Anonyme [1649], RECIT EXACT ET FIDEL DE CE QVI S’EST PASSÉ A LA CONFERENCE DE RVEL, Pour la Negotiation de la Paix. , françaisRéférence RIM : M0_2996. Cote locale : E_1_19.
Section précédent(e)

RECIT EXACT
ET FIDEL
DE CE QVI S’EST PASSÉ
A LA
CONFERENCE
DE RVEL,
Pour la Negotiation de la Paix.

A PARIS
Chez NICOLAS BESSIN, Imprimeur & Libraire, au Palais,
en l’allée S. Michel : Et ruë des Carmes,
au mont S. Hilaire.

M. DC. XLIX.

AVEC PERMISSION.

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RECIT EXACT ET FIDEL
de ce qui s’est passé à la Conference de Ruel, pour
la Negotiation de la Paix.

Nous arriuasmes Ieudy à Ruël ; sur les quatre heures
nous fusmes arrestez à la porte S. Honoré deux heures
au moins, pendant lequel temps les Bourgeois visiterent
nostre bagage : Aussi-tost nostre arriuée Monsieur
de Sainctot vint chez Monsieur le premier President
qui loge au logis de Monsieur Croiset. Comme
il n’y auoit auec luy que cinq de Messieurs, il nous dist, que Monsieur
le Duc d’Orleans attendoit les Deputez pour commencer la
Conference qui se deuoit faire auec luy, auec Monsieur le Prince,
Monsieur le Cardinal, Monsieur le Chancelier, & autres du Conseil :
Que Monsieur le Prince seroit à la gauche, & le Parlement &
les autres Compagnies en suitte. Monsieur le premier President dist
qu’il voyoit d’abord deux difficultez en cette proposition, l’vne pour
la personne de Monsieur le Cardinal, & l’autre pour la seance, qu’il
alloit assembler Messieurs les Deputez de toutes les Compagnies
pour en deliberer ; ce qu’ayant esté fait à l’instant, il fut resolu qu’on
diroit audit sieur de Sainctot que la Compagnie ne pouuoit entrer
estant retourné, & fait entendre sa creance, rapporta à la Compagnie,
que la Reyne desiroit qu’il y fust, & que l’ayant choisi pour Deputé,
le Parlement ne deuoit le trouuer mauuais, puis que l’on
n’empeschoit pas que tous ses Deputez ne fussent à la Conference,
& que ce n’estoit point aux subiets à donner la loy à leur Souuerain ;
qu’on eust à declarer si l’on n’entendoit pas qu’il y fust, auquel cas
Monsieur le Duc d’Orleans s’en retourneroit à S. Germain. Les Deputez
préuoyant que cette response alloit à la rupture de la Conference,
prierent ledit sieur de Sainctot d’aller dire à Monsieur le Duc

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d’Orleans qu’il trouuast bon que l’Assemblee luy rendist ses deuoirs,
& que deux d’icelle l’informeroient des raisons pour lesquelles la
Conference ne pouuoit estre faite auec ledit sieur Cardinal. Monsieur
le Duc d’Orleans repliqua, qu’il n’estoit point venu pour receuoir
des complimens ; qu’il estoit venu pour donner la paix à la
France, & que cela pouuoit estre fait en demy heure ; qu’il falloit que
le sieur Cardinal fust à la Conference. Les Deputez luy manderent
qu’ils n’y pouuoient consentir, qu’ils le prioient de trouuer bon
que deux de Messieurs luy fissent entendre les Motifs de l’Assemblée.
Monsieur le Tellier fut enuoyé de sa part pour aprendre ses Motifs, &
les demanda à Monsieur le premier President, qui luy dist en presence
de tous Messieurs, que l’Assemblée ne le pouuoit admettre à la
Conference, pource qu’il auoit esté declaré Perturbateur du repos
public, que c’estoit l’ennemy commun, & que c’estoit contre luy
que se faisoit la Conference. Ledit sieur le Tellier dist, que si l’Assemblée
entendoit que ledit sieur Cardinal ne fust point admis à la
Conference, qu’il auoit charge de mondit sieur de dire qu’il s’en retourneroit
à S. Germain, & que nous pouuions retourner à Paris ; &
repetant cela par trois fois, il se retira disant, que Monsieur alloit
monter en carrosse. Les Deputez resolurent aussi de s’en retourner à
Paris le lendemain, & de demander l’escorte pour cela ; chacun se
retira chez soy. Le lendemain Vendredy estans leuez, nous donnasmes
ordre de charger nostre bagage, & allâmes à la Messe, au
retour de laquelle nous nous assemblâmes tous chez Monsieur le premier
President, où fut proposé que Monsieur ne s’en estant point allé,
il y auoit apparence de croire que l’esperance de renouër la Conference
n’estoit perduë, & sur cela chacun mist des propositions en
auant, sur lesquelles comme on commençoit à deliberer vint le sieur
de la Roussiere à la porte de la Chambre pour parler à Monsieur le
President de Mesme, qui luy dist, que son Altesse Royalle desiroit
parler à Monsieur le premier President & à luy : En suitte dequoy fut
mis en deliberation s’il y deuoient aller, & fut arresté par l’Assemblée
qu’ils iroient pour entẽdre ce que sadite A. R. auoit à leur dire.
L’apresdinée l’Assemblée estant continuée chez Mr le premier Presidẽt,
il nous dist, que pour obuier à la difficulté que l’on faisoit d’admettre
le sieur Cardinal, l’on proposoit de donner deux Deputez de
la part de la Reine, & deux de la part de l’Assemblée, qui dans vne

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chambre particuliere de son A. R. qui est le Chasteau de Ruël, confereroient
sur les propositions qui estoient à faire de part & d’autre,
& raporteroient aussi aux Deputez de part & d’autre ce qui auroit
esté proposé, pour en deliberer & en porter la response aux mesmes
Deputez, qui seroient les vns dans vne chambre dudit Chasteau, &
les autres dans vne autre. Comme cette proposition s’alloit mettre
en deliberation, est suruenuë la lettre de l’vn de Messieurs du Parlement,
laquelle a vn peu surpris l’assemblée, apprenant que l’on n’auoit
point eu de bleds à Paris. La proposition deliberée, a esté arresté
que l’on se transporteroit chez son A. R. pour luy rendre les
respects, que l’on nommeroit des Deputez pour conferer auec les
siens, & que nostre Assemblée seroit au logis de Monsieur le premier
President, que les Deputez d’icelle iroient au Chasteau le
iour suiuant & autres de la Conferance, & rapporteroient à l’Assemblée
qui se tenoit au logis dudit Sieur premier President, & qu’ils le
confereroient, & que pour la premiere fois que l’õiroit chez son A.
R. que l’on entreroit en Cõferance, & que l’on ne parleroit que d’auoir
les bleds promis pour le Mercredy, Ieudy, Vendredy, & Samedy.
Aussi/tost la resolution prise, nous nous sommes transportez au
Chasteau, où Monsieur le premier President a fait vn petit discours
à Monsieur le Duc d’Orleans, en presence de Monsieur le Prince,
Monsieur le Chancelier, Monsieur de la Meilleraye, Monsieur le
Tellier, Monsieur de la Riuiere, Monsieur de Brienne, & le sieur
Cardinal vn peu esloigné & proche de la cheminée, qui sont les Deputez
de le part du Roy. Le compliment fait, nous auons laissé son
A. R. en sa chambre : De là sommes passez en vne où les Deputez de
part & d’autre se deuoient assembler, & de là en vne autre, où nous
deuions estre. Là estans assis, on a nommé pour Deputez pour la
Conferance pour le premier iour Monsieur le President le Coigneux
& Monsieur le President Violle. Sur ce le Sieur de Sainctot est venu
nous dire, que Monsieur le Chancelier & Monsieur le Tellier estoient
nommez par son A. R. Aussi-tost lesdits Sieurs Presidents le
Coigneux & Violle ont eu charge de se plaindre de l’inexecution de
la promesse pour les bleds ; & cõme ils partoient Monsieur de Champlastreux
est entré porteur de lettres du Sieur Lesné Intendant à
Corbeil, lesquelles luy auoient esté baillées par Monsieur le Prince,

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par lesquelles on pretendoit iustifier de la diligence faicte pour lesdits
bleds ; mais cette lettre ne nous iustifioit rien de la liuraison.
Apres plusieurs allées & venuës, nous auons obtenu quatre cens
muids de bled pour lesdits quatre iours, moitié de Lagny, moitié de
Corbeil, & à cette fin tous passe ports ont esté accordez, & mis entre
les mains d’vn des Escheuins pour y veiller & donner aduis dés
auiourd’huy ; mais les cent muids du Mercredy ne nous ont esté accordez
qu’à la charge qu’à l’heure mesme nous receurions les propositions
& baillerions les nostres pour en deliberer. Ayant remis
au lendemain nostre proposition, l’on a demandé l’ouuerture des
passages pour toutes sortes de viures : la leur a esté que le Parlement
iroit à S. Germain pour faire sa fonction pendant vn temps,
apres lequel le Roy le congedieroit, qu’il ne feroit d’assemblées de
Chambres de trois ans que pour Mercurialles & receptions ; qu’il
n’assisteroit à l’assemblée des chãbres que ceux qui auroient vingt
ans de seruice, & que l’Assemblée ne seroit faicte que par la resolution
de la grand Chambre : les Deputez ont commis pour dresser
nos propositions Messieurs les Presidens le Coigneux, Violle, de Longueil
de Paris, de Bragelonne & Fournier.

 

Le Samedy à dix heures du matin Monsieur le premier President
n’a pû estre à la Conferance à cause de sa maladie ; cela fut cause que
nous allâmes au chasteau, & entrâmes en la Chambre de nostre Assemblée
par vn escallier qui est à l’entrée de la porte sans estre veus
que de peu de personnes ; & montâmes droit en nostre chambre.
Les Deputez ayans pris place, Monsieur le President de Mesme dist
que Monsieur le premier President luy auoir enuoyé vne lettre qui
venoit de la part de Monsieur le President de Bellieure, & auoit esté
apportée le Vendredy au soir par Monsieur de la Roussiere premier
Gentil-homme de la Chambre de Monsieur le Prince de Conty.

Aussi-tost la Compagnie sans deliberer, demeura d’accord que
les Deputez du iour precedent iroient parler aux autres Deputez
pour se plaindre de l’inexecution des promesses du bled, & fut dit
par eux que l’ordre auoit esté donné, que l’on le pouuoit executer,
& qu’ils estoient prests d’abondant de donner nouueaux ordres &
nouueaux passeports, & a esté donné charge aux Escheuins pour y
tenir la main : Ce fait on a leu les propositions qui auoient esté dressées

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par Messieurs lesdits Deputez cy dessus mommez, qui estoient
en ces termes.

 

Leurs Maiestez sont tres-humblement suppliées d’accorder dés
à present l’ouuerture des passages pour toutes sortes de viures &
denrées, comme aussi la liberté du commerce de l’vn à l’autre, estant
absolument necessaire pour la conseruation de la capitalle Ville du
Royaume.

Leurs Maiestez sont aussi tres-humblement suppliées pour paruenir
à la paix generalle de vouloir deputer des personnages de probité
& suffisance, entre lesquelles il leur plaira choisir aucuns Officiers de
son Parlement.

Comme aussi le retour du Roy dans Paris, ce qui peut le plus calmer
les esprits & restablir la tranquillité publique, leurs Maiestez
sont tres humblement suppliées d’honnorer Paris de leur presence
aussi-tost que la Conferance sera terminée.

Et ayant esté deliberé si elles estoient trouuées bonnes, il a passé
toute d’vne voix qu’ouy, & aussi-tost ont esté portées aux Deputez
de l’autre costé ; & puis on a fait lecture des propositions données de
la part de son A. R. qui estoient en ces termes.

Le Roy ayant transferé la seance du Parlement à Montargis pour
les raisons qu’il a cy-deuant assez declarées, & depuis trouué bon
que lesdits Officiers se rendissent dans trois iours à S. Germain pres
sa personne pour y tenir son lict de Iustice, Sadite Maiesté veut que
ladite translation soit executée, & pour cét effect donner toutes
sortes d’asseurances pour les personnes, charges & biens desdits
Officiers, lesquels demeureront & seront la fonction de leurs charges
pres la personne de sa Maiesté iusques à ce que par icelle en aye
esté autrement ordonné.

