Anonyme [1651], LES QVARANTE-CINQ FAICTS CRIMINELS DV C. MAZARIN, QVE LES PEVPLES instruits addressent à ceux qui ne le sont point. , françaisRéférence RIM : M0_2931. Cote locale : C_11_17.
SubSect précédent(e)

LES QVARANTE-CINQ FAICTS
criminels du Cardinal Mazarin.
Que les peuples instruits addressent à ceux qui
ne le sont point.

PAR tout le monde il ne se parle que de l’opprobe & ignominie
qu’encourent les François, de souffrir si longtemps
vn Estranger, qui par sa vile naissance, estant le
subiet du Roy d’Espagne, les Maistrise, les Regente & les
meme par le nez où il veut. Les Troyens par vne lascheté beaucoup
moindre, furent appelez Troyenes & ie ne sçay si les
François peuuent estre nommez Françoises ? effeminez qu’ils
sont en ce rencontre, & degenerans de leurs ancestres, attendu
qu’ils portent auec tant de patience le ioug que leur impose cét
homme qui pour se mettre mieux à l’abry des orages que luy
mesmes à excitez, se couure d’vn Chapeau Rouge, dont il se
sert, comme ces Magiciens de Noroüegue, qui font tourner le
vent du costé qu’ils tournent leur chapeau. Certes le Chapeau
Rouge ne fut donné à quelques Ecclesiastiques par le Pape Innocent
IV. au Concile de Lyon, que pour les obliger à vne perpetuelle
souuenance, que toutes les fois que le seruice de Dieu &
le salut du peuple le requeroit, ils doiuent estre prests de s’empourprer
de leur propre sang. Mais le Mazarin ne semble auoir
receu cette couleur de sang en ses habits, que pour estre animé
d’espancher le meilleur sang de France, dont il se plaist depuis si
longues années, ou pour mieux dire, pour entierement perdre
les Princes du sang de France. Le scelerat qu’il est ne songe qu à
mettre bas ceux qui l’ont haussé qu’à perdre ceux qui l’ont sauué,
comme vne nuée qui tasche d’obcurcir le Soleil qui l’a esleuée
de la terre ; N’est-ce pas donc maintenant que la France est
mal nommée, & qu’elle ne peut estre nommee France que par

-- 5 --

Antiphrase, pour n’estre rien moins que franche & libre, au lieu
de serve & poltrone qu’elle semble estre à ce coup, qu’vn vilain
faquin à le pouuoir de s’agrandir si fort qu’il agrandit tant de petites
gens, & tant de personnes, qui n’ont leur ame susceptible
que de sales lucres. Les principales charges du Royaume dont il
dispose à son gré, ne luy seruẽt que pour charmer & fasciner ceux
qui aboyent contre luy, comme les Poetes feignent que Hercule
iettoit des lopins de chair à Cerbere qui le poursuiuoit. Ce monstre
engourdit les mains de ces ames venales pour estre affranchy
de leurs coups. La varne lueur de ses presens esblouit leurs yeux
pour les empescher de voir les desolations ou il plonge la France.
Mais s’il leur reste encore quelque petit rayon de lumiere, ie
les coniure de l’arrester sur ces 45. crimes commis par ce plus
grand ennemy que la France ayt iamais eu. Il apprendront :

 

Premierement, qu’il surprit la Reine par la representation
qu’il luy fit de la necessité en laquelle la deffuncte Reine Mere
se trouua, & que l’ayant persuadee qu’il falloit vser d’œconomie
sur les despences des maisons de leurs Maiestez, il l’obligea
par cét artifice de commander à d’Emery Sur-Intendant des
Finances, de faire tout ce qu’il luy diroit, si bien que sans perdre
temps, faisant valoir cette souplesse, il ne surprint pas moins
d’Emery luy donnant à connoistre par ce commandement qu’il
auoit la disposition entiere sur luy, aussi bien que sur les Finances.
C’est ainsi qu’il ne s’est point espargné de faire valoir
cette œconnomie à son profit dans la disposition qu’il a eu des
Finances par cette adresse depuis l’année 43, à sçauoir sur quatre
vingt quatre millions, à quoy reuiennent à present les deniers
des Tailles & des Fermes chasque année, sur ceux du Domaine,
des Parties cazuelles, des Decimes, comme sur ceux qui prouiennent
d’vne infinité de partis qu’il a fait faire contre le Peuple,
puis qu’il ne se trouue personne payée de ce qui est deub par le
Roy, les Officiers de sa Iustice, des Finances de sa Maison
Royale, gens de guerre, non plus que les particuliers qui ont
ouuert leurs bourses pour se prest sur les Tailles & autres partis.
Au contraire, les vns & les autres se voyent fort esloignés de

