qu’il y a de seditieux aupres
du Roy, par la perte des restes du Mazarin, & par
l’vnion du Roy auec ses suiets ? mais affin que par
le passé l’on connoisse l’aduenir, & que les plus
d’esinteressez en iugent selon leur propre sentiment,
ie m’accorderay le mieux qu’il me sera possible
à la portée de la connoissance des moins esclairez
dans toute la suite de la reflexion que ie
viens de faire sur les desseins des vns & des autres
depuis la liberté de Messieurs les Princes iusques
à present, sans rien adiouster à ce que tout le monde
en a peu connoistre, affin que de ce qui nous
a paru, nous puissions iuger de la sincerité de leur
interieur.

 

Messieurs le Tellier, Seruient, & Lyonne trauaillant
pour le restablissement du Cardinal Mazarin
auec vne telle assiduité, qu’elle ne leur donnoit
point de repos ny nuict ny iour, ne continuerent
pas long-temps si secrettement leur

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commerce, que le bruit n’en vint aux oreilles de
Monsieur le Prince, & qu’vn chacun ne connut
bien tost que pour faire reüssir leur dessein, ils
eussent librement exposé, tant leur passion estoit
demesurée, plusieurs millions de bons François
qui estoient resolus d’y perir pour en empescher
l’execution.

 

Monsieur le Prince, preuoyant le but de leurs
entreprises par les aduis qu’il eut de leurs caballes,
& se ressouuenant de la proposition qui luy
auoit desia esté faicte sur ce suiet ; veilla si soigneusement
à obseruer leur conduitte, que la connoissant
tres pernicieuse pour l’Estat ; il se resolut
peu de temps apres sa sortie de prison, pour le
bien de cette Monarchie, & le repos des peuples
de solliciter la leur des Conseils du Roy.

Ces Messieurs se voyants tallonnez de si prés
par Monsieur le Prince, iugerent bien que sortant
de leurs places ils ne seroient plus vtiles au
retour de leur maistre, & ainsi les recompences
qu’ils en esperoient perduës, s’imaginerent que
selon les leçons qu’ils auoient aprises de cét [1 mot ill.]
ils pouuoient promettre sans le tenir de quitter
les interests du Cardinal, & de ne desormais
penser qu à bien seruir le Roy.

Monsieur le Prince les voyants selon toutes sorte
d’apparence dans vn si bon sentiment, &
iugeant à son ordinaire qu’il estoit d’vn cœur genereux
de faire misericorde à ceux qui reconnoissans

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leurs fautes estoient capables de produire
quelque chose de bon pour le seruice du Roy,
connoissant mesme que c’estoit les souhaits de
la Reine qui deffendoit leur cause auec beaucoup
de chaleur, pour les volontez de laquelle Monsieur
le Prince a tousiours eu beaucoup de defence,
& de respect, apres mil serments reïterez
que ces gens luy firent pour confirmer ce qu’ils
promettoient, il consentit qu’ils ne bougeroient
point pourueu qu’à l’aduenir ils ne songeassent
plus au Cardinal Mazarin.

 

Ces esprits factieux ont neantmoins du depuis
tousiours tesmoigné tant d’attachement auec cét
estranger quoy que banny, que ny la solemnité
des serments qu’ils auoient faits du contraire, ny
la fidelité qu’ils doiuent au Roy, ne peut les empescher
de trauailler auec plus de soin qu’auparauant
pour son retour, & auec tant de chaleur
mesme, qu’ils l’auoient fabriqué sur la perte de
Monsieur le Prince, & qu’il n’y auoit point d’extremité
à laquelle ils ne se fussent resolus pour
faire reüssir leur dessein, quoy qu’il menaçast visiblement
l’estat d’vne entiere subuertion, & les
peuples d’vne perte irreparable.

