Anonyme [1652], LES RAISONS DE LA RETRAITTE, ET DV RETOVR DV DVC DE LORRAINE : PROBLESME. Sçauoir, s’il a manqué de parole, ou non. EN VERS BVRLESQVES. , françaisRéférence RIM : M0_2963. Cote locale : B_8_52.
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LES
RAISONS
DE LA RETRAITTE, ET DV RETOVR
DV DVC DE
LORRAINE :
PROBLESME.

Sçauoir, s’il a manqué de parole,
ou non.

EN VERS BVRLESQVES.

A PARIS,

M. DC. LII.

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LES RAISONS DE LA
retraitte, & du retour du Duc de
Lorraine : Problesme. Sçauoir,
s’il a manqué de parole, ou non.

ENVERS BVRLESQVES.

 


Celuy qui ne m’escoutera,
Sans doute me condamnera,
De faire passer pour Problesme,
Ce qu’vn chacun iuge de mesme ;
Et dira, suiuant le sentier
D’vn homme qui sçait son mestier,
Qu’vn problesme à diuerse face,
Et que ie n’ay pas bonne grace
De proposer cette question
Qui n’a que mesme solution ;
Que le Duc Charles n’est qu’un fourbe,
Qu’il nous laissa dedans la bourbe,
Et que craignant d’estre battu
Il n’eut courage ny vertu,
De faire accord auec Turenne,
Laissant Beaufort en grande peine,
Chacun dont concluoit ainsy,
Qu’il est vn fourbe en Cramoisy,
Et moy mesme, si l’on me presse,
Ie diray, que ie le confesse ;
Mais que ie distingue cela ;
Car adroittement il trompa
Le trompeur, & la tromperie :
Ce n’est point vne mocquerie,

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Si Iule en ruse n’est pas fat ;
Charles est à bon chat bon rat,
Il est vn adroit Politique
Qui fist au Mazarin la nique,
Il le trompa quand il feignit
De croire aux promesses qu’il fit
De luy rendre son heritage,
Ou bien de luy laisser le gage
Qu’en partant en ses mains il vit,
Qui se montoit, à ce qu’on dit,
Apres de cinq cent mille liures
En pierres, en argent, non en liures ;
Ce gage ne valoit Nancy,
Mais sa raison fut celle-cy,
Dont nos Princes se contenterent,
Et si pourtant ne le monstrerent ;
Ils sçauoient que le Cardinal
Qui ne tient iamais que le mal
De toutes ses bonnes promesses,
Ne manqueroit pas de finesses,
Pour manquer à tenir sa foy,
De mettre Nancy sonbs la loy,
Du naturel proprietaire :
Il n’auoit garde de le faire,
Mais comme alors tout leur pouuoir
N’estoit pas ioint sur le terroir,
Où le combat se deuoit rendre,
Et qu’il falloit bien mieux attendre ;
Et cependant sans perdre temps,
Prendre de beaux deniers contents.
Cinq cens mil liures accommodent
Quand Mazarins s’en incommodent :
D’ailleurs ils craignoient grandement !
De ce combat l’euenement
Et le Duc Charles n’est pas homme
A refuser si [1 mot ill. ] somme

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Et risquer par-masle vertu
D’estre facilement battu,
Il luy promit dans sa retraitte
Mesmes de cette sorte il traitte,
Que Beaufort en sera le prix
Se trouuant tout à coup surpris.
Merite encore malle bosse
Celuy qui tombe dans la fosse,
Qu’il preparoit à son prochain
Et c’est vn tres bon tour de main
Par vne Politique heureuse
Dy pousser celuy qui la creuse.
Iules alla s’imaginer,
S’il pouuoit Charles destourner,
Pour s’en aller en sa Prouince
Qu’il perdroit cependant le Prince
Et que Beaufort estant mis bas
Orleans ne dureroit pas,
Qu’il auroit la Ville gagnée
Qu’il pousseroit bien sa coignée
Et que quand Charles reuiendroit
Et que du tour il se plaindroit
D’auoir aussi trouué la porte
De Nancy fermée & si forte
Qu’il est tombé dans les Cadeaux
Ou Iules tomba pres Bordeaux
Car on sçait que ce maistre Iule
Dist à son cocher qu’il recule
Et que là n’estoit le badaut,
Si donc Charles disoit tout haut
Estre allé sans le croc aux meure
Estant demeuré quelques heures
A la porte de son Nancy
Sans qu’aucun luy dist vous voic
Ce pauure Charles de Lorraine
Par le Mareschal de Turrene