-- 6 --

rien toucher, & de plus, par cette belle œconomie le Mazarin
reduit le Roy à despenser desia son reuenu de l’an 1653. Aussi on
s’apperçoit bien que l’or qui a esté espãdu par le traffic des Marchands,
& qui auoit esté accumulé en France de longue main
n’y est plus, & qu’il en est bien loin sous le nom de Mazarin, de
son pere & de ses confidans. Si bien que les Commis de l’Espargne,
des autres Receptes à Paris, Receueurs particuliers &
generaux, les Marchands, les Banquiers, comme ceux qui ont
encores quelques bourses se demandent les vns aux autres par
tout la France, que sont deuenus deux cens soixante millions qui
ont esté conuertis en la fabrique des Louys d’or, desquels il n’en
paroist presque point.

 

2. Qu’il diuertit & enleue hors le Royaume les Finances &
les richesses de l’Estat, les comptans des sommes immenses iusqu’au
nombre de cinquante millions, ainsi que la Chambre des
Comptes en a esclaircy le Parlement de Paris ; la belle œconomie
de Mazarin les a fait monter à cela en vne seule année, au
lieu qu’en la plus haute despense du feu Roy on ne les a veus
que de cinq millions. Cantariny & autres Banquiers ses confidens,
sçauent bien que la quantité de remises qu’ils ont faites par
change, le nombre de Bordereaux des Louys d’or qu’ils ont enuoyé
par les Voituriers vers l’Italie, sous pretexte que c’estoit
pour y payer les Armees, y entretenant la guerre à dessein de fauoriser
son enleuement, & dans la rareté des Louys d’or en Frãce,
on void bien qu’ils sont tres-communs par toute l’Italie, soit
soit par les paragantes qu’il a donnez pour porter son frere au
Cardinalat, soit pour les despenses des somptueux bastimens,
soit pour y faire vne reserue de deniers, soit par le coust des dignitez
de Noble Venitien pour son pere & pour luy, ce qui l’a obligé
de quitter vne partie de douze millions qu’il auoit és
mains de quelques particuliers, lesquels menaçoient de descouurir
que c’estoit argent volé à la France, & afin que cela ne fit
pas bruit, il s’est accommodé de ses dignitez que ces particuliers
luy ont donné en payement, & cette negociation a este ainsi
mesnagee par Antonio Folgy, confidant de son pere, qui a par
toutes ses lettres fort soigneusement recommandé à son fils Mazarin,
& nommément par celles du 15. Auril 1644. ou il luy

-- 7 --

marquoit ces mots en trois endroits precisement : Mandate dinares,
Mand ite dinares, Mandate dinares.

 

3. Que les gros mariages par lesquels il veut s’appuyer sur les
alliances de ses Niepces dans les hautes maisons du Royaume,
doiuent estre payez, comme il le pretend par des tailles si precises
sur ses peuples de France.

4. Que le mesme Cantariny a donné sur chaque Louys d’or en
eschange de monnoye blanche, le prix de six iusques à huict
sols de profit par piece pour les voiturer en Italie, & que les voisins
& autres personnes ont veu apporter chez luy vne prodigieuse
quantité d’argent blanc à millions par des crocheteurs &
des charrettes chargees, bien que chacun sçache que son trafic
de Banque n’ait iamais accumulé en sa caisse, trente mil liures
à la fois.

5. Que la politique Mazarine est de rendre les Subiets du Roy
pauures, afin de les faire flechir & obeyr plus facilement à ce
qu’on leur impose.

