Anonyme [1649], L’VNION DES TROIS PARLEMENS DE THOLOZE, BORDEAVX ET DE Prouence. , français, latinRéférence RIM : M0_3911. Cote locale : C_10_55.
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VNION DES TROIS PARLEMENS
de Tholoze, Bordeaux, & de Prouence.

Personne ne doute que les petites choses ne deuiennent
grandes par l’Vnion, & que la concorde
conserue les Estats, les rend puissants & redoutables,
au lieu que la diuision les destruit, les ruine &
renuerse de fonds en comble Encore que la contrarieté
des principes soit du tout necessaire à la production
des choses. Et que mesmes selon la maxime
des Medecins, la maladie ne peut estre guerie, que
par l’opposition & contrarieté du remede auec elle
ou auec sa cause : neantmoins on demeure d’accord
que l’estre des choses procede le l’vnion, de la matiere
& de la forme, & que les mixtes subsistent aussi
long temps que les Elemens qui les composent
demeurent en leur juste temperamment.

La Politique qui a pour but & pour fin de rendre
les hommes heureux, posé pour maxime asseuree
que la societé ciuile doit estre establie par des
loix qui soient esgalement obserués par tous & vn
chacun des sujets, & que les Estats subsisteront &
floriront tout autant que ceux qui viuent sous vn
mesme gouuernement, rechercheront le bien public,
& viendront à le preferer à leur bien propre
& particulier.

Ceux qui ont voulu rẽuerser le nostre ont allumé

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le feu de la diuision dans le Royaume, & bien qu’estans
les plus pres du Trosne ils deussent employer
leur soin à l’esteindre ; ils ont accreu l’incendie par
leur malice & leur trahison nous donne assez à cõnoistre
qu’il ; ne desirent faire de toutes les Prouinces,
Ville, maisons & familles de France qu’vn continuel
embrasement. Pour satisfaire aux desirs effrenez
de leur conuoitise & de leur orgueil ils ont choqué
toutes les Cours Souueraincs, & ont fait leur
diuertissement comme quelques Roys barbares
d’animer des coqs à les faire battre iusqu’à se tuer les
vns les autres.

 

Nous pouuons dire maintenant comme disoit autrefois
ce Poëte des Romains qui destruisoient leur
Empire en se deffaisant le vns les autres.

Ecce pares Aquilas & pilo minaniis pilis.

Et ce qui est de plus déplorable, c’est que par la
faute de ceux qui doiuent remedier à l’Estat, le mal
va tousiours en empirant, & semble s’irriter contre
ces cremedes, pour ce que s’il y en a quelqu’vn, eux
qui le deuroient procurer s’efforcent de le destruire
ou d’en empescher l’application. L’aueuglement à
pris vn tel empire sur leur esprit, que non seulement
ils ne se soucient point de perdre leur honneur,
& mettre tout au hazard pour satisfaire à
leurs passions déreiglees : mais mesmes approuuent
& commandent des choses que les plus barbases
auroient honte d’executer.

Ils pensent qu’yant remply les enuirons de la

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premiere ville du Royaume de meurtres, de violence
& de sacrileges, ils peuuẽt auec impunité les faire
souffrir au reste du Royaume, & que leur authorité
ne seroit pas bien establie si leurs cruautez
& trahisons ne s’exerçoient dans les Prouinces.

 

Nous auons souffert dans la Guyenne vn tel dégast
que les plus rigoureux ennemis eussent peu
faire, & les peuples les plus coulpables endurer :
apres auoir laisse enfuir ceux qui nous menacoient
de nous perdre, & dont nous pouuions iustement
& aysement nous deffaire, leur ayant donné
la vie, ils nous ont voulu priuer des allimens, &
pour nous ruiner sans ressource ont démoly toute ;
nos maisons des chãps, & braslé nos moissons,
& arraché mesme nos vignes.

Ils ont ietté de leurs bouleuers, & de leurs citadelles
plusieurs vollees de canons contre les Magistrats,
& si nous ne les eussions faits retirer dans
leurs forts ils alloient démolir toute nostre ville.

Mais comme vn mal semble quitter le malade,
quoi qu’ẽ effet il ne le laisse pas lors qu’il est attaqué
par vn plus grand. Tous ces mauuais traittemens
qui ont affligé la Prouẽce semblent estre fort peu
dignes d’estre cõsiderez en cõparaison de la barbarie
qui a esté executé depuis peu en la ville d’Aix.