Qu’il ne sera fait aucune Assemblée des chambres dudit Parlement
pendant trois années sans la permission expresse de sa Maiesté,
si ce n’est pour les Mercuriales & receptions d’Officiers de la Compagnie,
sans qu’esdites Assemblées il puisse estre traicté d’autres affaires ;
lesdites trois années passées nul desdits Officiers du Parlement
ne pourra se trouuer esdites Assemblées qu’apres vingt années
de seruice toutes les Chambres ne pourront estre assemblées
pour quelque cause & occasion que ce soit qu’elle n’aye esté iugée
legitime par la grande Chambre, à laquelle seulle appartient d’en
iuger.

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Sur lequelles ayant deliberé il a passé tout d’vne voix que l’on n’y
pouuoit entendre ; & cette response a esté ainsi portée aux Deputez
de son A. R. Auant que de se retirer il a esté dit, que le Sieur de la
Roussiere aussi-tost son arriuée, auoit eu des gardes, qu’il n’auoit pû
déposer la creance qu’il auoit vers le Parlement, & que l’on l’auoit
fait loger chez Monsieur le Tellier, il a esté trouué à propos de demander
qu’il eust liberté de venir exposer sa creance, de faire plainte
de ce qu’il auoit esté arresté : ledit Sieur le Tellier a dit, que ledit
Sieur de la Roussiere estant homme de condition pouuoit estre venu
pour negocier autre chose que le fait de simples lettres, & que c’estoit
la façon d’en vser ainsi aux personnes de condition ; neantmoins
si l’on desiroit l’entendre que l’on le feroit venir : & cela ayant
esté resolu, ledit Sieur de Sainctot l’est allé querir, & estant entré &
baillé seance derriere Monsieur le President le Coigneux, il a dit,
qu’il n’a autre chose à dire à la Compagnie que ce qu’il auoit dit à
Monsieur le premier President, que c’estoit pour le faict dés bleds ;
ce fait il s’est retiré.

L’apresdinée la Compagnie s’est derechef transportée au Chasteau
en la mesme chambre, où estant assis pour attendre la response de
son A. R. sadite A. R. Monsieur le Prince & Monsieur le Tellier
sont entrez à l’impourueu dans la chambre : sadite Altesse s’approchant
au millieu de la table estant debout couuert, & les autres demeurez
debout & nuës testes, a dit, qu’il auoit rendu reponse sur
nos demandes, & qu’il auoit accordé ce qui luy auoit esté demandé,
& que nous ne luy auions point fait de response sur les siennes,
& que c’estoit des longueurs affectées, & qu’il nous venoit dire pour
derniere resolution que le Roy se departoit de la translation du
Parlement à S. Germain, & se contentoit que le Parlement y allast
en corps pour y estre tenu par le Roy en son lict de Iustice, &
authoriser la Declaration qui seroit faicte en cas que nous voulussions
conclure la Paix ; laquelle Declaration seroit concertée auec
nous, & ne contiendroit que ce dont nous tõberions d’accord, que
le Roy remettoit les trois ans de defenses d’assemblees à deux ans, &
les vingt ans de seruice d’assister aux assemblées à dix années, & qu’il
y auoit vn reglement pour la Tournelle de deux ans de seruice
qui pouuoit donner exemple à celuy là ; que nous eussions à luy en

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rendre response dans le lendemain huict heures du matin, autrement
qu’il s’en iroit à S. Germain, & que nos passeports seroient
prests pour retourner à Paris ; Qu’il protestoit que nous serons responsables
de tous les malheurs qui arriueroient à la France si l’on
ne satisfaisoit à ce qu’il desiroit de nous : Monsieur le Prince a fait la
mesme protestation contre nous. Monsieur le President de Mesme
a respondu fort genereusement, & en substance a dit, que la Compagnie
auoit sujet de remercier sadite Altesse de la bonté qu’elle
auoit tesmoignée, la supplioit de la vouloir continuer & de ne pas
croire qu’elle eust apporté des longueurs, qu’elles ne procedoient
point de la part des Deputez, mais plustost de l’inexecution des
promesses qu’on leur auoit données, n’y ayant eu aucuns viures
amenez à Paris iusques à ce iour. Monsieur le Duc d’Orleans &
Monsieur le Prince ont interrompu, & ont dit, qu’ils n’estoient
point marchands de bled, & que c’estoit assez d’auoir expedié
des passeports pour cet effet. M. le President de Mesme a reparty,
que pour la premiere proposition touchant la translation du Parlement,
qu’il n’y auoit point d’exemple ; que s’il n’estoit question que
de soubmissions, le Parlement n’auoit jamais manqué d’en faire,
& qu’ils souhaiteroient les faire comme bons & fidels subjets &
Officiers : Pour la defense des Assemblées, que cette proposition
sembloit contraire à l’establissement du Parlement ; Que qui disoit
Parlement disoit Conference & Assemblée ; Que lors de la Ligue
Messieurs des Enquestes auoient beaucoup contribué à l’affermissement
de la loy Salique par l’Arrest qu’ils auoient donné, qui
auoit asseuré la Couronne du defunct Roy Henry le Grand son
pere, qui en auoit tesmoigné depuis toute sorte de gratitude à la
Compagnie. Ce discours continuant plus auant, Monsieur le Duc
d’Orleans a derechef interrompu, & a dit, que la Compagnie auoit
entendu ce qu’il auoit dit, & l’a encores repeté ; Et Monsieur le
Prince a dit, que ce qui auoit esté en ce temps-là auoit esté fait
courageusement, & que l’on en auoit sceu gré à ceux qui l’auoient
fait, mais que le temps estoit changé, & que les affaires du Roy
requeroient ce que Monsieur le Duc d’Orleans desiroit fust executé,
& sur cela se sont retirez de la compagnie : N’ayant pas bien pris
les termes de la proposition faite par son Altesse Royale, & trouuant
quelque difficulté à l’intelligence des propositions on a enuoyé par
deux fois les Deputez pour prendre les propositions par escrit,

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mais cela leur ayant esté refusé, ils les ont raportées intelligiblement
aux termes cy-dessus. Ce fait on a leu les Apostilles
qui auoient esté mises sur nos propositions, dont la taneur ensuit.

 

1. Sa Majesté l’accorde tres-volontiers pour estre executé dés le
moment que le Parlement aura rendu au Roy l’obeissance qu’il luy
doit, & n’oubliera rien pour faire que le commerce & toutes sortes
d’abondances soient restablies dans la capitalle du Royaume au
plus haut point qu’elle ayt jamais esté.

2. Sa Majesté l’accorde aussi tres-volontiers, & ne fera rien en cela
qu’elle n’aye pratiqué par le passé, ayant employé à la negociation
de la paix à Munster Messieurs Dauau & Seruien, qui sont personnes
de suffisance esprouuée ; Que si les Espagnols se disposent à vouloir
traiter la paix à Munster ou sur la frontiere, à quoy la fin des desordres
presens contribuëroit beaucoup, qui despend de l’obeissance
du Parlement, sa Majesté y enuoyera au plustost ses Deputez, & fera
l’honneur à la Compagnie de choisir quelqu’vn dans son Corps.

3. Sa Majesté l’accorde encores tres-volontiers, & à plus d’impatience
que qui que ce soit de retourner à Paris, ce qu’elle fera dés
que les choses seront en l’estat qu’elles doiuent estre, ayant non seulement
entiere disposition à pardonner les fautes des habitans de
ladite ville, mais mesmes à leur confirmer leurs priuileges, & les
faire iouyr comme tous les autres peuples du Royaume de toutes
les graces qu’elle leur a departies, & nommément de celles qui sont
portees par la Declaration du mois d’Octobre dernier.

Aussitost la Compagnie a proposé ce qu’il y auoit à faire sur les
propositions de son Altesse Royalle, & d’vn commun-vœu à iugé
qu’il falloit en remettre la deliberation au lendemain en presence
de Monsieur le premier President ; Et les Deputez ont esté enuoyez
à Monsieur le Duc d’Orleans pour le prier de le trouuer bon, lequel
a fait response que nous auions desia deliberé sans Monsieur
le premier President, & que nous le pouuions faire encore, attendu
que l’affaire pressoit. Aussi-tost la Compagnie s’est transportée
chez mondit sieur le premier President qui venoit d’estre seigné ;
Monsieur le President de Mesme a eu ordre de l’aller trouuer pour
luy demander s’il auoit agreable que la deliberation d’vne affaire si
importante se fist en sa presence, & a raporté à la Compagnie que
si on vouloit remettre la deliberation au lendemain mondit sieur

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le premier President y assisteroit, Sur ce la question s’est meuë, si
on la delibereroit ou si on la remettroit au lendemain ; la resolution
fut prise de deliberer le lendemain à sept heures precises pour en
rendre response à son A. R. sur les neuf heures, & les Deputez priez
d’aller chez Monsieur le Tellier pour en informer sadite Altesse
Royale : & le supplier de le trouuer bon, lequel a témoigné auoit
agreable la forme de la Conference, qui a esté telle que le sieur de
Sainctot estoit hors de la Chambre où nous nous assemblions dans
vn passage, lequel attendoit les Deputez, lesquels estans rentrez
dans ledit passage, ledit sieur de Sainctot va aduertir Monsieur le
Chancelier & M. le Tellier qui sont en la Chambre de son A. R. lesquels
viennent à la Chambre de la Conference des Deputez, s’assient
du costé du feu à vne table, & nos Deputez de l’autre costé, &
là ils font les propositions de part & d’autre.

 

Le Dimanche 7. Mars 1649. du matin, Messieurs les Deputez
estans assemblez chez Monsieur le premier President, Monsieur le
President de Mesme a fait lecture d’vne lettre enuoyée ausdits Deputez
par Messieurs Barenne & Andree Conseillers Deputez
du Parlement d’Aix, au Parlement de Paris, auec les articles contenant
leurs pretentions.

MESSIEVRS,

Ayant receu l’aduis de l’arresté de vostre Compagnie du dernier du passé
pour la Conference de Ruel, nous ayant fait l’honneur d’y comprendre les
interests de la nostre, suiuant ce qui nous a esté prescrit, nous vous adressons
les articles & pretentions de nostre Corps conformes aux instructions &
pouuoirs à nous enuoyez necessaires pour establir le repos auec le seruice du
Roy en nostre Prouince : Et comme il vous a plû agreer l’vnion de nostre
Corps auec le vostre, nous esperons, Messieurs, de vostre zele & bonne volonté
que vous prendrez le soin de nous procurer de la bonté du Roy & de la
Reine Regente le contenu ausdits articles, & les passe-ports pour en faire instance
à l’esgal des autres Compagnies ; & d’autant qu’on pourroit aduancer
que nostre Compagnie a voulu traiter, nous vous asseurons, Messieurs,
auoir aduis certain qu’elle a surcis à toutes propositions iusques à ce qu’elle

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eust receu nos lettres ; Et apres si nous nous auions obtenu l’Arrest d’Vnion
tous nos pacquets & les vostres ayans esté arrestez, ell’est maintenant informee,
& nous asseurez, qu’elle ne se separera iamais du dessein de suiure
vos ordres & vostre exemple ; ils nous sont trop aduantageux pour faire paroistre
nostre passion & fidelité au seruice du Roy : la nostre, Messieurs en particulier,
c’est de vous suplier d’agreer nos obeissances, & de croire que nostre
gloire plus parfaite c’est d’estre,

 

MESSIEVRS,

A Paris ce 5 Mars 1649.

Vos tres-humbles & tres obeissans
seruiteurs, BARENNE, ANDREE
Deputez du Parlement de Prouence.

Apres l’ouuerture de ladite lettre Monsieur le President de Mesme
a fait recit de ce qui s’estoit passé le iour d’hier en l’Assemblee,
en laquelle Monsieur le premier President n’auoit point assisté à
cause de son indisposition, & a esté deliberé en suite sur les propositions
faites par Monsieur le Duc d’Orleans, & attesté à l’égard du
premier article que Messieurs du Parlement se transporteront en
Corps à S. Germain pour remercier le Roy & la Reine Regente en
France, de la paix qu’il auroit pleu à leurs Majestez donner à la ville,
& pour là faire tenir son lict de Iustice pour y publier la Declaration
qui sera concertee auec lesdits Deputez pour le restablissement
de la tranquillité du Royaume, sans y faire aucune autre fonction,
& qu’incontinent apres Messieurs du Parlement s’en retourneront
à Paris continuer les fonctions ordinaires de leurs charges.
A l’égard du deuxiesme article que les Ordonnances & Declarations
verifiees au Parlement concernant le faict de la Iustice, police
& finance, particulierement celles des mois de May, Iuillet & Octobre
dernier seront executees, & que n’y estant innové le Parlement
ne s’assemblera que pour la reception des Officiers & pour les Mercuriales
pendant le reste de la presente annee 1649. Pour le troisiesme
article, que le Roy & la Reyne Regente seront tres-humblement
supliez de n’y point insister.