6. Qu’il tasche de couurir ce haut crime de vol des Finances
du Roy, en voulant persuader toute la Cour & la Ville de Paris,
qui en est vne extreme necessité d’argent par l’emprunt qu’il
en a fait de toutes mains, iusques là qu’il a mesme surpris le Prince
de Condé, qui luy a presté cinquante mil escus à Compiegne,
ou la Cour estoit apres la guerre de Paris, De laquelle somme
son Intendant Perraut fit emprunt de quelque particuliers, vers
lesquels on trouuera cette somme encore deuë par le Prince,
ce qui seruira pour desabuser ceux qu’on a persuadé que le Mazarin
auoit donné force argent à ce Prince durant cette guerre.

7. Que par ses fourbes, il a fait tousiours esperer la paix generale,
quoy que son but n’ait esté que d’entretenir incessammët
la guerre, & qu’à cette fin il a rompu le traitté de paix que le Duc
de Longueville auoit fait à Munster auec l’Espagne, qui estoit à
l’honneur & à l’aduantage de la France, pareille à celle des Hollandois,
afin d’auoir vn pretexte continuel de surcharger le peuple
par la force des armes, comme on a veu ces iours passez les
prisons remplies en toutes parts du Royaume de France du pauure
peuple, faute de ne pouuoir payer cette grande quantité de
diuerses natures de surchanges.

-- 8 --

8. Qu’il a fait effort vers les Hollandois de faire rompre leur
paix auec l’Espagne a deux fins l’vne pour prendre suiet de faire
la guerre auec eux, & l’autre à dessein d’accuser le Duc de Longueuille
de n’auoir pas bien menagé ou negocié cet affaire à
Munster : mais les Estats des Pays-bas qui obseruent vne Politique
pratique, trouuent mieux dans cette paix leur compte, comme
ils ont fait voir à Mazarin par cette brieufue supputation de
dire cinq & cinq sont dix, qu’ils ne faisoient point dans ses belles
parolles & promesses, veu que ses artifices leur demoistroient
que pour trouuer leur compte & le mesme nombre de dix, cela
se feroit par cette addition & cét ordre de dire vn, & vn font
deux & vn font trois, & ainsi de suitte, ils trouueroient le mesme
nombre de dix : mais eux comme tous les autres Estats abhorrent
le procedé du Mazarin & blasment extremement les
Francois de souffrir qu’a leur confusion les affaires du Royaume
se manient par vne personne seule & de ce calibre.

9. Qu’il a fait expedier des pouuoirs de la parte du Roy à
des particuliers pour se mesler dans les cõpagnies, & descouurir
ceux qui auec liberté disoient leurs sentiments, afin de les accuser
en mesme temps : & ces infames qui seruoient de tesmoins,
estoient deschargez & absouz de toutes leurs mesdisances ; artifice
qui estoit inuenté pour empescher les François de se plaindre
de ses crimes. Mais le Parlement de Paris ayant connoissance
d’vne telle inquisition introduite en France à la mode d’Espagne
en a reprimé l’vsage, auec deffence à qui que ce soit de se
seruir de semblable lascheté, à peine de la vie,

10. Qu’il a obligé des Capitaines des Gardes de quitter leurs
seruices dont la generosité & l’amour de leur patrie a reietté le
profit qu’on leur offroit pour aller escorter l’establissement des
nouuelles leuées sur les peuples, & afin de porter les autre à suiure
ses mouuemens. Il les flatte en particulier de belles paroles
& de grandes esperances, les exhortans chacun de chercher
quelque affaire pour demander, afin de les persuader qu’il peut
tout, les esloigner ou les changer, & pourtant ne laisse pas de les
fourber : car lors qu’aucuns d’eux trouue quelque chose à demander,
ce Sicilien dit qu’elle n’est pas bõne, ou qu’elle est donnée,
ou bien comprise dans quelque traitté, sinon il la fait changer

-- 9 --

de face, & l’enueloppe dans quelque party, soit pour en profiter,
soit pour en gratifier ceux de sa Nation qui le seruent, & est
d’humeur tellement auare, qu’il ne reconnoit point les gens genereux,
ny les sçauans.