Monsieur le Prince estant aduerty qu’on auoit
faict dessein d’attenter à sa personne, pour faciliter
ce retour, & de tout risquer pour conduire
cette entreprise à la fin qu’ils s’en estoient proposée,
trauaillant à sa conseruation empescha dans

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cette rencontre le restablissement de ce mauuais
Ministre, & procura comme tout le monde sçait le
salut à l’Estat, & le repos au peuple de Paris (qui
n’eust peu souffrir cette action sans s’en esmouuoir
(en se retirant à sainct Maur, pour empescher
que l’execution d’vn si pernicieux dessein n’acheuast
la ruine du Royaume, que leur Maistre
auoit si mal-heureusement commencée par l’emprisonnement
des trois Princes.

 

Les Factionnaires du Mazarin n’eurent pas sitost
apris la nouuelle de la sortie de Monsieur le
Prince, qu’ils crurent d’abord que leur affaire n’estoit
pas mal conduitte, & que puis qu’ils l’auoient
chassé iusques à sainct Maur par vne simple crainte
cognoissant son foible ils luy en donneroient bien
d’autres pour l’esloigner dauantage, affin qu’il ne
fut plus l’obstacle des succez de leurs caballes,
veu qu’ils ont tousiours reconnu que la seulle personne
de Monsieur le Prince pouuoit empescher
le retour du Cardinal.

Monsieur le Prince que la seulle passion de seruir
le Roy, & le public animoit, n’abandonna point
les portes de Paris, pour ne pas donner suiet à sa
Majesté de soubçonner sa conduitte, & pour oster
la crainte aux Bourgeois de cette ville qu’il vouloit
les quitter, pour aller chercher son refuge entre
les mains des Bourdelois auec plus d’asseurance
qu’il n’en pouuoit trouuer aupres de son

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Souuerain irrité contre luy par les continuelles
sollicitations de ses ennémis, voulant par là faire
connoistre au Roy la sincerité de sa conscience
qui le fortifioit dans ce dessein, & aux Parisiens
qu’il preferoit leur satisfaction à sa propre conseruation,
puis qu’à la priere de quelques-vns des
plus apparents il reuint de S. Maur à Paris contre
le sentiment vniuersel de tous ses amis.

 

Les creatures du Cardinal s’estans apperceuës de
l’amitié que les peuples auoient pour Monsieur
le Prince, le voyant entierement dans leurs interests,
& contre ceux du Mazarin, ne l’ayant pû destruire
par des faux bruits dans le public, tascherent
de gaigner ce Conquerant par des offres
qu’on luy faisoit de tout ce qu’il y auoit de plus
important à la disposition du Roy, le Conseil duquel
ils promettoient de remplir de ses creatures,
& enfin qu’on ne fairoit iamais rien que par son
consentement, pourueu qu’il voulut souffrir
que Monsieur Mazarin reuint pour vingt-quatre
heures seulement en France pour donner cette
satisfaction à la Reyne, qu’il peut en y rentrant demander
son congé auec honneur, pour reparer
la honte de son bannissement, & aprés se retirer en
Italie auec l’argent qu’il nous a volé.

Monsieur le Prince, qui ne peut escouter qu’auec
horreur aucune proposition d’accomodemẽt
auec ce Tyran, respondit que ny ses interests, ny
sa propre conseruation, ne pourroient iamais luy

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faire donner son consentement au retour d’vn
homme qui n’auoit pas craint de renuerser l’Estat,
pour en le perdant agrandir sa fortune, & celle de
ses partisans, estant maintenant resolu de perdre
son bien, sa propre satisfaction & sa vie, pour empescher
que cét estranger ne rentre iamais dans la
place, qu’il a si indignement remplie à nostre desaduantage.

