Anonyme [1649], OBSERVATIONS CVRIEVSES, SVR L’ESTAT ET GOVVERNEMENT DE FRANCE. Auec les Noms, Dignitez & Familles principales, Comme il est en la presente année 1649. Nouuellement reueuës & augmentées. , françaisRéférence RIM : M0_2568. Cote locale : C_6_40.

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OBSERVATION
CVRIEVSES,
SVR L’ESTAT
ET GOVVERNEMENT
DE FRANCE° ;
Auec les Noms, Dignitez & Familles
principales.

L’ESTAT & gouuernement de France est Monarchique,
les Roysy sont absolus & Souuerains,
& ne tiennent leur Couronne que de Dieu & de
leur espée. Ils entrent en ce grand heritage par
les degrez de la succession, & depuis 1227. ans,
soixante cinq ont heureusement continué leur
Regne sous trois races : A sçauoir de Meroüée, de Charlemagne, &
de Hugues Capet, dont la Maison Royalle de Bourbon tire sa naissance,
estant sortie de Robert Comte de Clermont, dernier fils de
sainct Louys.

La Monarchie
de France fut
fõdée l’an 420.

Robert marié
auec la fille
vnique, & heritiere
d’Archãbauld
Baron de
Bourbon.

C’est elle que nous voyons assise sur le Throsne, malgré la ligue
& les factions Espagnolles, qui vouloient rauir cette legitime
Couronne à Henry IV. grand pere de Louys XIV. à present
regnant, par le decez du feu Roy Louys XIII. son pere, arriué
le 14. May 1643. à sainct Germain en Laye.

Louys XIII.
mourut 33 ans
moins vne heure
apres la mort
du Roy Henry
IV.

Icy seulement les Enfans masles ont prerogatiue de succeder à

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l’exclusion des femelles, suiuant la loy Salique. C’est pourquoy
les Anglois ont mauuaise grace de pretendre & appuyer les fondemens
d’Edoüard sur son droict maternel ; outre que cette querelle
fut decidée par les Estats generaux assemblez à Paris, qui
adiugerent la Couronne au Comte Philippe de Valois. La pluspart
des autres Roys sont Electifs ou fiefs de l’Empire ou de l’Eglise.

 

Les Roys de France sont Empereurs en leur Royaume, & autres
n’y peuuent faire des loix & Ordonnances, ny actes de Majesté ;
ce qu’on fit voir à l’Empereur Charles IV. en la Ville de Lyon,
quand il voulut eriger en Duché la Comté de Sauoye ; & de peur
que les Vniuersitez de France ne fussent comme vn adueu de
leur authorité, les Loix des Empereurs Romains, & des Iurisconsultes
ne s’y enseignent que par permission de nos Roys, & ne
s’obseruent que comme conformes à leurs Ordonnances & à
l’equité.

Le Roy seul fait des loix & les interprete ; donne des lettres de
grace, de remission, de naturalité, de cottisation, de leuées de
deniers ; qu’il peut mesme par vn priuilege special imposer sur
le Clergé : Puisque par le droict commun les Princes Laïques
ne peuuent demander aucun don ny emprunt sur les Ecclesiastiques,
sans le consentement du Pape. Le Roy donc le peut en tout
cas de necessité, de laquelle interpretation l’arbitrage luy appartient
s’il est en aage de vingt ans ou au dessus : où s’il en a moins
aux Ministres principaux de son Estat : ce qui se pratique depuis
peu le Roy ayant pris sur tous les biens du Clergé, la sixiesme
partie, bien que le droict de conferer des Prebandes soit Spiritiel :
toutesfois de plein droict sa Majesté confere des Benefices
qui n’ont pas administration d’ordre Ecclesiastique, nommé
aux Eueschez tel qu’il luy plaist, reçoit par les Officiers de la
Chambre des Comptes, leurs fidelitez & hommages qu’ils
prestent, ayant l’Estole sur le col & les mains sur la poictrine,
qui est l’estomach, pour la distinction des Officiers Laïques,
qui joignent leurs mains pour marque de leur subjection.

Le Parlement a
[1 mot ill.]it depuis peu
[1 mot ill.]oir son authorité,
& le droict
qu’il prend à
cét arbitrage.

L’establissement
[1 mot ill.] Conseil, de
[1 mot ill.]onscience, [1. mot ill.]
preiudiciable
à cette nomination.

De mesme il a cognoissance des actions reeles entre personnes
Ecclesiastiques, & du possessoire des choses spirituelles, ou de celles
les qui ont quelque annexe de Spiritualité, dont la Iurisdiction est
deffenduë aux Iuges spirituels.

