Anonyme [1649], L’HEVREVSE RENCONTRE D’VNE MINE D’OR TROVVEE EN FRANCE, POVR L’ENRICHISSEMENT DV ROY ET DE SES SVIETS. , françaisRéférence RIM : M0_1631. Cote locale : A_3_81.
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ADVIS ET MOYENS IVSTES,
legitimes, & de tres-facile execution.

Par lesquels sans foule ny oppression d’aucuns des subiects du Roy
(mais au tres-grand repos & soulagement des trois Ordres de son
Estat) & sans toucher à son Domaine, ny à plusieurs anciens
droicts de ses Couronnes : sa Majesté peut auoir les auantages &
les vtilitez suiuantes.

1. Vn Reuenu annuel & perpetuel de plus de six vingts millions de
liures.

2 Vne finance d’Offices tres-vtile & necessaire, montant à pareille
somme, reuenans les deux ensemble à deux cens quarante
millions de liures ou dauantage, qui pourront entrer és coffres
de sadite Majesté dans la premiere année de l’execution desdits
moyens.

3 Augmenter le susdit reuenu annuel, voire le doubler en moins
de trois années suiuantes.

4 Dresser promptement, & entretenir à peu de frais VNE
MILICE de cinquante mille hommes bien exercez & disciplinez,
& tousiours prests au seruice du Roy, & au grand bien &
prosperité de son Estat & Empire.

5 Et establir VNE POLICE tres-digne de sa Majesté tres-Chrestienne
& exemplaire à tous les Estats, Empires & Republiques
de l’Vniners, & le tout auec telle facilité, qu’en moins de
six semaines, il se pourra mettre en bon train & tres-heureux
acheminement.

POVR cét effect, il est necessaire d’abroger plusieurs
mauuaises coustumes, supprimer & abolir
beaucoup d’abus, confusions & desordres suruenus
en cet Estat, au grand preiudice du seruice
du Roy, & au detriment de ses subjets, & ruine
de son pauure peuple, & au lieu d’iceux establir vn bon ordre,

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par lequel toutes choses se facent auec poids & iuste mesure,
& comme il conuient à vn Estat & Empire vrayement Chrestien.

 

Au regard dudit reuenu annuel de six vingts millions de
liures ou dauantage, outre celuy du Domaine du Roy & de plusieurs
anciens droits des ses Couronnes, il sera bien aysé à trouuer
& recouurer, mesme sans y employer aucun Preuost ny Archer,
ny aucun Huissier, ny sergent, pourueu qu’il plaise à sa
Majesté d’abolir & suprimer les tailles, taillon, Aydes, Gabelles
& generalement tous autres subsides & imposts, tant anciens
que nouueaux (exceptez toutes-fois ceux de la Doüanne de
Lyon, & des entrées & traites foraines du Royaume, lesquels
pour certaines bonnes considerations doiuent subsister) Et au
lieu desdites Tailles, subsides & imposts supprimez, ordonner &
establir vn seul tribut, lequel quoy que petit & mediocre, &
qui se payera volontiers & sans contrainte, apportera seurement
& nettement dans les coffres du Roy, le susdit reuenu annuel,
augmentation & doublement d’iceluy : & de plus vn tres grand
soulagement à tous les suiets de sadite Maiesté.

Le moyen de cela gist en ce que selon l’estat de l’Eglise Gallicane,
il y a en France quinze Archeueschez ou Primaties, &
quatre-vingts quinze Eueschez reuestus de six-vingts mille Cures
ou Paroisses, sans y comprendre les Abbayes, Prieurez,
commanderies de Malte, & Conuents de Religieux & Religieuses,
qui sont en nombre d’enuiron vingt mille. Entre lesquelles
Parroisses (& notamment toutes les villes & gros
Bourgs) il s’en trouue vn bon nombre composées de deux, trois,
quatre, six, dix, vingt, quarante, voire cinquante mille Parroissiens
& Communians : De sorte que par bonne & ancienne
supputation, il a esté cy-deuant fait estat, que les Roys de France
commandent à soixante millions de personnes : Or il est bien
vray-semblable que parmy cette grande multitude de suiets, il
s’en trouuera bien six millions de riches ou bien aisez, lesquels en
consideration de la grande gratuité & benignité du Roy enuers
eux, par leur soulagement, & descharge de toutes Tailles, Subsides
& Imposts, payeront volontiers à sa Maiesté vn petit Tribut
de douze deniers chacun par iour, reuenant à 7. sols par semaine,

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à trente sols par mois, & à dix-huict liures cinq sols
par an.