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Ledit iour Dimanche 7. Mars 1649. Messieurs les Deputez estant assemblez
chez Monsieur le premier President, le sieur de Sainctot Maistre
des Ceremonies a frappé à la porte de la Chambre & demandé à parler à
aucuns desdits Deputez, a esté fait entrer, & a esté charge de la part de
l’Assemblee d’aller chez Monsieur le Tellier Secretaire d’Estat, faire
plainte de ce qu on auoit retenu le Courier de ladite Assemblée à S. Cloud,
depuis sept heures du soir iusques à sept heures du matin : Et à ledit sieur de
Sainctot presenté vn papier cacheté, & ledit papier ouuert s’est trouué
des articles dont a esté fait lecture, lesquels ont esté mis entre les mains des
Deputez cy-deuant nommez pour dresser les articles de l’Assemblée, afin
d’en dresser d’autres qui seruiroient de responces, a esté en suite deliberé
sur la lettre escrite par Monsieur le President de Bellievre, & sur la responce
faite à la premiere proposition Messieurs les Deputez ont arresté
que l’on incisteroit à ce qu’on laissast quelques passages libres pendant la
negociation de la paix suiuant la parole donnée pour faire entrer dans
la ville de Paris, non seulement plus grande quantité, mais foin
auoine, chairs, salines & autres choses necessaires pour la subsistance des
habitans d’icelle, & ont esté deputez Monsieur le President de
Nesmond, & Menardeau Conseiller en la Cour, pour aller trouuer Monsieur
le Chancelier & Monsieur le Tellier, & faire entendre le susdit arresté.

Le. Lundy huictiesme Mars 1649. du matin, Messieurs les Deputez
estant assemblez chez Monsieur le premier President, Monsieur le President
de Nesmond a rapporté que suiuant l’arresté du iour d’hier, il a esté
auec Monsieur Menardeau trouuer Monsieur le Chancelier, pour le prier
que suiuant la parole donnée l’on donnast quelques passages libres à la ville
de Paris, pour y faire entrer toutes sortes de viures & denrées necessaires
pour la subsistance des habitans d’icelle : Et que Monsieur le Chancelier
luy auoit promis de le faire entendre à Monsieur le Duc d’Orleans ce
jourd’huy. Peu de temps apres les sieurs Fournier & Esliot Escheuins
Deputez pour la Conference, ont fait voir vne lettre qui leur auoit esté
enuoyee de Paris, dont a esté fait lecture, portant de substance que ce qui
auoit causé le manque de bled à Paris estoit la disette de batteaux, qu’il
estoit necessaire de faire remonster de Paris à Corbeil, pour raison dequoy
il falloit obtenir des passe-ports : Et ont esté lesdits Escheuins chargez de la
Compagnie d’aller chez Monsieur le Tellier pour en obtenir, & vn ordre

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general pour faciliter les conuois de bleds accordez pendant le temps de
ladite Conference ; ce qu’ils ont fait, & ont enuoyé lesdits passe-ports, &
ordre general à Paris : ont esté en suitte leus les articles apportez le iour
d’hier par le sieur de Sainctot, desquels la teneur ensuit.

 

Que les Officiers de la Cour de Parlement & des autres Compagnies,
Messieurs les Maistres des Requestes qui seront nommez par sa Majesté
au nombre de vingt-cinq, se retireront en tel lieu qu’il plaira à sa Majesté
leur prescrire, sans qu’ils puissent rentrer en la ville de Paris ny autres lieux
que ceux qui leur seront ordonnez, ny faire aucunes fonctions de
leurs charges iusques à ce qu’il en soit autrement ordonné par sa Majesté.

Que tous les Arrests qui ont esté rendus par ladite Cour depuis le
sixiesme Ianuier dernier, tant pour affaires generalles que particulieres,
ensemble celuy de Iuillet 1648. concernant les impositions verifiees en la
Chambre des Comptes & Cour des Aydes, seront cassez & reuoquez,
& les minutes & grosses tirées des registres de ladite Cour pour estre remis
és mains de sa Majesté.

Que les gens de guerre qui ont esté leuez, tant dans la ville de Paris,
qu’au dehors & qui sont encores sur pied, seront cassez & licentiez en vertu
des pouuoirs donnez tant par ledit Parlement, que par la ville de
Paris.

Le Preuost des Marchands & Escheuins assistez de bon nombre de notables
Bourgeois, demanderont pardon au Roy pour les habitans de la
ville de Paris, lesquels poseront presentement les armes, sans qu’ils les
puissent reprendre que par l’ordre & commandement exprés de sa Majesté,
à laquelle ils iureront de nouueau, de demeurer dans son obeissance,
& de ne se despartir iamais de la fidelité qu’ils luy doiuent à peine d’estre
traittez comme rebelles.

La Cour de Parlement de Paris renoncera à toutes ligues, associations
& traittez qu’elle pourroit auoir fait contre le seruice du Roy
tant dedans le Royaume qu’auec les ennemis de cette Couronne, &
sera la lettre de creance, ensemble la creance de l’Enuoyé de la
part de l’Archiduc Leopold tirée des registres de ladite Cour de Parlement,
& mise entre les mains de sadite Majesté.

Tous les deniers, meubles, vaisselle d’argent & papiers pris & enleuez
aux particuliers, ou qui auront esté vendus leur seront rendus

-- 15 --

& restituez s’ils sont en nature, sinon la iuste valeur d’iceux, dont
lesdits particuliers seront crûs par serment, tant pour la qualité que
quantité. Et pour les deniers des Tailles, fermes des Gabelles, Aydes,
cinq grosses fermes, Conuoy de Bordeaux qui ont esté pris & enleuez,
ils seront rendus à sa Majesté, & ne pourront lesdits fermiers des
Gabelles, Aydes, cinq grosses fermes & payement des rentes des
Tailles, estre poursuiuis ny contraints pour le payement des rentes
estans sur lesdites fermes & Tailles pendant le temps dont il sera
conuenu.

 

La Bastille, ensemble l’Arcenal, auec tous les canons, boulets,
grenades, poudres & autres munitions de guerre, seront remis entre
les mains de sa Maiesté.

Que les modifications aportees tant par la Chambre des Comptes,
que par la Cour des Aydes sur la Declaration du mois d’Octobre dernier,
seront reuoquées.

Et que l’article huictiesme concernant les Comptans soit executé
en adioustant & aucunement interpretant iceluy, les interests & remises
seront passez aux Comptes du Tresorier de l’Espargne en vertu
des Arrests du Conseil qui les auront reglez & accordez, &
des quittances des parties prenantes sans aucune difficulté.

Apres la lecture desdits articles a esté deliberé en quelle forme il
y seroit respondu, & a passé que ce seroit par articles ; ont esté derechef
lesdits articles leus & arresté que sur le premier on respondroit,
que la Compagnie ne peut consentir l’article comme contraire aux
Declarations du Roy, Ordonnances du Royaume & paroles données
& souuent reïterées.

Sur le deuxiesme, qu’on ne peut toucher à l’Arrest du mois de
Iuillet comme précedant la Declaration du mois d’Octobre dernier :
Non plus qu’a ceux qui ont esté donnez iusques au sixiesme Ianuier,
n’estant point le suiet de la Conference, à l’esgard des Arrests donnez
depuis ledit iour sixiesme Ianuier, qu’apres qu’il aura pleu au Roy &
à la Reyne Regente declarer leurs intentions touchant les Declarations
& lettres de cachet, & autres actes donnez depuis ledit iour, il sera
fait responce à l’article.

Sur le troisiesme, que l’accommodement fait & le siege leué

-- 16 --

l’article sera accordé, si mieux n’ayme le Roy employer les troupes
à son seruice.

 

Sur le quatriesme, que l’article sera conceu en ces termes ; Le
Preuost des Marchands & Escheuins, accompagnez de bon nombre
de notables Bourgeois, rendront au Roy leur obeissance & leurs
soubmissions, auec protestation d’vne fidelité inuiolable ; & poseront
les habitans de Paris les armes l’accommodement fait &
le siege leué, ne les ayans prises que pour la necessité de leur
deffense.

Sur le cinquiesme, que cet article contient deux choses, le premier
est inutil, le Parlement n’ayant fait aucuns traittez, ligues ny
associations dedans ny dehors le Royaume. Au second le Roy & la
Reyne sont tres-humblement suppliez que l’arresté demeure dans
les registres en l’estat qu’il est, estant tres-respectueux, & la proposition
ayant esté portée toute entiere à leurs Majestez sans en deliberer,
pour receuoir sur icelles leurs volontez ; mais lesdites Majestez
seront tres-humblement suppliées de trouuer bon qu’il soit respondu
audit Enuoyé par le Parlement ; que la proposition ayant
esté presentée à leurs Majestez, elles ont donné ordre au Parlement
de luy faire entendre, que si le Roy d’Espagne veut enuoyer des Deputez
en lieu qui sera conuenu pour traitter de la paix, leurs Majestez y en
enuoyeront de leur part, dans le nombre desquels elles choisiront aucuns
Officiers du Parlement.

Sur le sixiesme article, que les papiers & les meubles estans
en nature & non vendus, seront rendus & pour le surplus
de l’article ne peut estre accordé, au contraire qu’aucuns ny en general
ny en particulier, ne pourront estre recherchez pour raison
des choses contenuës en l’article, sauf à sa Majesté de faire telle
grace qu’il luy plaira à ceux qui seront interessez aux choses contenuës
en iceluy.

Sur le septiesme, que l’accommodement & le siege leué, il sera executé.

Sur le huictiesme, ledit article ne tombe point en la deliberation de la
Conference, & n’y peut estre pourueu que par les voyes de droict en la
forme ordinaire.

-- 17 --

Sur le neuf, qu’il ne peut estre accordé aux termes qu’il est
couché, & sera sa Majesté tres humblement suppliée de laisser
le Iugement des interessez couchez en ligne de compte à la
Chambre, à la quelle la cognoissance en appartient.

A la lecture du dernier article, Monsieur le President Amelot
premier President de la Cour des Aydes, a dit, que dans le
dessein qu’auoit sa Compagnie de demeurer dans l’Vnion
auec le Parlement, il prioit Messieurs du Parlement de leur
laisser la cognoissance de ce qui estoit de leur Iurisdiction : &
qu’ils trouuassent bon que s’il suruenoit quelque contestation
pour raison de ladite Iurisdiction, le Procureur General de
ladite Cour des Aydes conferast auec celuy du Parlement, &
s’ils ne s’accordoient, que les Presidens & Conseillers de la
Cour des Aydes conferent auec ledit Parlement : Monsieur le
premier President a respondu que le dessein du Parlement n’auoit
iamais esté d’entreprendre sur la Iurisdiction de la Cour
des Aydes, & que l’ordre accoustumé en cas de contestation
entre les Compagnies deuoit estre gardé, que c’estoit que le
Procureur General de la Cour des Aydes descendoit au Parquet
du Parlement ; & en cas que le differend ne fust terminé,
vn President & deux Conseillers en ladite Cour venoient au
Parlement en conferer.