 

Messieurs les Mazarins conçeurent dés lors de
si mauuaises esperances pour le retour de leur
Maistre, qu’ils n’y trouuoient plus de ressource
que par la perte de Monsieur le Prince, ou par vn
tel esloignement de sa personne, qu’ils peussent
tout entreprendre sans qu’il peust former des obstacles
à leurs desseins, s’imaginants, que poussans
à bout cét Heros, à qui l’Espagne ny l’Empire
n’ont iamais peu resister, enflé de cette gloice
prendroit d’abord les armes en main, pour arracher
par force ce que les Subjets peuuent raisonnablement
esperer de la clemence & de la justice
de leurs Souuerains, notamment quand leur esprit
ne se trouue point saisi des impressions qu’on
leur donne contre ceux qui ont rendu les meilleurs
seruices à l’estat.

Monsieur le Prince, qui n’a iamais eu que toute
sorte de respect & de bonne volonté pour le seruice
du Roy, creut qu’il ne pouuoit dans cette
rencontre donner de plus grands tesmoignages
de sa fidelité pour la conseruation de l’Estat, ny de

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plus grandes preuues du zele qu’il a pour le repos
des peuples qu’en oubliant toute sorte de ressentiment
& de vengeance, & sousmettant ses interets
à la censure de Messieurs du Parlement à la face
de tous ses ennemis.

 

Les Mazarins n’eurent pas si tost apris que Monsieur
le Prince auoit escrit à S. A. R. & à Messieurs
du Parlement touchant les justes défiances que
luy donnoient les pratiques des amis du Cardinal,
qu’il n’y eut point d’artifice qu’ils ne missent en
vsage pour tascher de gaigner le premier, &
d’espouuenter les autres par des menaces de la
disgrace du Roy, s’ils n’apuyoient de leurs suffrages
leurs sentiments ; Ou de les flatter des recompences
que sa Majeste leur donneroit, s’ils authorisoient
vn si detestable procedé ; mais les vns
& les autres dont l’équité est le premier mobile de
toutes leurs actions, demeurans intrepides au milieu
des menaces aussi bien qu’inflexibles au milieu
des recompences, condamnerent par leurs Arrests
de si detestables conjurations.

Cependant M. le Prince ne bougeoit point
de S. Maur, il ne parloit point à aucun du Parlement,
il escriuit seulement les lettres que tout le
monde a veuës sans soliciter personne en particulier,
quoy qu’il fut bien informé, que ses ennemis
passoient les iours & les nuicts entieres à briguer
les Messieurs pour leur demander leurs suffrages
contre Monsieur le Prince, interessant à leur ordinaire,

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l’authorité Royalle dans tout ce qui concerne
leurs interests particuliers, ou ceux du Cardinal
Mazarin leur Maistre. Neantmoins Monsieur
le Duc d’Orleans & le Parlement tesmoignerent
tant de fermeté dans cette rencontre que les
défiances de Monsieur le Prince ne furent pas seulement
trouuées legitimes, mais les demandes
qu’il faisoit pour sa seureté, conneuës si justes, que
l’esloignement du Tellier, de Seruient, & de Lyonne
fut jugé estre si necessaire pour le bien de l’Estat,
& la tranquilité des peuples, qu’il fut authorise
par vn Arrest solemnel, appuyé mesmes des
suffrages des ennemis de Monsieur le Prince, &
vniuersellement suiuy des acclamations de tous
les peuples.

 

Cependant les Courriers alloient & venoient
continuellement de Cologne à Paris, pour donner
des aduis au Cardinal Mazarin de tout ce qui se
passoit, & pour receuoir les ordres que l’on deuoit
tenir pour y remedier : Le Duc de Mercœur
venoit d’en arriuer, & vouloit introduire en France
la niepce du Cardinal Mazarin sa femme par la
mesme porte qu’il auoit promis à son oncle de luy
ouurir bien tost, sans auoir esgard ny aux Arrests
du Parlement, ny aux Declarations du Roy, &
sans craindre la haine que le peuple pourroit auoir
pour vn tel commerce ; ils ne cessoient point d’agir
pour ce suject par les ordres qu’ils receuoient tous
les iours de ce mauuais Ministre.

