Anonyme [1651], MANIFESTE DES PROVINCES FAIT AVX PARLEMENS, SVR LA LETTRE CIRCVLAIRE DV PARLEMENT de Paris aux autres Parlemens de France. AV SVIET DE L’EXPVLSION du Cardinal Mazarin hors du Royaume. , françaisRéférence RIM : M0_2387. Cote locale : C_11_3.
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MANIFESTE
DES PROVINCES
FAIT AVX
PARLEMENS,
SVR LA LETTRE CIRCVLAIRE
du Parlement de Paris aux autres
Parlemens de France.

AV SVIET DE L’EXPVLSION
du Cardinal Mazarin hors du Royaume.

IL faudroit estre insensible & sans iugement
pour ne se plaindre du mal pressant
qui trauaille & tourmente les peuples
sans leur donner aucun repos ny
relasche : C’est vouloir viure & mourir
dans sa langueur, que de ne chercher les remedes
ny les moyens d’en sortir & d’en estre garanty ; Il y a
long-temps que la France gemit, souspire & patiente
sans mot dire, souz le faix onereux des oppressions
qu’elle endure & qu’on luy fait souffrir, &

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comme la violence la presse & la menace de sa derniere
ruyne : Elle à finalement pris resolution d’embrasser
l’occasion presente pour mettre ses plaintes
au iour & les faire entendre aux Cours Souueraines,
lesquelles vnies & en bonne intelligence les escouterons
& en ordonneront ce qu’elles iugeront estre
necessaire pour leur bien & leur soulagement.
Voicy la saison qui fait esperer à la France de reuoit
son premier calme, retourner & deliurer de la longue
misere qui l’auoit presque abbatuë & reduite à
l’impossible d’en voir la fin, par la genereuse resolution
que le Parlement de Paris, vny auec les Princes,
& secondant les vœux des trois Estats du Royaume,
à prise de se prendre à la racine du mal, la
couper, la retrancher & luy oster les moyens de ne
plus nuire, lors que par son Arrest tres-iudicieux
elle à resolu & ordonné que Iule Mazarin, pierre de
scandale de toute la Chrestienté, seroit forclos du
Gouuernement, & sortiroit du Royaume, comme
ennemy de son bien & perturbateur du repos public.
Cét Arrest a esté suiuy d’vne autre en forme
de Lettre Circulaire, enuoyée aux autres Parlemens
de France, les inuitant d’embrasser leur commune
vnion, contre l’ennemy commun, & de donner pareil
Arrest contre ce mauuais Ministre, portant qu’il
sera exclus du Ministere & contrainct de sortir du
Royaume.

 

Chaque Prouince en ayant eu advis, & considerant

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qu’il y alloit de la cause vniuerselle de toute
la France ; s’est resoluë de témoigner l’aggréement
quelle à de ceste iuste & importante resolution, &
se conformer a tout ce que les Parlemens en ordonneront,
& pour cét effect chacune en son particulier
a fait son Manifeste au Parlement, auquel elle
est dépendante & ressortissante, comme il s’ensuit.

 

MANIFESTE FAIT AV
Parlement de Paris, par les Prouinces
de son ressort.

MESSIEVRS,

Novs rendons graces à Dieu, de ce
que nous ne sommes plus dans le Paganisme,
& que n’auons besoin d’aller & d’enuoyer à
Delphe consulter l’Oracle d’Apollon, dans nos necessitez,
puisque nous en auous de veritables dans
ce sacré Temple de Themis, la Cour des Paris,
en la quelle les oppressez trouuent leur consolation,
les persecutez leur azile, les orphelins leur support
& les miserables leur reconfort, nous l’avons assez
recogneu dans ces derniers temps calamiteux, ausquels
le Cardinal Mazarin nous auoit plongez :
Car dans nos tourmens & douleurs vous auez esté
nos Esculapes, qui auez fomenté nos playes par le