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Par dispensation toute particuliere, il possede dignitez Ecclesiastiques
estant premier Chanoine de Lyon, de Poictiers, du Mans,
d’Angers & de sainct Martin de Tours.

Il a le pouuoir de prendre droicts de regale sur certains Eueschez ;
mais cette prerogatiue l’emporte sur tous les Princes ; ne
pouuant, comme eux, estre excommunié, ny son Royaume interdit ;
ce qui le met à couuert des Censures & Anathemes de Rome,
dont les Bulles ont esté souuent lacerées par Arrest de Parlement,
qui examine & controlle seuerement tout ce qui peut choquer
l’authorité des Roys, & les libertez de l’Eglise Gallicane.

Tesmoin ce qui
se passa entre le
Pape Boniface
VIII. & le Roy
Philippes IV
dict le Bel.

Ils portent le tiltre de Tres Chrestien & Fils aisné de l’Eglise ;
non pas comme vn present venu de Rome, ainsi que les Roys
d’Espagne, qui depuis le Roy Ferdinand portent le nom de Catholique
que le Pape leur a conferé, pour auoir chassé les Maures
de leur Païs ; & comme les Roys d’Angleterre nommez Deffenseurs
de la Foy, depuis que le Roy Henry VIII. escriuit contre
Luther : mais le consentement de tout le monde & leur vertu,
les mit en possession de ce nom Auguste, ayans par les mains
de Clouis, Martel, Pepin, Charlemagne, & tant de braues
Princes sauué l’Estat de l’Eglise, & conserué ses Autels, de l’outrage
des Infidelles.

Il appartient au Roy seulement de seeler en cire jaune ; le
seel des autres estant en cire rouge, ou verte, & leurs grandeurs
ne recognoissent aucune Puissance plus Souueraine. Ils en communiquent
l’esclat à leurs Fils aisnez, qui en cette qualité
precedent tous les autres Princes Chrestiens ; Et si les Ambassadeurs
d’Espagne disputent aux nostres le rang, & l’honneur
de la preseance, ce n’est que depuis Charles le Quint,
qu’ils ont voulu vsurper cet auantage, qui par tous les Conciles,
Estats de Pologne & Iugement des Venitiens ont demeuré
en faueur de nos Roys, comme les plus Augustes & anciens
de la terre.

Qu’il le fait beau voir le iour de son Sacre, receuant ce Charactere
Royal, cette marque de Diuinité & de Religion, le Ciel
ayant pris soin du temps de Clouis, d’enuoyer pour ce Mystere la
Saincte Ampoulle, qui se garde tres-religieusement à Rheims, &
qu’vn Ange apporta miraculeusement.

En cette ceremonie le Roy est habillé de trois sortes, en Diacre,

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en Roy, & en Iuge, comme fait voir la figure du Roy Henry IV. à
sainct Denys en France.

 

Cette figure [1 mot ill.]
au thresor de
sainct denys.

Tous les Princes & Pairs de France s’y trouuent, & chacun y a son
office & estat particulier.

L’Archeuesque de Rheims fait sa charge accoustumée, qui est
d’oindre & consacrer le Roy.

L’Euesque de Laon porte l’Ampoulle,

L’Euesque de Langres officie en l’absence de l’Archeuesque de
Rheims.

L’Euesque de Beauuais porte le Manteau Royal.

L’Euesque de Noyon la ceinture & le bauldrier.

L’Euesque de Châlons l’Anneau.

Notez que de tout temps ces Euesques sont Pairs de France ;
les trois premiers, Ducs ; & les trois autres, Comtes. Et que
le Roy ayant depuis conferé cette qualité à plusieurs Seigneurs,
il tire de ce nombre tel qu’il luy plaist pour representer les anciens
Ducs & Pairs, & conseruer leur lustre en cette action.

Vn sous le nom du Duc de Bourgogne qui porte la Couronne
du Roy.

Vn autre soubs le nom du Duc de Guïenne qui porte la Banniere
quarrée.

Vn autre soubs le nom du Duc de Norman die qui porte l’Espée.

Le Comte de Thoulouse les Esperons.

Le Comte de Champagne la banniere Royalle.
Et le Comte de Flandres representé par quelqu’vn, les Gantelets.

Vous remarquerez que l’Archeuesque de Rheims va prendre
la Couronne du Roy sur l’Autel, pour monstrer l’independance du
Roy qui ne releue que de Dieu.

Les Reynes sont seulement ointes au chef, d’autre Cresme que
de celuy de la saincte Ampoulle. Toutesfois la beauté des ceremonies
rend cette action magnifique : Mais celuy de Marie de Medicis
eut vn succez bien fatal par la mort de Henry IV. tué le lendemain.

