Anonyme [1649], LETTRE CIRCVLAIRE, CONTENANT VN CHARITABLE Aduis à quelques Villes de Champagne & Picardie, pour les inciter de se resoudre à prendre le bon party du Roy, & du Parlement. Du douziéme Fevrier mil six cens quarente-neuf. , françaisRéférence RIM : M0_1817. Cote locale : D_2_12.
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LETTRE
CIRCVLAIRE, CONTENANT VN CHARITABLE
Aduis à quelques Villes de Champagne &
Picardie, pour les inciter de se resoudre à
prendre le bon party du Roy, & du Parlement.

Du douziéme Fevrier mil six cens
quarente-neuf.

A PARIS,
Chez FRANÇOIS PREVVERAY, grande
ruë de la Bretonnerie, proche la porte
Saint Iacques.

M. DC. XLIX.

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MONSIEVR,

Tous les gens de bien s’estonnent
fort icy du procedé des Habitans de vostre
Ville, lesquels par leurs Lettres & aduis aux particuliers,
protestent hautement de suiure le bon party,
c’est à dire celuy du Roy & du Parlement, quoy que
Messieurs du Parlement reçoiuent des aduis tous
contraires, & particulierement qu’vne telle Ville
que la vostre se laisse emporter à la passion d’aucuns
de ses Magistrats, alliez, & supposts de Partisans,
qui vous mettront dans peu sous l’esclauage &
la tyrannie de Mazarin, lequel vous fera dans peu
de temps receuoir le mesme traitement qu’il a fait à
ses bons hostes de fainct Denys, Pontoise & autres
lieux qu’il a plus mal traitez, que les Hotomans n’ont
iamais fait Ierusalem. Si l’affaire d’apresent n’estoit
qu’vne action, ou vn party de quelque Prince mescontent,
sans doute ceux de vostre Ville auroient à
deliberer sur le choix du party. Mais dans cét affaire

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où il s’agit du repos de la France, où le Clergé, la Noblesse,
la Iustice, & le tiers Estat employe ce qui
leur reste de biens & de forces, pour empescher que
la France ne soit mise en seruitude, pour apres estre
partagée entre ce bon Cardinal & autres de sa faueur.
L’on peut accuser les Habitans de vostre Ville,
de la plus grande lascheté du monde, de ne se pouuoir
rendre Maistres d’vne demy-douzaine au plus
de leurs Magistrats, gens corrompus, & alliez auec
des Partisans autheurs de tous nos desordres. Tous
les iours nous receuons des Lettres de sainct Germain
qui disent, qu’ils n’y ont pour leur des-jeuner
ordinaire que des Declarations, tantost d’vne Ville,
& tantost d’vne Prouince en nostre faueur. Paris est
veritablement blocqué en partie : mais graces à Dieu,
tant s’en faut que ses Habitans meurent de faim,
cõme on vous veut faire accroire, qu’au contraire ils
ne se sont iusques à present ressentis d’aucun manque
& necessité de pain, sur tout depuis le bon ordre
que les Commissaires establis pour la Police y ont
apporté. Quant aux autres prouisions de bouche,
elles y sont presque aussi communes que iamais, &
à peine s’est-on apperçeu que rien y soit enchery :
Que si les prouisions & magasins de bleds & de farines
y sont bien mesnagez, & distribuez aux vns
comme aux autres, il y a dequoy suffisamment en
estre nourry pendant cinq ou six mois. Tous nos
habitans contribuent à l’enuy pour la subsistance de
l’armée qu’ils ont leuée, quatorze mille hommes de
pied, & six mille cheuaux fort lestes sont prests de se