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Monsieur le Prince reïtera ses plaintes au Parlement
sur ce mesme sujet, representa que la
Cour n’estoit animée que par l’esprit du Mazarin,
& qu’il y gouuernoit presentement auec plus
d’authorité qu’il n’auoit encores jamais fait, qu’il
tentoit mesme des voyes plus dangereuses, n’estant
plus en danger d’estre chassé par le peuple,
comme il estoit lors qu’il estoit present dans les
Conseils du Roy, d’où son esprit & ses mauuais
auis n’auoit jamais party. Les preuues en estoient
si euidentes, & la relation que Monsieur le Prince
en fit si certaine, que la Cour y voulut remedier
par ses Arrests.

Le Mazarinisme se voyant dans cette conjoncture
sans ressource & leur perte ineuitable, si l’on
ne formoit quelque obstacle à la poursuitte de
Monsieur le Prince, pour differer le succez d’vn si
bon dessein jusques à la Majorité, qu’ils ont tousjours
creu estre leur port de salut. Dans le moment
que le dernier coup deuoit estre donné à toute
cette malheureuse secte, l’on trouua moyen de
faire auec la Reyne, que sa Majesté manderoit
toutes les Cours Souueraines, & tous les Corps de
Paris, pour leur lire ce discours diffamatoire contre
Monsieur le Prince, si prejudiciable à l’integrité
d’vn Roy, & si contraire à la verité qui doit
estre dans tout ce qui porte le nom de sa sacrée
Majesté.

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Monsieur le Prince s’en est si glorieusement justifié,
que malgré toutes les brigues de ses ennemis,
cét escrit n’a passé que pour vne pure calomnie
de l’inuention des Partisans du Cardinal Mazarin,
pour obliger Monsieur le Prince à sortir de
Paris, ou pour empescher que la justice n’acheuast
d’exterminer cette maudite race infectée du venin
de leur Maistre, & née pour les desordres.

Ces seditieux s’estoient persuadez, que puis que
Monsieur le Prince s’estoit retiré à S. Maur sur vn
simple soupçon, il pourroit bien s’esloigner dauantage
quand il verroit clairement par ce libelle
qu’on n’espargnoit rien pour le perdre, puis que
cét écrit luy en donnoit des preuues si euidentes.

Monsieur le Prince pour se fortifier dans la resolution
qu’il auoit faite de ne point abandonner
Paris, pour s’opposer à l’entrée que le Cardinal se
preparoit d’y faire auec tant de pompe, ne fit que
mettre la main sur sa conscience sans s’allarmer
d’vne telle imposture, & la trouuant saine & nette,
apres les serieuses reflections qu’il fit sur toutes
les actions de sa vie, Il n’eut pas de la peine à se
confirmer dans ce sentiment contraire à celuy de
ses amis, qui luy representoient que l’innocence
n’auoit pas tousiours esté à l’espreuue des accusations
d’vn Souuerain animé dans la personne de
ses Subjets. Mais ce grand Prince sentit la sienne
si exempte de toute sorte de crime qu’il voulut

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l’emporter par la seule sincerité de son ame sur les
aduis de tous ceux qui estoient auprés de sa personne,
pour auoir la gloire d’en estre justifié à la face
de toute l’Europe.

 

Les entreprises des Mazarins prenant de cette
maniere vn aussi mauuais chemin pour eux, qu’ils
auoient de mauuais desseins pour Monsieur le
Prince, tenterent le dernier remede, & apres auoir
fait differer l’Arrest que le Parlement deuoit donner
pour son innocence iusques aux derniers iours
de la Minorité ; ils donnerent en suitte d’iceluy, vne
Declaration pour la justification de Monsieur le
Prince, qui n’estoit conceuë en des termes si aduantageux,
que pour l’attirer le iour de la Majorité
au piege qu’on luy auoit tendu pour se saisir de
sa personne, ou le poignarder si l’on y trouuoit de
la resistance.