 

11. Qu’il a fait establir des fuzilliers dans les Prouinces qui ont
serui à bourreler nos pauures Compatriotes, & bien que le Parlement
de Paris ait fait reuoquer les Intendans, & deffendre l’vsage
de ces fuzilliers, & des prests sur les tailles, neantmoins tout
cela a esté de nouueau estably par le Mazarin, qui a enuoyé en
diuerses prouinces, dont le sieur Foulé est l’vn de ces Intendans,
qui auec ses fuzilliers a commis vers le Limosin des violences
inhumaines & barbares, empeschant la voye directe & ordinaire,
des Officiers des Tailles, qui apportoient les deniers à l’Epargne
dans les coffres du Roy, cõme ils ont fait de tout temps.

12. Qu’il a surpris la Reine & les Princes, leur faisant entendre
qu’ils estoient tenus & obligez d’appuyer l’authorité Royale,
que le Parlement de Paris fletrissoit selon son dire, quoy que le
Parlement ne se portast qu’à reprimer les dangereux procedez
du Mazarin vers les peuples pour le bien de l’Estat & le seruice
du Roy. L’intention de ce fourbe estoit d’émouuoir les peuples
contre le Parlement, & de rompre l’vnion qui a tousiours esté, se
seruant de médisances de toutes sortes qu’il faisoit semer par Paris,
comme entr’autres par la Raliere, que le Parlement auoit
pris resolution de faire comme celuy d’Angleterre, & en suite
par le Cheualier de la Valette respandre des billets infames, qui
pour cette lascheté fut emprisonné, & eust esté puny sans les
pressantes & puissantes sollicitations Le Mazarin presumant
que cét artifice partageroit les habitans de la ville de Paris d’auec
le Parlement, & attireroit des vns & des autres vne haine generale
vers le Prince de Condé, bien qu’il n’agissoit que par le
commandement de la Reine auec son Altesse Royale, la Reine
portée à cette entreprise par la suscitation de ce Cardinal.

13. Qu’il a fait diuertir le fonds des rentes de l’Hostel de ville
de Paris, des droicts & gages des Officiers de Iustice, & par ce
moyen en a fait souffrir nos Compatriotes de Paris & d’ailleurs,
& fort incommodé leurs familles, & par l’accroissement énorme
des Tailles, a mis nos François qui habitent la campagne

-- 10 --

dans l’impuissance, & fait mourir en languissant vne quantité innombrable
de familles.

 

14. Qu’il a fait donner Arrest au Conseil d’en haut, portant
que le Parlement de Paris seroit transferé à Montargis, afin de
faire obeyr & soubmettre apres cela toutes conditions de personnes
à ses exactions.

15. Qu’il a esloigné & rompu les desseins qu’on a fait souuent
paroistre de conuoquer les Estats Generaux tres importans, &
tres necessaires d’estre conuoquez auiourd’huy, qu’il porte les
affaires du Royaume à des desordres extremes & au desespoir.

16. Qu’il a surpris le Duc d’Orleans, le persuadant que le Prince
de Condé vouloit entreprendre sur son Altesse Royale, afin
de les mettre mal ensemble par des souplesses dont il surprend
vn chacun pour empescher la descouuerte de ses crimes eminẽs,
dont il croignoit la punition s’en deuoit faire par ces Princes,
qu’il voyoit de bonne intelligence cherie, & tousiours cultiuée
par le Prince de Condé, & a present il veut persuader que les
Princes s’en prendront contre son Altesse de leur emprisonnement
& autres personnes, comme s’ils ne voyoient pas bien,
comme tout le monde le dit, que cela s’est fait par l’artifice du
plus perfide & meschant homme que iamais la terre ait porté.

17. Qu’il a pratiqué diuers moyens pour se deffaire du Prince
de Condé aux armées, & principalement en Catalogne, entre
autres par vn espion de nation Italienne, nommé Iouan Fredidy,
qui porta parole assurée aux ennemis, que le Prince de Condé
ne receuroit pas de secours d’argent ny d’hommes que le Mazarin
luy faisoit esperer par des lettres da cachet, qu’il fait escrire
comme il veut, l’animant à se picquer, & de s’opiniastrer au siege
de Lerida. Cela ne luy est pas nouueau de trahir les Princes :
car il a trahy le Roy d’Espagne son Prince naturel à Cazal & aileurs,
& ses meilleurs amis par tout.

