Anonyme [1649], LES HORRIBLES CRVAVTÉS FAITES DANS LES PROVINCES de France, par les gens de guerres d’Erlach & autres. , françaisRéférence RIM : M0_1668. Cote locale : C_5_55.
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Horribles Cruautez faites dans la
Champagne par les gens
d’Erlach.

IEAN Sauoye du Bourg Tourelle proche de
Rheims, s’estant retiré dans vn toict à porc auec
toute sa famille, peur de la fureur de quatre Allemans,
ont demeuré trois iours dans ledit toict sans
manger, les Allemans se promenant dans la Cour
entenderent qu’il y auoit quelqu’vn dans le toict,
mirent cinq ou six botte de paille allumée à la porte
esperant qu’ils sortiroient aussi tost : mais les
pauures gens n’ayant pas la force furent étoufés de
la fumée.

Dans le mesme village François d’Aubry fut

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liez pieds & mains, vn baillon dans la bouche, laquelle
mourut pendant que l’on forçoit ces deux
belle filles l’vne agée de dix ans, & l’autre de treize
lesquelles sont mortes deux heures apres.

 

Au mesme village fut attachee vne vieille femme
à la cheminée, luy brulerent la plante des pieds
auec vne pelle toute rouge, & la nature pour luy
faire dire où elle auoit son argent, mourut en mesme
temps.

Dans ledit village de Tourelle l’Eglise y a esté
pillée, beaucoup de personnes qui s’y estoient retirées
ont esté massacrees, violées dans ladite Esglise.

Les villages d’autour la Riuiere Dattigny tous
brulez, beaucoup de Bourgeois & païsans ont esté
martyrisez par ces démons, comme vous pouuez
voir cy-apres.

Vn nommé Darbois fut pendu dans sa maison
auec toute sa famille, à la reserue de sa fille qui fut
violée par plusieurs Allemans.

Au village de Machaut, ils ont massacré quantiré
de personnes, bruslé la pluspart des maisons,
pillé l’Eglise, violé les filles de toute age de sept
à huict ans.

Vous sçauez que le Chasteau de sainct Lambert
où estoit Monsieur de Ioyeuse a esté forcé, pillé,
& ont massacré toutes les personnes qui estoient
dedans.

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Ces mal-heureux Allemans pires que des Diables,
coëfferent vne chevre, la mirent entre deux
draps dans vn lict, & enuoyerent querir le Curé
pour luy faire bailler le S Sacrement à la chevre : le
Curé reconnoissant la malice de ces abominables
refusa en mesme temps de luy bailler, ces Allemans
voyant qu’il ne vouloit pas, le firent mourir
d’vne mort que ie n’ose vous descrire tant elle est
cruelle.

Cinq païsans se sauuans dans vn bois furent attrappés
par plusieurs Allemans, qui n’estoient pas
encore assouuis de sang, les pendirent à vn arbre,
les firent mourir à coup de pistolets.

A trois lieuës de Rheims ils ont entré dans l’Eglise
du village qu’ils ont pillé, & ont tiré quantité
de coups de pistolets contre la Saincte Hostie auec
des blasphemes abominables, & ont fait leur ordure
sur les Autels.

Dans le mesme village ils entrerent dans la maison
d’vn nommé François Viuien, le trouuant encore
dans son lict auec sa femme, ils le prirent &
luy bruslerent la plante des pieds pour luy faire
confesser où estoit son argent. Ce pauure homme
fut contraint de le dire, de dépit qu’ils auoient de
ce qu’ils n’y en auoit pas beaucoup le firent mourir
à petit feu, prirent en suitte sa femme luy bruslerent
aussi la plante des pieds, pour luy faire découurir
encore quelque chose. Ne sçeurent tirer aucune

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parole d’elle, sinon qu’elle disoit tousiours, mon
Dieu ayez pitié de moy, les barbares voyant cela
luy mirent de la poudre à canon dans la nature, &
y mirent le feu, mourut peu apres.

 

Au mesme village, Iacques Bourlon fut attaché
à vn morceau de bois pied & mains, pour luy
faire descouurir les caches d’argent qu’il y auoit
dans le village : voyant qu’il n’en sçauoit point, le
fouëtterent l’espace d’vn quart-d’heure, puis luy
fendirent le ventre, luy arracherent le cœur, le
ietterent à vn chien qui ne le voulut pas manger.

Plusieurs Prestres, ont esté dépoüillés tout nûs
leur attachant des chats sur le dos, & les ont foüeté
iusques à ce qu’ils furent tous escorchés ; puis les
attacherent à la queuë de leurs cheuaux les traisnant
par le village.

Vous sçauez qu’ils ont entré dans la Chapelle
de nostre Dame de Benoist le Vaux, où il ont tout
pillé, & ont pris l’image de la Vierge & l’ont
couppée par morceaux auec des haches, & l’ont
mis dans le feu ; il se faisoit quantité de miracles
dans ladite Chapelle.

Vn ieune homme tachant de se sauuer auec sa
femme dans vn bois, fut attrapé d’vn Allemant
lequel luy bailla vn coup de hache sur la teste qu’il
luy fendit iusques au col, il voulut forcer la femme
apres, laquelle ayma mieux souffrir la mort : elle
receut de ce miserable deux coups d’espée dans

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la mamelle, mourut disant mon Dieu pardonnés
moy mes fautes.