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Baulme de cét Arrest, les poursuiuies dans les vagues
& les tempestes furieuses de ses appointez ;
Nos Neptunes qui auez chassé les orages & rappellé
le calme, & parmy les tenebres de nos ennuys, vous
auez esté les Apollons qui auez fait reluire sur nous
les splandeurs & les lumieres d’vne douce tranquilité,
Paris la premiere & la Prouince de l’Isle de France,
que les Mazarins Italiens, vouloient reduire en
esclauage & obligez d’aller mandier leur pain qu’il
leur retenoient, ont veu par vos prudences les greniers
ouuerts, qui dans la famine, qu’ils croyoient
voir desoler les Villes & bourgades, ont entretenu
l’abondance & empesché la necessité ; Les peuples
qu’ils croyoient voir perir dans leur sang, & s’entretuer
dans le blocus qu’ils tenoient deuant Paris, se
resiouïr & prier leurs Generaux de les mener à la
Campagne, pour assaillir leur ennemy. La Champagne
& la Picardie, secouée par la bourasque des
gens de guerre, qui y firent naistre la desolation, se
sont veuës par vostre preuoyance, deliurées de ces
gloutons, sacrileges & boutefeux. La Beausse, le
Gatinois, la Touraine, l’Anjou, le Mayne & le
Poictou, saignés iusques aux os par les Vautours
Mazarins, qui deuoroient leurs biens & leur vie,
pour complaire au tyran Italien, ont repris cœur &
courage, lors que par vostre authorité la Noblesse &
les Communes se sont mis en estat de repousser la
force par la force, & de courir à leur ennemy iuré.

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C’est aujourd’huy, MESSIEVRS, que ces Prouinces
obeïssantes à vos Loix & à vos Ordres, declarent
qu’en execution de vostre Arrest se mettent en deuoir
de poursuiure Mazarin, & de contribuer leurs
armes & leurs vies pour le faire sortir du Royaume,
& seliberer d’vne tyrannie si cruelle & insuportable.

 

MANIFESTE DE LA
Prouince de Normandie,
à son Parlement.

MESSIEVRS,

L’obligation que toute la Prouince à
aux soins que vous auez tesmoigné à les maintenir
aux saisons nubuleuses, & singulierement en ces
derniers, esquelles vous l’auez garantie de la mauuaise
volonté que Mazarin auoit pour la rendre esclaue
de ses violentes entreprises, & l’oppression
genereuse que vous auez faite à l’establissement d’vn
Semestre parmy vous (qui eust esté vne charge onereuse
à tout le païs,) qu’il vouloit faire pour y mettre
de ses pensionnaires, & rendre ainsi vostre Illustre
Compagnie en jalousie & comme en tutelle, la
priuant de sa liberté naturelle, a conuié tous les ordres
de cette Prouince d’embrasser vne vnion parfaite

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& indissoluble auec vous, declarant qu’ils s’opposeront
à tous ceux qui voudroient se seruir du
nom de Mazarin, pour nous obliger à nous souzmettre
aux loix de ceux qu’il nous donneroit, qui
seroit vn blasme à nous & vn reproche immortel à
nos nepueux, qui regretteroient qu’vne nation si
genereuse se seroit ainsi abbaissée. Non, MESSIEVRS,
cela ne se dira iamais de nous, au contraire
nous sommes prests de sortir auec six mil Gentils-hommes
au moins, & bon nombre de gens de guerre
pour empescher que ce tyran ne s’empare d’aucune
place parmy nous, & concurreront auec vous,
obeïssans à vostre Arrest pour le chasser, non seulement
hors de la Prouince, mais hors les limites du
Royaume, si besoin est, en luy refusant nos Portes &
nos Ports, que nous garderons tousiours dans le seruice
du Roy, auec nostre fidelité naturelle.

 

MANIFESTE DE LA
Prouince de Languedoc au Parlement
de Tolouze.

MESSIEVRS,

Ainsi que ceste Prouince à tousiours témoigné
auoir en horreur la domination Estrangere,
aussi dans l’occasion presente, persistant en ceste

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loüable resolution, elle persiste ne iamais se desvnir
d’auec vous, mais de demeurer inuiolablement attachée
à vos Arrests, qu’elle maintiendra & fera executer
ponctuellement, & sur tout contre ceux qui
fauoriseront le Cardinal Mazarin, ses adherans partisans,
qui voudroient establir des factieux parmy
nous, pour y mettre le trouble & authoriser sa tyrannie :
Le sujet que nous auons de ce faire, est qu’il
semble que cét homme l’à ait pris plaisir à dépeupler
le Languedoc & l’appauurir, en la faisant contribuer
hommes & argent pour la guerre de Catalogne :
Sujet plausible à luy, pour entretenir ses
voleries ; car au lieu de faire payer les gens de guerre
qu’il y enuoyoit & de donner moyen aux Princes
& Generaux d’y faire des progres qu’on s’en promettoit,
pour le bien & seruice du Roy, leur seul
courage les y a fait subsister tant qu’il leur a esté
possible, & iusques au debandement des trouppes
faute de payes & de viures : ces raisons qui accompagnent
nos plaintes, augmentent en nous la volonté
en execution de vostre Arrest, d’employer
tout ce qui nous reste de forces & de moyens
pour donner la chasse aux Mazarins iusques hors
le Royaume.