18. Qu’il a dans la place Dauphine nuictamment formé vn
guet à pan contre la personne du Prince de Condé, mais ce Prince
en estant aduerty & ne pouuant se persuader ce guet à pan, il
fit passer son Carrosse par deuant auec vn Laquais, de dans, sur
lequel fut tiré plusieurs coups de Pistolets, dont-il fut blessé d’vn,

-- 11 --

si bien que les assassinateurs abordans le carosse, & ne rrouuant
pas dequoy executer leur ordre, se retirerent, & le Mazarin picqué
d’vne extreme ialousie contre la fidelité, des conquestes &
batailles de ce Prince, & preuoyant que ce Prince commencoit
à se desabuser, que par là son chastiment estoit ineuitable, tascha
d’obscurcir vn attentat si abominable, donnant ordre aux nouueaux
assassinateurs, apres auoir manqué ce coup, de faire feu
sur le President Charton & Ioly, Conseiller au Chastelet de
Paris, Scindics des Rentiers, qui estoient dans vn mesme carosse.
Ce dernier demeurant blessé, les assassinateurs s’euaderent
adroitement a la rumeur de ce procedé. Le Mazarin accuse soudain
les Frondeurs d’auoit fait vne sedition premeditée, & reiette
sur eux le guet à pan, qui ne luy auoit reussi, en quoy il surprẽd
le Prince de Conde, que c’estoit les Frondeurs, qui l’ayans manqué
à la place Dauphine, le vouloient perdre par le moyen de
cette sedition, si bien qu’il le porta de pousser le Marquis de la
Boulaye, & d’enuelopper en suitte le Duc de Beaufort, Mõsieur
le Coadiuteur & toute la fronde. Cependant le Mazarin se met
en peine de chercher des fanx tesmoins à force d’argent, afin de
faire affirmer la supposition, & que ce guet à pan fait de sa part
ne fut point esclaircy ; & d’vn autre costé, il ne s’espargne point
de persuader la Reine, que ce Prince auoit de mauuais desseins,
qu’il inuente si bien, qu’il l’a portée de le faire emprisonner auec
les deux autres Princes, à la faueur de cette haine qu’il a fait naistrs
artificieusement entre ce Prince & les Frondeurs, & in continent
apres il fait agir, & fait descharger les Frondeurs de cette
fausse accusation, & leur fait entendre que ce Prince leur iouoit
cette piece pour les faire perdre tous, Apres quoy sur le bruict
que les Parisiens faisoient de cette detention des Princes, le Mazarin
menasse Paris de luy opposer le Prince de Condé, & de
s’accommoder auec luy, voila comment cet Estranger nous
ioüe à tous.

 

19. Qu’il a fait faire cette proposition par la bouche de la Raliere,
& autres infames partisans, sangsuës du peuple, d’enuelopper
aux Tailles les priuilegiez & toute la Noblesse sous pretexte
d’vne precise necessité des affaires importantes à quoy les

-- 12 --

Princes n’ont voulu iamais consentir, & ne cesse point d’exhorter
les partisãs de mediter quelques leuées, pour lesquelles il fait
executer toutes sortes de violences, & en suite rend criminels de
leze Maiesté les habitans des villes qui repoussent sa tyrannie.

 

20. Qu’il a voulu par le mesme la Raliere seduire les Mariniers
& autres habitans de Paris pour les porter contre le Parlement,
les exhortant d’aimer son Eminence tyrannique, & de n’estre
plus Frondeurs : mais le credit de la Raliere partisan, n’a
rien pû operer sur la fidelité de ce peuple.

21. Qu’il s’est seruy du mesme la Raliere, pour restablir la diminution
qu’on auoir accordé de faire sur les entrées de Paris ;
pour indemniser les habitans de la guerre excitée contre cette
Ville par cet eminent fourbe, qui a fait innouer aussi aux traittez
de Paris, Rouen, Bourdeaux & d’Aix.

