Anonyme [[s. d.]], DIALOGVE SVR L’EMPRISONNEMENT DV PRINCE DE CONDÉ , français, latinRéférence RIM : Mx. Cote locale : D_2_42.
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DIALOGVE
SVR
L’EMPRISONNEMENT
DV PRINCE DE CONDÉ

Le Prince.

SACRÉ flambeau qui donne le iour pendant la
nuict à ceste Cour, pour en découurir les infidelitez,
vous sçauez qu’a la faueur de vos flammes
i’ay porté le feu par tout vostre Empire, & ay excité
vne telle incendie dans toutes vos villes qu’il ny
reste plus de leur embrasement que les funestes
marques de mon iniuste indignation, & maintenant
pour reconnoissance d’vn si bon seruice : Nunc
dimittis,vous m’abandonnez, pourquoy celà ?

Le Roy.

Quia viderunt oculi mei quod parasti ; C’est d’autant
que le feu que tu as excité, & auquel tu as mainte
nant le loisir de te chaufer tout seul est volage, &
que pour la guerrir, il faut que tu tienne la chambre.

Le Prince.

Et vous bel Astre que i’ay suiuy partout, ie
sçay que vous auez quatre qualitez inseparables
de vostre personne ; sçauoir la lumiére, le mouuement,

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les influances & l’éclipse : Est-ce pour
n’auoir pas suiui vos lumiéres que ie suis tom
qo, Ah ! ie les ay rellement embrassez que ie les ay
presque fait mourir ? Est ce pour auoir imité vos
mouuemens. Ah ! ie les ay tellement precipité que
ie les ay rendu injustes ; Est ce pour auoir communiqué
à vos influences ; ah ! i’ay tellement abusez
de leur bonte que ie m’ensuis rendu indigne en les
voulant faire passer pour malignes. Est ce pour
auoir voulu diminüer vostre lumiere par l’opposition
de quelque noire médisance, ah ! ie l’ay voulu
faire eclipser comme fera le Soleil à la fin du monde
pour ne iamais reuiure ; apres tant de signalés
seruices, maintenant vous me laissez : Nunc dimittis

 

La Reyne.

Quia viderunt oculi mei quod parasti, C’est d’autant
que ta teste est trop petite pour le bonnet que tu
voulois luy procurer.

Le Prince.

Et vous illustre Genie, à quï i’ay fais la barbe
sans rasoir pour vous accõmder le poil plus doucement ;
si vous auez eu la fiévre en ma compagnie,
ce n’a esté que de peur, la medaille qui vous à guéry
d’vn si facheux tremblement ma frappé le cœur
si fortement que ie la conserue encore en mémoire
de vous, & pour recompense de tant d’affection
vous m’abandonnez, Nunc dimitti, pourquoy cela ?

Le Cardinal.

-- 3 --

Quia viderunt oculi mei quod parasti : C’est d’autant
que tu as faict passer ceste medaille sur les frontiéres
pour seruir de Reliques aux Estrangers, au prejudice
de la repraation de nos sujets.

Le Prince.

Et vous Ange tutelaire de la France, à qui i’ay
donnez la chasse pour ne rien attraper que des
coups de plume vous scauez comme i’ay nettoyez
vos logis sans balets, comme ie vous ay laissez vostre
corps sans chef & comme ie suis la cause que
vos coffres sont sans argent n’y ayant rien a gaigner
auec moy qui puisse rendre vostre pourpre
plus illustre, Parlement ce sont là les seruices que
i’ay rendu, & pour me reconnoistre maintenant
de tant de faueur, Nunc dimittis, tu me delaisse,
pourquoy cela ;

Le Parlement.

Quia vederunt oculi mei quod parasti, C’est dautant que tu
as voulu plaider sans Aduocat, & qu’il n’y a point
de plaisir pour toy.

Le Prince.

Ville la plus fortunée de l’Vniuers pour voir
dans tes prisons le plus infidele de ces Princes, & le
plus mal-heureux de ces Courtisans, ie ne i’ay pas
oubliée dans la distribution de mes faueurs, il est
vray que tu es trop riche pour deuenir gueuse,
neantmoins i’auois trouué moyen de te faire porter
cette qualité Euangelique, si i’eusse empesché

-- 4 --

ta mere de te donner du pain, prie Dieu que ie remonte
sur ma beste, & tu verras comme elle petera
mais maintenant que i’accomplis mes vœux tu
m’abandonne, Nunc dimittis, pourquoy celà ?

 

Paris.

Quia viderunt oculi mei, Quod parasti, & qui faut
reputer vn enfant bon qui faict la guerre a sa
Mere.

Le Prince.

Quoy ? tout le monde me quitte, ie ne quitteray
pas le monde, ah ! funeste solitude, où i’ay esté
forgé, tu ne pouuois m’eschapper : c’est icy pour
faire penitence des meurtres & des necessitez que
i’ay commis, il faut que ie ramasse les larmes, que
i’ay versez en mon enfance, afin que leur innocẽce
rendent mes souspirs plus agreable à D.

[1 ligne ill.]

Castua tegunt, stricto que latent in carcere Duces.

FIN.

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