 

Si donc six millions de personnes riches & bien-aisez payent
ce petit Tribut de douze deniers chacun par iour, il montera à
trois cent mil liures par iour, à deux millions, cent mil liures
par semaine, à neuf millions de liures par mois, & à cent neuf
millions cinq cens mil liures par an : Somme fort notable, outre
laquelle, le Roy aura encor le reuenu de son Domaine & celuy
de la Doüanne de Lyon, & des droicts d’entrées & traites
foraines de son Royaume : Et d’autant qu’à l’exception des pauures
Mandians & viuans de l’aumosne, il n’y a si chetif entre les
subiects du Roy qui ne participe aux biens & à la prosperité de
l’Estat, & qui par consequent ne doiue contribuer à ses charges ; à
combien grande & immense somme montera ledit Tribut, si
(en suiuant mesme la parole & la volonté de Dieu) tous les autres
suiets du Roy au dessous des riches & bien-aisez, contribuent
aussi les vns vn denier, les autres deux ou trois deniers,
sinon par iour, au moins par chacune semaine, le total dudit
Tribut n’excedera-il pas de beaucoup la susdite somme de six
vingts millions de liures ?

Touchant la finance d’Offices tres-vtiles & necessaires, montant
à pareille somme que ledit Tribut, elle est certaine & indubitable :
Car pour la perception dudit Tribut, il conuiendra
créer & eriger en tiltre d’Offices des Receueurs particuliers dudit
Tribut, sinon en chacune Parroisse, au moins en chacune
Eslection, Preuosté, ou Chastelenie, & des Receueurs Generaux
en chacune Prouince : Ausquels attribuant des gages au
denier dix de leur recepte, ils financerõt par consequent à raison
du denier dix. Et par ainsi ladite finance montera à pareille somme
que ledit Tribut. Et cette finance pourra seruir au remboursement
des Officiers desdites Tailles & Gabelles, qui demeureront
esteints & supprimez. Et seront lesdits Offices de nouuelle
creation en telle estime, que les riches ne sçachans mieux employer
& asseurer le profit de leurs moyens, les rechercheront
de telle sorte, qu’en moins de six mois, il ne s’en trouuera
point à debiter.

Et quant à l’augmentation, voire doublement dudit Tribut,

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en moins de trois années suiuantes, le Roy se peut promettre &
asseurer, que faisant iouyr ses subiets desdites franchises & immunitez,
les peuples voisins & estrangers desireux de participer
à leur felicité, ne souhaitteront rien tant, que la faueur & la grace
d’estre admis & aggregez au rang & au nombre des sujets de
sa Majesté : Qui est vn moyen tres-puissant pour l’accroissement
& prosperité de son Estat & Empire, & par lequel sadite Majesté
s’acquerra plus de Prouinces, sans guerroyer ny cõbatre, que de
villes par la force de ses armes : Et par consequent vne grande &
continuelle augmentation dudit Tribut.

 

Pour ce qui regarde la Milice & Police susmentionnées, ensemble
l’equitable & facile exercice & execution de toutes les
propositions cy-dessus, il se peut voir par vn petit traitté cy-tenu
sous silence, pour euiter prolixité : Auquel aussi se verront les
grandes vtilitez & aduantages qui en reuiendront tant à l’Eglise,
qu’à la Noblesse & au tiers Estat.

Et d’autant que les pauures Mendians ne doiuent estre oubliez
en ladite police, il s’y verra aussi que les riches & bien-aysez,
contribuans seulement chacun deux deniers par iour, cela
montera à plus de vingt-millions de liures par an : Ce que ioint
aux reuenus des Hospitaux & aumosnes d’ancienne fondation,
suffira pour bien & deuëment entretenir lesdits pauures, en telle
sorte qu’il n’en sera plus veu aucun mendiant en tout le Royaume
de France.