Le Lundy huictiesme mars 1649. de releuée, Messieurs les
Deputez assemblez chez Monsieur le premier President, Messieurs
les Presidens le Coigneux, & violle President aux Enquestes,
Deputez pour porter les Responses aux trois premieres
propositions faites par Monsieur le Duc d’Orleans, ont rapporté
qu’ayant esté trouuer le iour d’hier, ledit Sieur Duc d’Orleans,
il leur auoit tesmoigné n’estre pas satisfait de la Response
faite sur l’vne des propositions touchant la cessation de l’Assemblée
des Chambres, ne voulant pas que dans le dispositif
de la Declaration qui deuoit estre concertée & publiée au lict
de Iustiee, que le Roy desiroit tenir à S. Germain, où il deuoit
estre fait mention de ladite cessation pendant le reste de
la presente année, il ne fust fait aucune mention de l’execution
des Declarations des mois de May, Iuillet & Octobre dernier,
ains seulement dans le narré, que le Roy la Reine, & ledit Sieur
Duc d’Orleans, donnoient bien de paroles que lesdites Declarations
seroient executées ; & qu’en cas de contrauention le

-- 18 --

Roy en estant aduerty y seroit remedié, mais qu’ils ne vouloient
point absolument que la condition de ne point innoüer
aux Declarations fust mise, ny deuant, ny apres ladite cessation
d’Assemblée accordée pour le reste de l’année. Qu’eux Depurez
auoient proposé plusieurs expediens, pour ne pas rompre
sur vne proposition qui ne touchoit que le Parlement, que lesdits
expediens par eux proposez estoient que l’on ne parlast
point dans ladite Declaration de ladite cessation ; mais que l’on
se contentast d’en faire vn article secret, & de se fier à la promesse
verbale, ou par escrit de tous les Deputez du Parlement
pour la Conference ; que lesdites Declarations estans entretenuës
& n’y estans inoué, il ne seroit point fait d’assemblée
pendant le reste de l’année, que pour la reception d’Officiers
ou Mercuriales, ont esté lesdits expediens examinez, ensemble
vn autre proposé par l’vn des Deputez du Parlement pour ladite
Conference, qui estoit de mettre dans le dispositif de ladite
Declaration, qu’il ne seroit fait aucune assemblée des
Chambres pendant le reste de l’année si ce n’estoit pour ladite
reception d’Officiers & Mercuriales, & qu’ainsi il ne seroit
inoué ausdites Declarations : Mais comme ces expediens, au dire
de Messieurs les Presidens le Coigneux & Violle Desputez,
ne pouuoient satisfaire ledit Sieur Duc d’Orleans, la Compagnie
ayant deliberé ce qui estoit à faire en ce rencontre, arreste
que les mesmes Deputez rerourneroient vers Monsieur le
Chancelier & Monsieur le Tellier Deputez dudit Sieur Duc
d’Orleans, & incisteroient par tous moyens à ce que l’on se contentast
de la response qu’ils auoient portée, ou que l’on prist vn
de ses expediens, ont esté en suite leus les articles dressez par
les Desputez commis à cét effet.

 

Apres la lecture est entré le Sieur de Sainctot dans l’Assemblée,
qui a dit que Monsieur le Duc d’Orleans attendoit response
auec impatience : Monsieur le premier President a dit, que
l’on la luy porteroit promptement, lesdits Deputez estans partis
de l’Assemblée pour executer leur commission a esté fait lecture
d’vne lettre escrite par le Preuost des Marchands de Paris
aux Escheuins deputez pour la Conference, & en suite d’vne
autre escrite par Monsieur le President de Believre à Monsieur
le premier President.

Apres la lecture desdites lettres, a esté prié Monsieur de la

-- 19 --

Nauue Conseiller en la Cour, de porter celle de Monsieur le
President de Believre à Messieurs les Presidens le Coigneux &
Violle, pour la faire voir à Monsieur le Duc d’Orleans, & la
Compagnie s’est leuée.

 

Peu de temps apres Monsieur le premier President a mandé
tous les Deputez, qui se sont rendus chez luy enuiron les six
heures du soir, & là rassemblez, Monsieur le President le Coigneux
a rapporté qu’il auoit auec Monsieur Violle esté trouuer
Monsieur le Chancelier & Monsieur le Tellier ; qu’il auoit incisté
& representé tous les expediens proposez pour accommoder
le differend qui s’estoit meu pour la proposition de la cessation
des Assemblées, & leur auoit dit, que pourueu que dans la
Declaration où l’on deuoit faire mention de ladite cessation, il
y eust des termes significatifs des veritables motifs que l’Assemblée
auoit eu pour se relaschet à ladite cessation qui estoient
l’execution desdites Declarations des mois de May, Iuillet &
Octobre dernier, les termes leur estoient indifferens : Mais que
Monsieur le Chancelier leur ayant demandé si c’estoit la derniere
resolution, & ayant esté trouuer Monsieur le Duc d’Orleans,
il leur auoit dit que l’intention dudit sieur Duc d’Orleans
estoit de ne rien changer, & qu’il ne doutoit pas que dans le dispositif
de ladite Declaration il fust fait mention de l’execution
desdites Declarations, donnant parole qu’elles seroient executées,
mais seulement dans le narré ; & que si les Deputez
ne le vouloient ainsi, il leur feroit expedier leurs passeports
pour demain ; mondit sieur le President le Coigneux a en outre
rapporté, qu’il auoit prié Monsieur le Chancelier de faire voir
la lettre de Monsieur le President de Believre à mondit sieur le
Duc d’Orleans, & que mondit sieur le Chancelier luy auoit dit
l’auoir portée audit sieur Duc d’Orleans, & qu’il ne l’auoit voulu
voir. Surquoy, attendu qu’il estoit tard, que l’affaire estoit
d’importance, & que Monsieur le President Hicolaï estoit indispose,
a esté remis à en deliberer à demain 7. heures du matin,
& a esté renduë la lettre dudit sieur President de Belieure à Monsieur
le premier President, qui s’est chargé d’y faire response.

Le Mardy 9. de Mars 1649. du matin Messieurs les Deputez
assemblez chez Monsieur le premier President, & ayant deliberé
sur la response faite par Monsieur le Chancelier le iour
d’hyer à Messieurs les Presidens le Coigneux & Violle, a esté

-- 20 --

arresté que lesdits sieurs le Coigneux & Violle iront vers Monsieur
le Duc d’Orleans, luy dire que pour le bien de la paix, le
respect que l’on porte au Roy, à la Reine, à luy & à Mõsieur le
Prince, la Compagnie accorde l’Article comme il desiroit, se
promettant qu’elle aura satisfaction sur les articles qu’elle donnera ;
& sur les responses faites aux Articles ptoposez de sa part,
& qu’il sera fait registre de la parole donnée que la Declaration
des Mois de May, Iuillet, & Octobre derniers seront
executées, & que la Compagnie ne s’est relaschée à accorder la
cessation d’assembée qu’en consequence de ladite parole &
pour le desir de la Paix & tranquillité du Royaume.

 

Auant que deliberer, Messieurs les Deputez ont enuoyé
querir le sieur Sainctot, Maistre des Ceremonies, & l’ont prié
d’aller dire à Monsieur le Duc d’Orleans qu’ils alloient deliberer,
& luy feroient aussi tost response & la deliberation estant
commencée est retourné peu de temps apres ledit sieur de Sainctot,
& a dit : Qu’il auoit fait à Monsieur le Duc d’Orleans les
ciuilitez de la compagnie, qu’il l’auoit trouué s’habillant, qu’en
suitte il alloit à la Messe, & faisoit estat d’aller disner à Sainct
Germain, a fin que s’ils auoient à luy faire response que ce fust
dans cet entre-temps, & ladite deliberation ayant duré plus
que l’on n’esperoit, est reuenu ledit Sieur de Sainctot sur le
midy dire que Monsieur luy venoit d’enuoyer vn Gentilhomme
pour luy dire qu’il s’en alloit incontinent partir ; Et
aussi tost sont partis lesdits Sieurs Presidens le Coigneux &
Violle pour porter audit Sieur Duc d’Orleans la resolution de
ladite compagnie.

Ledit iour de Mardy 9 : Mars 1649. de releuée Messieurs
les Deputez assemblez chez Monsieur le premier President,
M. le President le Coigneux a raporté que suiuant l’arresté du
matin il auoit esté auec Monsieur Violle trouuer Monsieur le
Duc d’Orleans au Chasteau de Ruel, où estoit auec luy Monsieur
le Prince. Et luy auoit fait entendre que la compagnie
accordoit l’article de la cessation d’assemblées comme il desiroit
pour le respect qu’elle portoit au Roy, à la Reyne, à sa personne
& à Monsieur le Prince, & pour le desir qu’elle auoit de la
Paix & se promettoit qu’il donneroit à la dite compagnie satisfaction
sur ses demandes, apres qu’elle auroit consenty vn article
d’importance, & qui dõnoit en quelque façon atteinte à la liberté

-- 21 --

& l’authorité du Parlement ; Que Monsieur le Duc d’Orleans luy
auoit respondu, qu’en matiere de Conference si l’on ne tomboit
d’accord de tous les articles les autres accordez ne seruoiẽt de rien ;
Que Monsieur le Prince auoit dit la mesme chose ; Qu’ayant repris
la parole il leur auoit dit qu’il y auoit des articles contre toute raison
& apparence, que la Compagnie ne les consentiroit iamais : par
exemple le premier. Monsieur le Prince l’interrompit, & dist qu’il
ne disoit pas cela comme Deputé, & que si cela estoit on sçauroit,
bien que luy respondre. Et continuant ledit sieur President le Coigneux
a dit, qu’il auoit respondu auec liberté adressant sa parole audit
sieur Duc d’Orleans ; que quand il seroit encores d’vne condition
plus releuée qu’elle n’estoit, il deuoit croire que ce n’estoit pas le
moyen d’auoir les cœurs & l’affection des hommes, en leur tesmoignant
que des effets de hayne & de colere, & s’estoient retirez.
A esté leu en suite vne lettre du Preuost des Marchands dattée de ce
iour escrite aux Escheuins Deputez.

 

Apres la lecture ont esté Deputez Messieurs les President de
Nesmond & Menardeau pour porter ladite lettre audit sieur Duc
d’Orleans, & luy faire entendre que la Compagnie auoit suiet de se
plaindre de l’inexecution des promesses que l’on auoit données, &
le prier de faire cesser le sujet de leurs plaintes.

Le Mercredy 10. Mars 1649. du matin Messieurs les Deputez estans
assemblez chez Monsieur le premier President, Monsieur le President
de Nesmond a rapporte que suiuant l’arresté du iour d’hier il
auoit esté auec Monsieur Menardeau au chasteau de Ruel pour parler
à Monsieur le Duc d’Orleans, & ayant appris qu’il se promenoit
dans le iardin proche les cascades l’y furent trouuer, & luy dirent
qu’il auoit este accordé que dés le iour que la Conference seroit arrestée
on laisseroit arriuer à Paris cent muids de bledpar iour, neantmoins
qu’au lieu de ces cent muids qui deuoient estre à present
portez à Paris, il n’en estoit pas entré cent soixante, non manque
de bled ny de bateaux : mais par les deffences que l’on
faisoit de les laisser passer, au preiudice des paroles données,
que cela estoit bien esloigné des esperances qu auoit conceu
la Compagnie, que dés le premier iour de la Conference il y
auroit des passages ouuerts, pour auoir non seulement plus grande
quantité de bleds, mais aussi des foins, auoynes, chairs, salines,

-- 22 --

& autres choses necessaires pour ladite ville de Paris Monsieur le
Prince les interrompit, & dit que l’on auoit desia laissé passer plus de
deux cens cinquante muids de bled : ils repartirent qu’ils auoient
asseurance du contraire, & qu’il estoit estrange que l’on eust enuoyé
vne reuocation sur vne difficulté qui s’estoit meuë à la Conference,
puis que l’on auoit donné parole aux Gens du Roy, qu’en cas que
la Conference fust rompuë on ne laisseroit pas de deliurer lesdits
cent muids de bled par iour, iusqu’au iour de la rupture. Monsieur
le Duc d’Orleans & Monsieur le Prince dirent hautement, qu’il n’estoit
pas vray que l’on eust dõné cette parole aux Gens du Roy, qu’ils
n’auoient point eu autre ordre que ceux portez par les lettres escrites
à Monsieur le premier President, qui portoient que l’on fourniroit
le bled selon ce qui se passeroit à la Conference. Lesdits sieurs
Deputez repliquerent que ladite Conference n’auoit esté accorder
dans le Parlement que sur la parole rapportée par lesdits Gens du
Roy, que l’inexecution de cette parole donnoit suiet à la plainte du
Parlement, & au dessein qu’ils auoient de reuoquer le pouuoir des
Deputez, que si l’on ne leur tenoit parole ils estoient obligez de ne
passer plus auant. Sur cela Monsieur le Prince leur parla fort hautement
& s’estoient retirez : Monsieur le President le Coigneux a pris
la parole en suite, & dit qu’il auoit esté ce matin voir Monsieur le
Duc d’Orleans, & auoit esté introduit dans sa chambre estant deuant
le feu, ne faisant que se leuer, & luy auoit dit qu’il le venot
voir non comme Deputé, mais comme son ancien domestique : que
Monsieur le Duc d’Orleans luy auoit demandé s’il ne vouloit pas finir
affaire & terminer la Conference ce iour là, & qu’il auoit respondu
qu’il estoit impossible, qu’il n’y auoit guere d’apparence que
l’on voulust terminer la Conserence pour la paix, puis que l’on n’auoit
pas tenu la parole que l’on auoit promise : que Monsieur le Duc
d’Orleans luy auoit dit qu’il la falloit terminer dés le iour, & au plus
tard dans le lendemain, de crainte qu’il ne se fist des actes d’hostilité
de part & d’autre qui mettroient les affaires hors des termes
d’accommodation qui estoit facile ; qu’il auoit eu plusieurs discours
auec Monsieur le Duc d’Orleans, ausquels il auoit pris plaisir, voyant
la liberté auec laquelle il deffendoit les interests du Parlement, &
qu’enfin il luy auroit dit qu’il pourroit peut estre faire souffrir beaucoup
de maux à la Compagnie, mais qu’il ne la forceroit iamais à

-- 23 --

consentir vne paix honteuse & desraisonnable. Apres ce discours
ont esté leuës deux lettres, l’vne de Monsieur le President de Belieure
du 9. Mars adressante à Monsieur le premier President, & l’autre de
Monsieur le Prince de Conty, & l’arresté dudit Parlement du 9.
Mars, & l’extrait d’vne lettre escrite par Cotart Bourgeois de Paris.

