Anonyme [1651], L’ENTRÉE DV ROY dans son Parlement POVR LA DECLARATION DE SA MAIORITE. , françaisRéférence RIM : M0_1225. Cote locale : B_1_2.
Section précédent(e)

L’ENTRÉE
DV ROY
dans son Parlement
POVR
LA DECLARATION
DE SA MAIORITE.

Presenté à leurs Majestez.

A PARIS,
Chez NICOLAS IACQVARD, ruë Chartiere
prés le Puits Certain, à la Renommée.

M. DC. LI.

-- 2 --

-- 3 --

LE ROY MAIEVR
SEANT DANS SON TROSNE
DE IVSTICE,
OV
L’ENTRE’E DV ROY
DANS SON PARLEMENT.

SI Toute puissance est de
Dieu, comme dit Sainct
Paul, celle des Rois le
doit estre plus particulierement,
puisqu’ils en sont
les plus augustes, & les
plus viues images ; & fileur
authorité ne paroist pas dans leur enfance
auec toute fa Force, & auec toute sa Pompe,
elle y paroist dans leur Majorité. C’est vn

-- 4 --

Soleil dans son midy qui iette ses rayons en
ligné perpendiculaire, qui échauffe les fidelles
suiets, qui brûle les ambitieux, & qui éblouyt
les témeraires. Ce grand Astre enuironné de
toutes les lumieres de la Cour ne reçoit pas
comme l’autre les impressions d’vn premier
mobile, & ne change point son cours naturel,
il n’a que le mouuement qui luy est propre.

 

C’est auiourd’huy que nostre Prince qui ne
pouuoit pas auoir vn Nom plus avantageux
que celuy de DIEV DONNE doit prendre
le Timon de l’Estat en main, & le receuoir
de celle de la Reyne, auprés de laquelle
il a sans doute appris les veritables maximes,
& la belle methode de regner. Le Saint dont
il porte le Nom & dont toute la France se
promet qu’il imitera la vie auoit fait son apprentissage
dans vne pareille école, & quiconque
voudra, faire le Paralelle des Regences
de la Reyne Blanche, & de la Nostre
y trouuerra moins de difference que de conformité.
L’Espagne a donné la naissance à
l’vne & à l’autre : toutes deux ont esté nommées
Regentes par les Rois leurs Epoux, qui
ont tesmoigné en mourant l’estime qu’ils faisoient

-- 5 --

soient de ces excellentes femmes, toutes deux
ont esleué leurs Mineurs dans la crainte de
Dieu, & dans l’amour de leurs Peuples, l’vne
& l’autre ont surmonté de grands obstacles,
& remis miraculeusement à leurs enfants
vn Royaume paisible apres des troubles
& des agitations épouvantables. Mais ce
n’est pas icy mon dessein de faire cette comparaison
exacte, & dãs tous ses points. Ie ne veux
parler icy que de la Maiorité de nos Rois, &
de la loüable coustume qu’ils ont d’en faire
faire la Declaration à leur Parlement de Paris.
Si tous les hommes estoient raisonnables, ou
que les fols ne fussent pas en plus grand nombre
que les sages, on auroit le mesme respect
pour les Roys Mineurs que pour ceux qui ont
atteint l’aage de la Maiorité, vne Regence
seroit aussi absoluë que le gouvernement du
Monarque, par cette raison que Dieu l’a ordonné,
& que ces deux puissances sont également
écoulées de la sienne : mais les foiblesses
du peuple sont si grandes qu’il ne reconnoist
pas si bien le caractere de la Diuinité sur
le visage d’vn Roy dans son enfance, que dans
sa virilité, comme il est extrêmement grossier

-- 6 --

il s’imagine que tous hommes sont égaux, &
que les Rois ne sont pas exempts des infirmitez
de l’aage, non plus que de celles de la nature.

 

Toutesfois puisque tout le monde aduouë
que les Roys ont esté donnez aux hommes de
la main de Dieu, il faut pareillement qu’il aduoue
que les autres, & que mesme sa Prouidence
veille plus soigneusement à leur conseruation.
Que si les Minoritez des Rois sont ordinairement
suiettes aux seditions, & aux reuoltes,
c’est vn effet de la malice & de l’infidelité
des peuples, ou de la corruption & de l’iniustice
des Ministres qui en abusent.

Il faut croire que les Roys sont plustost esclairés
que les autres hommes par vne raison
naturelle, qu’ils ont bien vne education plus
aduantageuse, qu’ils ne sont approchez que
par de bons esprits, qu’ils n’entendent gueres
dire que de belles choses, qu’ils ne voyent que
des actions d’honnesteté, & de bien-seance,
& qu’ils ont des exemples heroïques de leurs
predecesseurs.