Le Gouuerneur de la Prouince ayant fait semblant
de vouloir accõmoder les affaires à l’amiable,
n’eust pas beaucoup de peine à faire quitter les armes
à vn peuple qui ne cherche rien moins que la

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liberté, & qui croiroit la pẽsee de sortir de l’esclauage
criminelle, trois iours apres qu’il fust entré dãs la
ville il cõmanda ses satellites d’aller mettre à mort
quantité de pauures innocẽs qui ne songeoiẽt qu’à
se réjouïr à cause de la Paix, l’execution cruelle &
barbare éueilla tous les Citoyens qui prindrent les
armes pour leur defense, ont courageusement laué
dans le sang de ces traistres l’affront que le Parlement
a receu en la personne de plusieurs Conseillers
qui ont esté in dignemẽt pendus & estranglez.

 

Tous ces mauuais traittemens, les trahisons &
barbaries ayant esté exercees en Guyenne & en
Prouence, le Languedoc qui est l’entre-deux, a
par vne iuste apprehension resolu de preuenir pareils
accidens, & par ainsi les trois Prouinces se sont
vnies ensemble, ont enuoyé leurs Deputez au Parlement
de Paris, pour sçauoir s’ils veulent se ioindre
auec eux, ou plustost demeurer ioints les vns
les autres, & trauailler en semble pour la deliurãce
des peuples qui sont opprimez par la tyrannie.

Il y à vne telle liaison & vne si grande corresponce
entre les parties du corps humain, quelles ont
non seulement du ressentiment les vnes pour les
autres, mais mesmes estant affligez, elles s’entredonnent
vn secours. Les plus Nobles enuoyent
quantité d’esprits aux moins Nobles qui sont offensees,
& celles-cy en contre change ne font aucune
difficulté de receuoir le coup qui estoit porté
aux autres, comme nous voyons que la main pare

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le coup qui deuoit tomber sur la teste.

 

La France depuis longues annees honteusement
assernie sous le joug d’vne rude tyrannie, voire telle
que le Regne des Heliogabales & des Nerons,
pourroient estre justement pris pour des siecles
d’or, en comparaison de celuy où nous sommes,
auquel plusieurs millions de personnes n’ont pas
la moitié des necessitez de la vie par le mauuais
gouuernement de l’Estat, auquel les Bourgeois de
la principale Ville du Royaume sont plus mal traittez,
par Imposts, Taxes, Gabelles, Entrees, Emprunts,
&c que ne sont les Chrestiens par le Grãd
Turc à Constantinople. Les autheurs de nostre
malheur ayant veu qu’il restoit encores quelque reste
d’authorité, les Cours Souueraines du Royaume
qui pouuoient s’opposer à la tyrannie, afin qu’il
ne demeurast aucun vestige de liberté ont voulu
aneantir celle des Parlemens, le coup qu’ils ont
porté contre celuy de Paris a esté paré par ceux des
Prouinces qui se sont exposez, s’estant declarez
contre l’injuste administration de ceux qui gouuernent
l’Estat. Les nouuelles de la disgrace des
Parisiens ne furent pas plustost portees dans les
trois Prouinces de Guyenne, de Languedoc & de
Prouence, qu’elles offrirent leurs secours pour la
deliurance de Paris, maintenant qu’elles sont tombees
on pareille disgrace, elles implorent le secours
de ceux qui ont mesme interest, & qui sont obligez
par toutes sortes de deuoirs à ioindre leurs forces

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pour la conseruation de tout le Royaume.

 

Cette vnion que les trois Prouinces ont iuree,
inuite toutes les autres, & principalement le Parlement
de Paris à fait vne Vnion entiere de tous
les bons François pour exterminer ces monstres
qui ne sont plus infames par leurs vices, que redoutables
par leur puissance & authorité.

Nous protestons (disent-ils) non point comme
les Suisses qui ont recouuert leur liberté par vne
sanglante expedition de leur Noblesse, qui ont resistez
par la Ligue des treize Cantons contre les
forces de l’Empire, non point comme les Hollandois
qui ont formé des Estats que la Maison d’Austriche
a esté contrainte de declarer libres & Souuerains,
non point comme des Catalans & Napolitains
qui ont trouué du support parmy nous, apres
auoir voulu secoüer le joug d’Espagne à raison
des Impositions, qui ne sont rien en comparaison
des nostres. Moins encores comme l’Anglois dont
nous detestons la procedure, bien qu’il se soit trouué
mesme vn Roy qui a sait Ligue offensiue &
defensiue auec leur nouuelle Republique. Mais
nous protestons desirer viure & mourir comme
bons François pour le seruice du Roy, la conseruation
de son Estat, le soulagement de son peuple,
& la gloire de la Patrie.

FIN.

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