 

Comme on alloit deliberer sur lesdites lettres & arresté, le sieur
de Sainctot a frapé à la porte de la chambre de l’Assemblée, & estant
entré a dit, que Monsieur le Duc d’Orleans prioit la Compagnie de
venir au chasteau dans la chambre où auoit commence la Conference,
que le lieu seroit plus commode pour les choses qu’il auoit
à leur dire. Monsieur le premier President a respondu de l’aduis de
la Compagnie, qu’elle alloit monter en carrosse pour aller au chasteau,
& que l’on apprestast les carrosses, & auant que de partir a
esté leu vne lettre datee de ce iour, escrite par les Preuost des Marchands
aux Escheuins Deputez.

Apres la lecture de laquelle lettre a esté arresté que l’on se plaindroit
bien hautement de l’inexecution des promesses du bled, qu’à
faute d’y satisfaire on ne passeroit point plus auant à ladite Conference,
& aussi-tost Messieurs les Deputez sont allez au chasteau, &
estans montez en la chambre de la Conference, Monsieur le Mareschal
de Grandmond y est suruenu, qui a rendu de grandes ciuilitez à
la Compagnie, tesmoigné auoir pris soin tant qu’il auoit peu de
conseruer ce qui appartenoit à Messieurs de Parlement, qu’il estoit
fort desireux que la paix se fist, que Monsieur le Duc d’Orleans &
Monsieur le Prince la desiroient pareillement, qu’il estoit fort aisé
de la conclure, & qu’il y contribuëroit de tout ce qui estoit en son
pouuoir. Messieurs les Deputez luy ont fait plainte de l’inexecution
des promesses du bled, & reuocations des ordres donnez, luy ont
fait voir l’arresté du Parlement, portant surceance de la Conference,
& l’ont prié de faire entendre à Monsieur le Duc d’Orleans le iuste
sujet de leur plainte, ce qu’il a promis faire & s’est retiré. Peu
de temps apres le sieur de Sainctot est entre dans ladite chambre
où estoit la Compagnie assise, qui a dit, que Monsieur le Chancelier
prioit Messieurs les Presidens le Coigneux & Violle de venir parler à
luy dans vne autre chambre, ce qu’ils ont fait : & estans rentrez
incontinent apres ont dit que Monsieur le Chancelier leur auoit dit
que Monsieur le Duc d’Orleans s’impatientoit d’estre si long-temps

-- 24 --

sans agir, & desiroit terminer la Conference, qu’ils luy auoient fait entendre
que le manquement de promesse de fournir le bled leur empeschoit
de pouuoir passer outre à la dite Conference Sur cela Monsieur le
Chancelier auoit demandé l’esclaircissement de leurs intentions, &
qu’ils auoient dit que Messieurs les Deputez ne pouuoient agir qu’ils
n’eussent nouuelles certaines de l’arriuee du bled à paris : & aussi-tost lesdits
sieurs Presidens le Coigneux & Violle ont esté mandez par Monsieur
le Duc d’Orleans, & estans retournez ont dit que Monsieur le
Duc d’Orleans leur auoit dit, qu’il vouloit que la Compagnie fust informee
des raisons qui auoient donné lieu à la reuocation des ordres
pour les bleds, qui estoient qu’ils n’auoient esté promis que suiuant que
la Conference iroit bien, qu’il falloit venir au fonds, & donner les articles,
que la Compagnie ne deuoit point apprehender de mauuaises
responses dans le dessein qu’elle auoit de la paix, qu’ils auoient respondu
que le bled leur deuoit estre fourny iusques au iour de la rupture, &
que Monsieur le Duc d’Orleans leur auoit repeté qu’il falloit venir au
fonds, que l’on auoit expedié des passe-ports pour faire entrer dans paris
la quantité de bled promise. Peu de temps apres ont esté apportez par
le sieur de Sainctot deux ordres du Roy adressez au sieur de Nouailles
& d’Amboise commandant à Laigny & Corbeil, & cinq passe ports
on blanc auec vne lettre de Monsieur le Tellier à Monsieur le Mareschal
de Grandmond pour la liberté des Couriers des Deputez qui ont
esté leus & mis entre les mains des Escheuins Deputez pour faire leurs
dépesches à Paris. A esté en suite deliberé ce qui estoit à faire sur les
lettres de Monsieur le President de Belieure, & sur l’Arrest du Parlement,
& que Messieurs les Presidens le Coigneux & Violle iroient vers
Monsieur le Chancelier & Monsieur le Tellier leur faire entendre, &
leur dire que Monsieur le premier President, & Monsieur le President
de Mesmes prendroient l’heure de Monsieur le Duc d’Orleans pour le
voir apres disné, & a esté prié Monsieur le premier President de faire
responce aux lettres de Monsieur le President de Belieure, & mander ce
qui auoit esté arresté, ce qu’il a promis faire : & ce sont tous lesdits Deputez
retirez en leurs maisons.

 

Le Mercredy dixiesme Mars 1649. deux heures de releuée Messieurs
les Deputez assemblez chez Monsieur le premier President, Monsieur le
President le Coigneux a dit, qu’il estoit allé auec Monsieur Violle suiuant
l’arresté du matin trouuer Monsieur le Chancelier & Monsieur le

-- 25 --

Tellier, & luy auoient fait entendre le susdit arresté, & fait cognoistre
que Monsieur le premier President & Monsieur le President de Mesme
par leur visite qu’ils deuoient faire à Monsieur le Duc d’Orleans auanceroient
peut estre plus les affaires, que l’on n’auoit fait iusques à present,
si l’on desiroit les terminer ; mais que lesdits sieurs le Chancelier
& le Tellier estans entrez en la chambre de Monsieur le Duc d’Orleans
pour luy faire entendre ce qui s’estoit passé, estoient retournez
vers eux peu de temps apres auec des visages rudes, & leur auoient dit,
que Monsieur le Duc d’Orleans se sentoit offensé de ce qu’ils s’estoient
retirez sans luy en donner aduis, qu’il s’en alloit à S. Germain, & alloit
reuoquer les passeports & ordres donnez pour le bled ; Qu’ils auoient
reparty ausdits sieur Chancelier & le Tellier que la Compagnie n’auoit
iamais manqué de rendre les respects deus à Monsieur le Duc d’Orleans,
& les rendroit tousiours : mais que cet arresté du matin auoit
esté fait pour le respect qui estoit deu au Parlement, qui auoit prié la
Compagnie de surceoir à toutes Conference, iusqu’à ce que l’on eust
receu à Paris tout le bled promis : A quoy lesdits sieurs Chancelier &
le Tellier ce seroient esleuez, Disans que Monsieur le Duc d’Orleans
vouloit sçauoir si les Deputez auoient plain pouuoir ou non, & qu’il
sçauoit bien que les Generaux de Paris faisoient brigues dans le Parlement
pour la reuocation du pouuoir desdits Deputez, & qu’il alloit
reuoquer les ordres donnez pour la fourniture entiere du bled promis,
qu’il falloit conclure & qu’il demandoit des articles, & que si dans vne
heure on ne luy donnoit satisfaction il s’en alloit à S. Germain.
Comme on deliberoit sur cette response Monsieur le Mareschal de
Grandmont a demandé à parler à la Compagnie, & estant entré dans
la chambre a dit qu’il demandoit pardon s’il auoit interrompu leur deliberation,
mais que s’en retournant à S. Cloud il n’auoit voulu manquer
de prendre congé de ladite Compagnie. Messieurs les Deputez
l’ont remercié de ses ciuilitez, & luy ayant fait entendre la responce
de Monsieur, se sont plains d’vn procedé qui faisoit voir qu’au lieu de
faire vne Conference auec eux on leur vouloit donner la loy, & que
dés qu’ils resistoient on les menassoit de leur faire expedier des passeports
pour s’en retourner, ou de reuoquer les ordres donnez pour les
bleds promis. Ont demandé en suitte audit sieur Mareschal si Monsieur
auoit reuoqué lesdits ordres, & ledit sieur Mareschal ayant respondu
qu’il ne le croyoit pas, Est entré ledit sieur de Sainctot qui a dit qu’il

-- 26 --

n’y auoit point de reuocation. En suite dequoy ledit sieur Mareschal a
exageré les mots qui suiuoient de la rupture de la paix tant desirée de
tous les bons François, & protesté sur sa vie & sur son hõneur que Monsieur
le Duc d’Orleans auoit desir de la faire, & que s’ils auoient donné
leur articles vne heure apres elles seroient terminées : Messieurs les Deputez
l’ont prié d’y contribuer ce qu’il pourroit, ce qu’il a promis, &
s’est retiré, & d’vn commun aduis a esté resolu de charger ledit sieur de
Sainctot d’aller dire à Monsieur le Duc d’Orleans que l’on alloit trauailler
aux articles, & que dans auiourd’huy on le porteroit : ont esté
en suitte leus quelques articles qui ont esté mises au net, & mises entre
les mains de Monsieur le premier President & Monsieur le President de
Mesme, qui les ont portees à Monsieur le Duc d’Orleans, dont la teneur
ensuit.

 

1. Que Monsieur le Prince de Conty & autres Princes, Ducs, Pairs,
Officiers de la Couronne, Seigneurs & Gentils-hommes, Villes & Communautez,
& toutes personnes de quelque qualité qu’elles soient qui auront
pris les armes pour la deffence & assistance de la ville de Paris, seront
conseruez en leurs biens, droits, offices, benefices, dignitez, honneurs,
priuileges & prerogatiues, charges & gouuernemens, & en tel &
semblable estat qu’ils estoient auant ladite assistance, sans qu’ils en puissent
estre recherchez ny inquietez pour quelque cause & maniere que
ce soit.

2. Que tous les Arrests donnez tant au Parlement de Paris, qu’autres
Sentences & iugemens rendus depuis le 6. Ianuier dernier seront executez
selon leur forme & teneur.

3. Que suiuant l’Arrest de 1617. & l’article de l’Edict de Loudun, la
Reine sera tres-humblemeut suppliée d’enuoyer Declaration au Parlement,
portant que nul Estranger ne sera admis dedans le ministere, ny
dans le maniment des affaires de l’Estat, si ce n’est pour des considerations
importantes au seruice du Roy, ou du merite particulier, & des seruices
qu’il auroit rendus à la Couronne.

4. Seront leurs Majestez tres humblement suppliées d’ordonner, que
toutes Lettres & Declarations necessaires pour la suppression des Semestres
des Parlemens de Roüen & d’Aix seront expediez : Comme aussi
pour le restablissement & reünion à la Cour des Aydes de Paris des Elections
qui en ont esté depuis deux ans distraites & attribuées à la Cour
des Aydes de Guyenne.

-- 27 --

5. Les lettres des 6. & 7. Ianuier dernier escrites au Preuost des Marchands
& Escheuins de la ville de Paris apres la sortie du Roy, toutes
Declarations & Arrests du Conseil, tant contre le Parlement que Monsieur
le Prince de Conty, Ducs, Pairs, Officiers de la Couronne, Seigneurs,
Gentils-hommes, & autres personnes de quelque qualité &
condition qu’ils soient, seront reuoquez.