 

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MANIFESTE DE LA PROVINCE
de Guyenne au Parlement de Bourdeaux.

MESSIEVRS,

S’il y a Prouince en France qui ait occasion
de se plaindre c’est celle de Guyenne, & de se
ressentir de la guerre injuste que Iule Mazarin luy
a faite pour l’auancement de son malheureux dessein,
qui estoit de la ruiner soubs pretexte du Gouuernement
que nous souffrions le plus violent &
rigoureux qui se soit veu : Vos remonstrances par
escrit & de viue voix, que vous auez faites & enuoyées
iointes auec nos souspirs & gemissemens
n’ont seruy qu’à renforcer les cœurs de pierre de
Mazarin, & de ceux qui recherchoient son alliance :
sujet du grand trouble que la Prouince à souffert des
ruynes & miseres qu’on luy a fait ressentir, sans
auoir eu esgard à sa fidelité natutelle enuers ses
Rois, ayant tousiours fermé l’oreille aux ennemis
de l’Estat, qui ont souuentesfois essayé à corrompre
& affoiblir nostre constance, par leurs offres
d’hommes & d’argent, pour nous faire embrasser
vn party contraire à nostre ieune Monarque, au
contraire elle à tousiouts nourry des Capitaines &
des Soldats de cœur, aguerris & tres-fidels, qui ont
rendu de tres-grands seruices a ceste Couronne,

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tant dedans que dehors le Royaume, & a tousiours
eu parmy vous vn Senat & vn Parlement incorruptible,
qui a maintenu ponctuellement le seruice
& l’obeïssance deuë au Roy, & pour recompense
vn tyran parfaict, a voulu immoler nos vies & nos fortunes
à sa tyrannie, en ruïnant & desolant la Province,
par la guerre qui alloit à l’entiere desolation
de la ville de Bourdeaux, si dans la genereuse resolution
de ses braues Senateurs, & le courage de
ses habitans elle ne se fust deffenduë. C’est pourquoy
puisque Mazarin est à present tombé en la
haïne publique, & que vous, MESSIEVRS, auez
embrassé l’vnion du Parlement de Paris, & donné
Arrest semblable au sien, pour se deffaire de cét inhumain
Ministre : toute la Prouince declare qu’elle
employera tout ce que Dieu luy a donné de force
pour se liberer de ce commun ennemy, en le chassant
hors du Royaume.

 

MANIFESTE DE LA PROVINCE
de Bretaigne au Parlement de Rennes.

MESSIEVRS,

Ainsi que de tout temps la Bretaigne n’a
pû souffrir ny endurer de tyran la dominer & luy
donner la Loy : Aussi a elle tousiours esté depuis

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qu’elle est deuenuë Françoise, fortement attachée
à la conseruation & entretenement de ses Priuileges,
Franchises & immunitez, dans le seruice qu’elle
rend au Roy, elle n’a iamais seruy de retraitte
n’y d’azile aux rebelles n’y aux sujets infidelles &
traistres à sa Majesté : Et vous, MESSIEVRS, comme
Iuges incorruptibles, n’avez iamais pardonné
telles perfidies, mais les auez tousiours condamnez
& seuerement punies par l’equité de vos Arrests : aussi
le Cardinal Mazarin, quoy que violent & temeraire,
n’a pas osé rien entreprendre sur ceste Prouince,
quoy qu’il en ait eu la volonté : Il n’y a pû auoir
aucune place à sa deuotion, encore qu’il y eust eu
des partisans & des pensionnaires pour cét effect : car
il sçeu que la Bretaigne à rrop de courage pour
souffrir des traistres, qui ne se sont iamais bien
trouuez d’y faire des pratiques, & d’y fomenter des
factieux : mais elle s’interesse au mal commun de
toute la France, à cause de la guerre que Mazarin
à tousiours voulu entretenir : Elle s’est ressentie
des effects d’icelle par la cessation de son commerce
aux païs Estrangers, qui fait la meilleure & plus
grande partie de sa richesse : Puis donc, MESSIEVRS,
que vous auez receu la Lettre Circulaire du Parlement
de Paris, pour embrasser vne parfaite vnion
auec les autres Parlemens du Royaume, contre les
entreprises de ce faux Ministre, nous declarons estre
prests d’assister & seconder les resolutions que vous

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prendrez d’ayder à bannir de France Mazarin & ses confidens
Italiens.

 

MANIFESTE DE LA PROVINCE
de Prouence au Parlement d’Aix.

