Anonyme [1651], DISCOVRS CONTRE LE LIBELLE INTITVLÉ, LE MANIFESTE DES INTENTIONS DE M. LE PRINCE. Qui ne tendent (à son sens) qu’au restablissement de l’authorité Souueraine & du repos des Peuples. , françaisRéférence RIM : M0_1105. Cote locale : B_7_3.
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DISCOVRS
CONTRE LE LIBELLE
INTITVLÉ,
LE
MANIFESTE
DES INTENTIONS
DE M. LE PRINCE.

Qui ne tendent (à son sens) qu’au
restablissement de l’authorité
Souueraine & du repos
des Peuples.

Mil six cens cinquante-vn.

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DISCOVRS CONTRE LE LIBELLE
intitulé le Manifeste des intentions de Monsieur
le Prince, qui ne tendent (à son sens)
qu’au restablissement de l’authorité souueraine
& du repos des peuples.

CE n’est pas d’aujourd’huy que les actions
les plus criminelles trouuent des gens
qui les appreuuent, & qui bien loing de les
blasmer comme ils deuroient, s’ils agissoient
en gens de bien & des-interessés, les veullent
faire passer dans l’esprit des peuples de coupables
qu’elles font, pour tres-heroïques, tres-iustes,
& tres-genereuses. L’approbation d’vn
certain inconnu touchant le procedé de Monsieur
le Prince par vn Manifeste qu’il à voulu
faire à son aduantage, nous fait assés voir cette
verité, puis qu’il a fait tout son possible pour
iustifier sa conduitte, que toute la France ne
sçait que trop estre la plus blasmable, & la plus
criminelle du monde.

Ie ne voudrois que le tiltre de ce Manifeste
pour monstrer éuidemment l’iniustice de ses
armes, il dit qu’il n’a point d’autre desein que
de restablir l’authorité souueraine & le repos
des peuples, & nous voyons tout au contraire
qu’en faisant la guerre au Roy, il diminuë ses

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forces & par consequent son authorité, &
qu’en suitte il ruïne les peuples ; puis qu’il leur
attire vne guerre dans leur pays, qui ne sçauroit
causer que la perte ineuitable de tous leurs
biens & de toutes leurs fortunes. Leuer des
troupes sans l’ordre exprés de sa Majesté, faire
des Prisonniers, se saisir des reuenus du Roy,
s’emparer des places, exiger par force des habitãs
des protestations de seruice jusques à les
engager aussi par force à refuser les portes à leur
Souuerain, faire fortifier les villes dont il est
gouuerneur, se mettre à la teste des mescontans,
se declarer leur chef, enuoyer des courriers
en Angleterre pour implorer le secours
de la Nation du monde la plus detestable, & qui
nous doit estre le plus en horreur, traiter auec
l’ennemy declaré de cette Couronne, est-ce
auoir dessein de restablir l’authorité Royalle ?
Non non certes, les peuples pour grossiers &
simples que vous les croyés, ne le sont pourtant
pas à ce point pour se laisser gaigner par le
faux esclat de vos ridicules pretextes, ils sçauent
fort bien & sont fort persuadés de l’ambition
de M. le Prince, de tous ses mauuais
desseins, de toutes ses entreprises ; il à beau
publier que tous ceux qui gouuernent à present
ont interest de le voir esloigné de la Cour,
qu’ils sont tous dans la confidence du Mazarin,

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tout le monde est trop persuadé de la probité
de nos Ministres, pour croire qu’ils voulussent
entretenir la diuision dans la Maison Royalle pour
leur interest particulier, l’on sçait trop bien que
leur honneur, & leur fortune particuliere (si
vous le voulés prendre par leur interest) les doiuent
bien dissuader de le faire reuenir en France,
ny mesmes de fauoriser le moindre dessein de ce
Ministre. Tout le monde sçait bien que s’ils poussent
vertement leur pointe contre M. le Prince,
ce n’est pas par vn principe de vengeance : mais
bien par ce qu’ils croyent qu’on ne sçauroit declarer
vne guerre ny trop cruelle ny trop prõpte
à l’ennemy de l’Estat, au perturbateur du repos
public, & au persecuteur de sa patrie.

 

Vne des raisons la plus forte de son esloignement
est que ses ennemis sont dans les premieres
charges & dans l’administration des affaires les
plus importantes. Ie trouue que ce reproche leur
doit estre fort aduantageux, d’auoir pour ennemy
celuy qui s’est declaré ennemy de l’Estat & de
tout ce qu’il y à de gens de bien dans le Royaume.
Dire autre part, il se fait bien fort du retour du
Cardinal, & de la ferme resolution qu’il à prise de
l’empescher, & tout cela (dit-il) sans autre visée
que le bien public & le repos des peuples. M. le
Prince par sa conduitte passée, & par tout ce qu’il
à fait cy-deuant à bien tesmoigné l’inclination &