6. Seront les Declarations des mois de May, Iuillet & Octobre derniers
inuiolablement gardez & obseruez, & les contrauentions à l’execution
d’icelles reuoquées & separées : Et ne seront faites aucunes impositions
& leuées de deniers, ny creations d’offices pendant la cessation de
l’Assemblée des Chambres du Parlement, que par Edicts bien &
deuëment verifiez, auec liberté de suffrages.

7. Leurs Majestez sont tres-humblement suppliées de descharger
l’Eslection de Paris de toutes tailles, taillon, subsistance & estapes pendant
trois années, ensemble des restes qui en peuuent estre deus des années
1647. & 1648.

8. Que les troupes & gens de guerre incontinent apres l’accommodement
seront renuoyées sur les frontierés a la reserue de celles qui ont
accoustumé estre proche, & pour la garde leurs Majestez.

9. Sera accordé descharge generale pour les deniers receus tant publics
que particuliers, & meubles vendus, comme il sera plus particulierement
exprimé dans les lettres, tant à Paris & Roüen, qu’ailleurs.

Le Ieudy 11. Mars 1649. du matin, Messieurs les Deputez estans assemblez
chez Monsieur le premier President, Monsieur le premier President
a dit, que suiuant l’arresté du iour d’hier, il fut auec Monsieur le
President de Mesme au chasteau de Ruel, enuiron les cinq heures du
soir, furent introduits dans la chambre de Monsieur le Duc d’Orleans,
où estoit ledit sieur Duc auec Monsieur le Prince, Monsieur
le Chancelier, Monsieur Dauau & le Tellier & autres ; qu’apres
les complimens Monsieur le premier President fit entendre audit
sieur Duc, les ressentimens que la Compagnie auoit de l’inexecution des
promesses du bled accordé, & des reuocations d’ordres donnez pour le
conuoy dudit bled dés que l’on faisoit resistance à ce qui estoit proposé
de sa part ; que ce procedé causoit de grandes rigueurs dans les esprits des
Deputez qui auoient crû obtenir non seulement la quantité du bled accordé,
mais vne plus grandes, & vne permission de faire entrer les autres

-- 28 --

choses plus necessaires dans la ville de Paris, dés le premier iour de la Cõference.
Monsieur le Duc d’Orleans leur dist, qu’il n’estoit plus question
de se plaindre du bled, que les ordres auoient esté donnez pour en laisser
passer la quantité promise mais qu’il falloit conclure, & que depuis
six iours que duroit la Conference ils n’auoient encore donné que trois
articles ausquels il auoit respondu, & leur demandoit leurs autres articles :
Monsieur le premier President repartit, qu’il auoit receu les articles
de sa part ; mais qu’il y en auoit de si rudes, que si on ne les retiroit il
ne falloit point esperer d accommodement ; Que l’article premier touchant
l’esloignement de vingt-cinq Conseillers ou Maistres des Requestes
ne se pouuoit, non plus que celuy touchant le pardon de la ville
de Paris : Et sur ce que ledit sieur Duc d’Orleans dist, qu’il estoit bien raisonnable
qu’on demandast pardon ayant pris les armes, Monsieur le
premier President repliqua, que l’on ne souffriroit iamais que la ville demandast
pardon, n’ayant point failly ; qu’elle n’auoit pris les armes que
par l’authorité du Parlement, qui estoit le seul coupable s’il y auoit de la
faute : mais qu’il en estoit bien esloigné, ayant fait prendre les armes aux
habitans pour auoir des viures & pour la defense de leurs vies, qui estoit
vne defense legitime & naturelle ; que pour ne condamner les armes ny
des vns ny des autres, il falloit vne amnistie de part & d’autre. Monsieur
le Duc d’Orleans reprit la parole, & dist, qu’il consentoit bien vne amnistie,
mais qu’il falloit quelque sorte d’inegalité dans le Traité, & qu’il
n’estoit pas iuste que le Roy traitast d’égal auec ses subjets, & quelle
difficulté il y auoit que la ville demandast pardon, puis que luy mesme
l’auoit bien demandé. Fut repliqué, qu’il y auoit distinction des particuliers
& des Villes & Communautez, & que pour l’inegalité dans le
Traitté elle y estoit tout entiere, en ce que c’estoit les Deputez qui supplioient,
& que le Roy accordoit, & se porterent les contestations
de part & d’autre si auant, que Monsieur le premier President demanda
des passeports pour s’en retourner, & Monsieur le Prince dist qu’il leur
en falloit donner. Auquel ledit sieur premier President repartit en
sous-riant, que Monsieur le Duc d’Orleans ne l’auoit pas encore dit :
Qu’apres plusieurs autres discours Monsieur le Duc d’Orleans & Monsieur
le Prince s’adoucirent vn peu, & les presserent de donner les articles
de la Compagnie, dont ils firent quelque refus : mais enfin les ayant
donnez, Monsieur le Duc d’Orleans & Monsieur le Prince les prierent
de se retirer dans vne autre chambre où ils furent l’espace d’vne bonne

-- 29 --

heure auec Monsieur le Mareschal de Grandmont & autres Seigneurs,
attendans la resolution de Monsieur le Duc d’Orleans, qui tint conseil
sur leurs articles. Apres lequel temps Monsieur le Chancelier les vint
trouuer & leur dist, que l’on auoit pris des resolutions si fauorables sur
leurs articles & sur les responses par eux faites à ceux que l’on leur auoit
donnez, que l’on se promettoit vn prompt accommodement. Comme
Monsieur le Chancelier acheuoit ce discours, a esté apporté vne lettre
escrite par Monsieur le Tellier à Monsieur le Mareschal de Grandmont,
pour donner ordre de faire enuoyer vn batteau arresté à S. Cloud
chargé de 70. ou 80. muids de bled en la ville de Paris, de laquelle fut
fait lecture. Comme aussi d’vne lettre escrite par Monsieur le President
de Believre dattée du 10. de ce mois.

 

Fut prié Monsieur le premier President de faire response à ladite lettre,
ce qu’il fist, s’estant leué & retiré de l’Assemblée pour ce sujet ;
Monsieur le premier President estant sorty, Monsieur le President de
Mesme loüa hautement la fermeté de l’esprit & du courage de Monsieur
le premier President, & dist, qu’il s’estoit porté à la defense des interests
communs plus viuement qu’il ne pouuoit exprimer : Que dans la
Conference particuliere qu’ils auoient euë auec Monsieur le Duc d’Orleans,
& Monsieur le Prince, on auoit parlé de beaucoup d’autres choses,
comme de la validité des Actes & reception d’Officiers depuis le sixiesme
Ianuier, principalement de Monsieur le Coadjuteur & de Monsieur
le Mareschal de la Mothe-Houdancourt ; que Monsieur le Duc
d’Orleans vouloit que lesdites receptions fussent declarées nulles, donnant
neantmoins parole de consentir qu’ils fussent receus dés le lendemain
de l’accommodement, & que le Parlement ayant esté supprimé,
il le falloit restablir. Fut respondu de leur part, que la suppression n’auoit
pas esté verifiée, & que la puissance des Rois estoit bornée aux Loix
& Ordonnances du Royaume, qui desiroient cette verification ; que
pour Monsieur le Coadjuteur le Parlement auoit vsé de son pouuoir,
n’estant besoin de Lettres ; mais d’vne Requeste estant Conseiller né.
Pour Monsieur le Mareschal de la Mothe-Houdancourt, que le Parlement
auoit deferé ce qu’il deuoit à l’autorité Royalle, ayant ordonné
qu’il prendroit des Lettres dans vn temps. Et sur ce que Monsieur le
Duc d’Orleans dist, qu’il falloit donc donner voix deliberatiue aux autres
Mareschaux de France, Fut repliqué, que lors qu’il auroit des Lettres
le Parlement le iugeroit. Fut encores parlé de la reception de

-- 30 --

Monsieur de Beaufort en la qualité de Duc & Pair, & fut soustenu qu’il
ne falloit point de Lettres ayant la demission de Monsieur son pere, &
que les Arrests d’absolution à son esgard, & celuy de Chastaigner
auoient esté rendus ex meritis. Pour les Generaux fut dit, qu’ils ne demandoient
rien ; Et respondu, qu’il falloit leur donner vn temps pour
declarer leur intention. On parla aussi d’autoriser par la Declaration
l’Emprunt pendant la guerre, & regler l’interest au denier dix,
& que cela seruiroit à remettre l’authorité du Roy & splendeur
chez les Estrangers, & les faire consentir à la paix ; il
fut dit que l’on en delibereroit. Sur ce Monsieur le Prince dist,
qu’il ne conseilloit pas Monsieur le Duc d’Orleans de traitter auec
lesdits sieurs Presidents, d’autant que les paroles qu’il leur donnoit
estoient des Oracles inuiolables, & qu’eux disoient qu’il falloit
deliberer dans leur Assemblée, & leur Assemblée remettoit au
Parlement. Il se tint encore plusieurs autres discours pour la defense
des interests de tous ceux qui estoient joints & vnis auec le Parlement de
Paris, comme des Parlements de Roüen & d’Aix, des Princes & autres
personnes ; qu’il pouuoit bien dire auec verité, qu’on leur auoit parlé
bien-haut d’abord, mais que l’on s’estoit bien adoucy à la fin, & qu’il
voyoit les affaires en estat d’estre bien-tost terminées. Monsieur le premier
President estant retourné dans l’Assemblée, Monsieur le President
le Coigneux l’a remercié & Monsieur le President de Mesme au nom
de toute la Cõpagnie de l’action illustre qu’il auoit faite, qui meritoit d’estre
mise dans les monumens publics, comme ayant frappé le premier
coup & donné esperance d’vne heureuse reconciliation. Incontinent
apres est entré le sieur Sainctot, qui a dit, que Monsieur le Duc d’Orleans
prioit la Compagnie d’aller au chasteau ; a esté chargé ledit sieur
Sainctot de dire à Monsieur le Duc d’Orleans que la Compagnie l’alloit
trouuer. Pendant que l’on aprestoit les carrosses est entré le sieur de
Valancé, Capitaine des gardes de Monsieur le Mareschal de Grandmont,
qui a fait voir vne lettre ouuerte de Monsieur le Tellier audit
sieur Mareschal, portant ordre de laisier passer le batteau de bled arresté
à S. Cloud, a esté remercié de ses soins & de ses ciuilitez par Monsieur
le premier President au nom de la Compagnie, & les Escheuins
Deputez chargez d’enuoyer vn homme auec luy pour la conduite du
batteau jusques à Paris ; sont montez en carrosse, & estans arriués au
chasteau de Ruël & montez dans la chambre ordinaire, Monsieur le

-- 31 --

Comte de Brienne est venu saluër la Compagnie, & tost apres ledit sieur
Sainctot venu dans ladite chambre prier Monsieur le premier President,
& Monsieur le President de Mesme de la part de Monsieur le Duc d’Orleans
de l’aller trouuer, ce qu’ils ont fait par l’aduis de la Compagnie :
& estans peu de temps apres rentrez, ont dit, qu’ils auoient veu des visages
bien differens des iours precedens, & que Monsieur le Duc d’Orleans
& Monsieur le Prince estoient entierement disposez à la paix : &
aussi-tost est entré ledit sieur Sainctot, qui a apporté deux pacquets qui
ont esté ouuerts, dans l’vn desquels estoient les Articles de Messieurs les
Deputez des Compagnies, auec les responses ; & dans l’autre vn projet
general de tous les Articles de part & d’autre. Ont esté leus en suitte
lesdits Articles & les Responses faites sur chacun d’iceux. Et comme
on deliberoit sur les Responses faites ausdites Articles, sont entrez dans
l’Assemblée Monsieur le Duc d’Orleans & Monsieur le Prince, auec
Messieurs Dauau & le Tellier : Et Messieurs les Deputez s’estans leuez,
Monsieur le Duc d’Orleans descouuert & debout, leur a dit, qu’il
venoit leur tesmoigner la ioye qu’il auoit de voir l’accommodement aux
termes d’estre fait ; Que comme il auoit de sa part facilité le plus qui luy
estoit possible ledit accommodement, il les prioit d’y apporter toute
sorte de facilité, & que ce fût vn accommodement de cœur qui enseuelist
dans vn oubly perpetuel les aigreurs passés. Monsieur le Prince prist la parole
en suite, & d’vn visage gay dist, qu’il souhaittoit que l’accommodement
se fist de bonne grace, auec franchise de part & d’autre. Monsieur
le premier President remercia Monsieur le Duc d’Orleans de
l’honneur qu’il faisoit à la Compagnie, & tesmoigna la satisfaction qu’elle
auoit de voir son visage changé, & bien differend des autres iours ; que
c’estoit vne augure infaillible de la paix. Et s’adressant à Monsieur le
Prince, qu’il faisoit bien voir qu’il sçauoit bien faire la paix aussi bien que
la guerre. Monsieur le Prince repartit, qu’il auoit fait la guerre auec
regret, & que la paix il la faisoit de bon cœur, & prioit la Compagnie
que l’accommodement fust fait de cœur, & de croire que ce qu’il
auoit fait, il auoit crû estre obligé de le faire pour conseruer l’authorité
Royalle, & se retirerent. En se retirant Monsieur le President le Coigneux
dist tout haut à Monsieur le Duc d’Orleans, qu’il auoit tousiours
asseuré que son Altesse n’auoit iamais pû faire mal à personne ; ont esté
leus derechef les Articles de Messieurs les Deputez des Compagnies