22. Qu’il a fait mourir de faim vne infinité de familles à Paris
& ailleurs par des grandes chertez de grains, causée par la guerre
de cette Ville, & deuant cela par vne tres-grande quantité de
passe-ports qu’il a fair expedier pour le Ponant & le Leuant, à
Garganr & à Cantariny qui luy en ont baillé huict cens mil liures,
& en consequence de ces passe-ports, ont tiré vne prodigieuse
quantité de grains par la riuiere de Seine, de la Bourgonne,
Champagne, l’Isle de France & autres lieux, qui fournissent
Paris, comme aussi des autres Prouinces, qui fournissent les autres
grands Villes, ou ces desordres ont produit les mesmes cheretez.

23. Qu’il veut introduire cette maxime que le Roy ne doit
point tenir sa parole a ses suiets ; maxime qui est de pernicieuse
consequence cõtre la seureté publique, le droict des gẽs & la foy
inuiolable que les Princes doiuent dautant plus garder que n’est
la loy des hõmes fondee sur celle de Dieu ? Enfin il renuerse les
Loix fondamentales du Royaume, afin d’establir des leuees de
toutes facons, & sa tyrannie chez tous tant que nous sommes de
Francois.

24. Qu’il a fait offrir au fils de Brousselles, Conseiller au Parlement
de Paris, 50. mil escus, & vne cõpagnie au Regiment des
Gardes, pourueu qu’il voulu remettre la Bastille, ou il cõmande
pour son pere, à qui Paris l’a dõnnee en garde, iusques à la maiorité

-- 13 --

du Roy ; mais cela n’a pas esbranslé le fils non plus que les
diuerses offres, & les menaces que le Mazarin a faites au pere, qui
est tousiours d’humeur esgale pour le seruice du Roy & du public.

 

25. Qu’il tasche de preocuper sa Maiesté de haine contre les
Parisiens, Normands, les Bourdelais & ceux de la Ville d’Aix,
la persuadant par vne suppositlon si noire & si horible, que tous
ces peuples-là auoient pris dessein de faire ainsi que les Anglois
auoient fait en Angleterre.

26. Qu’il a pris Belle-garde, afin qu’à cet exemple les François
regardent son Emmence Mazarine de ventre à terre, cõme
il pretend ; mais vers Bordeaux & en plusieurs endroicts, l’on
luy dit, n’en as tu point d’autres.

27. Qu’il a par ses finesses voulu surprendre les Parisiens, ayãt
fait distribuer à dessein au menu peuple quelque bled de sa part à
mesme temps que les trois Princes furent emprisonnez, cette distribution
portant aux despens de ses Partisans, qu’il ne duppe
pas moins par cette addresse, leur disant que c’estoit à cette heure
qu’il tenoit M. le Prince garand des Bourde lois, qui les chastieroit
bien, afin de trauailler apres librement aux affaires du
Roy : c’est ainsi qu’ils appellent les affaires des monopoles, &
& qu’en distribuant ces bleds, il attireroient l’affection des peuples
vers luy, & la haine sur ce Prince, faisant entendre qu’il vouloit
perdre Paris, & partager l’Estat ; mais quelque solicitation
que ces maudits partisans ayent fait, soit en donnant ces grains
là, soit vers les autres peuples pour les gaigner, l’on ne laisse pas
d’y crier hautement, point de Mazarin, & d’y dire de plus. Qu’ils
ont grand tort, & qu’il n’en falloit pas faire à deux, c’est à dire,
qu’ils se repentent bien fort de ne s’estre point saisi & emparé de
sa personne, apres auoir fait rendre celles de Brousselles & le
Naiu, Conseillers en Parlement ; ou se sauuera-t’il donc ? puis
qu’il est hay de Dieu & des hommes.

28. Qu’il a fait perir des Armées, & laisse expressement
prendre des Villes, afin d’entretenir plus long temps la guerre
pour se faire redouter ; & à present il abandonne, non seulement
la Catalogne, mais encore hazarde plusieurs Prouinces de ce
Royaume.

29. Qu’il pretend par sa tyrannie venir à bout des vns, les

-- 14 --

faisant seruir d’exemple, tandis que les autres seront contraints
de le reclamer, & de luy obeir par force, faisant parade qu’il peut
tout souz ce pretexte de l’authorité Royale, dont il se couure
abusiuement & criminellement.