C’est pourquoy il ne faut pas s’estonner si

-- 7 --

les Parlements les declarent Maieurs à l’aage
de quatorze ans, quoy que le reste des
hommes ne le soit qu’à vingt-cinq ; Il est raisonnable
que les Roys ayent quelque Priuilege,
& que ceux qui dispensent les autres de la
rigueur des loix, s’en puissent dispenser eux-mesmes.
Les Romains qui ont sans doute esté
les plus fins Politiques du temps passé accordoient
souuent cette dispense d’aage aux
ieunes gens qui briguoient les dignitez, lors
qu’il les en iugeoient capables. Quand le Roy
ne deuroit pas estre Majeur par nos loix, & par
nos Coustumes, sa grauité, & son humeur
serieuse obligeroient tout le monde à luy
mettre en main les resnes de son Empire.
Mais la raison la plus forte vient du Christianisme
qui nous apprend que les cœurs des
Roys sont en la main de Dieu, & par consequent
à moins que d’estre impie, l’on ne sçauroit
douter qu’il ne les dresse selon sa volonté,
& que nos pechez ne soient cause qu’il les
abandonne quelquefois à leurs mauuaises inclinations.
C’est-là le veritable suiet de sa menace,
quand il dit qu’il nous donnera des
Roys enfans, c’est dire des Roys qui gouuerneront

-- 8 --

mal & non pas des Roys mineurs,
dont la conduitte est bien souuent plus auantageuse
aux suiets que n’est celle d vn Roy
Maieur qui ne laissera pas d’estre enfant, c’est
à dire dépourueu de bon entendement, & de
bon Conseil, & c’est ainsi qu’il faut expliquer
ce Passage & non pas au pied de la
lettre.

 

En effet si nous iettons les yeux sur la Minorité
passée du Roy, nous trouuerons qu’elle
a esté beaucoup plus heureuse au commencement
que sur la fin ; & que iamais sous
le feu Roy de glorieuse memoire il ne s’est
remporté de plus signalées victoires sur les
ennemis, que sous le nostre dans son aage le
plus tendre. La premiere fut celle de Rocroy
qu’il a gagnée le quatriesme iour de son regne,
par vn ieune Prince qui depuis passa
comme vn torrent impetueux dans l’Allemagne,
& gaigna les fameuses batailles de
Norling, & de Fribourg, prit vne infinité
d’autres places ; puis acheua d’abbattre l’orgueil
des ennemis à la iournée de Lens. Il n’est
pas necessaire que ie le nomme ; car qui ne sçait
pas que c’est Monsieur le Prince, cét Heros incomparable,

-- 9 --

qui est aussi accoustumé de vaincre
que de combattre.

 

Les conquestes de son Altesse Royalle, lors
qu’elle a commandé les Armées ne sont elle
pas d’Illustres marques du bon-heur, & de la
gloire de cette Minorité, les seules prises de
Grauelines, & de Dunkerque, se peuuent
comparer à toutes celles que nous auons iamais
faites sur l’ennemy durant la Maiorité
de nos Rois. C’est dans ces mesmes rencontres
que Monsieur le Prince a continuer de donner
des preuues si éclatantes de son courage
& de son experience au fait des Armes que la
memoire ne s’en perdra iamais. Il seroit superflu
de debiter icy en détail, & par ordre, ce
que ie n’ay dit qu’en gros & confusement, ce
sont des choses arriuées de nostre temps, &
dont la memoire est si fraiche qu’il n’y a personne
qui les ignore.

Charles V. sur nommé le Sage, a esté le premier
quia reglé la Maiorité des Roys à quatorze
ans, par vn Edict irreuocable, auparauant
lequel il n’y auoit de temps limité, les vns
se faisoient declarer Maieurs à quinze ans, &
d’autres à seize ou enuiron ; le feu Roy de glorieuse

-- 10 --

memoire se fit declarer Maieur le 2.
Octobre de l’an 1614. qui fut dix iours apres
sa Majorité, & le Roy son fils n’a pas voulu
tant differer, sçachant bien que plus il remettroit
vne action si solennelle, & si importante,
plus remettroit-il aussi le bon-heur &
la satisfaction de ses sujets, qui ont conceu de
si hautes, & de si justes esperances de son
Regne.

 

Ces grands avantages de la plus tendre Minorité
de nostre LOVIS sont autant de
preuues de cette verité, qui la menace de
donner des enfans pour Rois ne s’entend
pas de l’aage, mais de la folle conduitte &
de la mauuaise administration.