-- 32 --

& les Responses sur iceux : Et Monsieur le premier President ayant
pris la plume, les a apostillez de sa main suiuant ce qui a esté resolu
par la Compagnie : a esté leu en suite ledit projet general de tous les
Articles de part & d’autre, & reformé selon l’aduis de ladite Compagnie.
La contestation la plus grande fut sur l’article concernant les
Emprunts au denier dix pendant la guerre, d’autant que par cét article
on desrogeoit à la Declaration du mois d’Octobre, & que c’estoit
en quelque façon autoriser vne vsure illicite defenduë par les
Canons : Mais sur ce qu’il fut representé, qu’il y auoit des exemples
de prests faits au Roy à bien plus gros interest dans les registres du
Parlement, & que dans l’estat des affaires presentes le Roy ne pouuoit
subsister sans ce secours, il fut arresté que les interests des Emprunts
seroient reglez au denier douze, & que lesdits Emprunts ne seroient
permis que pour la presente année & la suiuante seulement. Pendant
qu’on deliberoit sur cét article, est venu vn Courier frapper à la porte de
la chambre, que l’on a fait entrer, qui apportoit vne lettre de Monsieur
le President de Believre, auec vne de Monsieur le Prince de
Conty, lesquelles ayans esté leuës, ont esté portées par le sieur
Sainctot, mandé pour cét effect, à Monsieur le Duc d’Orleans :
Et incontinent sont venus dans ladite chambre mondit sieur le Duc
d’Orleans & Monsieur le Prince, qui ont dit que ces lettres ne deuoient
point empescher la conclusion du Traité, puis que l’on donnoit
temps par iceluy à Monsieur le Prince de Conty & aux autres
Generaux de se resoudre à souscrire ledit Traité, & se sont retirez ;
& la deliberation acheuée, sont allez Monsieur le premier President
& Monsieur le President de Mesme, & autres Deputez, faire ciuilitez
à Monsieur le Duc d’Orleans au nom de la Compagnie : & se
sont tous lesdits Deputez retournez en leurs maisons qu’il estoit vne
heure apres midy.

 

Et ledit iour Ieudy de releuée, Messieurs les Deputez assemblez
au chasteau de Ruël, Monsieur le premier President, Monsieur le
President de Mesme, de l’aduis de la Compagnie, ont esté voir
Monsieur le Duc d’Orleans : & estans rentrez quelque temps apres,
ont rapporté, que Monsieur le Tellier faisoit rediger par escrit les
Articles ; qu’ils ont fait ce qu’ils ont pû pour les deux Articles,
qui estoient d’aller tenir le lict de Iustice & la cessation

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d’Assemblee ; que quelques instances qu’ils ayent peu faire
ils n’auoient encores peu rien obtenir iusques à present, & que
l’on auoit fait valoir ces deux Articles enuers la Reine, pour obtenir
par vne espece de compensation, qu’elle reuoquast les Articles
de l’esloignement des Officiers, & du pardon de la ville ; Neant
moins que l’on n’auoit pas encore perdu toute esperance de l’obtenir,
& que l’on auoit parlé des Articles des Deputez du Parlement
d’Aix, qui estoient au mois de Ianuier ; mais qu’il y en auoit eu
d’autres accordez le 21. Feburier aux Deputez dudit Parlement,
dont on leur auoit donné coppie collationnee, & vne lettre du
Cardinal Bichy commis par le Roy pour accommoder ce differend,
qui portoit qu’il n’auoit voulu hazarder les originaux, & que par
ces Articles la supression du Semestre auoit esté accordee, & que
les lettres en auoient esté publiees au sceau ; Farent leuës lesdits
Articles & ladite lettre, & renuoyees apres la lecture à Monsieur
le Tellier, A esté dit par vn des Deputez, que les Deputez du parlement
d’Aix demeureroient d’accord de ces Articles & desdites
lettres publiées au sceau. Pour le Parlement de Rouën, qu’il falloit
attendre la volonté de Monsieur le Duc de Longueuille, & que
le parlement ne demandoit pas absolument la supression du Semestre,
mais la reünion & incorporation, dautant qu’accordant la
supression il falloit pouruoir au remboursement des Officiers, &
que c’estoit au Roy ou au parlement à le faire : Qu’il auoit esté proposé
vn expedient par ledit Parlement, qui estoit d’en incorporer
trente du nouueau Semestre à l’ancien, qu’ils contribuëroient au
rẽboursement des autres Officiers dud. nouueau Semestre qui seroit
suprimé, & pour le surplus dudit remboursement, seroit pourueu.
En suitte ost entré le sieur Sainctot, qui a prié Messieurs le premier
President, & President de Mesme, de retourner vers Monsieur le
Duc d’Orleans : ce qu’ils ont fait, & ont apporté les Articles que
Monsieur le Duc d’Orleans auoit fait rediger par escrit, & dont il
faisoit faire encore vne copie, & lesquels Articles ont esté leus &
releus dans la Compagnie : & apres que sur l’article
ont esté pour la derniere fois leus lesdits Articles,
desquels la teneur ensuit.

 

LE ROY voulant faire cognoistre à sa Cour de Parlement & aux habitans
de sa bonne ville de Paris combien sa Majesté a agreable les soumissions

-- 34 --

respectueuses qui luy ont esté renduës de leur part, auec asseurance
de leur fidelité & obeïssance, apres auoir consideré les propositions
qui ont esté faites, a volontiers, par l’aduis de la Reyne Regente
sa mere, accordé les Articles qui ensuiuent.

 

1. Le Traité de l’accommodement signé, tous les actes d’hostilité
cesseront, & tous les passages tant par eau que par terre, seront libres,
& le commerce restably.

2. Le Parlement se rendra, suiuant l’ordre qui luy sera donné par
sa Majesté, à S Germain en Laye, où sera tenu vn lict de Iustice par
sa Maiesté, auquel la Declaration contenant les articles accordez sera
publiée seulement, apres quoy le Parlement retournera à Paris faire ses
fonctions ordinaires.

3. Ne sera point fait Assemblée de Chambres pendant l’année
1649. pour quelque cause, pretexte & occasion que ce soit, si ce n’est
pour la reception d’Officiers & pour les Mercuriales, & ausdites Assemblées
ne sera traitté que de la reception desdits Officiers & Merurialles.

4. Dans le narré de la Declaration qui sera publiée, il sera enoncé
que la volonté de sa Maiesté est, que les Declarations des mois de
May, Iuillet, & Octobre 1648. verifiées au Parlement, soient executez,
fors en ce qui concerne le Prest, comme il sera expliqué cy-apres.

5. Que tous les Arrests qui ont esté rendus par ladite Cour de parlement
de Paris depuis le 6. Ianuier dernier iusques à present, demeureront
nuls & comme non aduenus, excepté ceux qui ont esté rendus
tant auec le procureur general, qu’autres des particuliers presens,
tant en matiere ciuille que criminelle, par decret & receptions.

6. Lés lettres de cachet de sa Maiesté qui ont esté expediées sur les
mouuemens derniers arriuez en la ville de Paris ; comme aussi les Declarations
qui ont esté publiées en son Conseil, Arrests dudit Conseil
sur le mesme sujet depuis le 6. Ianuier dernier, demeureroient nuls
& comme non aduenus.

7. Que les gens de guerre qui ont esté leuez, tant en la ville de
Paris, qu’au dehors, en vertu des pouuoirs donnez tant par le Parlement,
que par la ville de Paris, seront licentiez apres l’accommodement

-- 35 --

fait & signé ; & alors sa Maiesté sera retirer ses troupes des enuirons
de ladite ville, & les enuoyera aux lieux de la garnison qu’elle
leur ordonnera, ainsi qu’il a esté pratiqué les années precedentes.

 

8. Les habitans de la ville poseront les Armes apres l’accommodement
fait & signé, sans qu’ils les puissent reprendre que par l’ordre
& commandement exprez de sa Maiesté.

9. Que le Deputé de l’Archiduc Leopold qui est à Paris sera renuoyé
sans response le plustost qu’il se pourra apres la signature du present
Traité.

10. Que tous les papiers & meubles qui ont esté enleuez appartenans
à des particuliers, qui sont en nature, leur seront rendus.

11. La Bastille, ensemble l’Arsenal, auec tous les canons, boulets,
grenades, poudres, & autres munitions de guerre, seront remises entre
les mains de sa Maiesté apres l’accommodement fait.

12. Que le Roy pourra emprunter les deniers que sa Maiesté iugera
necessaires pour les despenses de l’Estat en payant l’interest au denier
douze, durant la presente année & la suiuante seulement.

13. Que Monsieur le Prince de Conty, & autres Princes, Ducs,
Pairs, & Officiers de la Couronne, Seigneurs, Gentils-hommes, Villes,
Communautez, & toutes autres personnes, de quelque qualité & condition
qu’elles soient, qui auront pris les armes durant les mouuemens
arriuez en la ville de paris depuis le 6. Ianuier dernier iusques à
present, seront conseruez en leurs biens, droicts, offices, benefices,
dignitez, honneurs, priuileges, prerogatiues, charges & gouuernements,
& en tel & semblable estat qu’ils estoient auant ladite prise des
armes, sans qu’ils en puissent estre recherchez ny inquietez pour quelque
cause & occasion que ce soir, en declarant par les dessusdits nommez,
sçauoir par Monsieur le Duc de Longueuille dans dix iours, &
par les autres dans quatre iours, à compter de celuy que les passages,
tant pour les viures que pour les commerces seront ouuerts, qu’ils
veulent bien estre compris au present Traicté, & à faute par eux de
faire ladite declaration dans ledit temps, & iceluy passé, le Corps de la
ville de Paris, ny aucun habitant de quelque qualité & condition qu’ils
soient ne prendront plus aucune part à leurs interests, & ne les aideront
ny assisteront, en chose quelconque sous quelque pretexte que ce
soit.

-- 36 --

14. Le Roy desirant tesmoigner son affection aux habitans de sa bonne
ville de Paris, à resolu d’y retourner faire son seiour au plutost que les
affaires de l’Estat luy pourront permettres.

15. Sera accordé descharge generalle pour deniers pris, enleuez ou releus,
tant publics que particuliers, meubles vendus tant à Paris
qu’ailleurs, comme aussi pour la commission donnée pour la leuée des
gens de guerre, mesmes pour enleuemens d’armes, poudres & autres
munition, de guerre & de bouche enleuez, tant à l’Arcenal de
Paris qu’autres lieux.

16. Les Elections de Xaicthes, Cognac, & S. Iean d’Angely distraites
le la Cour des Aydes, & attribuee ; à la Cour des Aydes de Guyenne
seront reünis à ladite Cour des Aydes de Paris, comme elles estoient
auparauant l’Edict de

17. Au cas que le Parlement de Rouën accepte le present Traicté dans
dix iours, à compter de la signature d’iceluy, sa Maiesté pouruoira à la
suppression du nouueau Semestre ou reünion de tous les Officiers dudit
dernier Semestre ou de partie d’iceux au corps dudit Parlement.

18. Le Traicté auec le Parlement de Prouence sera executé selon sa
forme & teneur, & Lettres de sa Maiesté expediées pour la reuocation
& suppression du Semestre du Parlement d’Aix & Chambre
les Requestes, suiuant les articles accordez entre les Deputez de sa
Maiesté, & ceux du Parlement & pays de Prouence du 21. Feurier
dernier, dont coppie a esté donnée aux Deputez du Parlement de
Paris.

19. Quand à la descharge des Tailles proposez pour l’Eslction de Paris
le Roy se fera informer de l’estat auquel se trouuera ladite Eslection,
lors que les troupes en seront retirees, & pouruoira au soulagement
des contribuables de ladite Eslection, comme sa Maiesté iugera necessaire.