Les Fils & Filles des Roys n’ont point d’autre surnom que de
France.

Les freres des Roys pour marque de leur grandeur se nomment
freres du Roy ; comme Gaston Iean Baptiste fils de France, frere
vnique du feu Roy, Duc d’Orleans.

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Le fils aisné des Roys prend la qualité de Dauphin. Imbert
Prince du Dauphiné ayant donné la Couronne de sa Prouince
aux conditions qu’ils en porteroient toûjours le nom ; comme
estans heritiers presomptifs du Royaume ; ainsi qu’en Angleterre
l’aisné s’appelle Prince de Galles, à Nauarre Prince de Viane.

Le deuxiesme s’appelle Duc d’Orleans.

Le troisiesme Duc d’Anjou.

Le quatriesme Duc d’Alençon.

Le cinquiesme Duc de Berry.

Le sixiesme Duc de Valois.

Les Roys venans à la couronne, & issus d’vne ligne collateralle,
quittent le nom de la branche de laquelle ils sont descendus, comme
s’ils estoient de Valois, Orleans, ou de Bourbon, ne portent
plus ces noms, ainsi seulement s’appellent Henry, Charles, François,
Louys, ou autrement.

Vous remarquerez que tous Princes de la Maison de France possedent
leurs terres & reuenus sous le nom d’Appannage, & non en
proprieté, & que tous leurs biens retournent à la Couronne par le
droict de reuersion, afin que le Domaine demeure entier, & que
le partage ne vienne à le ruïner par la suite de ses diuisions. Les
Enfans qui descendent d’eux, retiennent le nom de leur Appannage ;
comme la fille de Monsieur le Duc d’Orleans s’appelle
Anne Marie & Louyse d’Orleans, à cause que, ce Duché est le tiltre
de Monsieur son pere.

Les filles des Roys portent le surnom de France, & la qualité de
Madame, du iour de leur naissance ; comme Elizabeth de France
qui a esté mariée au Roy d’Espagne, Henriete Marie au Roy de la
Grande Bretagne ; & Christine de France mariée au deffunct Duc
de Sauoye pere de celuy d’apresent, toutes trois sœurs du feu Roy.

Les Reynes de France estans vefues ont le plus souuent les Duchez
de Bourbonnois, Auuergne, Angoulẽsme, & le Comté d’Evreux,
auec d’autres appointemens proportionnez à la grandeur de
leur condition ; & dans la minorité de leurs Enfans, elles ont le
Gouuernement de l’Estat sous le nom de Regente, lors que la
Regence leur est conferée par le Parlement de Paris, qu’elles quittent
quand les Roys sont aagez de quatorze ans, qui est le temps
de leur majorité. Les Princes estans censez majeurs à dix-septans,
& le commun à vingt-cinq ans.

La Bretagne
esté baillée à la
Reyne Regente
d’apresent

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Il n’y auoit n’agueres en France qu’vn Prince du sang, sçauoir
Henry de Bourbon Prince de Condé, premier Pair de France,
Duc de Chateauroux, Gouuerneur de Bourgogne & de Berry, qui
apres vne prison de trois ans & trois mois, tant au bois de Vincennes
qu’à la Bastille, a fait voir qu’on ne profite iamais dans les
rebellions, & que les loix ne flattent personne au preiudice de l’Estat.
Il auoit espousé Charlotte Marguerite de Montmorency, sœur
du Duc de Montmorency, apres auoir esté blessé & pris en bataille
par le Mareschal de Schomberg, qu’il osa donner contre le
feu Roy en faueur de Monsieur le Duc d’Orleans en laditte année
pres de Castelnaudarry.

Il en a eu trois Enfans, à sçauoir Louys de Bourbõ à present Prince
de Cõdé, qui a espousé la fille du Mareschal de Brezé, de la quelle
est né Henry Iules de Bourbon, à present Duc d’Anguyen ; & Armand
de Bourbon Prince de Conty, Gouuerneur de Chãpagne &
de Brie ; & vne fille vnique apellée Mademoiselle de Bourbon mariée
à Monsieur le Duc de Longueuille, qui auoit espousé en premieres
nopces la sœur aisnée du Comte de Soissons, de laquelle il
a eu Mademoiselle de Longueuille ; & de Mademoiselle de Bourbon
sa seconde femme, deux garçons & vne fille.

Le Prince de Condé mourut le 26. de Decembre 1646. aagé de
58 ans & quatre mois.