Qui est celuy de tous les hommes qui peut blasmer
la retraitte que Monsieur le Prince fit ce iour à
la veuë d’vne telle conspiration faite contre sa personne ?
puis qu’il en eut des aduis si certains, que
n’en pouuant point douter, il fut contraint par cette
necessité de se conseruer, de ne se point trouuer
où son deuoir l’appelloit par sa naissance, si l’on
eut pû trouuer de seureté pour sa personne dans la
confiance & les asseurances que l’on doit trouuer
dans les paroles Royales, que les Partisans du
Cardinal Mazarin rendent desormais aussi peu dignes

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de foy que les leurs le sont. Dans cette rencontre
on ne peut accuser Monsieur le Prince, que
de ne s’estre pas acquité de son deuoir auec beaucoup
de prudence, puis qu’apres auoir esprouué
vne prison de treize mois, qu’il eut pû esuiter s’il
n’auoit eu trop de confiance aux asseurances que
la Reine luy donnoit du contraire, il ne se trouue
plus en estat de mespriser des aduis qu’on luy donne
pour sa conseruation, dans vn temps où l’on ne
voit que de ses ennemis à la Cour, ny que les
creatures du Cardinal Mazarin qui ayent la liberté
de parler au Roy, afin de leur laisser le pouuoir
entier de donner à sa Majesté, entrant dans sa Majorité,
toutes les impressions qu’ils voudront, sans
en pouuoir estre dissuadé par les remonstrances
que les gens de bien eussent pû faire au Roy sur la
sincerité des intentions de Monsieur le Prince.

 

Cependant les Mazarins voyans que s’ils n’auoient
point reüssi dans le dessein d’arrester Monsieur
le Prince, il falloit neantmoins se seruir du
fruit de cette resolution le mieux qu’il leur seroit
possible, ne manquerent pas de faire passer cette
action dans l’esprit du Roy pour vn crime des plus
enormes qu’vn subjet puisse jamais commettre
contre l’obeïssance & le respect qu’il doit à son
Souuerain. Et ces malins esprits qui taschent incessamment
de changer en crime d’Estat les plus
saines pensées de Monsieur le Prince, ont pris de

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tels auantages de l’effet de cette derniere entreprise
sur sa persõne, qu’ils ont fait resoudre le Roy de
le pousser à bout & de le perdre, sans cõsiderer que
toute la France s’y trouue entierement interessée,
& qu’ils entreprennent la ruine d’vne personne
que tous les peuples sont obligez de venger ; puis
que le seul sujet de la haine que l’on a pour ce Protecteur
des pauures à la Cour, n’a point d’autre
fondement, que d’auoir arresté le cours des entreprises,
que les amis du Cardinal auoient faites
pour le rappeller, & parce que ce Prince continuë
maintenant dans le genereux sentiment qu’il a
tousiours eu depuis sa liberté, de souffrir toutes
choses pour le soulagement des peuples, qu’il veut
nous procurer au hazard de sa propre vie & de celle
de ses amis.

 

Monsieur le Prince jugeant bien que ces ennemis
se preuaudroient de cét aduantage, voulut informer
le Roy par vne lettre qu’il luy escriuit du
sujet de son absence à l’action de sa Majorité ; &
ayant apris que les sollicitations des amis du Cardinal
l’auoient emporté par leurs souplesses ordinaires,
par dessus ses veritables & legitimes excuses,
supplia son Altesse Royale de demander deux
jours à la Reine pour accommoder toutes choses,
& pour luy tesmoigner qu’il ne verroit pas si peu
de jour pour sa seureté, qu’il ne se soûmist incontinent
aux volontez du Roy auec tout le respect

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& de soumission.