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mettre en campagne, commandez par les plus braues
Chefs de l’Europe : L’vnion n’y fut iamais plus
grande, Monsieur le Duc de Longueuille a fait
joindre toute la Normandie à nostre bonne cause,
& les Deputez du Parlement de Roüen ont fait
donner Arrest de leur vnion auec celuy de Paris,
auec protestation de ne se point abandonner
que par vn accord general. On attend icy dans
peu de iours deux mille Gentils-hommes de cette
Prouince auec six mille hommes de pied. Le Parlement
de Prouence a fait la mesme vnion ; & la ville
d’Aix, capitale de ladite Prouince, a taillé en pieces
les troupes que le Comte d’Alais y vouloit introduire,
l’a pris prisonnier auec le Duc de Richelieu,
& le sieur de Seue Intendant de Iustice ; celle
de Marseille s’est saisie des Galeres ; Bordeaux, &
la Guyenne nous enuoyent des Deputez, comme
aussi Grenoble que nous attendons de iour à autre :
Enfin nous esperons en bref toute la France bien
vnie contre nostre ennemy commun. Que fait le
fourbe de Mazarin ? voyant ses affaires décousuës,
qu’on se mocque de sa ridicule conuocation
d’Estats Generaux à Orleans au quinziesme Mars
prochain, qui n’est qu’vn leurre pour attirer cette
Ville à son party : Car on sçait que telle Assemblée
est bien hors de son intention : veu qu’il n’y seroit
pas en seureté, en n’y pouuant rendre compte de
tant de vols & brigandages qu’il a commis. De
plus ce larron public se voyant frustré de son refuge
à Dijon, dont les genereux Habitans se sont declarez

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ennemis de sa tyrannie. Ce Fripon ne sçachant
plus où s’enfuïr, & ne trouuant point de retraite
qu’à Sedan, il tasche qu’vne partie de la Champagne
& de la Picardie deuienne le Theatre de la guerre,
pour y introduire des Estrangers, en tirer de la subsistance,
& la mettre au pillage de ceux qu’il medite
de faire venir à son secours, ou du moins y introduire
Leopold & les Espagnols, auec lesquels il s’entend
depuis quelques années : Et ainsi parce qu’il ne
sçauroit venir à bout de son dessein, qu’en estant
Maistre de vostre Ville & autres principales de vos
quartiers, il employe toutes ses malices & ruses ordinaires,
pour vous débaucher & attirer à son party,
vous promettra tout pour ne rien tenir. Et pour conclusion
de tous ses desseins, rendra vostre Prouince
vne des plus miserables de la terre, ce qui seroit vne
juste punition de la lascheté de vos Habitans, & de
leur trop grande facilité & complaisance à ses detestables
artifices. Il faut donc de bonne heure preuenir
de si dangereux projets : Et comme la cause de
Paris est celle de Dieu & de toute la France, on a de
la peine à croire que vos Habitans demeurent dauantage
attachez à vn si contraire party, & qu’ils
soient si ennemis d’eux-mesmes, que de se vouloir
mettre dans vn esclauage beaucoup pire & plus
dangereux que par le passé, & maintenir la tyrannie
d’vn Estranger, dont ils ont autrefois tesmoigné
auoir tant d’auersion, s’attirer volontairement vne
longue guerre sur les bras, faire subsister des Estrangers
chez eux, leur payer des contributions, nourrir

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des coyons & flateurs qui sont aux gages de cét infame :
Bref qu’on tire de leurs entrailles dequoy ruïner
la France, dont toutefois ils font vne considerable
partie, & se rendre ainsi par apres eux-mesmes
les premiers esclaues de la violence d’vn si pernicieux
Ministre : Partant, qu’ils prennent bien garde à cette
Remonstrance charitable, & qu’ils suiuent l’aduis
des gens de bien, qui est de chasser de bonne heure
de leur Prouince les Mazarinistes, ce qui est le vray
& vnique moyen de demeurer en repos : De plus
qu’ils s’vnissent auec le reste de la France pour rendre
vn notable seruice au Roy & à leurs Compatriotes,
afin d’estre en peu deliurez de tant de miseres, & empescher
vne guerre Ciuile, dont Mazarin veut jetter
les fondemens au milieu de vostre païs.

 

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