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l’amour qu’il auoit pour le bien du peuple, luy qui
s’est declaré leur ennemy irreconciliable, luy mesme
qui engagea la Reyne au blocus de Paris, &
qui se chargea de l’execution, qu’elle apparance
PARISIENS, que celuy la mesme, qu’il ny à
que deux ans vous ostoit le [1 mot ill.] & les choses les
plus necessaires pour la vie, soit aujourd’huy si
changé qu’il veuille employer tout son bien, hazarder
son honneur & sa vie pour conseruer le
repos & la tranquillité dans vos familles ? Pour
tascher de vous attirer dans son party, il vous parle
du retour du Mazarin, sçachant que c’est là
vostre foible, & que plusieurs le craignent ; Ie
vous prie de croire que ce n’est qu’vn pur artifice,
pour vous faire croire ces illusions fauces
& ridicules, luy mesmes est bien persuadé du
contraire, & souhaiteroit de tout son cœur qu’il
fust maintenant dans Paris, affin que sa reuolte fut
en quelque façon moins criminelle & fauorisée
de plus de m’escontans, son party en seroit bien
plus fort, ayant vn pretexte specieux & apparant ;
mais à present qu’il est certain que le Mazarin,
dont on nous parle, n’est qu’vn fantosme qu’on
presente à nostre imagination pour nous effrayer,
& qui n’est nullement veritable, nous deuons tous
nous animer & resueiller nos courages pour atterrer
vn ennemy si déraisonnable, & qui se rendroit
droit tres-puissant si nous ne nous opposions vigoureusement

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& par nos volontés & par nos armes
au progrés qu’il pourroit faire.

 

Enfin l’intention de M. le Prince est d’empescher
qu’vn fauory ne s’empare tellement de l’esprit
du Roy, qu’il soit maistre absolu des fortunes
les mieux establies du Royaume iusques à exclure
les Princes du sang des prerogatiues & des
honneurs qui sont deües à leur naissance.

Ie voudrois bien que M. le Prince me monstrat
aujourd’huy vn fauory aupres du Roy, qui eust
fait toutes ces choses. Ou est celuy qui s’ingere
dans ses bonnes graces, ou-est celuy qui ose prendre
la qualité de fauory ? qui est-ce à la Cour qui
ait osté les charges, les honneurs & les prerogatiues
deües à la Naissance & au merite de M. le
Prince ? rien de tout cela, faux pretexte, illusions,
chimeres.

O ! mais M. le Prince à peur qu’on ne le mette
encores prisonnier ; Et quoy par ce que M. le Prince
à peur, & peur sans fondement raisonnable,
il faut qu’il declare la guerre au Roy, qu’il se mette
à la teste d’vn armée, qu’il porte le fer & le feu dãs
trois ou quatre Prouinces du Royaume, le Roy &
l’Estat peuuent-il maits de sa peur ? Le Roy en est-il
cause ? Il auoit pour suspects Mrs. Seruient, le
Tellier & Lyonne dãs le Conseil, le Roy les à esloignés
de peur de luy faire ombrage, le Roy luy
à donné vne Declaration d’innocence verifiée en

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Parlement ? Le Roy luy à donné sa parolle. Toutes
ces marques de la bonté du Roy ; ny les prieres
mesmes, dont il s’est seruy pour luy oster cette
crainte, n’ont rien pû sur son esprit ; certes apres
tout cela ne cherchons plus la cause de cette peur
ailleurs que dãs sa propre conscience, qui le bourrelle
continuellement, & qui luy represente à toutes
heures les secrettes pratiques qu’il à euës auec
l’Espagnol, les conferences continuelles auec les
rebelles de Bourdeaux & les caballes criminelles
qu’il à faites pour souleuer contre le Roy vne
partie de son Royaume.

 

Apres toutes ces verités connuës. Apres tous ces
procedés de M. le Prince, qui sont autant d’attentats
contre l’authorité Royalle, autant de desseins
formés de piller toutes les Prouinces, de se rendre
le tyran de toute la France, douterés vous desormais,
Peuples, de vous animer d’vn iuste courroux
contre ce Prince ambitieux, que s’il estoit puissant
ne se contenteroit pas de vous auoir subiugués :
mais mettroit s’il pouuoit vos ames à la torture,
tant il est animé cõtre ceux qui n’ont pas toûjours
pris ses interests aueuglement & sans reserue mesmes
au preiudice du seruice & de l’obeïssance, que
nous deuõs à nostre Souuerain ; douterés vous doresnauant
de vous declarer ennemis irreconciliables
de celuy qui s’est declaré ennemy de l’Estat,
du Roy, & ennemy du repos & de la tranquilité
publique.

FIN.

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Anonyme [1651], DISCOVRS CONTRE LE LIBELLE INTITVLÉ, LE MANIFESTE DES INTENTIONS DE M. LE PRINCE. Qui ne tendent (à son sens) qu’au restablissement de l’authorité Souueraine & du repos des Peuples. , françaisRéférence RIM : M0_1105. Cote locale : B_7_3.