 

Les femmes & les filles de tous aages y ont
esté violées, sans y épargner aucune dedans les
Eglises, il s’y fait de plus grands masacres que dans
d’autres lieux, d’autant que beaucoup de personnes
s’y retire, ils y font toutes sortent de malice par
où il passent ils bruslent tout, la puanteur y est fort
grande à cause de la quãtité de personnes qui sont
morts, il y meurt aussi quantité de personnes de
soif, d’autãt qu’il n’y a que de l’eau infectée a cause
qu’il ont ietté quantité de corps dans les puits.

Proche de Farcy ont entré dans vne Eglise qui
estoit assez bien ornée, à cause de la Feste qui auoit
esté le iour precedant, lesquels pillerent tout
à la reserue des saintes Hosties, il y en eut vn pire
qu’vn Diable qui tira vn coup de mousquet contre
le Crucifix, & en suite tous les autres iusques à ce
qu’il tomba à terre : dans la Chappelle il y auoit
plusieurs femmes & filles, ils violerent les plus belle,
les autres les fouëterẽt iusques au mourir : celles
qui auoient esté violées furent liés à la queuë de
leurs cheuaux, mirent le feu à la Chappelle & s’en
allerent. Que dis-tu cher Lecteur n’as-tu le cœur
saisi, ne tremble tu pas en toy mesme, faut-il
qu’vn Dieu souffre pour vn mauuais Ministre qui
est l’Autheur de tous ces mal’heurs Ces gens pires
que des Diables ont pris & emmené quantité de

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Dames de condition, & fille dans leur Camp qui
seruent d’esclaues à ces endiablez.

 

Il ne faut plus parler de la pauure Champagne
puis que l’on n’acheue de tout ruiner, il ne reste
plus que quelques grains qui sont sur la terre, que
ces enragez font manger à leurs cheuaux, Parisiens
prenez garde à vous.

Dans la Picardie, ils commencent à en faire autant
comme ils ont fait dans la Champagne, il ont
desia pillé, massacré, violé, tous les villageois se
retirent dans les villes principales, cõme Corbie,
saint Quentin, Peronne, tout y est cy plain de pauures
villageois qui se sauuent auec leurs bestiaux.
Il y va tant de monde qu’ils sont cõtraints de coucher
dans les ruës, dessus le paué, dessous les auvans,
le froid y est si grand que chacun crie desia
misericorde iusques aux petits enfans, la cherté de
viures y est bien grande, il y meure quantité de
monde de pauureté.

Dans l’Anjou & pays du Maine ; ie ne vous puis
décrire le dégast qu’il s’y fait, les massacres des gens
de guerre, les villageois abandonnent tout, le vol
ny est pas espargné, le viole, le brulement des maisons,
tout est en fuitte, il y a des seconds Allemans
bien qu’ils soient François de nation. Chose pitoyable
à voir, il vaudroit mieux perir tout d’vn
coup que tant languir ; Ie raporteray vne histoire
en passant, qui n’est pas moins pitoyable que les
autres cy-deuant.

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Vne femme nommée Denise Baudoüin, se
pensant sauuer auec sa fille dans la ville d’Angers,
comme font à present tous les habitans des villages,
se trouuant entre les mains de nos desnaturez
& demons deschainez, ils prirent, cette femme
luy osterent tout ce qu’elle auoit sur elle, la lierent
toute nuë, la foüetterent de brins d’arbres, la fille
fut violée deuant sa mere, puis en ayant fait à leur
volonté la lierent à vn autre arbre, la foüetterent
cõme sa mere, sur ces entrefaites passa par là deux
bons Religieux, lesquels voulant appaiser la furie
de ces barbares qui ne peut seruir qu’à augmenter
leur furie d’auantage qu’auparauant, ils
prirent les deux Religieux les lierent aussi à vn arbre,
& cependant que l’on fustigeoit les deux Religieux
la mere & la fille rendirent l’esprit, & laisserent
les deux Religieux pour morts. Ie ne vous
parleray pas des tortures qu’ils exercent pour se
faire donner de l’argent, trop horribles à d’escrire,
marchons à Bordeaux où tout cette Prouince est
en vn déplorable estat.

Dans Bordeaux il y a eu quantité de belles Eglises
brulées, & grand nombre de personnes qui
ont finy leur vie tant du feu que des flammes, où
elle est encore à present en grande desolation, encore
à present vous ny voyez que des flammes de
feu, des embrasemens qui esclairent les Monts &
les vallées, vous n’y entendez que des cris des pauures

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habitans, tant de villages bruslez, tant de pauures
villageois qui abandonnent leurs biens qu’il
laissent à la protection des soldats, vous ne trouuez
dans les chemins que des corps morts tant grands
que petits, d’autres petits enfans dans les chemins,
les villages d’autour de Libourne sont tous perdus,
c’est vn pays de desolation & de tristesse.

 

Voila l’estat deplorable de la pauure France
exercée par des Tyrans qui acheuent de la perdre
entierement ; voila de belles exemples pour Paris
qui tousiours dors, l’on a beau le pousser & l’aduertir
du malheur qui luy doit arriuer ; il bouche
l’oreille, & ne veut pas entendre les cris & cruautez
des pauures Prouinces qui languissent. Mon Dieu,
puisque Paris est si endormy veillez pour luy, & le
deffendez du malheur dont il est menacé : Illustre
Parlement veillez donc, s’il vous plaist, pour le
soulagement du peuple, & considerez l’estat deplorable
de toutes les Prouinces, soyez le soulagement
du pauure peuple languissant, est-ce pas
assez pâtir & souffrir pour vn homme de neant qui
vient de loing, pour vn Ministre estranger qui
trouble tout l’Estat, qui de long-temps ne pourra
estre en repos, qui ne cherche autre chose que de
vous faire perir & toute la France : Ie prie Dieu que
son dessein ne puisse reussir.

FIN.

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