Si parmy l’infidelité & la corruption des Ministres
qui abusent ordinairemẽt de la foiblesse
des Rois Mineurs, & de la trop grande cõfiance
des Reynes Regentes, la nostre a si heureusement
demeslé les broüilleries de l'Estat,
qu’elle le remet au Roy son fils aussi paisible
qu’elle le receut de son cher Epoux :

Quelle esperance ne deuons nous pas auoir
de toute sorte de bon-heur, si l’enfance de
nostre jeune Monarque a esté si glorieuse,

-- 11 --

qu’est-ce que nous deuons attendre d’vn
aage plus auancé. N’auons nous pas sujet
de nous en promettre quelque chose au delà
de tout ce qu’ont fait ses Predecesseurs.?
La France ne fut iamais si redoutable pourveu
qu’elle n'ait point d'ennemis que les estrangers
elle est asseurée du triomphe, elle
ne craint que ses propres forces, iamais pas
vn de ses Rois n’eut vne Physionomie si avantageuse
que LOVIS XIIII. La nature s’est
estudiée a luy former vn corps qui fut digne
de son esprit, toutes ses actions sont accompagnées
de tant de graces, & de Majesté
qu’il attire les yeux & les cœurs de
tout le monde, il paroist si ferme & si resolu
qu’on ne peut pas douter de la grandeur de
son courage. Son éducation a secondé des
aduantages de sa naissance ; La Reyne a mis
aupres de luy des personnes incomparables,
tant pour les mœurs & pour la bien-sceance
que pour la Doctrine ; Mais sur tout elle l’a
esleué dans vne Religieuse crainte de Dieu, &
dans la frequentation des Sacrements : Elle luy
a donné des gouuerneurs & des maistres pour
toutes sortes d’exercice, Mais elle a esté sa maistresse

-- 12 --

stresse & sa gouuernante pour la pieté, en effet
elle ne pouuoit pas donner cét employ a personne
qui en fut mieux capable qu’elle mesme.
De sorte qu’il ne manque au Roy aucune
de ses qualitez qui pourroient obliger les
Frãçois à le choisir pour leur Monarque, s’il ne
l’estoit pas par les droits de la succession. Nous
deuons croire qu’vn ieune Prince si bien fait &
si bien instruit est in capable des mauuaises impressions,
que Dieu prendra vn soin tres-parti
culier de l’en preseruer, qu’il luy inspirera des
mouuemẽs de iustice & de bonté, qu’aussi-tost
quil aura pris la cõnoissance des affaires de son
Royaume, il trauaillera puissamment à la reformation
des abus qu’y s’y commettent.

 

Qu’il maintiendra l’autorité de ses. Parlements,
comme vn des plus asseurez appuys de
la sienne, & qu’il ne prestera point l’oreille à
ses mauuais Conseillers qui luy voudront persuader
que la puissance d’vn Monarque ne
doit point auoir dé bornes, & que sa volonté
doit seruir de loy encore qu’elle sut iniuste,
qu’au contraire il escoutera ceux qui luy remonstreront
que les bons Princes reglent
plustost leurs volontez aux Loix, que les Loix

-- 13 --

à leurs volontez qu’il ne montera pas sur son
trosne pour y estre en posture d’orgueil & de
mespris mais au contraire pour estre mieux en
veuë de ses suiets, & pour en escouter les plaintes,
& qu’il ne se seruira pas de son sceptre pour
les mal traitter, mais les deffendre. Ce sont les
vœux & les esperances de tous les bons François
qui ne respirent que la reünion des Princes,
la concorde dans la maison Royalle, l’obeyssance
parmy ses suiets, & enfin la grandeur
& la gloire de cette Monarchie.

 

-- 14 --

VIVE LE ROY

-- 15 --

SONNET
PRESENTE' AV ROY
Sur sa Majorité

 


Objet de nostre Amour, & de nostre esperance,
Honneur des Conquerans, beau Chef-d’œuure des Cieux ;
Grand Roy que nous tenons comme vn present des Dieux
Ou paroist leur Grandeur & leur magnificence :

 

 


Heureux cent fois le jour qui finit vostre Enfance
Qui vous mettant en main le Sceptre glorieux,
Promet tant de bon-heur, & de gloire à la France :

 

 


Heureuse mille sois vostre Majorité
Heureux le Parlement qui dans son équité
Reconnoit le pouuoir des grandes destinées.

 

 


LOVIS qui meritez de regir l'Vniuers,
Enfin c’est aujourd’huy que vous auez d’années
Autant que ce Sonnet vous presente de vers.

 

DV. TEIL.

-- 16 --

Section précédent(e)


Anonyme [1651], L’ENTRÉE DV ROY dans son Parlement POVR LA DECLARATION DE SA MAIORITE. , françaisRéférence RIM : M0_1225. Cote locale : B_1_2.