 

Les Mazarins qui auoient obsedé la Reine, &
qui auoient promis que le Mareschal d’Aumont
(grand amy & conducteur du Cardinal, à Cologne)
defferoit absolument dans deux jours les
troupes de Monsieur le Prince, si l’on luy donnoit
le Breuet de Duc, qu’on luy expedia sur le champ,
sur les protestations qu’il fit de reussir ; & que par
cette deffaite on osteroit toutes les forces à Monsieur
le Prince ; en suitte dequoy, il leur seroit
bien facile de le perdre ; Firent si bien conceuoir
ces esperances à la Reine, (qui estoit en impatience de
voir son Sicilien) qu’elle respondit que bien loin de
donner deux jours pour vn accommodement si
important, elle seroit bien faschée d’accorder
vne heure ; tant le temps est cher à ceux qui aiment bien.

Voila la necessité qui a contraint Monsieur le
Prince de se retirer à Bordeaux. Ie demande aux
plus desinteressez du monde ce qu’ils feroient
dans vne pareille rencontre, & ie voudrois apprendre
d’eux, à quoy doit vn subjet se resoudre
voyant son Souuerain animé contre soy par les
continuelles sollicitations de sa Mere, qui fulmine
contre Monsieur le Prince toute sorte de maledictions ;
qui ne trouue point de ressort (que l’amitié
qu’elle a pour le Cardinal Mazarin, ne luy fasse
jouer) qui met au hazard la fortune de son Fils
pour asseurer celle de son Fauory qui pour perdre

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celuy qui veut sauuer l’Estat des mains d’vn
Tyran Estranger, establit vn Conseil choisi d’entre
les plus grands amis de son Maz. ceux qui haïssent
le plus M. le P. sans considerer, ny leur naissance,
ny leur probité, ny leur suffisance, ny l’intelligence
qu’ils deuroient desja auoir au maniement
des affaires d’Estat ? On les nomme, on les
place, on les met en possession de leurs Charges,
& l’on leur donne l’entiere administration de toutes
choses, sans en conferer auec Monsieur le Duc
d’Orleans, qui n’entre point non plus que Monsieur
le Prince, en connoissance de tout ce qui se
resoult dans les Conseils du Roy, depuis que ces
Partisans du Cardinal Mazarin ont la disposition
absoluë de nos biens, de nos fortunes, & de nos
vies entre leurs mains ; pour ne vouloir point
auoir part à de si pernicieux desseins qu’ils font
prendre à sa Majesté au hazard de son propre Estat,
parce qu’ils sont seulement vtiles au restablissement
de leur Maistre & à celuy de leur grandeur,
descheuë plusieurs fois en punition des crimes
d’Estat qu’ils ont souuent commis pour trauailler
à leurs propres interests, par la perte de ceux de la
Couronne. Enfin tout ce qu’il y a du sang Royal
est aujourd’huy banny de la Cour, pour introduire
à leur place des personnes entierement desuoüées
au Cardinal Mazarin, par l’attachement
qu’elles ont promis à son restablissement, lors

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que ce Sicilien les a esleuës pour remplir des places,
dont on deuroit les chasser honteusement par
cette seule raison, qu’ils n’y ont esté esleuez, que
parce qu’on les a veus en dessein d’interesser la
fortune du Cardinal dans celle de l’Estat, ne faisant
point difference des choses qui ne sont que
contre ce Ministre, d’auec celles qui ne sont que
l’authorité Royale qu’ils attachent maintenant
ensemble ; afin que ceux qui voudront seulement
agir contre le Mazarin ne puissent le faire sans
agir contre le seruice du Roy, faisant de l’authorité
de sa Majesté, & de celle du Cardinal qu’ils
veulent restablir, la puissance indiuisible du Souuerain,
que nul ne peut separer à leur mode sans
se rendre criminel d’Estat. Pour couper court
ceux qui font semblant aujourd’huy de releuer
l’authorité Royale, l’abaissẽt d’vne telle sorte, qu’il
n’y a point de crocheteur dans Paris qui voulust si
honteusement prostituer sa volonté. Le Cardinal
Mazarin agit, le Roy luy sert d’instrument ; Le
Cardinal Mazarin commande, le Roy luy obeït ;
Le Cardinal Mazarin enuoye ses ordres, le Roy
les reçoit ; Le Cardinal Mazarin emprunte le nom
du Roy pour desguiser ses crimes, le Roy y consent ;
Le Cardinal Mazarin veut perdre Monsieur
le Prince ; il agit de Cologne pour cela le Roy
luy donne la main, le Roy luy obeït, le Roy suit
ses ordres, le Roy luy preste son nom, & s’attribuë