20. Lors que sa Maiesté enuoyera des Deputez pour traiter de la paix
auec l’Espagne elle choisira volontiers quelqu’vn des Officiers du Parlement
de Paris pour assister audit Traitté, auec le mesme pouuoir qui
sera donné aux autres.

21. Au moyen du present Traitté tous les prisonniers qui ont esté faits

-- 37 --

tant de part que d’autre seront mis en liberté du iour de la signature
d’iceluy.

 

Fait & arresté le 11. mars 1649.

Ainsi signez,

GASTON.

Cardinal Mazarin,

Seguier.

La Meilleraye.

De Mesmes.

De Lomenye.

De la Riuiere.

Le Tellier.

Mrs de la Chambre des
Comptes.

A. Nicolai.

De Paris.

L’Escuyer.

LOVIS DE BOVRBON.

Messieurs du Parlement.

Molé.

H. de Mesmes.

Le Coigneux.

De Nesmond.

Brissonnet.

Menardeau.

Violle.

Le Febure.

Bitault.

De Longueil.

De la Nauue.

Le Cocq-Corbeuille.

Palluau.

Mrs de la Cour des Aydes.

Amelot.

De Bragelonne.

Quatrehommes.

Messieurs de la ville.

Fournier.

Heloys.

Barthelemy.

Apres la lecture il y a eu contestation pour la signature, car Monsieur
le premier President & Monsieur le President de Mesme ayans
rapporté que Monsieur le Duc d’Orleans prioit que tous les Deputez,
du Roy les signassent, & qu’il estoit necessaire que Monsieur le Cardinal

-- 38 --

Mazarin les signast. Fut representé que n’ayant assisté à la Conference,
il n’estoit pas raisonnable que sa signature y fust, mais on representa
aussi que par les articles du present Traitté ayant esté remis en
l’estat qu’il estoit auparauant le 7. Ianuier il n’y auoit point d’apparence
de l’exclure : que Monsieur le Duc d’Orleans en prioit la Compagnie,
pour faire voir vne reconciliation sincere & entiere de toutes
parts : Neantmoins que si la Compagnie s’y arrestoit trop, il proposoit
de les signer tout seul, mais que l’on considerast que cela iroit contre
l’honneur deu au Roy, qui auoit nommé tous ses Deputez, & blesseroit
le respect deu à Monsieur le Prince, qui ne signeroit point la
paix qu’il auoit negociee. Tellement qu’enfin tout d’vne voix il fut resolu
qu’on defereroit à Monsieur le Duc d’Orleans & s’estans tous les
Deputez leuez furent trouuer mondit sieur le Duc d’Orleans dans sa
chambre qui signa lesdits articles, & Monsieur le Prince apres luy, les
autres Deputez du Roy : puis Messieurs du Parlement, apres Messieurs des
Comptes, Messieurs de la Cour des Aydes & de la Ville en suite, &
apres lesdits articles signez, Monsieur le Duc d’Orleans prit la parole,
& dist, que puis qu’il auoit pleu à Dieu disposer les esprits de part &
d’autre à faire vn accommodement qui rendroit la tranquillité à la
France, il prioit Messieurs du Parlement de croire que Monsieur le Cardinal
Mazarin n’auoit iamais eu de pensee de luy faire aucun deplaisir :
Sur ce Monsieur le Cardinal a pris la parole, & dist, qu’il estoit bien malheureux
qu’on auoit interpreté ses intentions autrement qu’elles n’estoient :
qu’il auoit tousiours estimé & honoré le Parlement, qu’il auoit
tousiours eu dessein de le seruir, tant en general qu’en particulier, &
qu’à l’aduenir il le feroit paroistre plustost par des effects que par des
paroles.

 

Fut remarqué que lors que Messieurs les Deputez signerent les Articles,
ledit sieur Cardinal se mist de l’autre costé de la table, & à mesure
que chacun de Messieurs signoit il leur faisoit la reuerence : &
apres que tout fut acheué Messieurs les Deputez du Roy, & Messieurs
des Compagnies Deputez, se saluerent & caresserent reciproquement,
& rendirent de grands tesmoignages de ioye & de satisfaction de l’accommodement,
& on se separa sur les neuf heures du soir. Et le lendemain
Messieurs les Deputez separement sur les huict heures ont esté saluër
Monsieur le Duc d’Orleans & Monsieur le prince, lesquels les ont
acceuillis auec toutes sortes de caresses & de tesmoignages de bien-veillance,

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& ont dit que bien tost on les verroit à paris. Et sur les dix
heures tous les Deputez en corps ont esté prendre congé de Monsieur
le Duc d’Orleans, où estoit aussi Monsieur le Prince, & a esté dit tout
haut par Monsieur le Duc d’Orleans, que la peine qu’il auoit euë de seiourner
à Ruel pendant neuf iours luy auoit esté tres agreable, puis
qu’elle auoit produit la paix, & la reconciliation de tous les cœurs :
Et Messieurs ayans reconduit Monsieur le premier President en son logis,
leur a donné ordre de se tenir prests à vne heure pour partir.

 

Obmission à la page 6. ligne 29, apres ces mots, Monsieur le Prince
de Conty, il faut adiouster, & ayant monstré la lettre, elle fut
par luy leuë, & elle estoit en ces termes.

MONSIEVR,

Il est midy, il n’y a point de bled arriué à Paris par la riuiere, & nous n’auons
receu du sieur Lesné, non plus que du sieur de Lescot Escheuin, que des procez verbaux,
qui nous aprennent qu’il n’y a pas de magazin à Corbeil, Melun, ny Montreau,
tel que l’on s’estoit imagine, & que difficilement on pourra tirer par cette
riuiere les trois ou quatre cens muids de bleds que nous deurions desia auoir receus :
Et comme cet article est non seulement le premier, mais le fondement de la
Conference, sans l’establissement duquel & l’execution de bonne foy, l’on ne
peut entrer en la discution d’aucune chose, la Cour m’a chargé de vous escrire le
mauuais estat auquel est cette affaire, afin qu’en estant aduerty, & par vous Monsieur
& Messieurs les autres Depuiez, il y soit pourueu. Nous espirions ce matin
receuoir des ordres generaux pour laisser arriuer en cette ville non seulement les
bleds, mais aussi les autres grains, chairs, bois, fourages, & autres choses necessaires
pour subsister pendant le cours de la Conference, sans qu’il fust plus besoin
d’en receuoir vn particulier chaque iour : & que ces ordres portassent celuy de
laisser arriuer pour les trois iours passez, non seulement les trois cens muids de
bled, mais toute la quantité que vous aurez arbitré se denoir consommer par chaque

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iour, ensemble des autres denrees, dont nous attendons la liberté des passages
tant par l’vne que par l’autre des riuieres, & par la terre s’il se pouuoit pour la facilité
de les faire assembler. Nous esperons que vous nous ferez auoir vn passeport
general pour ceux que nous chargerons du soin, mesmes pour vn de Messieurs
les Conseillers si la Cour iugeroit necessaire de luy commetre, il vous plaira, Monsieur,
faire pouruoir à la liberté du commerce d’icy à Ruel. Pendant,

 

MONSIEVR,

Vostre.

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Obmission à la page 18. ligne penultiesme, faut adiouster apres
ces mots (le premier President) dont la teneur
ensuit.

LETTRE DES PREVOST DES MARCHANDS
& Escheuins de la ville de Paris.

MESSIEVRS,

Si nous nous voulions arrester au bruit commun, nous aurions desia enuoyé
des mandemens pour assister au Te Deum de la paix, qu’on veut que la Conference
où vous estes ayé aperé : Mais comme on ne conclud pas des contracts
de mariage, sans parler de la mort des futurs conjoints, vous trouuerez bon
que nous vous reїterions la priere que nous vous auons faite par nos lettres precedentes
touchant les passeports des bleds qui nous sont accordez pendant que
ladite Conference aura lieu, à cause que les voictures ne s’en aduancent pas selon
qu’il seroit à desirer, qui nous fait craindre que la quantité n’en soit à Paris,
lors que vous cesserez à Ruel ; & que ce qui manqueroit lors ne fust pas
de facile conuention, s’il n’y estoit pourueu par anticipation : Faites-nous donc
la grace d’en charger vos memoires, à ce qu’il soit accordé, que les grains qui ne
seront arriuez à Paris suiuant les quantitez promises, à raison de cent muids
par iour, à commencer au troisiesme Mars à la fin de ladite Conference, y seront
voicturez en bonne & seure garde, auec defenses à toutes personnes de les
empescher à peine de la vie & de violer le droict des gens.

Nous sommes icy accablez des Bourgeois & du menu peuple, qui demande
du bled afin de ne point passer par les mains des Boulangers à cause de la
chereté du pain, ce que Messieurs du Parlement n’ont pas trouué à propos
de leur accorder ; mais bien leur ont promis qu’ils auroient du pain blanc
à deux sols six deniers la liure, le bis-blanc à deux sols, & le noir à dix-huict

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deniers, ce qui les a en quelque façon contentez : leur apprehension est
que ce bon marché ne leur dure pas long-temps. Faites-nous la grace de nous
croire tousiours,

 

MESSIEVRS,

Vostres-humbles & affectionnez seruiteurs,
les Preuost des Marchands & Escheuins
de la ville de Paris, LE FERON.
HACHETE.

De Paris en l’Hostel de ville
ce 8. Mars 1649.

Et à costé est escrit ; Nous auons apris auant le depart de ce Courier que
le Parlement auoit donné Arrest aux fins de cette missiue, dont vous aurez sans
doute l’original par son arriuée.

LETTRE DE MONSIEVR DE BELLIEVRE.

MONSIEVR,

Ie vous escriuis au dernier iour ce que Monsieur de Boüillon m’auoit mandé
concernant les interests de Monsieur de Turenne, auiourd’huy la declaration
en a esté faite au Parlement, par laquelle il a esté donné à entendre qu’il marchoit
en deçà, & que depuis dix iours, il a passé le Rhin auec toutes ses troupes,
tant infanterie que cauallerie, à la reserue d’vn Regiment débauché par le Gouuerneur
de Brissac, dont partie commençoit à le reioindre.

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La Compagnie est fort en peine de n’auoir point de nouuelles de l’estat auquel
vous estes dans la Conference, & les differends bruits qui en courent icy, pourroient
aussi-tost produire de mauuais que de bons effets : l’incertitude des nouuelles
de cette impatience, agiste bien fort ces esprits, qui se fussent ce matin portez
à reuoquer le pouuoir de Messieurs les Commissaires, sur ce que nous ne receuons
point de bled, & que cependant ils voyent que les affaires s’aduancent fort,
si l’expedient n’auoit esté pris de vous donner aduis par cette lettre de cette inexecution,
au preiudice de laquelle nous nous sommes tous imaginez, que vous
ne voudriez pas que l’on parlast d’aucun autre article, & que vous feriez surceoir
la Conference, iusques à ce que nous ayons receu au moins les bleds promis,
les chairs, fourages, bois & autres choses necessaires à la vie, que nous estimons
que l’on empesche indirectement qui nous soient apportez : il vous plaira, Monsieur,
m’enuoyer auant l’entrée de demain au Palais, dequoy satisfaire à la Compagnie
sur ce point, dont elle m’a chargé de vous escrire, & sur celuy dont ie me suis
cy-deuant donné l’honneur de vous mander quelque chose, pour la liberté des passages
d’icy à Ruel : l’on auoit creu que vos couriers ne seroient pas obligez de passer
par le quartier de sainct Cloud, & que le bac de Suresne seroit restably : les
difficultez d’auoir de vos nouuelles, & de vous faire sçauoir de celles d’icy,
pourroit porter les esprits à donner quelque Arrest, qui rendroit plus difficille
l’execution des bons desseins que vous auez. Ie vous escris en haste, & ne pouuant
trouuer vostre courier ordinaire, ie vous enuoye celuy-cy, que ie vous prie
renuoyer auec response auant le Palais,

MONSIEVR,

Vostre tres-humble & tres obeїssant
seruiteur DE BELLIEVRE.

De Paris ce 8. Mars
1649.

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Anonyme [1649], RECIT EXACT ET FIDEL DE CE QVI S’EST PASSÉ A LA CONFERENCE DE RVEL, Pour la Negotiation de la Paix. , françaisRéférence RIM : M0_2996. Cote locale : E_1_19.