 

30. Mais nous voyons bien aussi qu’il traitte les Princes de
mesme air qu’à fait le Marquis d’Ancre de sa nation ; Tant y a
que ceux qui de nous feront vn bon haraut sur sa personne, rendront
vn signalé seruice au Roy & à toute la France ; & outre
cela, acquerront en propre les piereries qu’il tient sur luy par precaution,
& quoy qu’en peu de contenance, neantmoins de la
valeur de quinze millions ainsi que les Orphevres & les autres
personnes qui se meslent d’en vendre ont donné memoire qu’il
en a fait achepter pour ce prix-là, lors de la guerre de Paris,
dans le dessein qu’il prit d’en faire sortir le Roy, comme vn
chacun sçait.

30. Qu’auoit fait Boutellier, pour luy auoir osté la Sur-Intendance,
sinon qu’il n’a pas voulu adherer aux volontez du
Mazarin.

31. Qu’a fait Chauigny pour l’auoir obligé de se demettre de
sa charge de Secretaire d’Estat du Ministere, & du gouuernement
du Bois de Vincennes, sinon la mesme chose.

32. Pourquoy a t’il fait porter le President Bailleul de se demettre
de sa Sur-Intendance, sinon qu’il n’a peu rien gaigner
sur sa probité.

33. Qu’a fait le Mareschal de la Motte, qu’il a si mal-treté,
sinon de ne vouloir point faire ce qu’il desiroit.

34. Qu’a fait-le Duc de Guys, n’a-il pas fait ce à quoy le
Mazarin l’a porté, l’ayant flatté de l’espoir d’vn grand secours,
pour luy faire entreprendre l’affaire de Naples, où il l’a laissé
embarassé.

35. Qu’auoit fait le Duc de Beaufort pour luy auoir fait souffrir
vne si longue prison, & d’auoir prins dessein de se deffaire de
sa personne, soit par poison ou autrement : Que luy à fait le Coadiuteur
de Paris, qu’il menasse de faire écarteler, selon son
terme ordinaire : & qu’elle seureté peuuent pretendre ces deux

-- 15 --

personne d’vne ame si noire & si perfide, qui ne cherche que de
leur faire piece à son tour & vne Mazarinade, quelque posture
ou grimasse qu’il leur fasse.

 

36. Que luy auoit fait le President Barillon sinon de luy faire
accroire qu’il auoit eu quelque intelligence auec le Duc de
Beauforr.

37. Mais que luy auoit fait le bon homme de Brousselles & le
Nain, Conseillers au Parlement de Paris, qu’il fit ainsi enleuer
au sortir du Te Deum, qu’on venoit de chanter pour la quatriesme
Bataille gaignee par le Prince de Condé, sinon d’estre zelez
pour leur patrie & le seruice du Roy.

38. Que luy a fait le Mareschal Ranzau, qu’il a fait emprisonner,
sinon de n’estre point voulu venir lors de la guerre de Paris,
ainsi que le Mazarin le vouloit.

39. Que luy a fait Perrant. Intendant du Prince de Condé, &
President des Comptes, pour l’auoir fait emprisonner, sinon à
fin de l’empescher d’agir, & de descouurir les artifices & trahisons
dont Mazarin vse contre le Prince de Condé son Maistre.

40. Qu’à fait la Riuiere, sinon que le Mazarin apprehendoit
en ce rencontre qu’il le pourroit nuire en esclaircissant Son Altesse
Royale de tant de fourbes & de ruses, dont luy-mesmes a esté
traitté & flatté du Chapeau de Cardinalat, pour tant d’aggrables
suruices qu’il luy a rendus.

41. Qu’à fait le Chancelier pour l’auoir disgracié sinon d’auoit
plusieurs fois representé au Mazarin qu’il estoit necessaire de
moderer les choses.

42. Mais nous vous prions qu’auoit fait les peuples de Paris,
Roüen, Bourdeaux & Aix que d’auoir repoussé ses tyrannies,
comme l’on fait encores vers Bourdeaux ; Ville qui a esté obligée
pour le seruice du Roy, pour son salut, de se deliurer des entraues
du Chasteau Trompette, comme elle le declare par le
Manifeste qu’elle a publié.