Louys de Bourbon Comte de Soissons ; grand Maistre de France,
Gouuerneur de Dauphiné, de Champagne & de Brie, aya nt
esté fugitif à Sedan depuis l’an mil six cens trente six, mourut en
l’an mil six cens quatãte & vn en la bataille aupres de la mesme ville.
Il n’a pas esté matié. Sa ieune sœur espousa le Prince Thomas
de Sauoye à present de Carignan, frere du feu Victor Amedée Duc
de Sauoye.

Charles de Valois Duc d’Angoulesme, anciennement appellé
le Comte d’Auuergne, est fils naturel du feu Roy Charles IX.
Il a espousé en premieres nopces la sœur de Madame la Princesse
mere, ayant esté fait prisonnier auec le Mareschal de Biron,
apres vne prison de treize ans qui a expié ses fautes, fut
mis en liberté quelque temps auant la mort du Mareschal d’Ancre.
Il est marié en secondes nopces à vne fille de la maison de
Nargonne en Picardie.

[1 mot ill.] Signe Charles
B. de Valois° ;
c’est à dire
[1 mot ill.]astard de Valois.

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Louis de Valois Comte d’Alez son fils est Gouuerneur de Prouence,
c’est luy qui arresta le Prince Casimir. Il a espousé la veufue
du Comte de Torigny qui fut tué en düel par le Baron de Bouteuille,
qui depuis en l’année mil six cens vingt-sept eut la teste trenchée
en la place de Greue, & le Comte de la Chappelle aussi, pour
luy auoir seruy de second en vn combat qu’il fit en la place Royalle
contre le Baron de Beuuron, & le Marquis de Bussi d’Amboise,
fils en premieres nopces de Madame la Presidente de Mesmes, laquelle
par ses soins les fit arrester & executer à mort.

Le Roy Henry IV. a eu plusieurs Enfans naturels, qui en faueur
de leur legitimation verifiée en Parlement, passent pour Princes,
& portent le nom & armes de Bourbon ; mais auec vne barre qui
passe du costé gauche à trauers des trois Fleurs de Lys.

De Madame Gabrielle d’Etrée Duchesse de Beaufort, il a eu
Cesar Duc de Vendosme, (pere de Louys de Vendosme Duc de
Mercoœur, de François de Vendosme Duc de Beaufort, & d’Isabelle
de Vendosme Duchesse de Nemours.) Auiourd’huy viuant
heritier du costé de sa femme de tous les biens de la Maison de
Mercœur ; Alexandre de Vendosme son frere grand Prieur de
France qui mourut prisonnier au bois de Vincennes, & Catherine
de Vendosme sa sœur mariée au Duc d’Elbeuf.

Henry de Bourbon Marquis de Vernüeil Euesque de Mets,
Prince du Sainct Empire, Abbé de Sainct Germain des Prez
à Paris, est fils de Henriette de Balsac Marquise de Vernüeil, &
a esté legitimé en Parlement, comme Antoine de Bourbon Comte
de Moret fils de Iacqueline de Bueil Comtesse de Moret, qui
mourut en la mesme bataille que ie vous ay marqué la prise du
Duc de Montmorency.

Henry IV. eut encores deux filles de Madame des Essars,
auiourd’huy, mariée à Monsieur le Mareschal de l’Hospital,
sçauoir Ieanue de Bourbon, dicte de S. Maur Abbesse de Fonteuraud
en Anjou, & Marie Henriette de Bourbon, dicte de Saincte
Placide, Abbesse de Chelles.

Monsieur le Duc de Longueuille porte le nom de Henry
d’Orleans estant descendu de Iean Comte de Dunois, bastard
de la maison d’Orleans. En cette qualité neantmoins il est
consideré comme Prince, & deuroit preceder les Princes
estrangers, comme ceux de la maison de Lorraine qui sont

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en France, Messieurs de Guyse, le Duc d’Elbeuf, & le Comte
de Harcourt, & ceux de la maison de Nemours.

 

Cette pretenduë
preseant
est encor indecise :
comme
beaucoup d’autres
en ce Royaume.

De la maison de Mantouë depuis le mariage de la Princesse
Marie auec le Roy de Pologne, il n’y a maintenant en
France que la Princesse Anne, mariée auec le Prince Edoüard
de la maison Palatine, & vne fille.

De la Maison de Sauoye il n’y a plus que le Duc de Nemours
& le Duc d’Aumalle son frere, dont l’aisné est marié
auec Mademoiselle de Vendosme.

Allons au Louure pour y considerer l’ordre dans la diuersité
de tant d’offices. Il faut distinguer ceux de la Maison, de
la Couronne, & des Finances.

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