MESSIEVRS,

Il n’est pas besoing de vous representer
les maux que le Cardinal Mazarin nous à faits, &
qu’il a eu tousiours enuie de nous faire, vous en
estes assez instruits par la diuision qu’il a voulu mettre
entre vous & la Prouince, affin d’auoir plus grande
facilité de nous perdre : Il y a entretenu la guerre
assez long-temps, auec perte de bon nombre d’hommes
& ruïnes du païs ; il a voulu affoiblir vostre Compagnie
en la voulant rendre Semestre, afin d’y tenir
de ses adherans, qui eust ruïné vostre vnion & parfaite
intelligence, mais vous auez fait veoir la grandeur
de vos courages, en lui resistant & en vous opposans
à tous ses mauuais desseins. Il a fait tout son
possible pour desnuer les Ports de Prouence, de Galeres,
de Nauires & d’hommes, pour les enuoyer en
Italie, accroistre ces belles conquestes, ce qui a donné
sujet aux Pirates d’estre continuellement à nos
costes, pirater & prendre nos Vaisseaux & nos Marchandises,
ce qui rend nos Villes & le païs pauures

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& necessiteux : Mais puis qu’vne si belle occasion
se presente de chasser nostre commun ennemy,
& que le Parlement de Paris vous en offre les
moyens, embrassans l’interest du public, & que
nous ne doutions point que ne seconderez leur loüable
& necessaire resolution, la Prouince declare
qu’elle y contribuera tout ce qui lui sera possible
pour auec vous nous deffaire de ce tyran public.

 

MANIFESTE DE LA PROVINCE
de Bourgongne au Parlement de Dijon.

MESSIEVRS,

Nous n’auons pas sujet de nous venter
qu’auons esté exempts de la tyrannie & violence du
Card. M. pretendu Ministre d’Estat, nous en auons
ressenty des effects trop cuisans pour ne point plaindre
nostre mal auec celuy qu’il a fait ressentir à toute
la France. Il a voulu attirer la guerre en ceste Prouince,
souz pretexte de prendre la forte place de
Bellegarde, mais son dessein ne vouloit pas s’arrester
là, il auoit enuie de le pousser plus auant s’il eust veu
la disposition des Estats y auoir de l’inclination
pour lui & pour ses interessez : mais ne l’ayant peu
trouuer, il a discontinué son entreprise sans pourtant
laisser le païs libre de gens de guerre qu’il y a

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tousionrs entrétenus pour nous trauailler & nous
faire manger nostre pain à la sueur de nostre visaga :
En cela, MESSIEVRS vous estes à loüer, car
sans abandonner le seruice du Roi, vous auez par
vos Arrests crié aux volleurs, aux sansuës du peuple
les Intendans de la Iustice & les Partisans, & à
present que vous estes inuitez par le Parlement de
Paris, d’vnir vos bonnes volontez & vostre generositez
auec luy, contre Mazarin, les Estats de la
Prouince declarent estre de pareil sentiment, de
chasser ceste peste de la France, & d’en abolir la
memoire, maudite & damnable, qui à ruyné tant
de millions defamilles.

 

MANIFESTE DE LA PROVINCE
de Dauphiné au Parlement de Grenoble.

MESSIEVRS,

Encores que les montaignes nous enuironnent
& qu’il semble que la Prouince du Dauphiné,
ne soit cõme les autres abondante en hommes ny
en moyens : Neantmoins nous voulons bien que la
France sçache qu’elle ne cede rien en courage &
& valeur de Noblesse à aucune autre Prouince. Les
guerres de Piedmons & de Sauoye en rendront de
tres-bons témoignages, puis que les Capitaines

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plus recommandable qui y ont commandé, ont
esté la plus part tirez du Dauphiné, pour y seruir
le Roy auec toute sorte de fidelité : Aussi au rencontre
qui se presente de mettre la France en repos par
l’expulsion du Cardinal Mazarin, & sçachant que
vous estes assez bien informez de la resolution du
Parlemenr de Paris, sur ce qu’il vous en à escrit,
de faire vne vnion & vn effort commun, pour nous
deliurer de sa tyrannie : Sçachez MESSIEVRS,
que les Estats de la Prouince ne manqueront pas
à suiure vos ordres en vne occasion qui ne peut
qu’estre glorieuse & tres-vtile au Royaume.

 

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Anonyme [1651], MANIFESTE DES PROVINCES FAIT AVX PARLEMENS, SVR LA LETTRE CIRCVLAIRE DV PARLEMENT de Paris aux autres Parlemens de France. AV SVIET DE L’EXPVLSION du Cardinal Mazarin hors du Royaume. , françaisRéférence RIM : M0_2387. Cote locale : C_11_3.