43. Qu’à fait Madame de Longueville qu’il a persecutée par
ce qu’elle alloit reclamer la Iustice au Parlement de Rouen.

44. Qu’à fait la Princesse de Condé Doüairiere, pour estre

-- 16 --

exilée, & pour estre empeschée de pour suiure sa requeste au Parlement
de Paris, tendant à faire le procez aux trois Princes ses
enfans, conformément à la Declaration du mois d’Octob 1648.
apres qu’vne infinité de personnes ont iouy du benefice de cette
Declaration qui donne la seureté publicque.

 

45. Qu’ont fait la Princesse de Conde & le Duc d’Anguien
sou fils pour estre persecutez si cruellement par ce scelerat, &
pour auoir esté obligee de se refugier en vne ville frontiere du
Royaume. Et qu’à fait son fils qu’il faille que le Mazarin aye
osté le Roy de Paris, où la presence de sa Maiesté est si necessaire,
veu que la France est assaillie à main-armée pour le conduire
à Bourdeaux, afin qu’à la presence & saueur du Roy il puisse
faire declarer cette ville criminelle, & la prendre encore qu’elle
soit au Roy, pour auoir receu comme nous auons dit, cette Princesse
& son fils le Duc d’Anguien, Ville qui s’estimeroit criminelle
& tres inhumaine si elle ne les auoit pas receus comme elle
a fait, auec tres-grande affection & compassion de la misere de
ces illustres personnes qui doiuent estre si cheres & si precieuses
à toute la France, ruinee & bouleversée par le ministere infame
Estrangere, qui pour se venger des Bourdelois, quoy que tre-fideles
& tres zelez au seruice du Roy, ne laisse pas de risquer
tout, iusques aux personnes de leurs Maiestez & celle du Duc
d’Aniou, qu’il conduit en la ville de Libourne, où la peste est, &
la famine extreme.

Il faudroit vn tres-gros volume pour descrire tous les crimes
de cét homme, de qui les meschancetez execrables ne trouuent
point de termes que soibles & peu significatifs.

De dire qu’il ruine le Royaume, qu’il met à feu & à sang cela
n’est pas assez nous ressentons plus de maux de cét homme que
nous n’en pouuons dire.

Enfin nous nous deuons esueiller, desabuser & porter nos pensées
pour l’execution d’vne Requestes des trois Estats publiée à
Paris qui porte que le Mazarin sera pris au corps, & pour l’Arrest
de la condamnation donné par le Parlement de Paris.

A quoy tient-il donc, que nous n’allions fondre dans les prisons

-- 17 --

pour deliuret les Princes, afin qu’en leur presence & par
leur assistance l’on puisse l’autheur de tant & de si detestables
crimes capitaux.

 

Cher François, Nous te conjurons de donner
cecy à lire à tous ceux que tu pourras, afin que
ceux qui agissent en faueur du Mazarin, ou qui le
setuent de leurs personnes, connoissent que c’est
souz des pretextes déguisez & faux, & que la posterité
leur reprochera qu’ils auront trempé leurs
mains dans le sang de leurs parens & Compatriotes,
pour faire reussir la tyrannie d’vn Estranger, laquelle
tomberoit fut eux aussi bien que sur ceux qui la
repoussent en rendent des veritables sentimens au
Roy & à l’Estat.

Et vous qui voulez acquerir de l’honneur par les
Armes, considerez le sensible desplaisir que le Chevalier
de la Valette a eu de mourir dans ce party d’vn
coup receu à l’Isle S. George : & la satisfaction &
l’honneur qui demeure à la memoire de ce Caualier
Richon, d’estre mort pour le seruice du Roy & celuy
de sa propre patrie, comme tesmoigne son
Eloge Fvnebre, auec la benediction de tous les gens
de bien.

SubSect précédent(e)


Anonyme [1651], LES QVARANTE-CINQ FAICTS CRIMINELS DV C. MAZARIN, QVE LES PEVPLES instruits addressent à ceux qui ne le sont point. , françaisRéférence RIM : M0_2931. Cote locale : C_11_17.