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Seroit encores bien frotté
Pour vn peu trop s’estre crotté
Dans vn si facile voyage
Et luy monstrer d’estre plus sage,
Et ne pas manier sans gans
Le Cardinal & ses agens :
Mais Iules n’est fort qu’en l’idée
D’vne ame qu’il tient possedée
Et nos Princes furent des gens
Qui montrerent vn peu les dents
A la porte de Sainct Anthoine
Ou Mazarin ne fut idoine,
D’executer le grand dessein
Qu’il auoit formé dans son seing,
Sans doute il compta sans son hoste
Comme il a fait prenant la poste
Et pour montrer ce que i’ay dit
Et que Charles en partant fist
D’vn retour aux Princes promesses,
C’est qu’il tient au cul & aux fesses
Ceux que Mazarin a laissé
Feignant d’auoir esté chassé,
Si Charles auoit esté traistre
Il ne viendroit pas comme vn maistre
Les Princes ne l’auroient receu
Si le secret ils n’auoient sceu
Mais motus dans la Politique,
Bien tost le pouuoir tyrannique
Se trouuera tout reformé,
Et beaucoup que l’on a nommé,
De Mazarin engeance sotte,
Auront bien ioüé la marotte
Passant pour les vrays ennemis
Des Princes qui sont leurs amis.
Mais reuenons à ce problesme,
Ie suis en vne peine extresme,

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A present d’asseoir iugement,
Et d’en dire mon sentiment,
Ie voyoient raisons non friuoles,
Qui me disent que les paroles,
Obligent les hommes d’honneur,
Que s’est vrayment manquer de cœur,
Que de manquer à sa promesse,
Soit par fourbe, soit par adresse,
Que nous ne connoissons qu’vn Roy,
Qu’vn Dieu, qu’vn hõneur, qu’vne foy,
Que quand les contrats nous obligent,
De nous l’effect ils en exigent,
Et que ce n’est point meriter
Estant contraint, de s’acquiter,
Mais que la parole d’Omere
Dans son effect est guerdonnée
Que si les gens de moindre rang
Verseroient plustost tout leur sang,
Que de fausser cette maxime
Aux plus grands, vn plus grand crime
Qu’appliquant ces raisons au fait
Ce fut vn tour fort imparfaict
Que fit le Duc Charles à nos Princes
Qu’il gasta toutes nos Prouinces
Qu’il nous à causé mille maux
Les parties n’estant pas égaux,
Et qu’ainsi comment qu’on le prenne,
Grand tort eut le Duc de Lorraine
De nous laisser la comme vn fat,
Qui n’aymeroit pas le combat,
Que quand il auroit eu l’enuie
De reuoir encor la patrie,
Il nous en couste trop de frais
Pour ses soldats & leurs apprais,
Que la fourbe il met en vsage,
Qu’elle fait tout son equipage,
Qu’on deuoit tousiours l’accuser,
Sans aucunement l’excuser

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A Iules d’auoir esté doubles
Pour ses Ducats & pour ses Doubles.

 

 


Il me semble que ces raisons
Ne font que le bruit des oysons,
Peu d’effet : mais vn grand murmure
Qui ne me peut faire conclure
Que le Duc Charles soit trompeur,
Mais vn politique pippeur ;
Car si sans luy faire vn insulte
Nous allons au Iurisconsulte :
Il nous dira que les Contracts
Se trouueront n’obliger pas
L’vn, lors que l’autre n’execute
Cette fin à laquelle il butte,
Et qu’ainsi de tenir sa foy
A celuy qui fist vne loy
De promettre & ne tenir guere,
C’est estre vn peu trop debonnaire,
Et que quand Charles le trompa,
En homme d’Estat il frappa,
Que si son delay fit nos plaintes,
Son retour a calmé nos craintes :
Il vaut bien mieux tard que iamais,
Ne m’obiectez donc plus de mais,
Que tout le monde se detrompe,
Ne logeons plus au Chat qui trompe,
A la Fripperie, au Renard,
Celuy qui pourra par hazard
Donner repos à nos Prouinces,
Parce qu’il attend de nos Princes
D’auoir la Lorraine & Nancy,
C’est pour ce but qu’il vient icy,
Pour ce but souffrons qu’il emporte
Les raisins qui sont à nos portes :
Car ils ne valurent iamais
Ce que vaut vne bonne paix.

 

FIN.

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