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à soy la poursuitte qu’il fait à ce seul Ministre
& ses adherans ; Enfin le Roy marche pour deffendre
la querelle de Mazarin, à la veuë d’vne telle
conspiration concertée depuis si long temps,
conduite auec tant de precautions, & finalement
poursuite auec tant de vehemence ; peut-on blasmer
la retraitte de Monsieur le Prince, faite auec
tant de sujet, resoluë pour de si bons desseins, &
executée pour esuiter tant de maux ? Il n’appartient
qu’à vn tel Prince de former des desseins si
genereux ; C’est à ce coup que la tyrannie va trouuer
sa pierre d’achopement ; C’est à ce coup que
le peuple va receuoir le soulagement qu’il espere
depuis tant d années ; C’est à ce coup que le
Mazarinisme va perir ; & enfin c’est par ce coup
que Dieu veut nous deliurer des maux que nous
souffrons depuis si long-temps, par les mains de
Monsieur le Prince, qui par la necessité qu’il a
d’armer contre les ennemis de l’Estat, pour se
deffendre de leurs persecutions, veut par mesme
moyen establir le repos dans le Royaume par
la Paix generale, soulager les peuples par le rabais
des imposts & la perte des Maltotiers ; restablir
l’vnion dans les Prouinces par le restablissement
d’vn Conseil choisi par la pluralité des voix, de
personnes dont la probité soit connuë de tout le
monde ; raffermit la Monarchie par l’expulsion
des Tyrans ; & rasseurer l’authorité Royale, par

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la bonne intelligence des subjets auec le Souuerain,
& l’amitié que les peuples auront pour des
personnes que le Roy choisira pour son Conseil,
qui ne seront point suspectes, ny attachées
à leurs propres interests. Ce sont les promesses
de ce grand Prince, ce sont les protestations
qu’il nous fait, & c’est la Declaration que le
Parlement de Bordeaux en a receu ; auquel
Monsieur le Prince a juré de ne rien faire contre
le seruice du Roy, protestant n’auoir d’autre
dessein, que de chasser les restes du Mazarin,
de desliurer la Personne du Roy d’entre les mains
de ses creatures, & d’establir vn Conseil de gens
de bien, sans y demander place pour nul de ses
amis.

 

Il y a long-temps, que toute la France souhaitte
auec passion que Monsieur le Prince mette
la main à l’œuure pour la conduire à bon
poinct, sçachant bien qu’il n’y a point d’autre
personne dans le Royaume qui peut mieux reüssir
que luy ; tout le monde se plaignoit qu’il ne
se declaroit pas assez ouuertement, & qu’il n’auoit
qu’à parler pour le peuple, que hommes &
femmes le suiuroit : il est temps de songer à ce
que nous deuons faire, il trauaille pour nous, il
se declare pour nous, & il prend les armes pour
nous, & pour le seruice du Roy, puis que c’est
pour le soulagement de ses subjets. On veut le

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perdre parce qu’il nous veut deffendre, il n’est
pas juste que nous en soyons mesconnoissans,
& nous deuons perdre la vie pour celuy qui la
hazarde pour nous.

 

FIN.

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Anonyme [1652 [?]], REFLECTION SVR LA CONDVITE DE MONSIEVR LE PRINCE. PAR LAQVELLE L’ON PEVT CONNOISTRE la fin de ses desseins dans la recherche de toutes ses actions examinées auec beaucoup de soin depuis sa liberté iusques à present. , françaisRéférence RIM : M0_3059. Cote locale : B_20_20.