Voylà comment par vn bon Ordre & saincte Police, & au
moyen d’vn petit & leger Tribut, Dieu sera glorifié, le Roy grandement
honoré & magnifié, ses peuples & subiects soulagez
& rendus tres-heureux ; Et les pauures ; qui sont les freres &
membres de Iesus-Christ nostre Sauueur & Redempteur, assistez
& secourus en leurs miseres & necessitez.

Et au contraire par l’vsage des Tailles, & de la diuersité &
multiplicité de Subsides & Imposts, sur toutes sortes de marchandises
& denrées, & par la pernicieuse coustume de les mettre
en party, & d’en affermer la perception à vn nombre effrené
de Partisans, Fermiers, sous-Fermiers & Exacteurs, qui n’ont
pour but principal que leur auarice & profit particulier, non
seulement les Roturiers & taillables sont assuiettis ausdits Subsides

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& Imposts, mais aussi (comme le faict le monstre clairement)
le Roy, la Reyne Regente, & toutes les maisons Royales,
les Princes, Prelats, Gentil-hommes, Ecclesiastiques, Officiers
des Cours souueraines & autres, les Religieux & Religieuses, &
generalement tous les subiects de sa Majesté, de quelque qualité
& condition qu’ils soient : Car sans excepter mesme la sacrée
personne de sadite Majesté, il n’y a aucun habitant en son
Royaume, qui depuis le sommet de sa teste, iusques à la plante
de ses pieds, porte aucun vestement, ou qui par sa bouche prenne
aucun aliment, qui ne paye lesdits Subsides & Imposts. Et semblablement
pour les harnois de ses cheuaux & de tous leurs
attiraux : de sorte qu’à cette occasion il n’y a personne dont la
despense ne soit augmentée & encherie de plus d’vn quart à cause
desdits Subsides & Imposts. Duquel quart montant à vne
somme monstrueuse & incroyable, le Roy ne se preuaut pas de
la vingtiesme partie, tellemẽt que les dix-neuf, & vingtiesme desdits
Subsides & Imposts demeurent és mains desdits Partisans
& Exacteurs ; Et voila comment grands & petits leurs sont tributaires,
voire de beaucoup plus qu’à sa Majesté. Mais tout cela
n’est pas le grand mal, qui resulte desdites confusions & desordres ;
En voicy vn qui est trop plus important & pernicieux au
Roy & à son Estat : C’est à sçauoir, que les pauures Laboureurs
des champs & de vignes, & autres habitans du plat-païs, voire
mesmes les pauures femmes veufues & les orphelins, sont tellement
molestez & oppressez par vne infinité de procez, contraintes
& emprisonnemens à cause desdites Tailles, Subsides
& Imposts, qu’vne grande multitude d’iceux est desia ruinée
& perie miserablement, tant és prisons de tous les Tribunaux
de France, qui en sont toutes remplies, que par les villes &
champs, où la misere & la pauureté les fait fuïr, pour y chercher
& mandier leurs miserables vies, comme il est tout euident &
notoire. Et il est fort à craindre, que s’il n’y est remedié, il s’en
ensuiue par succession de temps vn grand defaut & diminution
de peuple : pource que ce deffaut, dit le Sage, c’est le dechet
de la Principauté. Toutes-fois il vaut mieux esperer que par la
sage conduite & iuste gouuernement de la Reyne Regente &
par les bons & legitime Moyens cy-dessus proposez, il sera obuié

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à ce mal heur, & que plustost on verra renaistre en cét Estat,
& sous l’Empire & domination de nostre ieune Roy son fils, vn
Regne tres-heureux & semblable à celuy du mesme Sage Salomon,
qui par l’espace de quarante ans domina sur beaucoup de
Royaumes, & eut paix tout à l’entour de soy, de tous costez. Et
ses peuples qui estoient en grand nombre, comme le sablon qui
est sur le bord de la mer, mangeoient & beuuoient, & s’éjouïssoient,
& habitoient en asseurance chacun sous sa vigne & sous
son figuier.

 

FIN.

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